Date de début de publication du BOI : 10/08/1998
Identifiant juridique : 13O7112
Références du document :  13O7112

SOUS-SECTION 2 LES DÉCISIONS DE CARACTÈRE INDIVIDUEL


SOUS-SECTION 2

Les décisions de caractère individuel


1Moins importantes par leurs éventuelles incidences que les recours visant des décisions réglementaires, les instances dirigées contre des décisions administratives individuelles sont, en revanche, nettement plus nombreuses. Elles ressortissent d'ailleurs à des domaines variés.

Sont ainsi susceptibles d'un recours pour excès de pouvoir :


  A. LES DÉCISIONS PORTANT REFUS OU RETRAIT D'AGRÉMENTS MINISTÉRIELS

(cf. également DB 13 D 10, n° 51 )


2Il en est ainsi même lorsque le contentieux de l'impôt concerné relève des tribunaux de l'ordre judiciaire (Trib. des Conflits, décision du 17 octobre 1988, n° 2523, Leb., p. 494).

Au demeurant, cette matière a fourni au Conseil d'État l'occasion de marquer nettement sa volonté d'étendre le contrôle du juge de l'excès de pouvoir à la légalité des décisions de caractère économique prises par les pouvoirs publics.

En effet, nonobstant le large pouvoir d'appréciation conféré, dans certains cas, à l'administration, la Haute Assemblée a consacré la compétence de la juridiction administrative pour examiner tant les motifs de fait que les motifs de droit des refus ou retraits d'agrément.

Pour permettre à cette juridiction d'exercer son contrôlé sur la légalité d'une décision portant refus d'un agrément fiscal, l'administration est tenue d'indiquer au juge de l'excès de pouvoir les raisons de fait et de droit ayant motivé ladite décision (CE, arrêt du 26 janvier 1968, req. n° 69765, Leb. p. 61).

Même lorsqu'elle dispose d'un pouvoir discrétionnaire, l'administration doit exercer son action dans un cadre légal dont le respect est vérifié par le juge administratif. Notamment, elle ne doit pas commettre d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'opportunité de délivrer un agrément ou de le refuser.

En revanche, l'autorité compétente ne peut lier le pouvoir discrétionnaire qui lui a été concédé par le législateur en refusant un agrément sur le fondement d'un principe non contenu dans la loi. Elle commet alors une erreur de droit (CE, arrêt du 7 février 1990, req. n° 98830, RJF 4/90, n° 468).


  B. LES DÉCISIONS PRISES SUR LES DEMANDES EN REMISE OU EN MODÉRATION D'IMPÔTS PRÉSENTÉES PAR LES CONTRIBUABLES

(cf. également DB 13 S 274)


3Les recours pour excès de pouvoir dirigés contre les décisions prises sur les demandes en remise ou en modération d'impôts présentées par les contribuables sont recevables dès lors que leurs auteurs ne peuvent être admis à saisir le juge de l'impôt.

La circonstance que les décisions prises par le directeur sur les demandes de l'espèce sont susceptibles de recours devant le directeur général ne fait pas obstacle à l'introduction d'un tel recours (CE, arrêt du 18 décembre 1970, req. n° 75639, RJ, n° IV, p. 176, et 15 janvier 1971, req. n° 78338, Droit Fiscal, 1971, n° 620).

Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence du Conseil d'État que les dispositions actuellement codifiées sous l'article L 247 du LPF doivent être regardées comme ayant seulement pour objet de limiter les cas dans lesquels l'administration peut accorder une remise ou une modération. Corrélativement, elles n'ouvrent pas au contribuable un droit à l'obtention d'un allégement gracieux (CE, arrêt du 29 juillet 1953, X... , RO, p. 318).

Le refus de l'administration d'accorder une remise ou une modération ne peut être annulé que si cette décision, qui n'a pas à être motivée, est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur de fait, d'une erreur manifeste d'appréciation ou si elle est révélatrice d'un détournement de pouvoir (CE, arrêt du 15 octobre 1980, req. n° 17482, RJF 12/80, n° 997).

C'est ainsi qu'en cas de demande fondée sur la gêne ou l'indigence, le juge de l'excès de pouvoir examine notamment si l'administration n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation quant à la possibilité pour le contribuable de se libérer de sa dette fiscale compte tenu de ses facultés contributives.


  C. LES DÉCISIONS RELATIVES À L'ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES


4La tutelle du ministre sur l'ordre des experts-comptables est exercée par la Direction générale des impôts. Cette dernière représente donc l'État dans les instances introduites par les membres de l'ordre ou les personnes désirant y être admises.

Ces instances sont essentiellement dirigées contre les décisions prises en matière de discipline et d'inscription au tableau.


  D. LES DÉCISIONS CONCOURANT À L'ÉVALUATION DES PROPRIÉTÉS BÂTIES ET NON BÂTIES


5Il s'agit des décisions visées aux articles 8, 11, 12, 15, 23, 24, 25, 26, 27 et 33 de la loi n° 90-669 du 30 juillet 1990 relative à la révision générale des évaluations des immeubles retenus pour la détermination des bases des impôts directs locaux.

L'article 34-II de la loi dispose expressément que ces décisions peuvent faire l'objet de recours pour excès de pouvoir qui sont jugés selon une procédure d'urgence.


  E. LES DÉCISIONS ET AVIS DES COMMISSIONS FISCALES



  I. Commission centrale permanente compétente en matière de bénéfice agricole forfaitaire


6L'article 1652-4 du CGI dispose que les décisions de la commission centrale permanente compétente pour fixer les éléments à retenir pour le calcul du bénéfice agricole forfaitaire, ne peuvent être attaquées que devant le Conseil d'État par la voie du recours pour excès de pouvoir.


  II. Commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et Commission départementale de conciliation


7Les avis et les décisions rendus par ces organismes ne peuvent, en principe, être attaqués. par la voie d'un recours pour excès de pouvoir. Toutefois, s'agissant des décisions, cette règle ne s'applique pas systématiquement.

1. Les avis.

8L'avis émis par une commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'est pas susceptible d'être déféré au juge de l'excès de pouvoir dès lors qu'il ne constitue pas une « décision » faisant grief au contribuable. Cet avis ne peut donc être utilement critiqué qu'à l'occasion d'une réclamation introduite selon la procédure actuellement prévue aux articles R* 190-1 et suivants du LPF et dirigée contre les impositions mises en recouvrement à la suite de l'intervention de la commission (CE, arrêt du 25 avril 1955, req. n° 33169, RO, p. 298, CE, arrêt du 19 novembre 1956, req. n° 38216, RO, p. 206).

Il en est de même pour l'avis émis par une commission départementale de conciliation (CE, arrêt du 10 juillet 1989, req. n° 67658).

2. Les décisions.

9À la différence des avis, il s'agit de véritables « décisions » susceptibles de faire grief.

Cependant, selon la jurisprudence du Conseil d'État, ces décisions ne sont pas détachables de la procédure d'imposition et, par suite, leur légalité ne peut également être mise en cause qu'à l'occasion d'une réclamation visant l'imposition subséquente (CE, arrêt du 17 avril 1974, req. n° 91252, Dup. 1974, p. 272).

Prenant en considération le fait qu'un contentieux fiscal ne peut être effectivement engagé en l'absence d'imposition, la Haute Assemblée a néanmoins jugé qu'un contribuable non assujetti à l'impôt sur le revenu est recevable à déférer au juge de l'excès de pouvoir la décision par laquelle la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a fixé son bénéfice commercial forfaitaire. En effet, bien qu'elle n'ait aucune conséquence pratique sur le plan fiscal, cette décision fait grief au requérant dans la mesure où le bénéfice retenu est utilisé pour l'assiette de diverses cotisations sociales (CE, arrêt du 8 mai 1981, req. n° 17929, RJF 7/81, n° 712).


  F. LES ÉNONCIATIONS DES DOCUMENTS CADASTRAUX


10Les recours pour excès de pouvoir sont recevables en matière cadastrale lorsqu'ils tendent à la mise en cause des énonciations des documents cadastraux.

C'est ainsi, par exemple, qu'à la suite d'un tel recours, le Conseil d'État a jugé qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit à l'administration, dans le cadre des opérations de rénovation du cadastre et indépendamment des mutations consécutives aux modifications affectant la situation juridique des biens, de rectifier de sa propre initiative, les énonciations cadastrales manifestement entachées d'inexactitude (CE, arrêt du 25 juillet 1975, req. n° 92863, X... , Leb. p. 444).

Toutefois, la requête n'est recevable qu'à la condition d'avoir été précédée d'une demande de rectification des documents cadastraux adressée à l'administration (CE, 21 janvier 1981, req. n° 24160, Droit Fiscal 1981, n° 23, p. 766).


  G. LES DÉCISIONS PORTANT REFUS DE COMMUNICATION DE DOCUMENTS ADMINISTRATIFS


11Il s'agit des décisions prises en application du titre 1er modifié de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 relatif à la liberté d'accès aux documents administratifs (cf. DB 13 K 242 ).

Les personnes auxquelles a été opposé un refus total ou partiel de communication ou celles qui n'ont pas reçu de réponse du service dans le mois de leur demande, peuvent saisir la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA). À la suite de l'avis émis par cet organisme, elles ont la faculté de se pourvoir devant le tribunal administratif par la voie d'un recours pour excès de pouvoir lorsque l'administration maintient explicitement ou implicitement sa position initiale.

Sur ce point, le Conseil d'État a jugé que l'avis de la CADA ne présente pas en lui-même le caractère d'une décision faisant grief et que seule la nouvelle décision prise, au vu de cet avis, par l'autorité compétente est susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir (CE, arrêt du 16 juin 1986, req. n° 29633, RJF 8-9/86, n° 823).


  H. DÉCISIONS DIVERSES


12Peuvent également faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir :

- la décision de l'administration fixant le lieu d'imposition d'une société (CE, arrêt du 18 novembre 1977, req. n° 2761, Leb., p. 453) ;

- le refus opposé à la demande présentée par une entreprise en vue d'obtenir l'autorisation d'acquitter la TVA à raison de ses livraisons de déchets neufs d'industrie et de matières de récupération (article 260 E du CGI) ;

- l'attestation délivrée par un inspecteur des impôts pour le calcul de la participation des salariés aux fruits de l'expansion (CE, arrêt du 26 janvier 1990, req. n°s 60197, 60249 et 66675, RJF 3/90, n° 272) ;

- les avis de mise en recouvrement relatifs à l'amende de 5 % pour défaut de paiement par chèque prévue à l'article 1840 N sexies du CGI (cf. 13 N 2613 et 13 N 33) ;

- le refus opposé à une demande tendant à l'abrogation d'un texte réglementaire illégal (CE, arrêt du 3 février 1989, requête n° 74052, Leb., p. 44).

Cette liste n'est pas limitative.