SOUS-SECTION 3 NOTIFICATION DES REDRESSEMENTS
d. Décisions jurisprudentielles.
90Le Conseil d'État a jugé irrégulière, parce que, insuffisamment motivée, la notification :
- qui comporte pour seule motivation au regard de la détermination, selon le régime du bénéfice réel, de bénéfices industriels et commerciaux, le mot « insuffisances » (CE, arrêt du 5 novembre 1962, req. n os 34445 et 37937, BO, p. 188) ;
- qui contient simplement, en matière de bénéfices non commerciaux imposés d'après le régime de la déclaration contrôlée, l'énumération des postes sur lesquels portaient les rehaussements envisagés et la base chiffrée correspondante, la référence, dans cette lettre, à des motifs communiqués verbalement au contribuable n'ayant pas pour effet de pallier le défaut de motivation entachant l'avis de notification (CE, arrêt du 26 novembre 1965, req. n° 62890, RO, p. 446) ;
- qui, adressée à un contribuable et fondée sur le caractère excessif des salaires perçus par l'intéressé et son épouse en qualité de PDG et de directeur général adjoint d'une SA, ne distingue pas le cas de chaque époux. Cette insuffisance de motivation n'est pas couverte par un renvoi de la notification aux détails donnés par ailleurs dans la notification de redressements adressée à la SA (CE, arrêt du 10 décembre 1982, req. n° 30732) ;
- qui se borne à indiquer la méthode administrative extra-comptable de restitution du chiffre d'affaires de l'entreprise, sans mentionner les motifs qui ont conduit le vérificateur à écarter la comptabilité (CE, arrêt du 12 février 1992, n os 69324 - 69325 - 79965 - 79966 ; à rapprocher CE, arrêt du 10 juillet 1991, n° 70956) ;
- qui, portant sur une omission de régularisation de TVA, se borne à exposer le mode de calcul des rectifications envisagées sans indiquer les motifs de droit de nature à justifier le principe de l'imposition et le mode de calcul retenu (CE, arrêt du 9 octobre 1992, n° 89130) ;
- dans laquelle l'administration indique seulement que ses recherches lui permettent de qualifier de revenus de capitaux mobiliers certaines sommes perçues par le contribuable (CE, arrêt du 9 octobre 1992, n° 86531) ;
- qui impose les profits de construction réalisés par un contribuable ayant déjà acquitté le prélèvement de 25 % dès lors qu'elle ne se réfère pas au versement du prélèvement et qu'elle n'indique pas les motifs pour lesquels elle refuse le caractère libératoire du prélèvement (CE, arrêt du 29 janvier 1993, n° 80759).
En outre, lorsque l'administration tire les conséquences de redressements apportés aux résultats d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés en ce qui concerne la situation personnelle des associés au regard de l'impôt sur le revenu, la notification de redressements adressée à ces derniers doit être suffisamment motivée ; elle doit en conséquence reproduire les motifs qui ont justifié les rehaussements sociaux.
Il a été jugé que l'imposition établie, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, au nom d'un associé d'une société civile à la suite de l'assujettissement de cette dernière à l'impôt sur les sociétés n'est pas suffisamment motivée, dès lors que la notification adressée à cet associé ne précisait ni les raisons pour lesquelles la société était passible de l'impôt sur les sociétés, ni les textes dont il était fait application et ne le mettait pas, dans ces conditions, à même de contester utilement le bien-fondé de ce redressement (CE, arrêt du 5 mars 1980, req. n° 17773 ; à rapprocher, arrêt du 22 mai 1992, n° 79982).
Jugé dans le même sens qu'une notification de redressements adressée, en matière d'impôt sur le revenu, au bénéficiaire des revenus distribués, est insuffisamment motivée si elle ne mentionne pas les raisons de fait ou de droit pour lesquelles l'administration a estimé devoir rehausser les bases d'imposition de la société, même si le bénéficiaire de ces sommes est le dirigeant et principal associé de l'entreprise (CE, arrêts des 16 février 1987, n° 46651 et 1er juillet 1987, n° 52983).
En fait, il y a lieu de considérer que la notification de redressements à l'impôt sur le revenu adressée, consécutivement à une vérification de comptabilité au bénéficiaire de revenus réputés distribués doit obligatoirement reproduire les motifs qui ont justifié les redressements sociaux sans distinguer selon la qualité du bénéficiaire, qu'il s'agisse d'un associé non informé des affaires sociales ou d'un associé dirigeant ayant déjà eu connaissance par ses fonctions des redressements sociaux.
91En revanche, la Haute Assemblée a décidé que la notification était suffisamment motivée dans les cas suivants :
- lorsque l'administration a, au cours de la procédure contentieuse, justifié les redressements apportés à la déclaration d'un contribuable en se fondant sur des motifs différents de ceux qui étaient indiqués dans la notification desdits redressements (CE, arrêt du 4 février 1970, n° 74423, RJ, n° IV, p. 18) ;
- lorsque l'administration fait état d'un jugement rendu en matière pénale et couvert par une loi d'amnistie, dès lors qu'elle ne mentionne ni l'infraction poursuivie, ni la condamnation prononcée (CE, arrêt du 13 mars 1974, req. n° 90216, RJ, n° IV, p. 40) ;
- lorsque l'administration se réfère pour des redressements relatifs à la taxe sur lés salaires, aux résultats d'un contrôle effectué par un organisme de Sécurité sociale, duquel il ressortait que des indemnités pour frais de déplacement allouées au personnel de l'entreprise devaient être considérées comme des salaires pour l'assiette des cotisations de Sécurité sociale (CE, arrêt du 28 janvier 1981, req. n° 15087).
e. Information du contribuable et obligation de lui communiquer, à sa demande, les renseignements ou documents recueillis auprès de tiers.
1° Information du contribuable.
92 Lorsque l'administration utilise des renseignements recueillis auprès de tiers dans l'exercice de son droit de communication, l'administration doit en informer le contribuable dans la notification de redressements afin de le mettre ainsi à même de contester la portée des informations avant la mise en recouvrement (CE, 31 octobre 1990, n° 51223).
La jurisprudence exige que l'administration fasse apparaître suffisamment clairement la nature et l'origine des documents mentionnés pour que le contribuable soit en mesure, s'il le souhaite, d'en demander la communication (CE, arrêt du 23 novembre 1992, n° 64305).
Elle doit également avoir corroboré ces renseignements par des constatations faites directement auprès de l'intéressé, dans son entreprise, son activité ou sa situation (CE, 25 novembre 1994, n° 122656).
Par ailleurs, il est fait obligation à l'administration d'informer le contribuable non seulement de la teneur mais aussi de l'origine des informations recueillies dans le cadre du droit de communication exercé auprès de tiers et servant à asseoir la motivation des redressements, quand bien même n'y aurait-il pas de documents à communiquer et alors que l'information, non contestée par le contribuable, a été simplement relevée lors d'une visite chez ce tiers (CE, 29 décembre 2000, n° 209523, M. X... ).
L'information doit être effective quelle que soit la procédure d'imposition utilisée. À défaut, la procédure est jugée irrégulière (CE 3 décembre 1990, n° 103101, SA Antipolia ; CE 24 novembre 1997, n° 171928).
Sont seuls concernés par cette obligation les documents fondant les redressements, c'est-à-dire ceux contenant les renseignements effectivement utilisés et mentionnés dans la notification par le service pour justifier les rehaussements (CE, 30 septembre 1996, n° 139846).
2° Obligation de communiquer au contribuable les renseignements ou documents obtenus auprès de tiers.
93 Si l'administration n'est pas tenue de communiquer spontanément les documents en cause (CE, 10 juillet 1996, n° 160164), elle doit accéder à la demande formulée en ce sens par le redevable, sous réserve que celle-ci ait été régulièrement présentée avant la clôture de la procédure d'imposition et la mise en recouvrement des redressements notifiés (CE, 3 décembre 1990, n° 103101 précité et Cass. com., 6 octobre 1998, Bull. IV, n° 231, p. 194 [cf. annexe VIII]).
À cet égard, il a été jugé qu'une demande contenue dans le mémoire présenté par le contribuable à la commission départementale des impôts directs et des TCA ne vaut pas saisine de l'administration (CE, 29 décembre 1999, n° 204343).
Par ailleurs, le Conseil d'État exige de l'administration qu'elle communique au contribuable les documents obtenus dans le cadre du droit de communication exercé auprès de l'autorité judiciaire, alors même que le contribuable est l'auteur ou le destinataire de tels documents (CE, 10 juin 1998, n° 168322, SARL « Le Sansa's »).
Enfin, par un arrêt du 14 février 2001, n° 203465, le Conseil d'État a précisé que l'obligation de tenir à disposition les documents qui ont fondé le redressement ne porte que sur les documents originaux ou copies effectivement détenues par les services fiscaux. Lorsque les documents que le contribuable demande à examiner sont détenus non par l'administration fiscale qui en a seulement pris connaissance dans l'exercice de son droit de communication, mais par un autre service, il appartient à l'administration fiscale de renvoyer l'intéressé vers ce service ».
3. Montant des redressements.
94Le montant de chaque redressement est chiffré en « éléments servant de base au calcul de l'impôt ».
La notification de redressements n'a pas à comporter d'indications relatives au supplément de droits simples exigible et aux pénalités susceptibles d'être appliquées, sous réserve des exceptions suivantes :
- l'article L. 48 du LPF rend obligatoire l'information du contribuable sur le montant des droits et des pénalités résultant des redressements notifiés.
Ces dispositions ne s'appliquent qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité ou d'un ESFP, en cas de recours à la procédure de redressement contradictoire, sous réserve du cas prévu à l'article L. 69 du LPF. Elles sont étudiées supra DB 13 L 1322 .
- s'agissant des droits et taxes recouvrés par les comptables de la Direction générale des impôts, la notification de redressements ainsi que les pièces de procédure subséquentes lorsque le montant des droits initialement notifié est ultérieurement modifié, contient des éléments de calcul (base, taux...) relatifs aux droits, pénalités et intérêts de retard qui seront mis en recouvrement. Ces dispositions s'appliquent lorsque les rappels sont notifiés dans le cadre de la procédure de redressement contradictoire.
Il est rappelé qu'en matière des taxes sur le chiffre d'affaires, les droits constatés à la suite du dépôt de déclarations non suivies de paiement immédiat n'ont pas à être repris dans les notifications qui interviendraient ultérieurement, notamment à l'issue d'une vérification de comptabilité.
95Lorsque le contribuable - avant l'établissement des impositions supplémentaires consécutives à la vérification - formule une demande de transaction à laquelle l'administration donne suite, l'intéressé est informé du montant de l'impôt en principal et des pénalités par la notification du projet de transaction (cf. DB 13 S ).
III. Signature, date, identification du service d'origine et de l'agent signataire
96La notification doit être datée et porter la signature de l'agent chargé de sa rédaction ainsi que l'indication de son nom et de son grade.
Le Conseil d'État a jugé à cet égard que la notification qui ne comporte pas la signature manuscrite de son auteur mais seulement l'indication dactylographiée du nom d'un agent et de son titre ne peut constituer une notification de redressements au sens de l'ancien article 1975 du CGI (actuellement L. 189 du LPF), et n'est pas en conséquence interruptive de prescription (CE, arrêt du 17 février 1988, n° 56130 ; à rapprocher : CE, arrêt du 12 décembre 1990 n° 57510).
Il en a jugé de même en ce qui concerne une notification revêtue d'une signature manuscrite ne correspondant ni à celle de l'agent dont le nom et le titre sont dactylographiés sur le document ni à celle d'aucun autre agent de l'administration ayant qualité pour établir une notification de redressements (CE, arrêt du 17 février 1988, n° 56129).
De plus, pour permettre au contribuable de répondre utilement à la notification ou de s'informer, la lettre doit également comporter l'indication du service d'origine, de l'adresse des bureaux et du numéro de téléphone.
ANNEXE I
Com. 16 mai 1995, n°1033 P
« Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Paris, 13 janvier 1993), qu'à la suite d'une vente consentie par la société Sucre Union Investissement (SUI) à la société Sucrière de l'Oise, devenue Société financière Sucre Union (SOFISU), l'administration fiscale a notifié au cédant SUI un redressement tendant au paiement des droits de mutation estimés dus ; que ce redressement contesté, a fait l'objet le 28 avril -1988 d'une décision de dégrèvement ; que le lendemain un nouveau redressement portant sur la même somme était notifié au cessionnaire SOFISU ; que ce dernier a demandé l'annulation de l'avis de mise en recouvrement résultant de ce dernier redressement :
Attendu que la société SOFISU reproche au jugement d'avoir rejeté sa demande alors, selon le pourvoi, d'une part, que la personne poursuivie en qualité de débiteur solidaire d'une dette fiscale peut opposer à l'administration des Impôts, outre les exceptions qui lui sont personnelles, toutes celles qui résultent de la nature de l'obligation, ainsi que celles qui sont communes à tous les co-débiteurs ; que le jugement qui, pour débouter la société SOFISU de sa demande, énonce que, bien qu'une obligation soit solidaire, les liens entre chaque débiteur et le créancier sont distincts et que le dégrèvement prononcé à l'encontre de l'un pour irrégularité de forme propre à la procédure n'interdit pas à l'administration de diligenter une nouvelle procédure régulière pour le même redressement à l'encontre du débiteur solidaire, voire du même redevable, a violé les articles 1208 du Code civil et L. 247 du Livre des procédures fiscales ; alors, d'autre part, qu'en estimant que la décision de dégrèvement serait motivée par une irrégularité de forme propre à la procédure, le Tribunal a dénaturé cette décision ne comportant pas une telle motivation et alors, enfin, qu'en se fondant sur la seule analyse de l'administration pour admettre le bien-fondé de sa réclamation sans fournir de motivation propre et en se bornant à énoncer que la jurisprudence invoquée par SOFISU ne saurait être retenue et n'était en rien identique à celle dont il était saisi, le Tribunal n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision des motifs propres à la justifier ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 1705 du Code général des impôts toutes les parties qui ont figuré dans un acte sont tenues solidairement des droits d'enregistrement auxquels cet acte est soumis ; qu'il s'ensuit que l'administration des Impôts peut notifier un redressement à l'un quelconque des débiteurs solidaires de la dette fiscale ;
Attendu, en second lieu, que c'est en motivant et en justifiant légalement sa décision que le Tribunal, hors toute dénaturation, a écarté le précédent jurisprudentiel invoqué par la société SOFISU, comme étranger au litige ;
Qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; ».