SECTION 3 NATURE ET PORTÉE DES DÉSACCORDS
SECTION 3
Nature et portée des désaccords
La compétence de la commission départementale des impôts est doublement limitée.
1Une première limite concerne les matières à l'égard desquelles elle peut légalement se prononcer. Ces matières sont énumérées plus haut, DB 13 M 221 .
2La seconde limite de cette compétence tient à la nature et à la portée des désaccords qui, dans les matières ainsi énumérées, peuvent ou doivent être déférés à cette commission. À défaut de disposition légale expresse, cette seconde frontière a été définie par la jurisprudence du Conseil d'État.
C'est ainsi que la Haute Assemblée a été amenée à préciser que :
- dans les matières où la commission émet un avis, elle ne peut trancher que des questions de fait, à l'exclusion des questions de droit ;
- dans les cas où cet organisme est appelé à fixer le bénéfice ou le chiffre d'affaires imposable, il doit se prononcer sur toutes les questions, de droit ou de fait, nécessaires à la détermination de la base imposable.
A. MATIÈRES DANS LESQUELLES LA COMMISSION DONNE SON AVIS
3Dans les matières où elle peut être appelée à formuler un avis, la commission doit se limiter à l'examen et à la solution des seules questions de fait, à l'exclusion des questions de droit.
Le service peut d'ailleurs s'abstenir de saisir la commission lorsque le litige porte uniquement sur des questions de droit (CE, arrêts du 28 décembre 1988, n° 57847, du 22 février 1989, n° 89081, du 26 juillet 1991, n° 67941, X... , du 6 novembre 1991, n° 68781, SA GRANIFEU).
4Ont été regardées comme des questions de fait susceptibles d'être soumises en toutes circonstances à l'appréciation de la commission départementale des litiges relatifs :
- au caractère anormalement élevé des rémunérations d'un dirigeant de société, dans la mesure où la contestation n'a pas pour objet de déterminer si la convention liant l'intéressé à la société constitue un véritable contrat de travail ou si les émoluments rémunèrent un travail effectif (CE, arrêts du 7 février 1958, req. n° 40371, RO p. 43 et du 2 mai 1961, req. n° 45065, RO, p. 344) ; dans ces deux derniers cas, il s'agit de la remise en cause de la sincérité ou de la réalité du contrat de travail par application des dispositions de l'article L. 64 du LPF (cf. ci-dessous, n° 6 ) ;
- au caractère excessif des taux utilisés par un contribuable pour le calcul des amortissements (CE, arrêt du 5 juin 1961, req. n° 48550, RO, p. 368) et à l'appréciation des motifs qui justifient une dérogation aux usages qui commandent le taux d'amortissement (CE, 10 avril 1991, n° 75553) ;
- à l'insuffisance du loyer stipulé dans un bail par rapport à la valeur locative réelle de biens loués par une société à une autre société, dès lors qu'il n'est pas soutenu que l'acte ne constitue pas un véritable contrat de location, ni que le prix fixé ne présente pas le caractère d'un loyer (CE, arrêt du 17 décembre 1956, req. n° 32931, RO, p. 230) ou à l'insuffisance du prix de la cession par une société d'un bien de son actif à l'un de ses associés par rapport à la valeur réelle de ce bien (CE, arrêt du 25 novembre 1966, req. n° 66681, RO, p. 277) ;
- à un abandon de créance afin de déterminer s'il a été consenti dans l'intérêt de l'entreprise (CE, 8 février 1984, n° 64274) ;
- au caractère probant et sincère d'une comptabilité (CE, arrêts du 13 juillet 1966, req. n° 68389, RO, p. 234, et du 12 décembre 1973, req. n° 80708 et CE, 8 février 1984, n° 29174) ;
- au rattachement, soit aux profits de la société, soit aux revenus propres de son gérant, de ventes sans facture, traitées par le gérant de ladite société (CE, arrêt du 24 février 1965, req. n° 55294, Lebon, p. 128) ;
- au montant normal ou exagéré d'une redevance pour exploitation de brevet, dès lors que le caractère fictif ou frauduleux de la convention n'est pas invoqué (CE, arrêt du 25 juin 1969, req. n° 74112) ou du prix d'acquisition d'un brevet par rapport à sa valeur vénale (CE, 12 janvier 1990, n° 57754) ;
- à la réintégration de provisions pour renouvellement du matériel et d'amortissements industriels de constructions, dans la mesure où le désaccord est relatif à l'appréciation des circonstances particulières invoquées par le contribuable pour justifier l'importance de ces provisions et de ces amortissements (CE, arrêt du 10 juillet 1974, req. n° 79461, RJ, n° IV, p. 90) ;
- au mode de calcul d'une provision pour dépréciation de stock, lorsque ledit calcul ne peut être effectué qu'en tenant compte de la diversité des marchandises et des délais variables de leur dépréciation (CE, arrêt du 16 avril 1975, req. n° 93460, RJ, n° IV, p. 27) ;
- au bénéficiaire véritable des commissions qu'une entreprise a déclaré avoir versées à un tiers (CE, arrêt du 25 février 1981, n° 15374) ;
- à l'incidence des réparations des véhicules d'une entreprise de transport sur leur durée probable d'utilisation (CE, arrêt du 21 février 1990, n° 58482).
5En revanche, s'analysent comme des questions de droit :
- la détermination du lieu d'imposition (CE, arrêt du 15 mars 1946, req. n° 71630, RO, p. 25) ;
- l'application des pénalités (CE, arrêt du 8 novembre 1967, req. n° 70905, RJ, 2e partie, p. 227) sous réserve toutefois des dispositions de l'article L. 250 du LPF (cf. DB 13 M 2211, n° 19 ) ;
- la qualification générale, au regard de la loi fiscale :
de biens vendus, en ce qui concerne leur imposition à la TVA (CE, arrêt du 11 juillet 1973, req. n° 88817, RJ, n° IV, p. 86),
des sommes reçues par un contribuable (CE, arrêts du 14 novembre 1973, req. n° 86579, RJ, n° IV, p. 116 et du 3 juillet 1985, n° 35503) ;
- la réintégration, dans les bénéfices industriels et commerciaux d'un contribuable, de plus-values de cession de véhicules et d'annuités d'amortissements quand ces redressements ne soulèvent que des questions de droit (CE, arrêt du 5 novembre 1971, req. n° 77470, RJ, n° IV, p. 140) ;
- le principe même de la constitution d'une provision (CE, arrêts du 19 mars 1969, req. n°s 64119 et 72313 et du 10 juillet 1974, req. n° 79461, RJ, n° IV, p. 90) ;
- la déductibilité des bénéfices sociaux, d'une perte de change alléguée par une société (CE, arrêt du 21 avril 1958, req. n° 39603, RO, p. 108) et, d'une façon générale, le principe même selon lequel les charges comptabilisées par une entreprise doivent recevoir un commencement de justification (CE, arrêt du 31 janvier1973, req. n° 78161, RJ, n° IV, p. 8) ;
- la qualification, au regard de la loi fiscale, des versements faits par une société à ses gérants ;
- la nature juridique de l'activité exercée par un redevable (CE, arrêt du 27 février 1967, req. n° 68233, RJ, 2e partie, p. 68) ;
- la régularité d'une procédure d'évaluation d'office (CE, arrêt du 21 juillet 1972, req. n° 82603) ou de la remise en cause d'une évaluation administrative conclue sur la base de renseignements inexacts (CE, arrêt du 6 octobre 1976, req. n° 97230) ;
- la réintégration, dans les bénéfices non commerciaux d'un contribuable, d'intérêts de créances (CE, arrêt du 12 novembre 1969, req. n° 74896, RJ, 2e partie, p. 139).
Remarque : Litiges entrant dans la compétence du comité consultatif pour la répression des abus de droit.
6Lorsque l'Administration entend écarter des actes juridiques - selon elle, non sincères et destinés à faire échapper à l'impôt des sommes normalement imposables - pour asseoir ledit impôt d'après le véritable caractère et la réelle signification des actes qu'elle met en cause, les litiges qui peuvent s'ensuivre sont susceptibles d'être soumis à l'appréciation du comité consultatif pour la répression des abus de droits, conformément aux dispositions des articles L. 64 du LPF (cf. ci-après DB 13 M 53 ).
L'intervention du comité consultatif, comme la simple référence à des redressements de cette nature, exclut la compétence de la commission départementale des impôts (CE, arrêt du 17 décembre 1956, req. n° 32931, RO, p. 230).
B. MATIÈRES DANS LESQUELLES LA COMMISSION FIXE LE BÉNÉFICE OU LE CHIFFRE D'AFFAIRES
7En cas de désaccord sur la détermination du bénéfice non commercial réalisé par un contribuable placé sous le régime de l'évaluation administrative 1 , la commission départementale des impôts doit être saisie et a l'obligation de fixer le montant du bénéfice imposable après avoir examiné et tranché toutes les questions, tant de droit que de fait, dont la solution est nécessaire pour évaluer ce bénéfice. Lorsque la commission n'a pas arrêté le bénéfice imposable, s'étant estimée incompétente à l'égard d'une question de droit, en l'espèce la déductibilité d'intérêts d'un emprunt, et que l'Administration a déterminé elle-même ce bénéfice, la procédure d'imposition est irrégulière (CE, arrêt du 27 juin 1975, req. n° 93184, RJ, n° IV, p.40).
Cet arrêt, rendu par le Conseil d'État statuant en formation de section, en matière de BNC, est applicable dans les mêmes conditions à la fixation des forfaits 1 de bénéfices industriels et commerciaux et de taxes sur le chiffres d'affaires.
1 L'article 7 de la loi de finances pour 1999 a relevé les limites d'application des régimes micro-entreprise (CGI, art. 50-0) et déclaratif spécial (CGI. art. 102 ter) à compter de la détermination des résultats de l'année 1999. Corrélativement. les régimes du forfait et de l'évaluation administrative sont supprimés.