SECTION 6 JUGEMENTS ET ARRÊTS
SECTION 6
Jugements et arrêts
SOUS-SECTION 1
Différentes sortes
Les décisions des tribunaux correctionnels sont classées, d'après leurs caractères, en plusieurs catégories réglementées dans leurs dispositions essentielles dans le Code de Procédure pénale.
A. JUGEMENT DÉFINITIF ET JUGEMENT AVANT DIRE DROIT
I. Jugement définitif
1Le jugement définitif statue, sur le fond du litige ; il peut également trancher un incident (récusation) ou une exception (nullité d'un acte de procédure, incompétence).
Il a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche, ce qui le différencie du jugement d'avant dire droit.
Le jugement définitif dessaisit le tribunal qui l'a prononcé mais peut faire l'objet de voies de recours.
La décision judiciaire qui n'est plus susceptible d'aucun recours devient irrévocable : le jugement qui avait simple autorité de la chose jugée depuis son prononcé passe alors en état de force de chose jugée.
Les jugements qui statuent sur le fond ont pour effet, une fois devenus définitifs, d'éteindre l'action publique, l'action fiscale ou l'action civile. Tels sont les jugements d'acquittement, d'absolution, de condamnation ou de restitution.
II. Jugement avant dire droit
2Les décisions avant dire droit ne statuent pas sur le fond mais préparent la solution de l'instance. Elles tranchent des incidents contentieux ou ordonnent des mesures d'instruction permettant d'éclairer la juridiction.
Ce sont des décisions que la juridiction de jugement prend avant de " dire le droit " sur la demande principale dont elle est saisie.
Le jugement avant dire droit n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée et ne dessaisit pas le tribunal (Nouveau Code de Proc. civ., art. 482 et 483).
3Le Code d'Instruction criminelle distinguait, parmi les jugements avant dire droit, les jugements préparatoires qui ne préjugeaient pas le fond et les jugements interlocutoires qui permettaient de prévoir la solution définitive.
Cette distinction n'a pas été reprise par le Code de Procédure pénale qui distingue seulement les jugements sur le fond et les jugements distincts du jugement sur le fond, ou jugements séparés.
Le tribunal doit joindre en général au fond les incidents et exceptions dont il est saisi, réserve faite des exceptions préjudicielles (cf. E 3352 ) et des demandes de mise en liberté, sauf impossibilité absolue (Code de Proc. Pén., art. 385 et 459). Dans cette hypothèse, un seul et même jugement statue sur l'incident et sur le fond.
Après un jugement avant dire droit, les mesures ordonnées sont exécutées ou l'incident doit être résolu. Ensuite, l'affaire revient à l'audience du même tribunal et les débats sur le fond reprennent.
Parmi les décisions avant dire droit, il convient de mentionner les jugements qui règlent un incident ou rejettent une exception : validité d'un acte de procédure, incompétence, prescription. Il y a lieu également de ranger dans cette catégorie les décisions qui ordonnent une mesure d'instruction ou statuent sur une demande de remise en liberté.
B. JUGEMENTS CONTRADICTOIRES ET JUGEMENTS PAR DÉFAUT
4Le jugement est contradictoire lorsque la partie intéressée a eu la possibilité de faire valoir ses moyens de défense ou ses prétentions.
Toute personne régulièrement citée qui ne comparaît pas au jour et à l'heure fixés par la citation est jugée par défaut, sauf les cas visés au Code de Procédure pénale à l'article 487 (voir ci-dessous E 337 ).
5La distinction entre les jugements contradictoires et les jugements par défaut est justifiée en raison des conséquences suivantes :
- seuls les jugements par défauts sont susceptibles d'opposition (Code de Proc. pén., art. 489) ;
- le délai pour interjeter appel court du jour où le jugement a été prononcé lorsqu'il est contradictoire et du jour de la signification, lorsqu'il est par défaut (Code de Proc. pén., art. 498 et 499).
En ce qui concerne l'Administration, les jugements sont habituellement contradictoires car elle est représentée par un employé ou par un avocat.
Sur le jugement par défaut, cf. ci-après E 3373 .
C. JUGEMENTS EN PREMIER OU EN DERNIER RESSORT
6Les jugements sont en premier ou en demier resort selon qu'ils peuvent être attaqués ou non par la voie de l'appel.
Les jugements en matière correctionnelle sont rendus en premier ressort et, conformément aux dispositions de l'article 496 du Code de Procédure pénale, peuvent être attaqués par la voie de l'appel (voir E 338 , Appel).
D. REMISE DE CAUSE OU RENVOI
I. Motifs du renvoi
7Le tribunal peut être amené pour divers motifs à prononcer le renvoi des affaires.
Le renvoi est obligatoire lorsque, constatant l'inobservation des délais de citation, la partie se présente et demande le renvoi à une audience ultérieure (Code de Proc. pén., art. 553-2°).
Le renvoi peut intervenir avant le commencement des débats pour des motifs d'opportunité tels que l'empêchement d'une partie ou, simplement l'encombrement du rôle.
Le renvoi peut également intervenir après l'ouverture des débats, qu'il s'agisse d'une continuation des débats à une audience ultérieure ou d'une mesure d'instruction, comme l'audition d'un témoin.
II. Constatation du renvoi
8Lorsque la remise de cause est une simple mesure d'ordre, il n'est pas nécessaire qu'elle fasse l'objet d'un jugement.
Lorsque la remise de cause constitue une mesure d'instruction, elle doit, au contraire, répondre aux conditions de forme d'un jugement.
Dans les deux cas, cette remise interrompt la prescription (Cass. crim., 2 novembre 1945, Bull. crim., 101 ; Cass. crim., 2 novembre 1950, Bull. crim. 251).
Il a été jugé que l'existence légale d'une décision résulte de ce qu'elle figure au rang des minutes du greffe ; et il n'importe dès lors que cette décision - ordonnant une remise de cause - n'ait pas été mentionnée sur les notes d'audience (Cass. crim., 28 mars 1968, RJCI, 1ère partie, p, 22).
III. Effets du renvoi
9En principe, le jugement de remise de cause n'a pas d'effet sur le caractère contradictoire ou par défaut de la procédure, Cette première décision judiciaire détermine la nature du jugement ultérieur sur le fond.
C'est ainsi que le prévenu régulièrement cité à personne qui ne comparaît pas et ne fournit pas une excuse reconnue valable est jugé contradictoirement (Code de Proc. pen., art. 410). Il continue d'en être de même sans qu'il y ait lieu de citer à nouveau lè prévenu lorsque l'affaire, au vu de cette première citation, a été renvoyée à une audience ultérieure à date fixe (Cass. crim., 28 mars 1973, Bull. crim. 158).
En revanche, si le tribunal reconnaît valable l'excuse invoquée, il prononce le renvoi de l'affaire, mais une nouvelle citation est nécessaire, sauf si le prévenu est représenté à l'audience (Cass. crim., 26 janvier 1956, Bull. crim 97).
Si la remise de cause est prononcée sur demande du prévenu présent à l'audience, ce jugement a un caractère contradictoire et les débats reprennent à la date ainsi fixée sans nouvelle citation. La même solution est applicable lorsque les débats ne peuvent être terminés au cours de la même audience (Code de Proc. pén., art. 461, 2e al.).
E. ITÉRATIF DÉFAUT OU NOUVEAU DÉFAUT
(Voir également E. 3375 et E. 3383).
I. Notion d'itératif défaut
10Devant le tribunal correctionnel, le prévenu régulièrement cité à personne doit comparaître sauf excuse reconnue valable (Code de Proc. pén., art. 410).
Le jugement qualifié de contradictoire intervient en général lorsque les parties présentes ou représentées ont exposé leurs moyens de défense.
Le prévenu est jugé par défaut lorsqu'il ne comparaît pas au jour et à l'heure fixée par la citation sous réserve des cas prévus par le Code de Procédure pénale à l'article 487.
La partie qui a fait défaut dispose, contre la décision rendue à son encontre d'une voie de recours ordinaire : l'opposition qui rend non avenu dans toutes ses dispositions le jugement par défaut (Code de Proc. pén.. art. 489 et suiv.).
Il y a itératif défaut (ou nouveau défaut) si l'opposant ne comparaît pas à la date qui lui est fixée.
II. Effets de l'itératif défaut
11Lorsqu'un prévenu ne comparaît pas sur son opposition à un jugement rendu contre lui par défaut, cette opposition est non avenue (Code de Proc. pén., art, 494).
L'anéantissement du jugement frappé d'opposition, loin d'être immédiat et définitif, est subordonné à la condition que l'opposition elle-même subsistera. Lorsqu'elle est déclarée non avenue en raison de la non-comparution de l'opposant, la décision attaquée conserve toute sa force. Il en était déjà ainsi sous l'empire du Code d'instruction criminelle (cf. par exemple Cass. crim., 25 mars 1898, Bull. crim. 129, p. 243).
Le jugement ou l'arrêt qui statue sur l'opposition doit d'ailleurs, dans ce cas, se borner à constater l'itératif défaut du prévenu et prononcer formellement la déchéance de l'opposition, sans entrer dans un nouvel examen du fond ; en cause d'appel, il n'y a lieu, dès lors, à rapport (Crim., rejet, 9 janvier 1973, Bull. crim. 11 p. 29 ; rejet, 18 décembre 1973, Bull. crim. 472, p. 1184).
La jurisprudence considère, en réalité, que la décision d'itératif défaut 1 fait corps avec la décision initiale, dont tous les effets se trouvent alors définitivement consacrés. D'où il suit que la voie de recours dirigée contre la seconde l'est en même temps contre la première (Cass. crim., 28 novembre 1890, Bull. crim. 243, p. 379). En ce sens : renvoi n° 2 sous Cass. crim., 9 janvier 1974, RJ n° 1, complément année 1974, page 3.
Dès lors que l'opposition est non avenue, une cour d'appel peut à bon droit faire siens les motifs du jugement, qui établissent la réunion de tous les éléments constitutifs des délits retenus (Cass. crim., 9 janvier1974, RJ n° 1, p. 3, complément année 1974, Bull. crim. 10 p. 24).
1 Le législateur n'a pas repris l'expression « débouté d'opposition », en réalité impropre et l'a remplacée par « itératif défaut ».