SECTION 1 NATURE DES ACTIVITÉS IMPOSABLES
SECTION 1
Nature des activités imposables
1On examinera dans la présente section les revenus qui ressortissent à la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux imposables à l'impôt sur le revenu en distinguant selon :
- qu'ils répondent à la définition générale des bénéfices industriels et commerciaux résultant de l'article 34 , 1er alinéa, du CGI (sous-section 1) ;
- ou qu'ils sont expressément définis comme tels en vertu des articles 34 (alinéa 2) et 35 du même code (sous-section 2).
2Enfin une troisième sous-section sera consacrée au régirne d'imposition des locations en meublé.
3 Remarque. - La définition des bénéfices industriels et commerciaux telle qu'elle résulte des dispositions précitées revêt également un intérêt au regard de l'impôt sur les societés dans la mesure où les sociétés civiles -autres que celles visées aux articles 8 ter, 239 ter, 239 quater A et 1655 ter du CGI- sont passibles de cet impôt si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations dont les résultats relèveraient de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux si elles étaient réalisées par des personnes physiques (CGI, art. 206-2).
On se référera donc, également, dans les développements qui suivent à des espèces dans lesquelles certaines sociétés civiles ont été reconnues comme exerçant une activité industrielle ou commerciale.
SOUS-SECTION 1
Activités commerciales, industrielles ou artisanales par nature
1L'article 34 du CGI définit les bénéfices industriels et commerciaux comme les bénéfices réalisés par les personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale.
A. DÉFINITION DES PROFESSIONS COMMERCIALES, INDUSTRIELLES ET ARTISANALES
I. Professions commerciales
2Par activités commerciales, il faut entendre :
- les commerces proprement dits dont l'objet est d'acheter, en vue de les revendre, sans leur avoir fait subir de transformation, toutes matières premières et tous produits fabriqués ;
- les commerces consistant à acheter des objets en vue d'en louer l'usage ;
- l'exploitation d'établissements destinés à fournir le logement, la nourriture, les soins personnels ou les distractions (hôtels, pensions de famille, restaurants, bains spectacles, etc.) ;
- les entreprises de commission et de courtage ;
- les agences et bureaux d'affaires (agences de contentieux, de location d'immeubles, de police privée, de publicité de voyages, bureaux de placement, actes d'entremise, etc.) :
- la banque sous toutes ses formes et les assurances ;
- les charges et offices dont les titulaires ont la qualité de commerçants, à savoir par exemple les courtiers interprètes et conducteurs de navires (CE. arrêt du 22 novembre 1965, req. n° 62602, RO, p. 439, en tant qu'il définit le caractère commercial des bénéfices réalisés par ces courtiers).
Associé commanditaire qui s'est immiscé dans la gestion de la société qu'il commandite.
3Les dispositions de l'article 28 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, selon lesquelles l'associé commanditaire qui s'est immiscé dans la gestion de la société qu'il commandite est obligé solidairement avec les associés commandités, pour les dettes et engagements de la société qui dérivent des actes de gestion qu'il a faits, et peut être déclaré solidairement obligé pour tous les engagements de la société ou pour quelques-uns seulement, ont été conçues pour la protection des intérêts des tiers mais n'ont pas pour effet de donner au commanditaire la qualité de commerçant à raison des actes de gestion qu'il a accomplis. Il s'ensuit que la somme que, par jugement du Tribunal de commerce, il a été astreint de verser aux créanciers de la société -dont d'ailleurs il peut, dans la mesure où elle excède le montant de ses apports, demander le remboursement aux associés commandités- ne peut être regardée ni comme un déficit d'exploitation commerciale, ni comme une dépense exposée en vue de la conservation des revenus de la commandite mais constitue une perte en capital qui n'est déductible ni d'une catégorie déterminée de revenus, ni du revenu global lui-même (CE, arrêt du 9 février 1972, req. n° 81511, RJ n° II, p 25).
Leçons d'équitation dispensées dans un centre hippique sans le concours de l'exploitant.
4Les leçons d'équitation, dispensées dans un centre hippique par un maître de manège salarié, employé à plein temps, constituent une activité commerciale entrant dans le champ d'application des BIC, dès lors que l'exploitant du centre n'établit pas que les leçons seraient données sous sa direction et avec sa participation personnelle (CE, arrêt du 19 juin 1989, n° 62708).
II. Professions industrielles
5Les activités industrielles, caractérisées par l'importance des moyens mis en oeuvre, s'entendent essentiellement de celles consistant :
- en la production de biens, tantôt avec des matières appartenant à celui qui les transforme en vue de la revente, tantôt appartenant à des tiers lorsque l'activité est exercée à façon ;
- en des opérations de construction et terrassement, de transports et de manutention, d'extraction de matériaux (y compris les industries minières...).
III. Professions artisanales
6Les professions artisanales sont en fait comprises dans les deux groupes précédents. Seuls changent les conditions d'exercice et les moyens mis en oeuvre.
L'artisan est un travailleur indépendant qui exerce une activité manuelle exigeant une certaine qualification acquise notamment à la suite d'un apprentissage et cherche, ce faisant, à réaliser principalement la valeur de son travail.
7Sont assimilés aux artisans certains exploitants du petit commerce (marchands en ambulance...) ou de la petite entreprise (chauffeurs et cochers mariniers...).
Pêche maritime.
8L'article 14 de la loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines (loi n° 97-1051 du 18 novembre 1997) dispose que toute activité de pêche maritime pratiquée, à titre professionnel, à bord d'un navire et en vue de la commercialisation des produits est réputée commerciale.
Un décret fixe la date à partir de laquelle les intéressés devront être inscrits au registre du commerce et des sociétés.
Artisans pêcheurs rémunérés à la part.
9Par exception aux dispositions du 1er alinéa de l'article 34 du CGI, sont classés dans la catégorie des salaires les revenus correspondant aux rémunérations dites « à la part » perçues au titre de leur travail personnel par les artisans pêcheurs, ainsi que, lorsqu'ils sont embarqués, par le ou les pêcheurs associés d'une société de pêche artisanale, telle que définie au I de l'article 21 de la loi n° 97-1051 du 18 novembre 1997 d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines et soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 du CGI (art. 22 de la loi n° 97-1051 du 18 novembre 1997).
Par ailleurs, le Conseil d'État a jugé que les bénéfices réalisés par un artisan pêcheur dans l'exercice de sa profession ne peuvent être imposés, pour partie, dans la catégorie des traitements et salaires que dans le cas où l'intéressé emploie au moins un marin salarié, lui même rémunéré « à la part » en vertu d'une clause expresse de son contrat d'engagement, ainsi que l'exige l'article 33 du code du travail maritime (CE, arrêt du 18 décembre 1996, req. n°s 119300 et 119549).
Restaurateurs d'art.
10Quelles que soient leur qualification professionnelle ou les techniques qu'ils utilisent, les restaurateurs de tableaux, par définition, ne conçoivent pas eux mêmes d'oeuvres originales mais restaurent dans leur état originel des oeuvres conçues initialement par des tiers. Dès lors, les intéressés ne peuvent pas être considérés, sur le plan fiscal, comme exerçant une profession libérale réalisant des bénéfices non commerciaux. Leur activité présente un caractère artisanal et les revenus qu'elle leur procure sont taxables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (Réponse à M. Van Haecke, JO AN du 28 août 1995, p. 3696).
B. CONDITIONS D'EXERCICE DES ACTIVITÉS COMMERCIALES, INDUSTRIELLES ET ARTISANALES
11Les revenus provenant de l'exercice d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale ne sont considérés, au regard de l'impôt sur le revenu, comme des bénéfices industriels et commerciaux que s'ils sont réalisés à titre professionnel.
L'exercice d'une profession industrielle et commerciale suppose l'accomplissement habituel, par les personnes relevant de l'impôt sur le revenu, d'opérations de nature commerciale, industrielle ou artisanale, pour leur propre compte et dans un but lucratif.
La recherche des activités imposables doit être effectuée compte tenu des circonstances de fait dans lesquelles les opérations commerciales, industrielles ou artisanales sont réalisées.
I. Exercice habituel de l'activité
12L'exercice d'une profession commerciale ou industrielle implique l'accomplissement habituel d'opérations ayant le caractère d'actes de commerce au sens des dispositions des articles 632 et 633 du Code de commerce.
13Toutefois, la condition d'habitude n'est pas nécessairement liée à la répétition fréquente des mêmes opérations. Des actes de commerce peu nombreux mais périodiques, et même des actes de commerce isolés mais dont l'exécution porterait sur une période d'assez longue durée, n'en ont pas moins un caractère professionnel.
14À cet égard, le Conseil d'Etat a jugé qu'était imposable au titre des bénéfices industriels et commerciaux :
- une société en participation qui avait été constituée pour l'accomplissement de certains travaux ne faisant l'objet que d'un seul marché (CE, arrêt du 3 mai 1930 req. n° 785, RO, 5452, vol. 1 à 16) ;
- un contribuable qui, ayant reçu un stock de marchandises en héritage, en a poursuivi la réalisation pendant une période de plusieurs années selon les procédés commerciaux habituels et notamment par l'intermédiaire d'une SARL créée par lui à cet effet et rétribuée par une commission sur les marchandises vendues (CE, arrêt du 13 juillet 1954, req. n° 19560, RO, p. 122) ;
- un contribuable qui, au cours d'une année, s'est livré à des opérations de vente et d'échange portant sur plusieurs véhicules automobiles ainsi qu'à la revente de divers matériels, étant précisé que ces opérations ont revêtu un caractère répétitif et n'ont pas été conclues avec un même acheteur (CE, arrêt du 3 avril 1957, req. n° 30552, RO, p.323).
II. Exercice de l'activité pour son propre compte
15Les personnes qui accomplissent habituellement des actes de commerce ne peuvent être considérées comme exerçant une profession commerciale, industrielle ou artisanale qu'autant qu'elles les accomplissent pour leur propre compte.
16Si elles opèrent pour le compte d'autrui, moyennant rémunération, leur situation est celle de simples employés et leurs revenus sont rangés dans la catégorie des traitements et salaires. Il en est ainsi notamment des commis travaillant dans les établissements de leurs patrons, des placiers et des voyageurs de commerce ayant pour mission de recueillir des ordres d'achat, les uns auprès d'une clientèle locale, les autres dans une région plus ou moins étendue et même à l'étranger.
Il en est de même, s'ils ne font aucune opération pour leur propre compte, des représentants de commerce placés vis-à-vis de leurs mandants dans des liens de subordination étroite qui caractérisent le contrat de travail ou des représentants répondant aux conditions posées par l'article L. 751-1 du Code du travail. (en ce qui concerne l'imposition des profits réalisés par les différents intermédiaires de commerce, cf. 4 F 114, n°s 119 et suivants ).
17De son côté, le Conseil d'État a jugé :
- qu'un contribuable qui -assurant, en vertu de contrats passés avec diverses entreprises, l'exploitation de cantines destinées au personnel de ces dernières- a la charge de l'approvisionnement, engage et rémunère le personnel, assume seul la responsabilité financière de la gestion, enfin est rétribué suivant des modalités n'excluant pas la réalisation de gains d'un montant variable, doit être regardé comme exerçant, pour son propre compte, une activité commerciale (CE, arrêt du 29 octobre 1965, req. n°s 64227 et 64229 RO, p. 419) ;
- qu'un contribuable dont la profession consiste à prendre, pour le compte d'un grand magasin parisien, les commandes des clients au vu de catalogues, qui transmet ces commandes, reçoit les marchandises, conclut les ventes, en encaisse le prix et revend lui-même les articles refusés par les clients, doit être regardé comme exerçant une activité commerciale (CE, arrêt du 12 juillet 1969, req. n° 76637, RJCD, 1re partie, p. 199) ;
- qu'un exploitant d'un dancing est réputé agir, non pas comme le mandataire des associations qui organisent des soirées dans ses locaux, mais comme un véritable organisateur de soirées dansantes dès lors :
. que la publicité et la billetterie ne sont jamais faites au nom des associations organisatrices,
. et que les sommes reversées à ces dernières, après défalcation du prix de location de la salle et de la fourniture de diverses prestations est sans rapport avec les recettes encaissées par l'intéressé.
Ce dernier est donc le seul propriétaire de l'ensemble des recettes dégagées par les ventes de billets d'entrée et de boissons (CE, arrêt du 10 novembre 1989, n° 50557).
III. Exercice de l'activité dans un but lucratif
18Pour qu'il y ait imposition dans la catégorie des bénéfices industriels ou commerciaux, il faut enfin que l'activité soit exercée dans un but lucratif.
L'existence de l'intention spéculative résulte, en général, de l'examen des conditions d'exercice de l'activité. Cette intention peut exister même en cas de gestion partiellement désintéressée.
Ainsi un contribuable qui, exploitant dans un château dont il est propriétaire un établissement pour enfants « arriérés profonds », est rétribué par un prix de journée arrêté par l'Administration, lequel comprend, notamment, sa rémunération, des avantages en nature et le versement d'un intérêt pour le capital non amorti, doit être regardé comme exerçant une activité commerciale. Il en est ainsi alors même :
- que les enfants sont placés par l'Administration au titre de l'aide sociale ;
- que l'intéressé s'est engagé à verser, en cas de cessation d'activité, à un établissement poursuivant un but similaire, le fonds de roulement et les provisions non employées ainsi qu'une somme correspondant à la plus-value immobilière résultant de la prise en compte des amortissements dans le calcul du prix de journée ;
- que le tarif pratiqué est inférieur à celui d'entreprises similaires, cette circonstance n'étant pas de nature à établir le caractère non lucratif de l'exploitation (CE, arrêt du 8 octobre 1975 req. n° 88229, RJ, n° II, p. 120 ; à rapprocher des arrêts du 18 juin 1965, req. n°s 59768 et 62663, RO, p. 369 et du 25 juin 1969, req. n° 70573, RJCD, 1re partie, p. 155).
19De même, l'exploitation d'un hôtel dans des conditions comparables à celles de la gestion par des entreprises commerciales présente un caractère commercial, même si l'un des exploitants se présente comme président d'une association à but non lucratif, si les produits sont affectés au remboursement des dettes de l'association, si les prix pratiqués sont modestes et si aucun personnel salarié n'est employé (CE, arrêt du 13 décembre 1982, req. n°s 26738 et 26739).
IV. Circonstances sans influence sur la qualification qu'il convient de donner aux revenus imposables
20Restent notamment sans influence sur le caractère imposable ou non des activités commerciales, industrielles et artisanales :
. le régime de l'exploitant au regard de la taxe professionnelle ;
. la nationalité de ce dernier (CE, arrêt du 6 décembre 1929, req. n° 6854, RO, 5411) ;
. le caractère illégal de l'exercice d'une profession commerciale.
Il est précisé, à cet égard, que l'exercice d'une profession industrielle ou commerciale est légalement interdit à certaines personnes telles que : mineurs non habilités, fonctionnaires, officiers ministériels et auxiliaires de justice (notaires, avocats, avoués, huissiers de justice), experts-comptables et comptables agréés, personnes ayant fait l'objet de certaines condamnations, etc.
Si les intéressés exercent effectivement un commerce, malgré l'interdiction qui leur en est faite par la loi ou le statut professionnel qui les régit, les bénéfices ainsi réalisés sont néanmoins imposables au titre des bénéfices commerciaux.
Il en a été ainsi jugé :
- à l'égard des bénéfices perçus par un officier en activité de service, dans l'exploitation d'un fonds de commerce dont il était co-propriétaire, nonobstant la circonstance que les règlements militaires interdisaient à l'intéressé toute occupation commerciale (CE, arrêt du 26 juillet 1928, req. n° 85810, RO, 5218, vol. 1 à 16) ;
- dans le cas d'un débitant de boissons qui, après la fermeture de son établissement en 1943, avait perdu sa licence de débitant, puis avait repris l'exercice de sa profession pour exploiter au cours des années 1946 et 1947 un café restaurant, sans qu'il y ait lieu de rechercher si l'exploitant pouvait ou non se livrer légalement à l'activité précitée (CE, arrêt du 10 janvier 1953, req. n° 16084) ;
- en ce qui concerne un huissier de justice ayant exercé une activité d'administrateur d'immeubles, en infraction aux dispositions régissant sa profession (CE, arrêt du 2 juillet 1965, req. n° 53618 ; cf. 4 F 114, n°s 49 à 51 ).