Date de début de publication du BOI : 10/08/1998
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SOUS-SECTION 4 DÉROGATIONS AU PROFIT DES AUTORITÉS JUDICIAIRES ET DES JURIDICTIONS

SOUS-SECTION 4

Dérogations au profit des autorités judiciaires et des juridictions

En principe, la règle du secret professionnel doit, compte tenu de son caractère général et absolu, être opposée aux autorités judiciaires et aux juridictions. Toutefois, d'importantes dérogations ont été prevues par la loi en leur faveur.

  A. COUR DES COMPTES, CHAMBRE RÉGIONALE DES COMPTES ET COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE

1Conformément aux dispositions de l'article L. 140 du LPF, les agents des Impôts sont déliés du secret professionnel à l'égard des magistrats, conseillers maîtres en service extraordinaire et rapporteurs de la Cour des Comptes, des magistrats de la Chambre régionale des Comptes ainsi que des rapporteurs auprès de la Cour de discipline budgétaire et financière, à l'occasion des enquêtes effectuées par ces magistrats, conseillers et rapporteurs dans le cadre de leurs attributions.

Les agents des Impôts dont l'audition est jugée nécessaire pour les besoins du contrôle ont l'obligation de répondre à la convocation de la Cour des Comptes ou à celle de la Chambre régionale des Comptes dans le ressort de laquelle ils exercent leurs fonctions. Ils peuvent également être interrogés en qualité de témoins par les rapporteurs auprès de la Cour de discipline budgétaire et financière.

  B. AGENTS ET OFFICIERS DE POLICE JUDICIAIRE

1. Travail clandestin ou dissimulé.

2L'article L. 141 du LPF dispose que les officiers et agents de police judiciaire peuvent recevoir de l'administration des Impôts communication de tous les renseignements nécessaires à l'accomplissement de leur mission de lutte contre le travail clandestin.

2. Intervention sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d'instruction.

3Les magistrats du parquet bénéficient d'une dérogation au secret professionnel en application de l'article 132-22 du nouveau Code pénal codifié à l'article L. 141 A du LPF (cf. ci-après n° 4 ). Dans ce cadre, ils peuvent délivrer des réquisitions aux officiers de police judiciaire.

De même, les juges d'instruction qui bénéficient d'une dérogation au secret professionnel en application de l'article 81 du code de procédure pénale peuvent délivrer des commissions rogatoires aux officiers de police judiciaire (cf. ci-après n°s 14 et suivants )

Les officiers de police judiciaire ainsi mandatés peuvent donc recevoir communication des renseignements et documents nécessaires à la mission qui leur est impartie par réquisition ou commission rogatoire.

  C. MAGISTRATS DU PARQUET

4L'article 132-22 du nouveau Code pénal, codifié sous l'article L. 141 A du LPF permet au procureur de la République d'obtenir de l'administration communication des renseignements utiles de nature financière ou fiscale, sans que puisse lui être opposée l'obligation au secret.

Le procureur de la République peut donc, dans le cadre de toutes les enquêtes préliminaires qu'il diligente, demander à l'administration fiscale, directement ou par l'intermédiaire d'un officier de police judiciaire à qui il délivre une réquisition, tous renseignements ou documents nécessaires à la réalisation de sa mission.

Par ailleurs, l'article 226-14 du nouveau Code pénal précise qu'il n'y a pas de violation du secret professionnel dans tous les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret.

5L'article 40 du Code de Procédure pénale énonce que le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner.

En son second alinéa, ce même article édicte, que tout fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.

Au plan de la terminologie, il convient de considérer que l'Administration est appelée :

- à porter plainte lorsque l'infraction dénoncée au procureur de la République lèse directement les intérêts dont elle a la charge ou s'insère dans le cadre des dispositions de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dont l'article 11 lui fait obligation d'assurer la protection de ses agents (cf. ci-après, n°s 35 et suivants ) ;

- à seulement dénoncer au procureur de la République les faits constitutifs de crimes ou de délits lorsque ces faits sont extérieurs à sa mission propre.

6Par instruction n° 118 B 3/2 du 15 juin 1959 (BOCI 1959, II, p. 169), l'Administration avait déjà appelé l'attention des agents de l'ancien service des Contributions indirectes sur les dispositions dudit article 40 du Code de Procédure pénale, reprises de l'article 29 de l'ancien Code d'Instruction criminelle, pour leur rappeler qu'ils devaient continuer, comme par le passé, à saisir rapidement les parquets, par l'intermédiaire de la direction dont ils dépendaient, de tout crime ou délit de droit commun dont ils auraient connaissance à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions.

Il devait plus spécialement en être ainsi des infractions dites mixtes ou de celles qui sont simplement connexes aux contraventions à la législation des contributions indirectes, telles l'ouverture illicite de débits de boissons, les fraudes dans la vente des marchandises et les falsifications des denrées alimentaires et des produits agricoles les contrefaçons de sceaux, timbres ou marques de l'État ou de l'autorité publique, etc.

7Mais les dispositions de l'article 40 du Code de Procédure pénale étant elles aussi très générales et illustrant le cas prévu par l'article 226-14 du nouveau Code pénal où la loi impose la révélation du secret par les fonctionnaires de la Direction Générale des Impôts, il y a lieu, dans la perspective d'une répression plus efficace de la délinquance financière, de considérer que leur champ d'application doit être étendu à tous les crimes ou délits qui peuvent être constatés au cours des opérations de contrôle fiscal et particulièrement lors des vérifications de comptabilité.

En effet, dès lors qu'en matière pénale l'article 11 du Code de Procédure pénale, qui édicte le secret de l'enquête et de l'instruction, prévoit de son côté que ce secret n'est pas opposable dans les cas où la loi en dispose autrement, l'article 40 du même code apparaît nettement, en ce qui concerne l'administration des Impôts, comme la contrepartie des articles L. 82 C et L. 101 du LPF, lesquels :

- d'une part, autorisent les magistrats du parquet à communiquer à l'administration des Impôts les dossiers des procédures en cours ;

- d'autre part, font obligation à l'autorité judiciaire de lui donner connaissance de toute indication qu'elle peut recueillir de nature à faire présumer une fraude en matière fiscale.

8Ainsi y a-t-il lieu de dénoncer plus spécialement au procureur de la République compétent - c'est-à-dire en général celui du lieu de l'infraction - les délits ci-après 1 dont les agents peuvent avoir connaissance au cours de leurs opérations de contrôle :

- infractions aux lois sur les sociétés commerciales, dont notamment les abus de biens sociaux (art. 423 et suiv. de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966) ;

- délits de banqueroute et délits assimilés (art. 196 à 209 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985) ;

- délits d'escroquerie (art. 313-1 à 313-3 du nouveau Code pénal) ;

- délits de faux ou d'usage de faux (art. 441-1 du nouveau Code pénal).

Il est rappelé que ces délits sont du reste susceptibles de constituer en même temps les infractions prévues et réprimées par les articles 1741, 1743-1° ou 1772-1-1° du CGI.

9De tels délits peuvent être constatés par de simples rapports établis en double exemplaire, sur papier libre, avant l'expiration du délai de trois ans 2 prévu à l'article 8 du Code de Procédure pénale pour la prescription de l'action publique.

Ces rapports doivent être adressés sans retard par les agents au directeur dont ils dépendent, lequel procédera attentivement à leur examen avant de les transmettre au procureur de la République.

  D. JUGES D'INSTRUCTION

Les dispositions relatives aux relations avec le juge d'instruction sont, bien entendu, applicables aux relations avec la chambre d'accusation et avec le magistrat éventuellement désigné par la juridiction de jugement pour procéder à un supplément d'information.

  I. Fraude fiscale

10Étant rappelé que la fraude fiscale et certaines infractions qui s'y rattachent sont constitutives de délits que le ministère public ne peut poursuivre que sur la plainte préalable de l'administration des Impôts, l'article L. 142 du LPF prévoit qu'au cas où une information a été ouverte sur les réquisitions prises par le procureur de la République à la suite du dépôt de la plainte, les agents de l'Administration sont déliés du secret professionnel vis-à-vis du juge d'instruction qui les interroge sur les faits faisant l'objet de la plainte.

De plus, l'article L. 232 du même livre autorise l'administration fiscale à se constituer partie civile dès l'ouverture de l'information.

En cours d'information judiciaire, l'administration des Impôts apparaît ainsi à la fois comme plaignante et comme une partie civile d'une nature particulière assumant la défense des intérêts du Trésor public en venant au soutien de l'action publique mise en mouvement par le ministère public.

11Le juge d'instruction a alors la possibilité d'entendre les agents de la Direction Générale des Impôts, soit en qualité de représentants de la partie civile, soit en qualité de témoins, et dans les deux cas ceux-ci sont expressément déliés du secret professionnel.

Dans ces conditions, les agents de l'Administration doivent donner au juge d'instruction tous les renseignements utiles à l'information et lui remettre directement tous les documents de nature à établir aussi bien la preuve des infractions dénoncées que l'identification des coupables, si tant est que ces documents n'ont pas déjà été annexés à la plainte 3 comme éléments d'appréciation.

12L'administration se trouvant placée dans la même situation que pour l'application de l'article 40 du Code de Procédure pénale (cf. ci-dessus, n°s 5 et suiv. ), ces éléments ou documents doivent également être donnés aux officiers de police judiciaire, qu'ils agissent sur commission rogatoire délivrée par le juge d'instruction, par application des dispositions de l'article 81 du Code de Procédure pénale, ou dans le cadre d'une enquête préliminaire prévue à l'article 75 du Code précité.

13De même, le secret professionnel ne saurait en cette matière être opposé aux experts commis par le juge d'instruction, dès lors que l'article 164 du Code de Procédure pénale énonce que lesdits experts peuvent recevoir à titre de renseignements et pour l'accomplissement strict de leur mission, les déclarations de personnes autres que la personne mise en examen.

Ces procédures étant suivies particulièrement, il convient d'informer la Direction des convocations reçues

  II. Crimes et délits de droit commun

14Lorsque le juge d'instruction informé sur des faits autres que ceux visés dans une plainte de l'Administration, à raison desquels les dispositions de l'article L. 142 du LPF ne peuvent dès lors trouver application, les agents de la Direction Générale des Impôts demeurent légalement tenus au secret professionnel, tant à son égard qu'à l'égard des officiers de police judiciaire auxquels il a pu donner commission rogatoire ou des experts qu'il a pu commettre.

En pareil cas, les agents de l'Administration sont dans l'obligation de se retrancher derrière le secret professionnel s'ils sont invités, soit par le juge d'instruction, soit par l'officier de police judiciaire ou par l'expert commis à témoigner sur des faits ou à fournir des renseignements couverts par ce secret.

15S'agissant de la question du témoignage, il est d'ailleurs souligné que, conformément aux dispositions de l'article 109 du Code de Procédure pénale, toute personne citée devant le juge d'instruction pour être entendue comme témoin est tenue de comparaître, de prêter serment et de déposer, sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du nouveau Code pénal.

16Mais, en ce qui concerne la communication au juge d'instruction de renseignements ou documents couverts par le secret professionnel, il reste que ce magistrat tient de l'article 81 du Code de procédure pénale le pouvoir de procéder à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité et, sur ce point, la jurisprudence de la Cour de cassation a fixé en ce sens :

- que les pouvoirs dont le juge d'instruction est ainsi investi ne souffrent aucune restriction ;

- que l'article 226-13 du nouveau Code pénal ne saurait les limiter ;

- que, plus spécialement, le secret imposé par l'article 226-13 du nouveau Code pénal ne met pas d'obstacle à ce que le juge d'instruction procède à la saisie de tous documents, pièces ou objets utiles à la manifestation de la vérité ;

- qu'ainsi un juge d'instruction a légalement pu faire procéder à la saisie de documents comptables relatifs à l'exploitation d'un cabinet dentaire - documents constitués par des fiches contenant des précisions sur le nom du malade, le prix des soins et interventions, les acomptes versés - et soumettre ensuite ces fiches à l'examen des experts par lui commis dans une poursuite du chef de fraude fiscale (Cass. crim. 8 juin 1966, affaire X...  ; Bull. crim. 1966, n° 167, p. 373) ;

- que, de même, un juge d'instruction a légalement pu faire procéder, dans un centre hospitalier, à une perquisition et à la saisie d'un dossier contenant des renseignements médicaux relatifs à l'admission et au séjour dans ce centre d'un inculpé dont il avait ordonné l'examen par des experts aux fins de rechercher si son état, au moment de son hospitalisation, pouvait être médicalement expliqué ou s'il était simulé, alors surtout que les prescriptions des articles 96 et 97 du Code de Procédure pénale, relatives aux mesures qui doivent être prises pour assurer le respect du secret professionnel, avaient été observées (Cass. crim. 24 avril 1969, affaire X...  ; Bull. crim. 1969. n° 145, p. 352).

17Il s'ensuit qu'il n'y a pas, de la part des agents de l'Administration, violation du secret professionnel au sens de l'article 226-13 du nouveau Code pénal lorsque, en application de l'article 81 du Code de Procédure pénale, le juge d'instruction procède lui-même - ou fait procéder par un officier de police judiciaire à qui il a donné commission rogatoire dans les conditions énoncées aux articles 151 et 152 du même code - à une perquisition dans les locaux administratifs pour y saisir tous documents auxquels est attaché le secret fiscal, mais utiles à la conduite de l'information. Il appartient seulement au magistrat instructeur de se conformer alors aux articles 96 et 97 du Code de Procédure pénale qui lui prescrivent de provoquer, préalablement, toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel en même temps que celui des droits de la défense.

18Dans l'hypothèse la plus courante où un officier de police judiciaire sera délégué par le juge d'instruction pour effectuer la saisie, les agents de l'Administration devront lui demander :

- de justifier, s'il en est besoin, de sa qualité ;

- de présenter la commission rogatoire invoquée ;

- de leur en délivrer une copie ou une photocopie pour être annexée au dossier fiscal.

Toutefois, la délivrance d'une telle copie ou photocopie pouvant présenter des inconvénients, il est admis que l'officier de police judiciaire remette à l'agent des impôts une simple réquisition faisant référence à la commission rogatoire préalablement présentée.

Sauf dans les cas où les circonstances particulières de la procédure l'exigeraient, la nécessité d'une perquisition dans les locaux administratifs parait exclue. Aussi, les agents devront de leur plein gré remettre, contre décharge, à l'officier de police judiciaire les documents réclamés, après avoir pris soin d'en conserver copie ou photocopie.

Dans le cas où la remise des originaux comporterait un inconvénient majeur, notamment si elle s'avérait préjudiciable à des tiers (cas de documents concernant plusieurs contribuables ou assujettis), il y aurait lieu, avec l'accord du magistrat instructeur, de ne remettre à l'officier de police judiciaire qu'un extrait certifié conforme et authentifié.

19Si la remise directe des renseignements et documents au demandeur doit être privilégiée, l'envoi par la voie postale ne devra pas être systématiquement exclu, notamment dans les cas où se pose un problème d'éloignement. Dans cette hypothèse, la transmission devra être effectuée sous pli recommandé avec accusé de réception, adressé au demandeur personnellement.

20En définitive, sur simple commission rogatoire délivrée dans les conditions prévues par l'article 151 du Code de Procédure pénale, les juges d'instruction ont aussi la possibilité, dans les affaires autres que celles où l'Administration est plaignante, d'obtenir d'elle la production de tous documents fiscaux qu'ils considèrent comme utiles à la conduite de l'information, tout en permettant à ses agents de ne pas enfreindre les règles du secret professionnel et de demeurer dans une stricte légalité.

21Par ailleurs, sur le fondement de deux décisions de la Cour de cassation précisant notamment que les juges de la répression ont la faculté de donner mission, à un expert commis par eux, de consulter les documents médicaux d'un hôpital relatifs à l'incapacité ou au décès de la victime d'une infraction (Cass. crim. 20 janvier 1976, affaire X...  ; Bull. crim. n° 23, p. 53 et Cass. crim. 16 novembre 1976, affaire X... et Y...  ; Bull. crim. n° 327, p. 832), on admettra également que ces juges (juges d'instruction ou juridictions de jugement) peuvent donner expressément mission aux experts qu'ils commettent, de consulter dans les bureaux administratifs tous documents fiscaux utiles à l'élaboration du rapport d'expertise.

1   Voir également 13 N 4 .

2   Toutefois, conformément aux termes de l'article L. 230 du LPF, la prescription de l'action publique est suspendue pendant une durée maximum de six mois entre la date de saisine de la Commission des infractions fiscales et la date à laquelle cette commission émet son avis.

3   Une copie du rapport de vérification étant annexée à la plainte déposée, celui-ci doit se borner à rapporter les faits.