Date de début de publication du BOI : 16/01/2007
Identifiant juridique :

B.O.I. N° 6 du 16 JANVIER 2007


INTRODUCTION


1.Le dispositif de l'article 209 B du code général des impôts a pour objet de dissuader les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés de localiser une partie de leurs bénéfices dans des entreprises ou des sociétés établies dans un Etat ou territoire situé hors de France où elles sont soumises à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A.

2.Le 28 juin 2002 dans un arrêt « Schneider Electric », le Conseil d'Etat a jugé qu'en présence d'une convention fiscale internationale, ce dispositif ne pouvait être mis en oeuvre que si la convention en prévoyait expressément l'application.

3.L'article 104 de la loi de finances pour 2005 adapte ce dispositif en conséquence. Il modifie également l'article 238 A du code général des impôts afin d'inclure dans le texte une définition de la notion de régime fiscal privilégié.

4.Sont dans le champ d'application des nouvelles dispositions de l'article 209 B, les personnes morales établies en France qui exploitent une entreprise ou détiennent, directement ou indirectement, une participation de plus de 50 % dans une entité établie hors de France, lorsque l'entreprise ou l'entité est soumise à un régime fiscal privilégié.

5.L'article 209 B dispose désormais que les bénéfices ou revenus positifs réalisés par une entité soumise à un régime fiscal privilégié sont réputés constituer des revenus de capitaux mobiliers de la personne morale établie en France.

6.Au sein de l'Union européenne, le dispositif est applicable aux seuls montages artificiels dont le but est de contourner la législation fiscale française.

7.Hors de l'Union, l'application du dispositif est fonction des revenus provenant d'opérations sur actifs financiers ou incorporels ou de prestations internes à un groupe.

8.Les nouvelles dispositions de l'article 209 B sont applicables à compter du 1 er janvier 2006 à raison des bénéfices ou des revenus de capitaux mobiliers des exercices clos en 2005 et réputés acquis en 2006 par une personne morale établie en France.

9.Un décret en Conseil d'Etat n° 2006-1309 du 25 octobre 2006 (J.O. du 27/10/06) précise les conditions d'application de ce dispositif.

10La présente instruction a pour objet de commenter ces dispositions législatives et réglementaires. Elle constitue l'ensemble des commentaires de l'administration relatifs à l'application de l'article 209 B du code général des impôts. Elle annule et remplace l'instruction du 17 avril 1998 (B.O.I. 4 H-3-98 ).

11.Remarque : sauf mention contraire, les articles cités dans cette instruction sont ceux du code général des impôts et de ses annexes.


CHAPITRE PREMIER :

ARTICULATION DU DISPOSITIF DE L'ARTICLE 209 B AVEC LES CONVENTIONS FISCALES INTERNATIONALES


12.Les dispositions de l'article 209 B sont applicables à raison des bénéfices ou des revenus positifs d'une entreprise ou d'une entité juridique établie hors de France et soumise à un régime fiscal privilégié.

13.L'incidence des conventions fiscales diffère selon que ces bénéfices ou revenus positifs sont réalisés par une entité juridique ou par un établissement stable.


Section 1 :

Revenus réalisés par une entité juridique


14.En application du 1 du I de l'article 209 B, les bénéfices ou revenus positifs réalisés par une entité juridique détenue majoritairement par une personne morale établie en France sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers imposable de cette dernière.

15.Conformément à l'article 102 SA III de l'annexe II, les « revenus positifs » s'entendent du profit net ou de son équivalent réalisé par une entité et qui, à raison du droit qui lui est applicable, n'est pas qualifié de résultat.

16.La qualification de revenus de capitaux mobiliers permet de pallier les difficultés issues de la jurisprudence « Schneider Electric » du Conseil d'Etat. En effet, réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers, ces revenus ne relèvent plus de l'article « bénéfices des entreprises » des conventions fiscales conclues par la France, qui réservent généralement l'imposition de ces bénéfices aux Etats dans lesquels sont implantés les filiales et établissements stables des entreprises françaises.

17.Ces revenus lorsqu'ils sont réalisés par des sociétés sont désormais régis par les dispositions de l'article « Autres revenus » des conventions fiscales et imposables à ce titre dans l'Etat de résidence de la personne bénéficiaire (CE Arrêts « Banque française de l'Orient » du 13/10/1999 et « S.A. Banque Polska » du 31/01/2001 n° 199543). En effet, dans la mesure où ils ne font pas l'objet d'un paiement effectif, ils ne tombent pas dans le champ de l'article 10 du modèle de convention fiscale OCDE relatif aux dividendes.

18.Les revenus réputés distribués par une entité soumise à un régime fiscal privilégié sont donc imposables dans le chef de la personne morale établie en France.

19.Bien entendu, le fait que les revenus dégagés par l'entité juridique soient réputés constituer des revenus de capitaux mobiliers n'a pas pour conséquence d'ouvrir droit au bénéfice des régimes de droit interne faisant référence à la notion de revenus distribués.


Section 2 :

Revenus réalisés par un établissement stable


20.En application du 1 du I de l'article 209 B, la personne morale établie en France est également imposable à l'impôt sur les sociétés en France à raison des bénéfices d'un établissement stable établi hors de France et bénéficiant d'un régime fiscal privilégié.

21.Les bénéfices réalisés par l'établissement stable relèvent de l'article « Bénéfices d'entreprise » des conventions fiscales (article 7 du modèle de convention fiscale OCDE).

22.Pour déterminer la possibilité de mettre en oeuvre les dispositions de l'article 209 B aux établissements stables situés hors de France, il convient d'analyser les dispositions des conventions fiscales.

23.Lorsque figure dans la convention une clause spécifique permettant de déroger aux autres dispositions de la convention et prévoyant expressément l'application du dispositif 209 B, le droit d'imposer en vertu de ces dispositions est établi.

24.En l'absence d'une telle clause, il convient de se référer aux articles « Bénéfices d'entreprise » et « Elimination des doubles impositions » des conventions conclues par la France.

25.La convention doit alors faire l'objet d'un examen combinant les rédactions de l'article 7 (qui pose en général le principe d'une imposition partagée des profits des établissements stables) et de l'article relatif à l'élimination des doubles impositions des conventions fiscales. Celui-ci peut parfois priver la France du droit d'imposer en prévoyant une exemption des revenus en cause, ou au contraire réaffirmer le principe de l'imposition à la résidence, même lorsque l'article 7 aurait prévu une imposition exclusive à la source.

26.Deux situations sont possibles :

- les bénéfices de l'établissement stable sont uniquement imposables dans l'Etat de sa situation, auquel cas l'article 209 B n'est pas applicable ;

- les bénéfices de l'établissement stable sont simultanément imposables dans l'Etat de sa situation et en France, Etat du siège de la personne morale ; dès lors, les dispositions de l'article 209 B sont applicables.

27.Un tableau des conventions conclues par la France qui permettent l'imposition effective des bénéfices des établissements stables au titre de l'article 209 B est joint en annexe III .


CHAPITRE DEUXIEME : CHAMP D'APPLICATION


28.L'imposition prévue au I de l'article 209 B concerne les personnes morales établies en France, passibles de l'impôt sur les sociétés, qui exploitent une entreprise hors de France ou détiennent directement ou indirectement plus de 50 % des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une entité juridique : personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable, établie ou constituée hors de France, si cette entité juridique est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A.

Les dispositions de l'article 209 B concernent également l'entreprise située en France au sens d'établissement ou succursale d'une personne morale dont le siège est situé hors de France lorsque les droits (actions, parts, droits financiers et les droits de vote) représentatifs de la participation dans la structure établie hors de France et soumise à un régime fiscal privilégié sont inscrits à l'actif du bilan fiscal de cet établissement.


Section 1 :

Conditions relatives à la personne morale susceptible d'être soumise aux dispositions de l'article 209 B


29.Ces conditions concernent l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés de la personne morale établie en France ainsi que la participation détenue par cette personne dans la structure établie hors de France.


  A. ENTREPRISE OU PERSONNE MORALE PASSIBLE DE L'IMPOT SUR LES SOCIETES


30.Les dispositions du I de l'article 209 B sont susceptibles de s'appliquer aux entités passibles de l'impôt sur les sociétés au taux normal mentionné au deuxième alinéa du I de l'article 219 même si elles ne sont pas effectivement soumises à cet impôt (entreprises nouvelles bénéficiant du régime de l'article 44 sexies, jeunes entreprises innovantes au sens de l'article 44 sexies-OA, entreprises implantées dans des zones franches urbaines ou en zones d'entreprises et placées sous les dispositifs prévus aux articles 44 octies, 44 decies ou 208 quinquies, sociétés membres d'un groupe fiscal...).


  B. CARACTERISTIQUES DE LA PARTICIPATION DETENUE PAR LA PERSONNE MORALE



  I. Pourcentage de participation


  1. Pourcentage de participation

31.La personne morale entre dans le champ d'application du nouveau dispositif si elle détient, directement ou indirectement, plus de 50 % des actions, parts, droits de vote ou droits financiers dans une entité juridique établie ou constituée hors de France qui est soumise à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A.

Remarque : La fixation d'un pourcentage de plus de 50 % est en cohérence avec la qualification, retenue pour les bénéfices de l'entité contrôlée, de revenus réputés distribués (ce niveau de contrôle confère dans tous les cas un pouvoir de décision à l'actionnaire sur une résolution de distribution lors d'une assemblée générale).

  2. Clause anti-abus

32.Le seuil de détention de plus de 50 % requis pour l'application du dispositif entre la société mère et sa filiale est ramené à 5 % lorsque plus de 50 % des titres sont détenus :

- soit par des entreprises établies en France ;

- soit par des entreprises placées directement ou indirectement dans une situation de contrôle ou de dépendance au sens de l'article 57 à l'égard de la personne morale établie en France.

Cette mesure a pour objectif d'éviter un fractionnement des participations destiné à échapper au 209 B. Le taux de 5% est en cohérence avec le seuil d'application du régime des sociétés mères et filiales défini aux articles 145 et 216.

33.Toutefois, lorsque plusieurs personnes morales établies en France détiennent des titres d'une société établie hors de France mais cotée sur un marché réglementé, l'administration ne peut faire application de l'article 209 B que si elle apporte la preuve qu'elles ont agi de concert au sens de l'article L 233-10 du code de commerce.

Exemple d'application :

34.11 entreprises françaises indépendantes détiennent chacune 5 % du capital d'une société établie hors de France qui est soumise à un régime fiscal privilégié. Le cumul de leurs participations dépasse 50 %. Si la société détenue est une société non cotée, chaque personne morale entre dans le champ d'application de l'article 209 B-I et est susceptible d'être soumise à l'impôt sur les sociétés à raison de 5 % des revenus réputés distribués de la société étrangère. En revanche, si la société détenue est cotée, l'administration doit préalablement démontrer que les 11 sociétés ont agi de concert.

35.La dépendance au sens de l'article 57 peut être juridique ou de fait. La dépendance de fait peut résulter d'un contrat ou découler des conditions dans lesquelles s'établissent les relations entre les deux entreprises.

  3. Date à laquelle s'apprécie le pourcentage de participation

36. L'article 1 er du décret n°2006-1309 du.25 octobre 2006 codifié à l'article 102 SA.II de l'annexe II au code général des impôts précise que, pour apprécier si la proportion de plus de 50 % mentionnée au I de l'article 209 B est atteinte, il y a lieu de retenir le pourcentage de participation constaté au jour de la clôture de l'exercice de l'entité juridique établie ou constituée hors de France ou, en l'absence d'exercice clos au cours d'une année, à la clôture de l'exercice de la personne morale établie en France et passible de l'impôt sur les sociétés. Toutefois, s'il est plus élevé, le pourcentage à retenir est celui de la participation détenue pendant au moins 183 jours au cours de cet exercice ou, à défaut d'exercice clos par l'entité juridique établie ou constituée hors de France, à la clôture de l'exercice de la personne morale établie en France et passible de l'impôt sur les sociétés. La durée de 183 jours correspond au nombre total de jours de détention durant l'exercice, cette durée pouvant correspondre à plusieurs périodes discontinues de détention. La période de détention court de la date d'inscription en compte des titres ou droits concernés, ou de la date d'acquisition effective des titres si cette dernière est antérieure.

37.Exemple :

• Hypothèse : Soit au cours d'un exercice n le schéma suivant dans lequel :

- PM1 est une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés ; elle clôt son exercice le 31 décembre ;

- X1 est une société étrangère soumise à un impôt comparable à l'impôt français ;

- FP est soumise à l'étranger à un régime fiscal privilégié et elle clôt également son exercice le 31 décembre ;

- les pourcentages indiqués ci-après correspondent à une détention conjointe des droits de vote et des droits financiers.

A la clôture de l'exercice de FP, la chaîne des participations est la suivante :


Toutefois, au début de l'exercice de X1, la chaîne des participations était la suivante :


Le 31 mai, PM1 a cédé 15 % des titres X1, puis a cédé à nouveau 45 % de ces titres le 31 octobre.

• Solution :

PM1 qui détient indirectement 20 % x 80 % = 16 % de FP à la clôture de l'exercice de FP n'est pas à ce titre dans le champ d'application de l'article 209 B.

Mais du 1 er janvier au 31 octobre, soit plus de 183 jours au cours de l'exercice considéré, la participation détenue par PM1 indirectement dans FP s'est élevée à au moins :

65 % x 80 % = 52 %

PM1 est dès lors passible de l'imposition prévue par l'article 209 B.