SOUS-SECTION 2 DÉLAIS
SOUS-SECTION 2
Délais
A. DÉLAI D'ASSIGNATION. DÉCHÉANCE DE L'ARTICLE L. 236 DU LIVRE DES PROCÉDURES FISCALES
1Aux termes de l'article L. 236 du Livre des procédures fiscales « La citation doit être délivrée dans le délai de trois ans à compter de la date du procès-verbal constatant l'infraction. »
Toutefois, lorsque la personne est en état d'arrestation, la citation doit être faite dans le délai d'un mois à partir de l'arrestation... »
I. Principe
1. Prévenu libre (art. L. 236 du Livre des procédures fiscales)
2L'assignation doit être délivrée dans un délai de trois ans à partir de la date de clôture d'un procès-verbal à fins fiscales régulier dressé par des agents qualifiés, à peine de déchéance. Il s'agit du délai de prescription de l'action.
Encore faut-il que le procès-verbal contienne les éléments de la contravention : un procès-verbal administratif ne constatant qu'un simple prélèvement d'échantillons ne fait pas courir le délai prévu à l'article L. 236 du Livre des procédures fiscales, 2e alinéa (cf. Cour d'Orléans, 21 mai 1972, BCI 18, p. 96).
2. Prévenu incarcéré (art. L. 236 du Livre des procédures fiscales, 3e et 4e al.).
3Sous peine de nullité, l'assignation doit être délivrée dans un délai d'un mois à partir de l'arrestation, si celle-ci est motivée par l'infraction fiscale poursuivie. D'ailleurs, prendre pour point de départ du délai d'un mois toute arrestation pour une autre cause, aboutirait, dans certains cas, à frapper de déchéance l'action de la Direction générale des Impôts avant même que le procès-verbal constatant l'infraction fiscale, objet de la poursuite, et qui doit être joint à l'exploit de citation, ait pu être dressé (Cass. crim., 27 juin 1956, Bull. crim. 497, p. 908, RJCI 48, p. 373).
II. Détermination du délai d'assignation
1. Point de départ du délai
a. Prévenu libre
4Le point de départ du délai dé trois ans imparti à l'Administration pour citer le prévenu s'entend de la date à laquelle le procès-verbal constatant l'infraction a été rédigé et clos et a ainsi reçu sa perfection. Ce point de départ n'est donc pas le jour du constat ou de la déclaration de procès-verbal (cf. Cass. crim., 20 février 1974, RJ n° 1, p. 34, et les arrêts cités ; Bull crim. 74, p. 185).
b. Prévenu arrêté
5Lorsque le prévenu est arrêté, le point de départ du délai d'un mois dont dispose l'Administration pour délivrer une assignation, à peine de déchéance, part de la date de l'arrestation.
2. Calcul du délai
6Le délai de trois ans ou d'un mois prévu à l'article L 236 du Livre des procédures fiscales est compté de quantième à quantième à partir de la date de rédaction du procès-verbal ou de l'arrestation.
Le jour de la rédaction du procès-verbal ou de l'arrestation n'est pas compris dans le délai ; contrairement, le jour de l'échéance doit l'être, comme jour utile : Cass. crim., 2 février 1865, Bull. crim. 23, p. 37 (dies a quo) 1 Agen, 18 janvier 1884, Sir. 84-2-56 (dies ad quem) 2 .
Ainsi, pour un procès-verbal rédigé et clos le 15 janvier 1996, l'assignation pourra être valablement délivrée jusqu'au 15 janvier 1999 à 21 heures si la personne visée dans l'acte est libre.
S'agissant d'un délai institué par une loi spéciale, l'Administration estime qu'il ne tombe pas sous le coup des dispositions de l'article 801 du Code de Procédure pénale, aux termes desquelles « le délai qui expirerait normalement un samedi ou un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant ».
III. Interruption de la prescription de l'action fiscale
7Lorsqu'une information judiciaire est ouverte, le délai de trois ans ou d'un mois, imparti à l'Administration pour délivrer une assignation, ne lui est pas opposable.
Dans ce cas, en effet, le tribunal correctionnel ne peut être appelé à statuer tant que le juge d'instruction n'a pas pris une ordonnance de règlement ou de clôture de l'information : non-lieu ou renvoi devant la juridiction de jugement.
Mais pour que la prescription de l'action fiscale ne soit pas encourue il est nécessaire, d'une part, qu'une instruction régulière soit ouverte, d'autre part, que les faits qui ont déclenché l'ouverture soient ceux-là mêmes qui constituent l'infraction fiscale.
Le délai de citation commence à courir à partir de la date de clôture de l'information judiciaire.
Il a été jugé en ce sens que :
- lorsqu'une information est ouverte par le ministère public, le délai d'assignation imparti à l'Administration à peine de déchéance ne commence à courir qu'à compter du jour de la clôture de l'instruction (Cass, crim., 16 mai 1931, BCI 13, p. 156 ; cf. également : Cass. crim., 11 décembre 1875, DP 1878-1-385, Bull. crim. 351, p. 679 ; Mém. Cl 19, p. 280, Sir. 1876-1-43 ; Cass. crim. 21 mai 1841, Mém. Cl 16, p. 116, Bull. crim. 148, p, 245, Trescaze, Rec. chr., p. 462 ; Cass. crim., 12 février 1887, Bull crim. 60, p. 88, Sir, 1889-1-831, DP 87-1-459 ; Cass, crim., 5 avril 1878, Bull. crim. 93, p.173, DP 1878-1-390, Journ. Pal. 1878-576, Mém. C/20, p. 308, Bull. crim. 93).
- les actes d'instruction et de poursuite interrompent la prescription de l'action publique et de l'action civile à l'égard même des personnes qui n'y seraient pas impliquées, à la seule condition que les deux actions résultent d'un même délit. Spécialement le réquisitoire introductif visant des faits qui constituent à la fois une infraction de droit commun et une contravention fiscale a pour effet d'interrompre la déchéance du procès-verbal à fins fiscales (Cass. crim., 16 mars 1939, BCI 11 p. 232, Bull. crim. 60, p. 110).
1. Nécessité d'une information judiciaire régulière
8Il faut qu'une information judiciaire régulière soit ouverte pour que la déchéance ne soit pas encourue jusqu'à l'ordonnance de clôture prise par le juge d'instruction, saisi par le réquisitoire introductif du procureur de la République. Une simple enquête ou un procès-verbal d'interrogatoire n'ont pas pour effet d'interrompre le délai d'assignation prévu à l'article L. 236 du Livre des procédures fiscales.
L'Administration exciperait ainsi vainement d'une interruption de la prescription résultant d'un procès-verbal d'interrogatoire dressé par le commissaire central commis pour recueillir des renseignements officieux (Nîmes, 5 août 1905).
Si le prévenu a été appelé devant le tribunal par citation directe du parquet, sans que celui-ci aitcommis le juge d'instruction pour procéder à une information judiciaire, l'administration des Impôts encourt la déchéance, faute d'assignation sur son procès-verbal dans le délai légal. Elle encourt cette déchéance alors même que le procès-verbal n'était pas indispensable si elle a fait état de celui-ci (Amiens, 1er décembre 1916 ; Cass. crim., 9 décembre 1905, BCI 1906, 2, p. 4, Bull. crim. 545, p. 873).
S'il est vrai que, lorsque la poursuite a pour base un fait unique capable d'engendrer, à la fois des pénalités de droit commun et des peines fiscales, le ministère public, en saisissant par voie de citation directe le tribunal, met en mouvement l'action publique tout entière 3 , en ce sens qu'il a qualité pour requérir même l'amende fiscale, et que l'administration des Impôts peut, de son côté, intervenir comme partie jointe dans l'instance engagée par lui seul ; il ne résulte point de là que ses réquisitions au sujet des peines fiscales ou l'intervention dans l'instance de l'Administration puissent se produire en dehors du délai fixé par l'article L. 236 du Livre des procédures fiscales pour l'exercice de l'action fiscale envisagée (Montpellier, 23 mars 1905).
2. Nécessité d'une information portant sur les faits constitutifs de l'infraction fiscale.
9Conformément à la jurisprudence, c'est seulement dans le cas où l'action publique et l'action fiscale ont la même cause ou sont fondées sur des faits constitutifs d'une infraction de droit commun et d'une infraction fiscale que l'information requise par le parquet peut suspendre le délai imparti à l'Administration pour assigner (cf. Aix, 10 mars 1900).
Il a été jugé que :
« Les actes interruptifs de l'action publique n'interrompent la prescription de l'action civile qu'autant que les deux actions ont la même cause. Il s'ensuit que l'instruction ouverte sur un délit de falsification de vins reproche à un marchand en gros n'a pas pour effet d'interrompre la prescription... édictée par la loi du 15 juin 1835 4 à l'encontre de la Direction générale des Impôts lorsque l'action de celle-ci est basée sur un autre fait, qu'elle poursuit, par exemple, une contravention pour fausse déclaration de la nature des liquides au cours d'un inventaire » (Cass. crim., 22 février 1907, BCI 6, p. 30, Bull. crim. 91, p. 147 ; Cass. crim., 30 décembre 1910, BCI 1911-7, p. 47, Bull. crim. 680, p. 1230 ; Cass. crim., 16 mars 1939 précité, BCI 11, p. 232, Bull. crim. 60, p. 110) ;
« La déchéance, à défaut d'assignation édictée par la loi du 15 juin 1835 (actuellement art. L. 236 du Livre des Procédures fiscales n'est pas encourue par la Direction générale des impôts lorsque sur sa demande et avant l'expiration du délai de trois mois 5 , le ministère public a fait ouvrir une information, portant à la fois sur un délit de droit commun et sur l'infraction fiscale considérée comme connexe à ce délit 6 » (Cass, crim., 5 avril 1878, Mém. Cl 20, p. 308, Bull. crlm. 93, p. 173) ;
« la plainte de la partie civile constituée a pour effet de mettre en mouvement l'action publique relativement à tous les faits qui y sont visés. La prescription est dès lors interrompue à l'égard de ces infractions, alors même qu'elles n'auraient été révélées par le ministère public que dans un réquisitoire supplétif ultérieur » (Cass. crim., 12 mars 1936, BCI 12, p. 183) ;
« la prescription de l'action publique au regard d'un délit est interrompue par la plainte avec constitution de partie civile qui l'a visé et par l'information à laquelle il a été procédé sur les faits, alors même que l'information n'avait été requise par le ministère public que pour un délit différent » (Cass. crim., 11 février 1937, Bull. crim. 24 et les arrêtés cités, p. 41).
10L'Administration recommande, toutes les fois qu'un procès-verbal judiciaire est transmis au Parquet à l'occasion d'un fait unique donnant naissance à une action publique et à une action fiscale (vinage, mouillage, vins artificiels, etc.) de délivrer assignation dans le délai de trois ans ou dans celui d'un mois si les prévenus sont en état d'arrestation.
B. DÉLAI DE COMPARUTION
1. Règles générales
11Aux termes de l'article 552, 1er alinéa, du Code de Procédure pénale modifié successivement par la loi n° 75-701 du 6 août 1975, la loi n° 75-1257 du 27 décembre 1975 et la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 :
« Le délai entre le jour où la citation est délivrée et le jour fixé pour la comparution devant le tribunal correctionnel (ou la police) est d'au moins dix jours si la partie citée réside dans un département de la France métropolitaine ou si, résidant dans un département d'outre-mer, elle est citée devant un tribunal de ce département ».
12Des délais plus longs sont prévus également par l'article 552, 2e alinéa, pour les personnes résidant en dehors de ces territoires. Ce délai est augmenté d'un mois :
1° Si la partie citée devant le tribunal d'un département d'outre-mer réside dans un autre département d'outre-mer, dans un territoire d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon ou Mayotte ou en France métropolitaine.
2° Si la partie citée devant le tribunal d'un département de la France métropolitaine réside dans un département ou territoire d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon ou Mayotte.
13Le délai est augmentée de deux mois si la partie citée réside à l'étranger.
14Par ailleurs, selon les dispositions de l'article 553 du Code de Procédure pénale, si les délais prescrits à l'article précédent (art. 552) n'ont pas été observés, les règles suivantes sont applicables :
1° Dans le cas où la partie citée ne se présente pas, la citation doit être déclarée nulle par le tribunal ;
2° Dans le cas où la partie citée se présente, la citation n'est pas nulle mais le tribunal doit, sur la demande de la partie citée, ordonner le renvoi à une audience ultérieure.
Cette demande doit être présentée avant toute défense au fond, ainsi qu'il est dit à l'article 385.
15L'assignation doit fixer un jour de comparution dans les conditions prévues par l'article 552 du Code de Procédure pénale (cf. ci-dessus n°s 11 et 12 ).
Le délai à respecter ne comprend ni le jour de la signification, ni celui de la comparution.
Aussi, actuellement, le délai de comparution devant le tribunal correctionnel est d'au moins dix jours (France métropolitaine ou département d'outre-mer) sans que les prorogations prévues par l'article 801 du CPP soient applicables 7 .
II. Nullité
16Lorsque le délai qui doit exister entre le jour où l'assignation est délivrée et le jour fixé pour la comparution devant la juridiction correctionnelle n'est pas respecté, l'assignation doit être déclarée nulle si la partie citée ne se présente pas.
Par un arrêt du 20 mars 1974 (publié au Bull. crim. 122, p. 316) la Chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé un arrêt ayant condamné par défaut un prévenu qui, cité devant une cour d'appel avant expiration du délai légal, n'avait pas comparu.
Il en était autrement sous l'empire du Code d'Instruction criminelle. En matière correctionnelle (Code.lnstruct. crim., art. 184), le délai entre la citation et la comparution était prescrit à peine de nullité du jugement qui serait rendu par défaut contre la personne citée. Son inobservation laissait donc subsister la citation et ses effets (saisine du tribunal et interruption de la prescription) [cf. Cass. crim., 20 mars 1974 précité, et les arrêts cités sous renvoi 2 au BODGI 2 L-33-761].
17Ainsi, il convient de veiller particulièrement au respect du délai de comparution (art. 552 CPP) car le tribunal devant prononcer dorénavant la nullité de l'assignation lorsque ce délai n'a pas été observé et que le prévenu ne comparaît pas, l'action de l'Administration pourrait se trouver atteinte par la déchéance édictée à l'article L 236 du Livre des procédures fiscales.
1 Point de départ du délai.
2 Jour d'expiration du délai.
3 Cette dérogation est plutôt théorique. Les infractions punies de la peine d'emprisonnemnt prévue notamment par l'article 1810 du CGI sont habituellement poursuivies à l'initiative de l'Administration qui requiert les amendes fiscales, laissant au ministère public le soin, s'il le juge bon, de requérir l'emprisonnement.
4 Codifiée sous l'article L. 236 du Livre des Procédures fiscales.
5 Porté à trois ans par l'article 9 de la loi n° 79-1102 du 21 décembre 1979.
6 Rébellion et contravention fiscale considérées comme connexes.
7 L'article 801 du CPP précise que le délai qui expirait normalement un samedi ou un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.