Date de début de publication du BOI : 01/10/1996
Identifiant juridique : 13E2225
Références du document :  13E2225

SOUS-SECTION 5 CONFISCATION

2. Saisie fictive

a. Cas d'application

36La saisie est fictive lorsque les verbalisants n'ont pas la possibilité d'appréhender les produits ou objets dont la confiscation est cependant prévue par la loi fiscale. C'est le cas notamment :

- lorsqu'il s'agit de fraudes non actuelles, pour lesquelles les objets à saisir ont généralement disparu ;

- lorsque le contrevenant parvient à soustraire par ruse ou par violence, les marchandises à la saisie.

Ainsi a-t-il été jugé « que lorsqu'une boisson qui a circulé en fraude a disparu et qu'elle n'est plus, dès lors, susceptible d'être saisie réellement, les employés de la « Régie » sont en droit d'en prononcer la saisie fictive » (Cass. crim. 6 février 1919, BCI, 8, Bull. crim., 29, 27 novembre 1957, RJCI, 74, p. 212).

b. Désignation des objets saisis

37La saisie fictive doit être justifiée par la description aussi exacte que possible des produits ou objets concernés : nature, espèce, quantité, valeur estimative.

Ces précisions doivent figurer au procès-verbal qui est rédigé pour constater l'infraction.

Bien entendu, si la saisie fictive est admise, ce n'est que tout autant qu'elle correspond à une réalité dans le passé ou le présent ; elle ne saurait s'appliquer à une marchandise qui n'a jamais existé ou dont l'existence est purement hypothétique (Trib. Seine, 21 janvier 1905).

En cas de refus d'exercice ayant empêché la vérification d'un chargement, les tribunaux apprécient souverainement l'évaluation faite par les verbalisants quant au volume et au degré des spiritueux transportés (Cass. crim., 12 novembre 1909 BCI, 24 ; Cass. crim. 16 décembre 1927, BCI, 1928, 3 ; Cass. crim., 19 février 1931, BCI, 7).

Il en est de même si les obstacles suscités par le contrevenant ont empêché le pesage ou le mesurage des objets saisis (Cass. 22 août 1806, cass. 30 mars 1831).

c. Estimation des objets saisis

38L'estimation est faite, en règle générale, de gré à gré entre les verbalisants et le contrevenant ; elle a pour effet de lier le tribunal comme s'il s'agissait d'une saisie réelle suivie de mainlevée.

Si l'estimation a été faite d'office, les juges retrouvent leur pouvoir entier d'appréciation. Ils peuvent, notamment, prendre pour base le prix moyennant lequel le prévenu a vendu les objets fictivement saisis (Cass. crim., 16 février 1911, BCI, 6).

d. Effet de la saisie fictive

39La saisie fictive est indispensable pour permettre aux juges de prononcer valablement la confiscation, puisqu'à défaut de saisie préalable - réelle ou fictive - il ne peut y avoir confiscation. La saisie fictive permet au tribunal de condamner le prévenu au paiement de la valeur des produits ou objets qui n'ont pu être saisis réellement.

Une jurisprudence constante reconnaît à la saisie fictive les mêmes effets qu'à la saisie réelle (Cass. crim., 6 février 1919 précité, 16 mai 1931 BCI, 13). Encourt la cassation, l'arrêt qui refuse de tenir compte d'une saisie fictive effectuée sur les aveux corroborés par les constatations matérielles des verbalisants (Cass. crim. 5 janvier 1939, BCI, 7).

  II. Objets saisissables

1. Objets de fraude

40La confiscation des objets de fraude, c'est-à-dire des objets ou des produits sur lesquels porte l'infraction, est d'application générale. Il s'ensuit que la saisie de ces objets s'impose toutes les fois où une infraction à la réglementation desdits objets est constatée.

41La confiscation s'applique en général, soit à tous les objets ou produits saisis, soit, en cas de mainlevée, à la totalité de leur valeur estimative.

Ainsi, faute de représentation des titres de mouvement pour un transport de boissons ou encore en cas de fraude ou de contravention, les agents saisissent le chargement (CGI, art. 452) y compris les récipients contenant les liquides en fraude (Cass. 5 août 1808, Cass. crim., 28 février 1974).

Par ailleurs, il résulte de diverses décisions de jurisprudence qu'en matière de billeterie lorsqu'il résulte du procès-verbal, base de la poursuite, que deux associés, exploitants d'un dancing, ont, durant toute la période non prescrite, laissé la clientèle fréquentant leur établissement y pénétrer irrégulièrement, certaines personnes entrant sans billet, les autres avec des billets, non conformes à la réglementation, la recette représentée par le nombre total des entrées, reconstituée par les verbalisants, est sujette à la confiscation (Cour d 'appel d Aix-en -Provence 25 mai 1976).

Cas particuliers :

42 Denrées périssables.

Dans les cas très exceptionnels où une saisie porte sur des denrées périssables 1 et que la mainlevée ne peut être accordée sans compromettre les intérêts du Trésor, la vente de ces denrées doit intervenir dans les huit jours de la saisie.

Cette vente, à l'enchère sur le marché le plus voisin doit être ordonnée par le président du Tribunal d'instance, sur requête du directeur des Services fiscaux, mentionnant que les sommes à provenir de la vente seront consignées au titre de l'affaire contentieuse jusqu'à intervention du jugement définitif ou de la décision gracieuse qui en réglera l'affectation. Le produit de la vente est transféré au service de recouvrement désigné dans le procès-verbal rédigé lors de la remise des objets saisis.

43Cette procédure trouve son application dans les délais les plus rapides lorsque la saisie a porté sur des viandes en carcasses ou quartiers transportés sans bons de remis, et reconnus propres à la consommation par le vétérinaire.

44Si la vente ne peut avoir lieu immédiatement en respectant la procédure indiquée ci-dessus, les denrées doivent être conduites dans un entrepôt ou local frigorifique dont le proprietaire, le locataire ou le gérant est constitué gardien des produits en attendant que leur vente soit réalisée.

45Si les denrées ne sont pas consommables, elles doivent être cédées à un équarisseur s'il s'agit de viande ou détruites si elles ne sont pas suceptibles d'utilisation industrielle. Un procès-verbal de destruction est, dans ce dernier cas, rédigé par les agents qui ont procédé à cette opération.

2. Objets, ustensiles, appareils ayant servi d'instruments à la fraude

46Les objets, ustensiles, récipients, emballages, mécaniques, ou appareils ayant servi à la fabrication, à la détention ou à la vente des objets de fraude sont saisissables, en vue de la confiscation, au même titre que les objets de fraude eux-mêmes. Mais, cette saisie n'est prévue par la loi que si les infractions relevées sont parmi celles qui sont énumérées à l'article 1810 du CGI et qui sont en raison de leur gravité, punies de peines complémentaires de droit commun.

3. Moyens de transport

47Les moyens de transport peuvent être saisis à deux titres différents :

- en vue de l'application de la peine de la confiscation, au même titre que les objets visés au paragraphe précédent, dans les cas de fraude grave prévus par l'article 1810 du CGI ;

- pour garantie de l'amende mais seulement en matière d'infractions portant sur la circulation des boissons (CGI, art. 452).

a. Saisie des moyens de transport en vue d'appliquer la confiscation

48Cette saisie ne peut être valablement appliquée qu'aux infractions limitativement énumérées à l'article 1810 du CGI : fraudes en matière d'alambics, fraudes sur les spiritueux au moyen d'engins disposés pour les dissimuler, transports frauduleux d'alcools fabriqués ou importés sans déclaration, revivification ou tentative de revivification d'alcools dénaturés, fraude en matière de tabacs, allumettes, infractions à la réglementation relative aux capsules, empreintes ou vignettes représentatives des droits indirects sur l'alcool, le vin ou le cidre.

  C. CONSEQUENCES DU JUGEMENT DÉFINITIF PRONONÇANT LA CONFISCATION OU DE LA TRAINSACTION COMPORTANT ABANDON PAR LE CONTREVENANT DES OBJETS SAISIS

49A partir du moment où les objets et produits saisis effectivement ont fait l'objet soit d'une décision judiciaire irrévocable soit d'une mesure d'abandon insérée dans une transaction définitive, ils peuvent être considérés comme acquis définitivement à l'Etat.

La destination à donner à ces objets et la suite que doivent comporter les saisies sont, alors, réglées dans les conditions ci-après.

  I. Saisie réelle et effective

50La suite normale de la confiscation est la vente, au profit du Trésor, des objets saisis, à moins qu'il ne s'agisse d'objets prohibés ou d'objets qui ne peuvent pas être livrés au commerce.

Les objets saisis ayant fait l'objet d'une décision judiciaire définitive ou d'une mesure d'abandon insérée dans une transaction définitive doivent être remis au service des Domaines qui procède à leur vente. Cette remise donne lieu à l'établissement en triple exemplaire d'un procès-verbal, qui comporte, outre la description des objets ou des produits en cause et l'adresse du lieu où ils sont déposés :

- toutes références utiles à l'affaire contentieuse au titre de laquel !e ils ont été saisis ;

- la désignation du comptable des Impôts auquel le produit de la vente sera transféré et le numéro de son compte courant postal.

Un exemplaire de cet acte est remis au détenteur des objets saisis, le deuxième est conservé par le service des Domaines et le troisième adressé au directeur des Services fiscaux pour être joint au dossier de l'affaire contentieuse correspondante.

Le produit de la vente de ces objets, transféré au receveur des Impôts désigné dans le procès-verbal, est acquis à l'Administration au titre de la peine de la confiscation.

51Cette procédure ne concerne ni les objets ou produits prohibés ni ceux dont le commerce est réglementé ou réservé à l'Etat.

Lés premiers sont normalement détruits en présence du service et un procès-verbal est établi pour constater leur destruction.

Les seconds, pour lesquels est prévu normalement la cession obligatoire, moyennant un tarif réglementaire, à un organisme public, sont mis à la disposition de ces organismes. C'est le cas, par exemple, des alcools saisis réservés à l'Etat qui sont adressés au service des alcools, des tabacs et allumnettes qui sont remis au SEITA et des céréales et farines qui sont cédées à un collecteur agréé.

  II. Saisie suivie de mainlevée

52La convention passée entre les verbalisants et le contrevenant (cf. ci-dessus n°s 31 à 33 ) figurant au procès-verbal permet au délinquant, soit de restituer les objets saisis, soit de se libérer de la confiscation prononcée à son encontre, en versant la valeur estimative de ces objets qui est énoncée dans l'acte contentieux. C'est cette dernière solution qui est généralement retenue.

53Il est rappelé que la valeur estimative mentionnée dans le procès verbal, résulte de l'accord des parties et ne peut être ni réduite ni majorée par les juges (cf. ci-dessus n° 31 ), sauf dans les deux cas suivants :

1° Si les juges ne retiennent qu'une partie des faits de la contravention - ce qui entraîne la réduction de la saisie opérée par les verbalisants - il est évident que l'estimation doit être réduite de la valeur des objets laissés en dehors de la contravention ;

2° Lorsque le tribunal a fait application des circonstances atténuantes, il va de soi que les juges peuvent réduire la confiscation à une somme inférieure à la valeur estimative de saisie.

54Il est rappelé également que l'estimation d'office, effectuée par les verbalisants, ne lie pas le tribunal, qui, dans ce cas, conserve son pouvoir d'appréciation (cf. ci-dessus n° 35 ).

  III. Saisie faite sur inconnu

55Il s'agit toujours d'une saisie réelle et effective.

La confiscation est prononcée en raison du caractère réel de cette peine (cf. ci-dessus n° 9 ).

Le directeur des Services fiscaux adresse au président du Tribunal de grande instance du lieu de la saisie une requête dans laquelle il est demandé au tribunal de prononcer la confiscation des objets de fraude et des moyens de transport qui ont été saisis par le procès-verbal sur inconnu qui est annexé.

L'ordonnance, rendue par le juge, permet à l'Administration de disposer des objets saisis comme s'il s'agissait d'une saisie réelle et effective pratiquée sur une personne condamnée à la peine de la confiscation.

56La procédure est identique lorsque la saisie sur inconnu a porté sur les moyens de transport pour garantie de l'amende, ce qui peut être le cas en matière de transport de boissons ou de céréales soumises à la réglementation (cf. ci-dessus n°s 47 et suiv. ). Toutefois, le produit de la vente de ces moyens de transport est versé à la Caisse des dépôts et consignations.

Il n'est acquis définitivement au Trésor qu'à l'expiration du délai de prescription. Si, entre temps, le service découvrait le contrevenant et obtenait sa condamnation, la somme déposée en consignation servirait à recouvrer les pénalités prononcées et l'excédent, s'il en existait un, serait restitué au contrevenant.

  IV. Saisie fictive

57La confiscation prononcée par le tribunal ne peut permettre que de faire attribuer à l'Administration la valeur estimative des objets saisis fictivement.

Cette valeur est obligatoirement celle qui est énoncée dans le procès-verbal lorsqu'elle résulte d'un accord entre les verbalisants et les contrevenants, sauf si les juges ne retiennent qu'une partie des faits de la contravention ou appliquent les circonstances atténuantes 2 .

Au contraire, si la valeur a été fixée par les verbalisants sans l'accord du prévenu, les juges ne sont pas liés par l'estimation et ont plein pouvoir pour apprécier si la valeur attribuée d'office à la saisie correspond ou non à sa valeur réelle.

1   Pour les infractions à la réglementation concernant les animaux vivants de boucherie et de charcuterie (cf. 13 N 226 n° 3), il est recommandé d'offrir et d'accorder la mainlevée, éventuellement sous bonne et suffisante caution des animaux saisis, après estimation de la valeur de gré à gré avec les contrevenants, la saisie effective ne devant être envisagée que dans les cas où cette mesure apparaît indispensable.

2   Voir 13 E 2225 n°s 21 à 54 .