SECTION 3 DROIT DE VISITE ET DE SAISIE EN MATIÈRE D'IMPÔTS DIRECTS ET DE TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE
SECTION 3
Droit de visite et de saisie en matière d'impôts directs
et de taxe sur la valeur ajoutée
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1L'article L. 16 B du LPF, issu de l'article 94 de la loi de finances pour 1985 (loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984, JO du 30 décembre 1984) et de l'article 108-I de la loi de finances pour 1990 (loi n° 89-935 du 29 décembre 1989, JO du 30 décembre 1989), accorde un droit de visite et de saisie à l'Administration fiscale pour la recherche des infractions en matière d'impôts directs et de taxe sur la valeur ajoutée. L'article 94 précité, s'inspirant de plusieurs dispositions du code de procédure pénale, avait fait l'objet d'une saisine du Conseil Constitutionnel. Il a été déclaré conforme à la Constitution par la décision n° 84-184 DG du 29 décembre 1984 (cf. annexe ci-après).
2Ainsi, pour rechercher les infractions en matière d'impôts directs et de taxe sur la valeur ajoutée, les agents de l'Administration des Impôts ayant au moins le grade d'inspecteur, et habilités à cet effet par le directeur général des Impôts, peuvent, sous réserve des formalités prévues à cet égard - notamment autorisation et contrôle de l'autorité judiciaire, présence de l'occupant des lieux - procéder à des visites, en tous lieux, mêmes privés et à des saisies de pièces et documents.
A. CHAMP D'APPLICATION DU DROIT DE VISITE ET DE SAISIE
I. Impôts concernés
3Le droit de visite et de saisie concerne la recherche des infractions aux impôts directs et à la taxe sur la valeur ajoutée.
Il ne s'applique pas à la recherche des infractions en matière de droits d'enregistrement et de timbre, d'impôt de solidarité sur la fortune, d'impôts directs locaux et de taxe sur le chiffres d'affaires autres que la TVA.
II. Nature des infractions
4Le paragraphe I de l'article L. 16 B du LPF, énumère les cas de présomption de fraude dans lesquels l'autorité judiciaire peut autoriser l'Administration fiscale à procéder aux visites et saisies. Ainsi en est-il lorsque le contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices, ou de la taxe sur la valeur ajoutée :
- en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture ;
- en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ;
- en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures, ou en passant ou faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par le CGI.
III. Lieux d'exercice
5Les visites peuvent se dérouler en tous lieux, même privés, où les pièces et documents se rapportant aux agissements frauduleux sont susceptibles d'être détenus.
IV. Agents de l'Administration habilités à intervenir
6Les visites sont effectuées par les agents de catégorie A de l'Administration des Impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des Impôts.
Cependant, ces agents peuvent être assistés par d'autres agents des Impôts, habilités dans les mêmes conditions que les inspecteurs.
B. MODALITÉS D'EXERCICE DU DROIT DE VISITE ET DE SAISIE
I. Quant à la forme
7Les opérations sont placées, aux différents stades de leur déroulement, sous l'autorité et le contrôle du juge. En outre, un rôle spécifique est dévolu à l'officier de police judiciaire (LPF, art. L. 16 B-II et III). La visite ne peut être commencée avant 6 heures ni après 21 heures.
1. Rôle de l'autorité judiciaire.
8Le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui peut seul délivrer une ordonnance de visite dans les lieux qui ressortissent à la compétence du tribunal. Le magistrat doit vérifier de manière concrète le bien-fondé de la demande qui lui est faite par l'administration fiscale. Cette demande doit ainsi comporter tous les éléments d'information en possession de l'administration de nature à justifier la visite.
L'ordonnance de visite doit comporter :
- l'adresse des lieux à visiter ;
- le nom et la qualité du fonctionnaire habilité qui a sollicité et obtenu l'autorisation de procéder aux opérations de visite ;
- le cas échéant, la mention de la délégation du président du tribunal de grande instance.
Par ailleurs, le juge doit motiver sa décision par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée.
La visite et la saisie de documents s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées. A cette fin, il donne toutes les instructions aux agents qui participent à ces opérations. Il peut, s'il l'estime utile, se rendre dans les locaux pendant l'intervention, et peut décider la suspension ou l'arrêt de la visite.
Par ailleurs, si à l'occasion de la visite, les agents habilités découvrent l'existence d'un coffre dans un établissement de crédit dont la personne occupant les lieux visités est titulaire et où des pièces et documents se rapportant aux agissements visés au n° 4 ci-dessus sont susceptibles de se trouver, ils peuvent, sur autorisation délivrée par tout moyen par le juge qui a pris l'ordonnance, procéder immédiatement à la visite de ce coffre. La mention de cette autorisation doit être portée au procès-verbal prévu au IV de l'article L. 16 B du LPF(cf. n° 13 ci-après).
2. Rôle de l'officier de police judiciaire.
9L'officier de police judiciaire est désigné par le juge ; il assiste obligatoirement aux opérations et informe le magistrat de leur déroulement.
10Il peut seul. avec les agents des Impôts habilités, l'occupant des lieux ou son représentant, prendre connaissance des pièces et documents avant leur saisie ; à cet égard, il est chargé de veiller au respect du secret professionnel et des droits de la défense, conformément aux dispositions du Code de procédure pénale rappelées ci-après.
Article 56 C.P.P., 3ème alinéa. - « Toutefois, il (l'O.P.J.) a l'obligation de provoquer préalablement toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense ».
Article 58 C.P.P. - « Sous réserve des nécessités des enquêtes, toute communication ou toute divulgation sans l'autorisation de la personne mise en examen ou de ses ayants-droit ou du signataire ou du destinataire d'un document provenant d'une perquisition à une personne non qualifiée par la loi pour en prendre connaissance est punie d'une amende de 1.800 F à 30.000 F et d'un emprisonnement de deux mois à deux ans ».
11Lorsque la visite ne peut se dérouler en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant, l'officier de police judiciaire requiert deux témoins indépendants choisis en dehors des personnes relevant de son autorité ou de celle de l'administration des impôts ; ceux-ci ne peuvent pas prendre connaissance des pièces et documents avant ou après leur saisie.
II. Quant au fond
12L'ordonnance de visite délivrée par le juge est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite, à l'occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès verbal prévu au IV de l'article L. 16 B du LPF (cf. n° 13 ci-après).
En l'absence de l'occupant des lieux ou de son représentant, l'ordonnance est notifiée, après la visite, par lettre recommandée avec avis de réception.
La notification est réputée faite à la date de réception figurant sur l'avis.
À défaut de réception, il est procédé à la signification de l'ordonnance dans les conditions prévues par les articles 550 et suivants du Code de procédure pénale.
Le délai et les modalités de la voie de recours sont mentionnés sur les actes de notification et de signification. En effet, l'ordonnance n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation 2 selon les règles prévues par le code de procédure pénale ; ce pourvoi n'est pas suspensif. Les délais de pourvoi courent à compter de la notification ou de la signification de l'ordonnance.
13Par ailleurs, la loi exige (LPF, art. L. 16 B-IV et V) :
- un procès-verbal dressé sur-le-champ comportant la mention des constatations opérées au cours de la visite et les modalités de son déroulement ; ce document est signé par les agents de l'administration des impôts, l'officier de police judiciaire et les personnes visées au premier alinéa du paragraphe III de l'article L. 16 B (l'occupant des lieux ou son représentant, ou deux témoins) ;
- un inventaire des pièces et documents saisis, signé dans les mêmes conditions que le procès-verbal. Cet inventaire peut être différé jusqu'à ouverture des scellés lorsque, en raison des difficultés de l'inventaire sur place, les pièces et documents ont été placés sous scellés.
14Les originaux de ces documents sont, dès qu'ils ont été établis, remis au juge. Une copie est remise à l'occupant des lieux ou à son représentant.
15Les documents eux-mêmes sont restitués à l'occupant, au plus tard dans les six mois de la visite, sauf procédure incidente, auquel cas la restitution est autorisée par l'autorité judiciaire.
C. DROIT DE VISITE ET VÉRIFICATION FISCALE
16L'opération de visite et de saisie ne constitue pas en elle-même une vérification fiscale.
L'Administration ne peut opposer au contribuable les informations recueillies qu'après restitution des pièces et documents saisis, ou de leur copie, et après envoi d'un avis de vérification précisant que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix (LPF, art. L. 16 B-VI).
ANNEXE
CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Décision n° 84-184-DG du 29 décembre 1984 publiée au Journal Officiel du 30 décembre 1984
Considérant que les députés auteurs d'une saisine soutiennent que l'article 94 par l'imprécision des conditions dans lesquelles il ouvre le droit de procéder à des perquisitions et à des saisies est contraire au principe de la liberté individuelle dont l'article 66 de la Constitution confie la sauvegarde à l'autorité judiciaire et que, d'autre part, ce même article par l'insuffisance des garanties dont il entoure le déroulement des opérations, la conservation des documents saisis, leur restitution et leur utilisation éventuelle, permet qu'il soit procédé non à de simples constatations de fait, mais à des " vérifications occultes " ne respectant pas les droits de la défense ;
Considérant que l'article 94 de la loi de finances pour 1985 ne méconnaît aucune des exigences constitutionnelles assurant la conciliation du principe de la liberté individuelle et des nécessités de la lutte contre la fraude fiscale telles qu'elles ont été explicitées par la décision du Conseil constitutionnel en date du 29 décembre 1983, qu'en effet, il détermine de façon satisfaisante le domaine ouvert aux investigations par une définition précise des infractions, il assure le contrôle effectif par le juge de la nécessité de procéder à chaque visite et lui donne les pouvoirs d'en suivre effectivement le cours, de régler les éventuels incidents et, le cas échéant, de mettre fin à la visite à tout moment ; qu'ainsi le texte critiqué ne méconnaît en rien l'article 66 de la Constitution ;
Considérant, en ce qui concerne les droits de la défense, que l'article 94, par la procédure qu'il instaure, garantit la sincérité des constatations faites et l'identification certaine des pièces saisies lors des visites ; qu'il ne fait en rien obstacle à ce que le principe du contradictoire, qui n'est pas obligatoire pour de telles investigations, reçoive application, dès lors que l'administration fiscale ou le Ministère public entendrait se prévaloir du résultat de ces investigations ; qu'enfin, aucun principe constitutionnel ne s'oppose à l'utilisation, dans un intérêt fiscal, de documents ou de constatations résultant d'une perquisition régulière dans le cas où aucune poursuite pénale ne serait engagée ; qu'il suit de ce qui précède que l'article 94 ne méconnaît en rien les droits de la défense et qu'il doit être déclaré conforme à la Constitution.
1 À compter du 1er janvier 1993, les compétences de la Direction Générale des Impôts en matière d'assiette, de contrôle et de recouvrement des contributions indirectes et réglementations assimilées ont été transférées à la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects (DGDDI).
À ce titre, les procédures de contrôle prévues aux articles L. 26 (droit de visite et d'exercice) et L. 38 (droit de visite et de saisie) du LPF ont été transférées à la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects.
La compétence de la Direction Générale des Impôts a cependant été maintenue pour ce qui concerne la billetterie des établissements de spectacles soumis à TVA (article 290 quater du CGI) et la réglementation définissant les obligations des assujettis qui réalisent des opérations portant sur les animaux vivants de boucherie et de charcuterie (article 298 bis-III du CGI ; cf. DB 13 J 4422 et K 322).
2 S'agissant des conséquences de l'annulation, par la Cour de cassation, de la décision de l'autorité judiciaire autorisant une visite domiciliaire, on peut se reporter aux BOI 13 L-3-96 , 13 L-4-96 et 13 L-5-98 .