SOUS-SECTION 2 PRINCIPES D'IMPOSITION
SOUS-SECTION 2
Principes d'imposition
1Toutes les rentes viagères, quelles que soient leur forme ou leur origine, à l'exception de celles expressément exonérées par la loi (cf. 5 F 1263 ), entrent dans les prévisions de l'article 79 du CGI.
Sont ainsi comprises dans le champ d'application de l'impôt, notamment, les rentes viagères constituées soit moyennant l'aliénation, en pleine propriété ou en nue-propriété, d'un bien corporel, meuble ou immeuble, d'un fonds de commerce, de valeurs mobilières, de droits incorporels quelconques en vertu d'un contrat à titre onéreux ou à titre gratuit, soit comme charge d'un legs de ces mêmes biens.
2Le Conseil d'Etat a jugé selon ces principes qu'étaient passibles de l'impôt :
- la rente annuelle réversible pour la totalité, en cas de décès, sur la tête du conjoint survivant qu'un contribuable et sa femme se sont assurés par contrat passé avec une société d'assurances, moyennant le versement d'un capital. La nature juridique de cette rente ne saurait d'ailleurs être modifiée par le fait que les intéressés la perçoivent en encaissant les arrérages d'un titre de rente de 5 % sur l'État dont la société d'assurances leur a cédé la jouissance pour la durée d'exécution du contrat (CE, arrêt du 26 juin 1925, req. n° 79628 et 80752, RO, 5062) ;
- la rente viagère dont le service est assuré par le revenu d'obligations inscrites pour l'usufruit au nom du bénéficiaire (CE, arrêt du 21 décembre 1928, req. n° 98155, RO, 5273) ;
- la rente annuelle versée à un contribuable par les acquéreurs de la nue-propriété de ses biens (CE, arrêt du 7 juin 1929, req. n° 96206, RO, 5357) ;
- la rente viagère allouée par un tribunal à un contribuable victime d'un accident d'automobile (CE, arrêts du 18 mai 1936, req. n° 48287, RO, 6456 et du 10 décembre 1943, req. n° 72089, RO, p. 394) ou à la veuve de la victime (CE, arrêt du 28 juillet 1941, req. n° 65040, RO, p. 234) ;
- la rente viagère qu'un contribuable reçoit de ses enfants en contrepartie de la cession qu'il leur a consentie de parts lui appartenant dans une société (CE, arrêt du 29 novembre 1937, req. n° 58027, RO, p. 684) ;
- les sommes perçues par la veuve d'un assuré titulaire d'un contrat par lequel une compagnie d'assurances lui garantit le versement, à partir d'une date déterminée, d'un certain nombre d'annuités réversibles, le cas échéant, sur la tête de son conjoint survivant ou, à défaut, de ses héritiers (CE, arrêt du 16 juillet 1947, req. n° 87581, RO, p. 271) ;
- les sommes que les enfants d'un contribuable se sont engagés à lui verser à titre obligatoire et périodiquement sa vie durant en contrepartie de l'abandon qu'il leur a fait, à la suite du décès de son conjoint, des biens nets lui revenant après liquidation de la communauté et de la succession. Rejet de l'objection tirée de ce que les versements en cause avaient, en définitive, pour origine une cession d'immeubles et étaient calculés en fonction des revenus bruts desdits immeubles (CE, arrêt du 5 juillet 1950, req. n° 90647, RO, p. 79) ;
- les rentes viagères servies en vertu de l'article 19 de la loi du 28 octobre 1946 sur les dommages de guerre, bien que les titres nominatifs auxquels se substituent ces rentes soient expressément exemptés de toute taxe frappant les valeurs mobilières (CE, arrêt du 5 février 1958, req. n° 37398, RO, p. 32).
3En revanche, la Haute Assemblée n'a pas reconnu le caractère de rente viagère :
- à une créance recouvrée par mensualités (CE, arrêt du 7 février 1944, req. n° 73473, RO, p. 25) ;
- aux simples libéralités, c'est-à-dire aux allocations qui ne sont pas payées à titre obligatoire (CE, arrêts du 3 mai 1936, req. n° 92272 et 93034, RO, 5453, du 1er mars 1937, req. n° 53169, RO, p. 134 et du 12 avril 1937, req. n° 55158, RO, p. 203). Les subsides reçus par une mère célibataire du père de son enfant sont imposables au titre de l'article 92 du CGI -qui s'applique même aux sommes qui ne proviennent pas de l'exercice d'une activité professionnelle- dès lors qu'ils doivent, en raison de leur régularité et de leur importance, être regardés comme provenant d'une source régulière de revenus (CE, arrêt du 23 janvier 1980, req. n° 5608, RJ n° III, p. 10).
4Demeure sans influence sur le champ d'application de l'impôt le fait que :
* les rentes soient constituées :
- à titre gratuit ou à titre onéreux ;
- sur une ou plusieurs têtes ;
- à capital réservé ou à capital aliéné ;
* les rentes soient affectées ou non d'une clause de variation automatique ou qu'elles présentent un caractère insaisissable ou incessible (CE, arrêt du 10 novembre 1947, req. n° 81255, RO, p. 301).
5Enfin, sont passibles de l'impôt non seulement les arrérages eux-mêmes, qu'ils soient payés en argent ou en nature, mais également les avantages consentis au crédirentier.
C'est ainsi que dans le cas de contribuables ayant reçu, en indivision, de leurs parents la nue-propriété ou l'usufruit -pratiquement converti en une rente en espèces- de divers immeubles par un acte de donation-partage en vertu duquel les donateurs s'engageaient à supporter tous les frais de réparation des immeubles en cause, il a été jugé que la prise en charge de ces frais représente pour chacun des donataires un avantage en nature accordé en sus d'une rente viagère, avantage qui doit, en application des articles 82 et 156 du CGI, être compris dans les revenus du contribuable intéressé, bien que les réparations aient été ordonnées sans son assentiment et que le prix en ait été versé directement aux entrepreneurs (CE, arrêt du 1er juin 1962, req. n° 51000 à 51002, RO, p. 103).
De même, le droit d'habitation consenti au vendeur dans l'immeuble qu'il a cédé moyennant le paiement d'une rente viagère constitue un accessoire de ladite rente et doit être soumis à l'impôt (CE, arrêts du 21 juin 1948, req. n° 73322, RO, p. 65 et du 9 octobre 1967, req. n° 70313, RJCD, 1re partie, p. 214).