B.O.I. N° 72 DU 3 AOÛT 2010
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
10 D-1-10
N° 72 DU 3 AOÛT 2010
INSTRUCTION DU 16 JUILLET 2010
DROIT DE LA PUBLICITE FONCIERE
CONSEQUENCES DE LA NON-IMMATRICULATION AU 1ER NOVEMBRE 2002 DES SOCIETES CIVILES
CONSTITUEES AVANT LE 1ER JUILLET 1978. COUR DE CASSATION - 3EME CHAMBRE CIVILE - ARRET N° 08-14762
DU 1ER JUILLET 2009.
NOR : BCR Z 10 00056 J
Bureau GF-3B
PRESENTATION
Les sociétés civiles constituées avant le 1er juillet 1978 doivent s'être immatriculées au registre du commerce et des sociétés avant le 1er novembre 2002 pour conserver leur personnalité morale. Deux instructions en date des 10 mai 2004 (BOI 10 D-2-04 ) et 6 juin 2005 (BOI 10 D-2-05 ) ont précisé les conséquences de la perte de la personnalité morale de ces sociétés en matière de publicité foncière. Par un arrêt rendu le 1er juillet 2009 n° 08-14762 (cf annexe), la 3ème chambre civile de la Cour de cassation remet en cause les modalités de contrôle par le conservateur des hypothèques de l'identité de ces sociétés. La présente instruction analyse la portée de cette jurisprudence. • |
||||
I. Situation antérieure
1.L'article 44 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques a institué l'obligation pour les sociétés civiles, créées avant le 1er juillet 1978, de s'immatriculer au registre du commerce et des sociétés (RCS). Cette procédure supprime le régime dérogatoire dont ces sociétés civiles bénéficiaient jusque là par application de l'article 4 de la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978. L'immatriculation doit avoir été effectuée avant le 1er novembre 2002 sous peine de perte de la personnalité morale de ces sociétés.
2.L'instruction en date du 10 mai 2004 (BOI 10 D-2-04 ) a précisé dans ses numéros 14 à 20 les modalités de contrôle de l'immatriculation des sociétés civiles au RCS.
De la même manière que pour les autres sociétés soumises à immatriculation au registre du commerce et des sociétés, la mention RCS suivie du nom de la ville où se trouve le greffe où la société est immatriculée est exclue du contrôle de l'identité des sociétés civiles constituées après le 1er juillet 1978 dès lors que le document déposé fait apparaître le numéro SIREN (n° 16, 17 et 18).
Par contre, s'agissant de la première formalité postérieure au 1er novembre 2002 intéressant une société civile créée avant le 1er juillet 1978, l'instruction prescrit de notifier une cause de rejet lorsque l'identification d'une société civile créée avant le 1er juillet 1978 ne comporte pas la mention RCS.
Lors des formalités ultérieures intéressant cette société civile, le contrôle est limité à la dénomination et au numéro d'identité (n° 19 du BOI 10 D-2-04 ).
3.L'instruction 10 D-2-05 indique (n° 20) l'attitude qu'adopte le conservateur à l'occasion d'inscriptions et d'actes de procédure portant sur des biens immobiliers inscrits à l'actif des sociétés civiles ayant perdu leur personnalité morale.
Elle précise que, lorsque la formalité est requise sur l'immeuble inscrit au fichier immobilier au nom de la société civile non immatriculée, l'absence dans le document (bordereau d'inscription, commandement valant saisie) de la mention obligatoire d'immatriculation au RCS justifie la notification d'une cause de rejet (articles 2428 du code civil , 6 et 34 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955).
II. L'arrêt rendu par la 3ème chambre civile de la Cour de cassation le 1er juillet 2009
4.Sur le fondement des dispositions combinées des articles 6 et 34 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, et conformément aux dispositions précitées du BOI 10 D-2-05 , le conservateur des hypothèques avait rejeté la formalité d'inscription d'un bordereau d'hypothèque judiciaire prise par un syndicat de copropriétaires à l'encontre d'une SCI créée avant le 1er juillet 1978 et non immatriculée au RCS.
5.Cette décision fut annulée par une ordonnance du tribunal de grande instance (TGI) de Paris, confirmée par la Cour d'appel de Paris sur le fondement du 2 de l'article 6 précité, non modifié par la loi du 15 mai 2001, qui prévoit que le certificat d'identité d'une personne morale non inscrite au répertoire SIREN est complété d'une mention attestant de cette situation. Par ailleurs, elle ajoute que le conservateur avait pu effectuer les contrôles prévus à l'article 34 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955.
6.La Cour de cassation a confirmé l'arrêt de la Cour d'appel de Paris mais sans se prononcer sur les éléments d'identification d'une personne morale.
Elle a en effet considéré « qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, qu'il n'était pas contesté que la SCI était propriétaire de l'immeuble concerné, qu'elle était bien débitrice du syndicat des copropriétaires qui disposait d'un titre exécutoire contre elle et que le conservateur avait pu effectuer les contrôles prévus à l'article 34 du décret du 14/10/1955 , la cour d'appel a exactement déduit de ces seuls motifs, que la décision du conservateur devait être annulée ».
7.La Cour de cassation réaffirme le principe selon lequel le conservateur des hypothèques n'est pas juge du fond du droit et n'a pas à remettre en cause l'apparence des droits d'une société sur un immeuble tels qu'ils résultent notamment d'actes précédemment publiés.
III. Les conséquences de l'arrêt sur les règles de contrôle de l'identification des sociétés civiles anciennes non immatriculées au RCS dans les formalités soumises à publicité foncière
8.Ainsi, il n'y a pas d'échec à la publication ou à l'inscription des formalités requises sans le consentement d'une société civile créée avant le 1er juillet 1978 et non immatriculée avant le 1er novembre 2002, sur un immeuble inscrit au fichier immobilier à son nom, au motif qu'elle est désignée dans l'acte ou le bordereau sans la mention d'immatriculation au RCS.
La règle s'applique également aux actes de disposition clôturant les procédures de saisie.
Dans les cas évoqués ci-dessus, dès lors que la société civile est identifiée au fichier immobilier comme étant propriétaire du bien désigné dans l'acte, le conservateur ne saurait exiger la mention de l'immatriculation de la société au RCS et le contrôle de l'identité s'effectuera de la manière définie aux n° 46 et suivants du BOI 10 D-2-98 .
9.La circonstance que la société civile dispose ou non d'un numéro SIREN est à cet égard sans incidence dès lors que les prescriptions en la matière, énoncées à l'article 6 du décret du 4 janvier 1955, sont respectées (présence dans l'acte du numéro SIREN ou à défaut mention dans le certificat d'identité de la justification de cette absence).
10.La solution mentionnée au 2ème paragraphe (1er tiret) du n° 20 du BOI 10 D-2-05 est donc rapportée.
Instructions liées : BOI 10 D-2-04 et BOI 10 D-2-05
Le Sous-Directeur
Thierry DUFANT
•
ANNEXE
Cour de cassation
Chambre civile 3
1er Juillet 2009
Rejet
N° 08-14.762
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 février 2008) que le 13 février 2007, M. X..., conservateur des hypothèques du huitième bureau de Paris, au visa des articles 6 et 34 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, a rejeté une demande d'inscription d'hypothèque judiciaire formée par le syndicat des copropriétaires du 118 avenue Victor Hugo à Paris 16e, à l'encontre de la société civile immobilière Foncière D. Boussac, en l'absence de la mention d'immatriculation de cette société au registre du commerce et des sociétés ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'annuler la décision de rejet de la formalité, alors, selon le moyen :
1°/ que tout acte ou décision judiciaire soumis à publicité dans un bureau des hypothèques doit contenir, sous peine de rejet de la formalité, la mention RCS des personnes morales assujetties à l'obligation d'immatriculation ; qu'en décidant que la loi avait prévu le cas où la société n'était pas immatriculée, alors que la loi vise exclusivement le défaut d'inscription au répertoire des entreprises, distinct du défaut d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, la cour d'appel a violé les articles 6.1, 6.2 et 34.3 a) du décret du 4 janvier 1955, ainsi que l'article 34.1 du décret du 14 octobre 1955 ;
2°/ que les sociétés non immatriculées au registre du commerce et des sociétés avant le 1er novembre 2002 ont perdu, à cette date, la personnalité juridique ; qu'en décidant que la SCI Foncière D. Boussac était bien propriétaire du bien immobilier objet de l'inscription d'hypothèque judiciaire, alors qu'il ressortait de ses propres constatations que l'absence d'immatriculation avait eu pour conséquence de lui faire perdre la personnalité juridique, de telle sorte qu'elle ne pouvait être propriétaire du bien immobilier sur lequel l'inscription hypothécaire était requise, et que le conservateur était tenu de rejeter la formalité requise, compte tenu de la discordance existant avec le fichier, la cour d'appel a violé les articles 1842 du code civil, 4 de la loi 78-9 du 4 janvier 1978 et 44 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 ainsi que les articles 34.3 b) du décret du 4 janvier 1955 et 34.1 du décret du 14 octobre 1955 ;
3°/ que le conservateur des hypothèques doit rejeter la formalité requise lorsqu'il constate l'omission d'une des énonciations prescrites par les articles 5, 6 et 7 ou lorsqu'il constate une discordance entre, d'une part, les énonciations relatives à l'identification des parties et, d'autre part, les énonciations correspondantes contenues dans les titres déjà publiés ; qu'en ordonnant la formalité requise au motif que le créancier était dans l'impossibilité de publier un acte déclaratif constatant l'indivision entre associés ensuite du défaut d'immatriculation au RCS de la SCI Foncière D. Boussac, alors que la discordance entre le document déposé et les documents publiés antérieurement entraîne le rejet de la formalité requise, rejet qui s'impose au conservateur des hypothèques comme au juge, la cour d'appel a violé les articles 34.3 du décret du 4 janvier 1955 et 34.1 du décret du 14 octobre 1955 ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, qu'il n'était pas contesté que la SCI était propriétaire de l'immeuble concerné, qu'elle était bien débitrice du syndicat des copropriétaires qui disposait d'un titre exécutoire contre elle et que le conservateur avait pu effectuer les contrôles prévus à l'article 34 du décret du 14 octobre 1955, la cour d'appel a exactement déduit de ces seuls motifs, que la décision du conservateur devait être annulée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille neuf.