SECTION 5 APPLICATION DES PRINCIPES
SECTION 5
Application des principes
SOUS-SECTION 1
Activités commerciales, industrielles ou artisanales
En application des dispositions des articles 256 , 256 bis , 256 A et 256 B du CGI, les activités commerciales, industrielles ou artisanales entrent, sauf exonération expresse prévue par la loi, dans le champ d'application de la TVA.
A. OPÉRATIONS PORTANT SUR LES FONDS DE COMMERCE
I. Vente du fonds de commerce
1. Vente globale du fonds.
1Le fonds de commerce, dont la définition figure à la DB 7 D 2111, est un bien meuble incorporel.
La vente globale du fonds constitue une opération commerciale normalement imposable en vertu de l'article 256-IV-1° du CGI. Toutefois, eu égard au caractère particulier de l'opération, l'administration admet que la TVA ne soit pas exigée sur la cession du fonds réalisée par celui qui en assurait l'exploitation lui-même ou par l'intermédiaire d'un gérant. Cette mesure ne s'applique pas à la cession des marchandises et des biens mobiliers d'investissement qui reste soumise à l'imposition. Les éléments incorporels du fonds (clientèle, droit au bail, etc.) sont soumis aux droits d'enregistrement (cf. DB 7 D 2111, n°s 8 et suiv.) qui ne se cumulent pas avec la TVA.
La cession des biens mobiliers d'investissement (matériel, outillage, etc.) qui composent le fonds de commerce est soumise à la TVA depuis le 1er janvier 1990, sauf dans le cas de la transmission d'une universalité totale ou partielle de biens, si l'acquéreur s'engage dans l'acte de vente à soumettre à la TVA les cessions ultérieures de ces biens.
La société qui cède son fonds de commerce en échange de l'abandon d'une participation à son capital social est considérée comme ayant vendu ce fonds et, par conséquent, tenue d'acquitter la TVA sur le stock de marchandises ; à titre de tolérance, le cessionnaire peut opérer, sur la déclaration de chiffre d'affaires du premier mois d'assujettissement, la déduction de la taxe que lui a facturée le cédant (RM n° 8473 à M. Ribes, député, JO, déb. AN, n° 3 du 17 janvier 1970, p. 119).
L'acquéreur de la totalité des éléments corporels et incorporels d'un fonds de commerce est autorisé à déduire la taxe facturée par le cédant sur la déclaration de chiffre d'affaires de son premier mois d'imposition.
La possibilité de déduire la taxe facturée par le cédant sur la déclaration de chiffre d'affaires du premier mois d'imposition est également admise :
- en cas de cession globale de fonds d'industrie ;
- lorsque l'acquéreur exerce déjà une activité au moment de l'acquisition.
2. Cession d'un élément incorporel séparé du fonds.
2La cession d'un élément incorporel séparé du fonds de commerce constitue en général un acte normal de la profession qui entraîne l'exigibilité de la TVA.
3Ainsi sont normalement imposables :
- la cession d'un contingent d'exportation (CE, 24 mars 1948) ;
- la cession d'un contingent de distillation. Cependant il a été admis par décision ministérielle du 18 mai 1954 que ne soient pas imposées les indemnités allouées par l'État en exécution du décret du 9 août 1953 aux distillateurs dont les contingents d'alcool ont été réduits ou supprimés, cette mesure a été étendue par décision du 8 octobre 1957 aux sommes versées aux entreprises de rectification d'alcool pour la fermeture de leur usine ;
- les cessions de transfert d'alcool par un distillateur à des viticulteurs assujettis aux prestations viniques ou d'alcools de vins ;
- la cession par le concessionnaire d'une marque commerciale de son droit pour tout ou partie de sa circonscription d'exercice ;
- la cession du droit d'exploiter une carrière ou une mine (cf. ci-après DB 3 A 1157 ) ;
- la cession de droits portant sur un film ;
- la somme perçue par un industriel au titre de sa renonciation à son contingent de fabrication (CE, 6 juin 1962, société La Cellophane) ;
- la cession par une entreprise de presse du droit de reproduction en feuilleton ou en illustration des dessins et des oeuvres acquis par elle auprès des tiers (CE, 12 octobre 1962, n° 35505, Société nouvelle de presse illustrée) ;
- les cessions de clientèle (CE, 11 juin 1975, n° 93894, Société d'édition et de publicité agricoles, industrielles et commerciales, RJ 1975, II, p. 80).
Toutefois, la taxe n'est pas effectivement exigée lorsque la cession est soumise aux droits proportionnels d'enregistrement.
II. Apport du fonds en société
4Il est tout d'abord précisé qu'en matière de TVA, et contrairement à la distinction que réclame l'application des droits d'enregistrement, il n'y a pas lieu de dissocier les apports faits à des sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés et ceux faits à des sociétés non passibles de cet impôt.
5Les apports en société sont considérés comme des livraisons de biens meubles corporels et constituent à ce titre des opérations soumises à la TVA.
L'apport en société d'un fonds de commerce constitue donc, en principe, une opération entrant dans le champ d'application de l'article 256 du CGI, qu'il soit effectué à titre onéreux (apport-vente rémunéré par une remise d'obligations ou par une inscription en compte courant productive d'intérêts) ou à titre gratuit contre remise de droits sociaux.
Il est toutefois admis que l'apport, qu'il soit pur et simple ou à titre onéreux 1 , ne soit pas soumis à la TVA quand, et seulement dans ce cas, l'opération d'apport ne présente pas le caractère d'un acte habituel de la profession de l'apporteur. Cette tolérance ne s'applique pas et l'imposition doit être opérée lorsqu'elle procède des dispositions de l'article 257-6° du CGI (apports réalisés par les marchands de biens).
6Par ailleurs, l'apport pur et simple de marchandises n'est pas soumis à la TVA.
La même tolérance est appliquée à l'apport fait à titre onéreux à condition que les bénéficiaires de l'apport destinent les marchandises à la revente. Dans le cas contraire, l'apport de marchandises à titre onéreux doit être soumis à la TVA.
Ces dispositions s'appliquent également aux marchandises reçues par le donataire d'un fonds de commerce (RM n° 8473, M. Ribes, député, JO, déb. AN n° 3 du 17 janvier 1970, p. 119).
Il y a lieu de s'assurer que le transfert de marchandises s'analyse bien en un apport et non comme une cession. Il a été jugé, à cet égard, qu'un redevable qui cède à titre onéreux son stock de marchandises à la société à laquelle il donne en location le fonds de commerce qu'il exploite jusqu'alors à titre individuel n'est pas fondé à soutenir que cette opération a le caractère d'un apport en société qui ne serait pas imposable en vertu de la doctrine administrative dès lors qu'aucun acte ou contrat ne confère à cette cession le caractère d'un apport et que celle-ci a été rémunérée par une inscription au crédit du compte courant du redevable ouvert dans les écritures de la société (CE, 9 novembre 1981, req. n° 15217).
À compter du 11 octobre 1996, la dispense de taxation est étendue aux transmissions de marchandises neuves effectuées dans le cadre d'une cession de fonds de commerce à un redevable soumis au régime du forfait 2 ou au régime simplifié d'imposition de la TVA.
La dispense de taxation concerne désormais également les situations suivantes :
-cession à titre onéreux de fonds de commerce ou d'exploitations commerciales ou professionnelles à un redevable soumis au régime du forfait (jusqu'au 31 décembre 1998) ou au régime simplifié d'imposition ;
-transmission à titre gratuit d'une entreprise ; il est rappelé que les donations de fonds de commerce bénéficient déjà de la dispense de taxation pour la transmission des marchandises neuves.
Dans le cas de la vente d'un fonds de commerce à un redevable de la TVA, la transmission des marchandises neuves est dispensée du paiement de la TVA :
- si l'acquéreur est placé de plein droit ou sur option au régime simplifié d'imposition (CGI, art. 302 septies A) ;
- si l'acquéreur était placé sous le régime du forfait 2 (CGI, art. 302 ter en vigueur jusqu'au 31 décembre 1998).
Lorsque la cession (ou l'apport) des marchandises neuves est réalisée par un assujetti redevable au bénéfice d'un autre assujetti redevable, la taxation n'est pas exigée si l'acquéreur ou la société bénéficiaire de l'apport s'engage dans l'acte de fusion, d'apport ou de vente à affecter les marchandises à une revente imposable à la TVA ou ouvrant droit à déduction (livraisons intracommunautaires exonérées, exportations, ...).
L'acquéreur d'un fonds de commerce doit, en outre, déclarer relever de l'un des régimes d'imposition visés plus haut.
L'acquéreur doit également s'engager dans cet acte à procéder, le cas échéant, à l'imposition des livraisons à soi-même (CGI, art. 257-8° ) ou aux régularisations de taxe (CGI, art. 271) susceptibles de concerner les biens autres que des immobilisations dès lors que la TVA afférente aux marchandises ou aux éléments les composant a pu faire l'objet d'une déduction totale ou partielle par l'apporteur ou le cédant.
L'acte ou le formulaire prévu à l'article 638 du CGI (n° 2672) doit, enfin, être complété d'une annexe (imprimé n° 2676) indiquant la liste détaillée des marchandises bénéficiant de la dispense de taxation.
L'acte ou le formulaire en tenant lieu doit faire l'objet d'une déclaration en double exemplaire auprès du service des impôts dont relève la société absorbante ou bénéficiaire des apports ou le nouvel exploitant ; le service des impôts adresse un de ces exemplaires au service dont dépend la société absorbée ou apporteuse ou le précédent exploitant.
Les exemplaires de l'acte, ou du formulaire en tenant lieu, ainsi déposés doivent être accompagnés de la copie de l'annexe ci-dessus exigée.
7Par ailleurs, l'apport d'un élément séparé du fonds (marque, licence ...), réalisé à titre onéreux (inscription en compte courant rémunéré par des intérêts, remise d'obligations) constitue une opération soumise à la TVA à moins que des droits d'enregistrement ne soient perçus à cette occasion.
Toutefois, et selon l'article 261-3-1°-a du CGI, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 1990, les apports de biens mobiliers d'investissement sont soumis à la TVA dès lors qu'ils ont ouvert droit à déduction complète ou partielle de cette taxe lors de leur acquisition (cf. DB 3 K 1211 ).
III. Location du fonds
8La location d'un fonds de commerce (clientèle, achalandage, droit au bail, enseigne, nom commercial, marques de fabrique, licences, mobilier, outillage, matériel ...) constitue une prestation de services effectuée à titre onéreux et imposable à la TVA en vertu de l'article 256 du CGI.
Au demeurant, sous l'empire de la législation antérieure, la jurisprudence a toujours considéré que cette opération constituait pour le bailleur un mode d'exploitation de son actif commercial qui lui conférait un caractère commercial la rendant passible de la TVA.
Ainsi, tel était le cas :
91° De la location d'un fonds d'entreprise de cylindrage consentie par le propriétaire du fonds à son fils moyennant paiement d'un loyer fixe et d'une redevance proportionnelle au volume des cailloux cylindrés (CE, 30 mars 1936, X... , TJ, n° 159-009) ;
102° De la convention par laquelle l'un des contractants s'engage à exploiter un hôtel à ses risques et périls, à supporter tous les frais et à verser au propriétaire de l'établissement une quote-part des recettes en lui garantissant une redevance annuelle minimum (CE, 31 janvier 1938, Société du palais des Arcades, TJ, n° 159-012) ;
113° De la brasserie qui donne à bail des locaux à usage de débits de boissons dans des conditions telles qu'il existe des liens de connexité certains entre l'octroi du droit au bail et l'exercice d'actes de commerce qui tendent à accroître les débouchés de la bailleresse, laquelle doit être regardée de ce fait comme ayant assuré sous cette forme particulière l'exploitation de son actif commercial. Et la circonstance que les immeubles loués n'étaient pas garnis de mobilier ne saurait conférer un caractère civil à l'opération de bail (CE, 4 juillet 1941, n° 53659, brasserie du Coq-Hardi, TJ, n° 159-017) ;
124° De la personne qui concède l'exploitation de marques de fabrication dont elle est l'inventeur, en même temps que la jouissance des locaux, du matériel et des marchandises nécessaires à la fabrication (CE, 29 juin 1966, n° 52-110, société Egina).
13En revanche, la jurisprudence considère que ne constituent pas des locations de fonds de commerce :
- la sous-location des locaux nus abandonnés par un commerçant qui a transféré son fonds de commerce dans une rue avoisinante. Cette sous-location n'est pas passible de la TVA, dès lors que les locaux ne comprennent ni installations, ni matériels (CE, 20 avril 1939, société Omnium automobile d'Alsace et de Lorraine) ;
- la location d'immeubles par une société à une autre, selon un bail emphytéotique, la société locataire étant devenue propriétaire du matériel et des installations les garnissant. Ces conditions de location qui marquent une renonciation pour une longue durée, par la société bailleresse, à l'utilisation desdits immeubles pour son commerce, ne peuvent en effet être regardées comme constituant un mode d'exploitation normal, même indirect, d'un actif commercial, mais comme un acte de gestion purement civile (CE, 26 juin 1968, n°s 73865 et 73866, Société fromagère du Massif central).
IV. Mise en gérance libre d'un fonds de commerce
14La mise en gérance libre d'un fonds de commerce s'analyse en une location de fonds soumis à la TVA. Elle est, en effet, considérée comme la poursuite de l'exploitation de ce fonds sous une forme particulière (CE, arrêts du 8 novembre 1954, req. n° 14946 et du 6 mars 1963, req. n° 53238).
1 L'apport pur et simple est celui qui confère à l'apporteur, en échange de sa mise, de simples droits sociaux exposés à tous les risques de l'entreprise (actions, parts d'intérêt par exemple). En revanche, la remise d'obligations en échange de la mise constitue le prix de l'apport, ces valeurs n'étant pas exposées aux risques de l'entreprise.
2 Le régime du forfait a été abrogé à compter du 1er janvier 1999 par l'article 7-I-1 de la loi de finances pour 1999.