B.O.I. N° 109 du 29 JUIN 2006
II. Erreurs relatives à l'évaluation d'éléments de l'actif immobilisé
43.La règle de l'intangibilité du bilan d'ouverture définie au premier alinéa du 4 bis de l'article 38 ne s'applique pas non plus aux erreurs résultant de la déduction en charges de dépenses qui auraient dû être incorporées au coût de revient des immobilisations.
Sont visés les frais ou charges mentionnés à l'article 38 quinquies de l'annexe III qui ont été comptabilisés à tort en charges au titre d'un exercice prescrit à la date de notification de la proposition de rectification (Cf. pour plus de précisions sur la nature de ces frais ou charges, documentation de base 4 C 21 en date du 30 octobre 1997).
44.Exemple :
Soit une entreprise ayant mis en place une nouvelle ligne de production dont l'installation a démarré au début de l'année 2003 et s'est achevée le 1 er mars 2004. Au 31 décembre 2003, date de clôture de l'exercice 2003, cette ligne de production était valorisée parmi les immobilisations en cours pour un montant de 450 000 euros. A la clôture de l'exercice 2004, cette ligne de production est valorisée pour un montant de 520 000 euros.
Cette entreprise fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période 2003-2004 au début de l'année 2006. Au cours du contrôle, il est découvert que cette entreprise a omis d'incorporer dans le coût de revient de cette immobilisation une fraction de la rémunération de deux membres de son équipe informatique qui sont intervenus en 2003 et 2004 dans le cadre de l'installation de cette ligne de production.
Après reconstitution, il s'avère que le coût de revient de cette immobilisation aurait dû être majoré en 2002 d'un montant de 15 000 euros et, en 2003, d'un montant de 22 000 euros.
La non-incorporation dans le coût de revient de cette immobilisation de ces frais de personnel a, par conséquent, entraîné une sous-estimation de l'actif net :
- de clôture des exercices 2003 et 2004 d'un montant de 37 000 euros (15 000 € + 22 000 €) ;
- de clôture de l'exercice 2002, correspondant à l'actif net du bilan d'ouverture de l'exercice 2003, d'un montant de 15 000 euros.
L'application combinée du principe de correction symétrique et des dispositions du troisième aliéna du 4 bis de l'article 38 conduit à une majoration du bénéfice imposable de l'exercice clos en 2003 de 22 000 euros [37 000 € - 15 000 € (au titre de la correction symétrique)]. Les conséquences de la correction de l'actif net du montant des frais de personnel engagé en 2002 doivent être rattachées au titre de cet exercice, prescrit à la date de notification, et n'emportent donc aucune conséquence fiscale pour l'entreprise.
45.En cas de vérification de comptabilité, les omissions ou erreurs visées par cette disposition et constatées par le service de vérification peuvent être mentionnées pour information sur la proposition de rectification adressée à l'entreprise.
III. Omissions d'éléments de l'actif immobilisé
46.Enfin, la règle de l'intangibilité du bilan d'ouverture définie au premier alinéa du 4 bis de l'article 38 ne s'applique pas aux erreurs résultant de la déduction en charges de dépenses qui auraient dû être immobilisées.
Sont concernées les dépenses représentatives d'éléments de l'actif immobilisé ou entraînant une augmentation de la valeur d'un élément de l'actif immobilisé qui ont été comptabilisées en charges au cours d'exercices prescrits, alors qu'elles auraient dû être inscrites à l'actif (Cf., pour plus de précisions sur la nature de ces dépenses, documentation de base 4 C 2111 et 212 en date du 30 octobre 1997).
47.Exemple :
Soit une entreprise ayant acquis en 2006 une autorisation administrative auprès de son précédent titulaire moyennant le versement d'une somme de 75 000 euros. Le droit ainsi acquis en 2006 s'éteint fin 2014 et est cessible.
En 2006, l'entreprise a comptabilisé cette somme parmi ses charges. L'entreprise fait l'objet d'une vérification de comptabilité courant 2010 qui porte sur les exercices clos en 2007, 2008 et 2009.
Conformément à la jurisprudence du Conseil d'Etat (CE du 21 août 1996, req. n° 154-488, SA Sife), ce droit acquis en 2006 constitue un élément incorporel à immobiliser et aurait donc dû être inscrit à l'actif du bilan pour une valeur de 75 000 euros.
Toutefois, l'application combinée du principe de correction symétrique et des dispositions du troisième aliéna du 4 bis de l'article 38 conduit à rattacher cette sous-estimation de l'actif net au titre de l'exercice clos en 2006, qui est prescrit en 2010, et donc à ne tirer aucune conséquence fiscale de cette erreur.
Cas particulier : Biens acquis moyennant le versement de redevances
48.Pour les biens acquis moyennant le versement de redevances, l'application combinée du principe de correction symétrique et des dispositions du 4 bis de l'article 38 conduit à rectifier le résultat des exercices non prescrits de la variation d'actif net résultant de la différence entre la valeur estimée du bien et le montant des dettes correspondant à l'estimation des redevances futures restant à payer. En pratique, cette variation de l'actif net au titre de chaque exercice non prescrit correspond au montant des redevances comptabilisées à tort en charges au cours de ces exercices.
Toutefois, il sera admis que cette variation positive de l'actif net soit compensée par l'amortissement que l'entreprise aurait pu pratiquer si elle avait comptabilisé, dès l'origine, ces biens à son actif. Or, il est rappelé que, conformément à la documentation administrative 4 D 1321 n° 41 en date du 26 novembre 1996, l'acquéreur est autorisé à pratiquer chaque année un amortissement d'un montant égal à celui de la redevance versée au cours de la même année.
Par conséquent, il convient de ne tirer aucune conséquence fiscale du défaut d'inscription à l'actif de biens amortissables acquis en période prescrite moyennant le versement de redevances. Il en est ainsi des redevances de concession de brevet acquis en période prescrite et comptabilisées à tort en charges.
En revanche, la déduction à tort au cours d'exercices non prescrits de redevances versées en vue de l'acquisition de biens non amortissables peut être remise en cause par le jeu de la correction symétrique et des dispositions de l'article 38-4 bis.
49.Exemple :
Hypothèses
Soit une entreprise ayant acquis en avril 2002 la concession exclusive d'un brevet pour une période de dix ans moyennant le versement d'une somme fixe de 15 000 euros à cette date et de redevances annuelles proportionnelles au chiffre d'affaires réalisé par l'exploitation de ce droit.
Il est supposé que ce droit est cessible. Le montant des redevances devant être payé au cours de la concession est estimé à la date d'octroi de la concession à 35 000 euros.
Au titre de l'exercice clos en 2002, l'entreprise a comptabilisé en charges la somme forfaitaire payée au cédant, ainsi que la redevance annuelle d'un montant de 2 000 euros. Elle a traité de la même manière les redevances versées au titre des exercices clos en 2003, 2004 et 2005 d'un montant respectif de 3 000 euros, 3 500 euros et 3 600 euros.
En 2006, cette entreprise fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2003, 2004 et 2005.
Solution
Conformément à la jurisprudence du Conseil d'Etat précitée (CE du 21 août 1996, req. n° 154-488, SA Sife), le droit concédé en 2002 aurait dû être inscrit à l'actif du bilan pour un montant correspondant à la somme fixe prévue au contrat augmentée de la valeur estimée des redevances annuelles à verser.
L'omission d'inscription à l'actif de ce droit ayant pour origine un exercice prescrit (2002), aucune conséquence ne sera tirée de cette erreur.
En effet, l'omission d'inscription à l'actif a eu deux conséquences différentes, sur le montant de l'actif net de clôture des exercices clos depuis 2002 :
- la minoration de l'actif à hauteur de la valeur estimée de ce droit concédé ;
- la minoration du passif à hauteur de la dette correspondant à l'estimation des redevances futures restant à payer et de l'amortissement de ce droit.
Toutefois, il sera admis que cette variation positive de l'actif net soit compensée par les amortissements que l'entreprise aurait pu pratiquer, soit, au cas d'espèce, un montant égal au titre de chaque exercice à celui des redevances.
Il s'ensuit que la correction de l'actif net de cette omission emporte les conséquences suivantes :
50.En cas de vérification de comptabilité, les omissions ou erreurs visées par cette disposition et constatées par le service de vérification peuvent être mentionnées pour information sur la proposition de rectification adressée à l'entreprise.
51.Les exceptions visées par les dispositions du troisième et quatrième alinéas et, plus particulièrement celles relatives aux omissions d'éléments de l'actif immobilisé, ne remettent pas en cause la possibilité de tirer les conséquences de ces omissions ou erreurs en matière de taxe professionnelle pour la détermination de la valeur locative des biens servant d'assiette à la taxe professionnelle.
52.A titre pratique, un tableau figurant en annexe n° 2 recense suivant la nature des omissions ou erreurs les cas d'application de la règle de l'intangibilité du bilan d'ouverture.
Sous-section 2 :
Conséquences de la correction comptable des omissions ou erreurs visées par les exceptions
53.En application des dispositions du quatrième alinéa de l'article 38-4 bis, les conséquences fiscales de la correction en comptabilité des omissions ou erreurs affectant l'actif du bilan, mais pour lesquelles le principe de l'intangibilité du bilan d'ouverture n'est pas applicable (Cf. n° 29 . ), sont neutralisées pour la détermination du résultat imposable au titre de l'exercice de régularisation et des exercices suivants.
En pratique, sont concernées par ces dispositions les erreurs ou omissions :
- relatives à l'évaluation d'éléments d'actif immobilisé (Cf. n° 43 . ) ;
- correspondant à la déduction en charges au cours d'un exercice prescrit de dépenses qui auraient dû être immobilisées (Cf. n° 46 . ) ;
- affectant l'évaluation des stocks ou des travaux en cours et commises plus de sept avant l'ouverture du premier exercice prescrit (Cf. n° 31 . ) ;
- correspondant à la dotation au cours d'exercice prescrit d'amortissements excessifs au regard des usages mentionnés au 2° du 1 de l'article 39 (Cf. n° 40 . ) ou à la dotation d'amortissements non justifés plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit (Cf. n° 31 . ).
Pour l'application des présentes dispositions, il convient de considérer que les erreurs relatives aux amortissements sont des erreurs affectant l'actif, quand bien même ces amortissements seraient comptabilisés au compte de provision pour amortissement dérogatoire.
54.En revanche, les omissions ou erreurs affectant le passif et bénéficiant de l'exception au deuxième alinéa de l'article 38-4 bis, telles que les erreurs relatives à des provisions dotées sept ans avant l'ouverture du premier exercice prescrit ou bien encore l'omission de reprise de dettes éteintes depuis plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice prescrit, ne sont pas visées par ce dispositif de neutralisation. A titre d'exemple, la reprise comptable de l'amortissement de caducité injustifié comptabilisé au passif plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit n'est pas neutralisée.
Ainsi, le produit comptable résultat de la rectification de ces erreurs ou omissions demeure imposable au titre de l'exercice de correction dans les conditions de droit commun.
A. AU TITRE DE L'EXERCICE DE CORRECTION COMPTABLE
55.Lorsque l'entreprise rectifie dans ses écritures comptables des omissions ou erreurs mentionnées aux deuxième et troisième alinéas de l'article 38-4 bis (Cf. n° 29 . ) qui affectent l'actif du bilan, le produit comptable résultant de cette rectification n'est pas pris en compte pour la détermination du bénéfice imposable de l'exercice au cours duquel est opérée cette rectification.
Corrélativement, lorsque les omissions ou erreurs sont relatives à des omissions ou insuffisances d'évaluation d'éléments de l'actif immobilisé, la régularisation au titre de cet exercice du montant des amortissements qui aurait dû être comptabilisés, ainsi que la majoration de la dotation de cet exercice résultant de cette rectification, voire le cas échéant de la provision pour dépréciation dotée sur l'élément d'actif rectifié, ne sont pas déductibles pour la détermination du bénéfice imposable.
56.Exemple :
Reprise de l'exemple présenté au n° 44 .
Par hypothèse, le service a adressé une proposition de rectification courant 2006 corrigeant le bénéfice imposable de l'exercice clos en 2003 d'un montant de 22 000 euros.
Il est supposé que l'entreprise régularise ses écritures comptables dès son exercice clos le 31 décembre 2006 en majorant le coût de revient de sa ligne de production des dépenses de son personnel informatique intervenues lors de la mise en place de cette nouvelle immobilisation, soit 37 000 euros.
Par hypothèse, la ligne de production est amortie sur 6 ans 2/3 selon le mode dégressif, soit un taux d'amortissement de 33,75 %.
Au titre de l'exercice clos en 2006, cette régularisation emporte les conséquences suivantes sur le résultat comptable :
- la constatation d'un produit exceptionnel résultant de l'inscription à l'actif de ces frais, soit 37 000 ;
- le rattrapage des amortissements qui auraient dû être comptabilisés depuis 2004, soit 19 381 euros (dotation de 2004 = 37 000 X 33,75 % X 10/12 = 10 406 + dotation de 2005 = (37 000 - 10 406) X 33,75 % = 8 975) ;
- la majoration de la dotation aux amortissements au titre de l'exercice 2006, 5 946 [(37 000 - 19 381) X 33,75 %].
Seule une partie de ces frais a bénéficié de l'exception mentionnée au troisième alinéa du 4 bis de l'article 38 : les frais engagés en 2003 pour un montant de 15 000 euros. Par conséquent, la majoration du bénéfice comptable correspondant à cette régularisation d'un montant de 11 673 euros [37 000 - (19 381 + 5 946)] n'est pas imposable pour la détermination du bénéfice imposable à hauteur de 40,54 % (15 000 / 37 000), soit un montant de 4 732 euros.
Par ailleurs, l'entreprise pourra également déduire pour la détermination de son bénéfice fiscal les frais de personnel engagés en 2002 pour un montant de 22 000 euros et qui ont déjà fait l'objet d'une proposition de rectification par le service courant 2006.
Il est rappelé également que l'entreprise retrouve, sauf dans les cas manifestement abusifs (notamment lors de manquements exclusifs de bonne foi, erreurs répétées ou graves), son droit de pratiquer un amortissement dans les conditions de droit commun dès l'inscription à son actif (Cf. réponses ministérielles Charmant, AN n° 8757 du 14 juin 1961 et Sergheraert, AN n° 8121 du 26 avril 1982). Au cas d'espèce, l'entreprise pourra donc déduire le rattrapage d'amortissements sur la somme de 22 000 euros : les dispositions de l'article 39 B ne lui seront pas opposées, dès lors qu'elle est de bonne foi.
57.L'application des dispositions du quatrième alinéa de l'article 38-4 bis et, plus particulièrement la non-imposition du produit comptable résultant de la correction des omissions ou erreurs, est subordonnée à la justification par l'entreprise que les omissions ou erreurs concernées peuvent bénéficier des exceptions mentionnées au deuxième ou au troisième alinéa du même article au titre de l'exercice de correction.
Bien entendu, si ces omissions ou erreurs ont été relevées par le service dans le cadre d'une vérification de comptabilité (Cf. n° 38 . ), l'entreprise n'aura pas à apporter la preuve que ces omissions ou erreurs entrent dans le champ des exceptions mentionnées au deuxième ou au troisième alinéa de l'article 38-4 bis.