B.O.I. N° 109 du 31 DECEMBRE 2008
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS
13 L-12-08
N° 109 du 31 DECEMBRE 2008
PROCEDURE DE FLAGRANCE FISCALE – RECOURS DU CONTRIBUABLE
(ARTICLE 15 DE LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2007 N° 2007-1824 DU 25 DéCEMBRE 2007)
NOR : BUD L 08 00054 J
Bureaux CF 1 et GF 2 B
PRESENTATION
Afin de renforcer les moyens de l'administration pour lutter contre la fraude fiscale des contribuables exerçant une activité professionnelle, l'article 15 de la loi de finances rectificative pour 2007 institue une procédure de flagrance fiscale. L'objectif de cette procédure est, lorsque l'administration constate qu'une fraude fiscale grave est en train de se produire, de sanctionner rapidement et efficacement le contribuable et de sécuriser le recouvrement. Selon les dispositions de l'article L. 16-0 BA du livre des procédures fiscales (LPF), l'administration peut, à l'occasion de certaines procédures de recherche ou de contrôle, constater en cas de fraudes spécifiques une situation de flagrance pour une période pour laquelle aucune des obligations déclaratives prévues aux articles 170, 172, 223 et 287 du code général des impôts (CGI) n'est échue. Le constat de flagrance fiscale emporte alors conséquences au regard des régimes d'imposition et des procédures de contrôle et de reprise. Par ailleurs, lorsque les conditions sont remplies, l'administration peut recourir à des saisies conservatoires dans les conditions prévues à l'article L. 252 B du LPF. La constatation d'une flagrance fiscale entraîne enfin l'application d'une amende selon les dispositions de l'article 1740 B du CGI. Afin de respecter les droits de la défense, le législateur a assorti la procédure de flagrance fiscale de garanties et de voies de recours au bénéfice du contribuable, dans les conditions de droit commun ou selon des dispositifs nouvellement créés. Le contribuable peut notamment bénéficier de deux recours cumulatifs en référé, l'un contre la mise en œuvre de la procédure de flagrance fiscale et l'autre contre la mise en œuvre des saisies conservatoires. La présente instruction commente ces nouvelles dispositions entrées en vigueur au 1 er janvier 2008. • |
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INTRODUCTION
1.L'article 15 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 institue une procédure de flagrance fiscale, codifiée à l'article L. 16-0 BA du livre des procédures fiscales (LPF).
Lorsque les conditions de mise en œuvre de cette procédure sont réunies, la notification d'un procès-verbal de flagrance fiscale emporte des effets sur les régimes d'imposition et les procédures de contrôle et de reprise. Elle permet également la prise immédiate de saisies conservatoires sans autorisation préalable du juge, selon les modalités définies à l'article L. 252 B du LPF, et l'application d'une amende spécifique (chapitre 1).
Afin d'assurer le respect des droits de la défense, le contribuable dispose de garanties et de voies de recours, selon des dispositifs spécifiques nouvellement créés ou dans les conditions de droit commun (chapitre 2).
CHAPITRE 1 :
CONDITIONS DE MISE EN ŒUVRE ET EFFETS DE LA PROCEDURE DE FLAGRANCE FISCALE
Section 1 :
Conditions de mise en œuvre de la procédure de flagrance
2.La mise en œuvre de la procédure de flagrance fiscale est soumise aux conditions de fond cumulatives suivantes.
• La flagrance concerne des contribuables exerçant une activité professionnelle et qui sont soumis à ce titre à des obligations déclaratives en matière d'impôt sur le revenu (BIC, BNC, BA), d'impôt sur les sociétés et de TVA, quel que soit leur régime d'imposition.
• La mise en œuvre de la flagrance fiscale doit être justifiée par l'une des quatre situations suivantes :
- l'exercice d'une activité que le contribuable n'a pas fait connaître à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, sauf s'il a satisfait, au titre d'une période antérieure, à l'une de ses obligations fiscales déclaratives.
Sont ainsi visés les contribuables qui exercent une activité occulte au sens du deuxième alinéa de l'article L. 169 du LPF (cf. instruction 13 L-4-97 du 13 novembre 1997), ainsi que les activités occultes nouvelles lorsque les contribuables exercent sans s'être fait connaître d'un centre de formalités des entreprises et n'ont pas encore d'obligations déclaratives au titre de l'exercice ou de la période en cours ;
- la délivrance de factures ne correspondant pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou de factures afférentes à des livraisons de biens au titre desquelles la taxe sur la valeur ajoutée ne peut faire l'objet d'aucune déduction en application des dispositions mentionnées au 3 de l'article 272 du code général des impôts ou la comptabilisation de telles factures reçues.
Sont ainsi visés d'une part les contribuables qui émettent ou comptabilisent en charges des factures fictives, c'est à dire sans contrepartie en terme de livraison de marchandise ou de prestation de service et, d'autre part, ceux participant à une fraude « carrousel » de TVA (cf. instruction 3 A-7-07 du 30 novembre 2007) ;
- lorsqu'ils sont de nature à priver la comptabilité de valeur probante, soit la réitération d'opérations commerciales sans facture et non comptabilisées, soit l'utilisation d'un logiciel de comptabilité ou de caisse aux fins de permettre la réalisation de l'un des faits mentionnés au 1° de l'article 1743 du code général des impôt.
Sont ainsi visés les contribuables qui réalisent des opérations sans émettre de factures et sans les inscrire en comptabilité, ainsi que ceux qui utilisent frauduleusement un logiciel comptable permissif (cf. instruction 13 L-1-06 du 24 janvier 2006). Par ailleurs, les faits constatés doivent être de nature à priver la comptabilité de valeur probante (cf. DB 4 G-3342 ) ;
- une infraction aux interdictions mentionnées à l'article L. 8221-1 du code du travail, relatives au travail dissimulé.
Sont ainsi visés les contribuables qui ont recours au travail dissimulé, soit par la dissimulation d'une activité exercée à but lucratif, soit par la dissimulation d'emploi salarié. La procédure de flagrance pourra être mise en œuvre après constat du travail dissimulé dans les conditions prévues aux articles L. 10 A et L. 10 B du LPF.
• La flagrance fiscale concerne uniquement la période en cours, c'est-à-dire celle pour laquelle aucune obligation déclarative n'est échue. Les faits constitutifs d'une situation de flagrance fiscale doivent donc être constatés au titre de la période en cours.
Ainsi, en matière d'impôt direct, la flagrance fiscale est appliquée au titre de l'année ou de l'exercice en cours au moment du constat, sur la base des faits constatés au cours de cette période.
S'agissant de la TVA, la flagrance fiscale produit ses effets au titre du seul mois en cours lorsque le contribuable est soumis au régime réel normal d'imposition, au titre de la période en cours depuis le 1 er janvier ou depuis l'ouverture de l'exercice en cours lorsque le contribuable est soumis au régime simplifié d'imposition, et au titre de la période en cours depuis le 1 er janvier lorsque le contribuable est placé sous le régime de la franchise en base prévu à l'article 293 B du CGI.
• Pour mettre en œuvre la flagrance fiscale, l'administration doit en outre apporter la preuve de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement d'une créance fiscale.
La menace pesant sur le recouvrement de la créance résulte de l'examen des circonstances de fait. Ces éléments ont trait au comportement ou à la situation du débiteur (entreprise éphémère, par exemple), ou encore à des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la dette (par exemple la multiplication des créanciers, l'existence de biens grevés de plusieurs hypothèques pour des sommes importantes, ou tout acte préparatoire manifestant l'intention du redevable d'organiser son insolvabilité).
3.La procédure de flagrance fiscale ne peut être mise en œuvre que dans le cadre des procédures suivantes, limitativement énumérées par la loi : le droit de visite et de saisie (article L. 16 B du LPF), le droit d'enquête (article L. 80 F du LPF), la vérification de la TVA (article L. 13 du LPF), le contrôle de la TVA des redevables placés sous le régime simplifié d'imposition (article L. 16 D du LPF), la vérification inopinée (article L. 47 al. 4 du LPF).
4.Lorsque les conditions énoncées aux § n° 2 et 3 de la présente instruction sont réunies, les agents de l'administration ayant au moins le grade de contrôleur sont fondés à dresser un procès-verbal constatant la situation de flagrance fiscale.
Le procès-verbal est signé par les agents de l'administration ainsi que par le contribuable. En cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal.
L'original du procès-verbal est conservé par l'administration, et une copie est notifiée au contribuable dans les conditions de droit commun (courrier recommandé avec avis de réception, remise en mains propres, signification par voie d'huissier).
Section 2 :
Effets de la procédure de flagrance fiscale
Sous-section 1 :
Incidences sur les régimes d'imposition et le droit de contrôle de l'administration
1. Incidences sur les régimes d'imposition
5.Le contribuable ayant fait l'objet d'une procédure de flagrance dans les conditions énoncées à l'article L. 16-0 BA du LPF est exclu du régime de la franchise en base de TVA (art. 293 BA du CGI) et du régime simplifié d'imposition à la TVA (art. 302 septies AA du CGI) pour l'année ou l'exercice au cours duquel la procédure est mise en œuvre.
2. Incidences sur le droit de contrôle de l'administration
6.Le constat d'une flagrance dans les conditions énoncées à l'article L. 16-0 BA du LPF produit les effets suivants, s'agissant du droit de contrôle de l'administration.
7.S'agissant des procédures de contrôle, le constat d'une flagrance fonde l'administration à procéder à une nouvelle vérification de la comptabilité d'une période et d'un impôt déjà vérifiés (article L. 51 du LPF) et à procéder à des rectifications à l'impôt sur le revenu pour une période ayant fait l'objet d'un ESFP (article L. 50 du LPF).
La durée maximale de trois mois pour la vérification sur place des contribuables dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du CGI n'est pas applicable pour le contrôle de l'année ou de l'exercice au cours duquel l'administration a auparavant dressé le procès-verbal, ainsi que pour la vérification des années antérieures (article L. 52 du LPF).
Exemple : Un contribuable fait l'objet en juin 2008 d'une flagrance fiscale au cours d'un droit d'enquête. En août 2008, le service de contrôle engage une vérification de comptabilité pour les exercices 2005, 2006 et 2007. L'administration n'est pas tenue au délai de trois mois pour cette vérification de comptabilité, quand bien même l'année 2008 ne fait pas l'objet du contrôle. Si, en 2009, l'administration étend la vérification de comptabilité à l'exercice 2008, le délai de trois mois ne sera également pas applicable.
8.S'agissant des procédures d'imposition, l'administration peut, en cas de flagrance, taxer ou évaluer d'office le résultat de l'année ou de l'exercice au cours duquel le procès-verbal a été établi sans envoi préalable d'une mise en demeure (articles L. 68 et L. 73 du LPF).
9.Le constat d'une flagrance porte le délai de reprise ouvert à l'administration de trois à six ans pour les impôts directs (4 ème alinéa de l'article L. 169 du LPF), la taxe professionnelle (2 ème alinéa de l'article L. 174 du LPF) et la TVA (2 ème alinéa de l'article L. 176 du LPF), pour la période antérieure au procès-verbal de flagrance fiscale.
Exemple : Un contribuable qui clôt son exercice au 31 décembre fait l'objet en mai 2008 d'une flagrance fiscale au cours d'un droit de visite et de saisie. Lors du contrôle engagé en juillet 2009, le droit de reprise pourra s'exercer au titre des années 2003, 2004, 2005, 2006, 2007 et 2008.