Date de début de publication du BOI : 01/01/1978
Identifiant juridique : 12C5214
Références du document :  12C5214

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SOUS-SECTION 4 L'INSCRIPTION DES HYPOTHÈQUES

SOUS-SECTION 4

L'inscription des hypothèques

Sous le régime, antérieur au 1 er janvier 1956, l'originalité de certaines hypothèques était d'être occultes. Tel était le cas des hypothèques légales.

Le décret du 4 janvier 1955, portant réforme de la publicité foncière, a rendu obligatoire l'inscription de toutes les hypothèques (légales, judiciaires et conventionnelles) au bureau des hypothèques de la situation des biens (Code civ., art. 2146-2°).

Cette inscription, opérée sur le registre des dépôts prévu par l'article 2200 du Code civil, ne peut être effectuée que sous certaines conditions de forme et de fond et détermine le rang des hypothèques entre elles.

  A. CONDITIONS DE FORME

1La forme des inscriptions est réglementée par l'article 2148 du Code civil et par de nombreuses dispositions du décret du 14 octobre 1955 pris pour l'application du décret du 4 janvier 1955 précité.

Aux termes de cet article, le créancier hypothécaire doit représenter au conservateur des hypothèques le titre de créance et déposer deux bordereaux d'inscription.

  I. Le titre de la créance

2Le titre à présenter consiste en l'original, une expédition authentique ou un extrait littéral du jugement ou de l'acte qui donne naissance à l'hypothèque.

Pour pouvoir requérir la publication d'un fait ou d'un acte juridique il faut, en effet, que ce fait ou cet acte soit constaté par écrit.

3La représentation du titre a pour but de permettre au conservateur de s'assurer qu'il ne s'agit pas d'une réquisition d'inscription abusive ou manifestement injustifiée. Mais l'inscription n'est qu'une simple mesure de publicité et le conservateur n'a pas à se faire juge de la validité de l'hypothèque qu'il inscrit. Il se borne à constater que le créancier est bien, en apparence, bénéficiaire de la sûreté dont il requiert l'inscription.

4Le défaut de représentation du titre donnant naissance à l'hypothèque est sanctionné par le refus du dépôt mais, au cas où la sûreté serait inscrite sans représentation du titre, le défaut de représentation ne serait pas en lui-même une cause de nullité de l'inscription.

5Pour les hypothèques conventionnelles ou judiciaires, la détermination du titre générateur de la sûreté ne soulève aucune difficulté puisque celui-ci découle du jugement ou de la convention entre les parties (cf. supra C 5213 n° 7 et 23 ).

6La situation est différente en ce qui concerne les hypothèques légales qui sont susceptibles d'exister, dans certains cas, sans qu'un véritable titre leur ait donné naissance.

A défaut d'un véritable titre générateur de la sûreté, le créancier est fondé à produire des documents quelconques présentant « un caractère suffisamment sérieux » pour démontrer qu'il semble bien se trouver, au moins en apparence, dans la situation de bénéficier de l'hypothèque légale dont il requiert l'inscription.

C'est pourquoi, la règle de la représentation du titre comporte des exceptions :

- notamment peuvent être requises sans communication de titre, les inscriptions d'hypothèques légales visées à l'article 2121, 1°, 2° et 3° du Code civil (Code civ., art. 2148, al. 1) :

• hypothèque légale d'un époux sur les biens de l'autre :

• hypothèque légale des mineurs et majeurs en tutelles sur les biens du tuteur ou de l'administrateur légal ;

• hypothèque légale de l'État, des départements, des communes et des établissements publics sur les biens des receveurs et administrateurs comptables.

Peuvent également être requises, sans communication de titre, les inscriptions de séparations de patrimoines établies par l'article 2111 du même code.

  II. Les bordereaux d'inscription

7Pour que l'inscription de l'hypothèque puisse être valablement opérée, le créancier joint à son titre de créance, deux bordereaux signés et exactement collationnés. L'un est restitué au déposant après avoir été revêtu d'une mention indiquant la date du dépôt et les volume et numéro sous lesquels le bordereau destiné aux archives est conservé.

Le bordereau destiné à être conservé au bureau des hypothèques est seul obligatoirement rédigé sur une formule spéciale normalisée fournie par l'Administration.

8Les bordereaux doivent commencer obligatoirement par la réquisition suivante, portée en lettres majuscules d'imprimerie :

« INSCRIPTION D'HYPOTHÈQUE ... 1 AYANT EFFET JUSQU'AU ... EST REQUISE ... ».

Ils indiquent en outre, dans un cadre spécialement ménagé, si le principal de l'obligation garantie doit ou non être acquitté à une ou plusieurs dates déterminées, postérieures à celle de la formalité.

9Indépendamment de ces réquisition et indication, de la mention de certification de l'identité des parties exigée par les articles 5 et 6 du décret du 4 janvier 1955, du certificat de collationnement et des précisions qui seraient imposées par des dispositions législatives ou réglementaires particulières, les bordereaux ne peuvent contenir, sous peine de rejet de la formalité, que les énonciations prévues au troisième alinéa de l'article 2148 du Code civil, à savoir :

1. La désignation du créancier, du débiteur ou du propriétaire, si le débiteur n'est pas propriétaire de l'immeuble grevé, conformément au premier alinéa des articles 5 et 6 du décret du 4 janvier 1955 ;

2. L'élection de domicile, par le créancier, dans un lieu quelconque du ressort du tribunal de grande instance de la situation des biens ;

3. L'indication de la date et de la nature du titre, et de la cause de l'obligation garantie par le privilège ou l'hypothèque ; au cas où le requérant est légalement dispensé de la représentation du titre, les bordereaux énoncent la cause et la nature de la créance ;

4. L'indication du capital de la créance, de ses accessoires et de l'époque normale d'exigibilité ; en toute hypothèse, le requérant doit évaluer les rentes, prestations et droits indéterminés, éventuels où conditionnels, sans préjudice de l'application des articles 2161 et suivants au profit du débiteur ; et si les droits sont éventuels ou conditionnels, il doit indiquer sommairement l'événement ou la condition dont dépend l'existence de la créance. Dans les cas où la créance est assortie d'une clause de réévaluation, l'inscription doit mentionner le montant originaire de la créance ainsi que la clause de réévaluation ;

5. La désignation, conformément aux premier et troisième alinéas de l'article 7 du décret du 4 janvier 1955, de chacun des immeubles sur lesquels l'inscription est requise ;

6. L'indication de la date, du volume et du numéro sous lequel a été publié le titre de propriété du débiteur (ou du propriétaire, si le débiteur n'est pas propriétaire des immeubles grevés), lorsque ce titre est postérieur au 1 er janvier 1956.

10Si le conservateur, après avoir accepté le dépôt, constate l'omission d'une des mentions prescrites par le présent article, ou une discordance entre, d'une part, les énonciations relatives à l'identité des parties ou à la désignation des immeubles contenues dans le bordereau, et d'autre part, ces mêmes énonciations contenues dans les bordereaux ou titres déjà publiés depuis le 1 er janvier 1956, la formalité est rejetée, à moins que le requérant ne régularise le bordereau ou qu'il ne produise les justifications établissant son exactitude, auxquels cas la formalité prend rang à la date de la remise du bordereau constatée au registre de dépôts.

  III. Frais des inscriptions

11Aux termes de l'article 2155 du Code civil, les frais d'inscription des hypothèques dont l'avance est faite par l'inscrivant sont, sauf stipulation contraire, à la charge du débiteur (voir C 5221, n os72 et suiv. , C 5222 n os13 et 34 , et C 524 n os19 et suiv. ).

  IV. Sanctions de l'inobservation des conditions de forme

12L'inobservation des règles de forme édictées par le décret du 14 octobre 1955 est sanctionnée par. le rejet de la formalité.

Par ailleurs, l'omission dans les bordereaux d'une ou plusieurs des énonciations prescrites (cf. supra n os8 et 9 ) ou les erreurs dans ces énonciations entraînent :

- soit le refus du dépôt (tel est le cas si la mention de certification de l'identité des parties fait défaut ou si les immeubles ne sont pas individuellement désignés avec indication de la commune où ils sont situés) ;

- soit le rejet de la formalité (par exemple si les bordereaux ne font pas référence au titre de propriété du constituant).

  B. CONDITIONS DE FOND

13Les conditions de fond auxquelles doit répondre l'inscription d'hypothèque requise concernent :

- les personnes qualifiées pour requérir l'inscription ;

- les personnes contre lesquelles l'inscription doit être requise ;

- le délai pour prendre inscription.

  I. Personnes qualifiées pour requérir l'inscription

14L'inscription hypothécaire doit être requise par le créancier lui-même ou par un tiers.

Elle n'est jamais faite d'office par le conservateur des hypothèques (Code civ., art. 2146).

Peuvent, notamment valablement requérir l'inscription d'hypothèques :

- le titulaire de la créance garantie (même incapable), ses successeurs universels ou à titre universel ; ses mandataires légaux ou conventionnels ;

- le greffier du tribunal d'instance pour l'hypothèque légale des mineurs ou majeurs en tutelle prise sur les biens du tuteur ou de l'administrateur légal ;

- l'agent judiciaire du Trésor pour l'hypothèque légale de l'État sur les biens des comptables publics ;

- le comptable chargé du recouvrement des impositions et amendes pour l'hypothèque légale du Trésor.

  II. Personnes contre lesquelles l'inscription doit être requise

15L'inscription d'hypothèque est requise contre le débiteur ou le propriétaire si le débiteur n'est pas propriétaire de l'immeuble grevé. Il n'est pas nécessaire, en effet, que la personne qui constitue l'hypothèque soit le débiteur de la créance qui fait l'objet de la garantie ; on peut constituer une hypothèque pour la dette d'autrui sans s'obliger personnellement.

Du point de vue de la publicité foncière d'ailleurs, seul le propriétaire de l'immeuble doit être pris en considération conformément à la définition de l'hypothèque donnée à l'article 2114 du Code civil.

  III. Délai pour prendre inscription

16En règle générale aucun délai n'est prescrit pour prendre inscription des hypothèques. Il est toutefois rappelé qu'en matière d'hypothèque judiciaire, lorsque le créancier obtient gain de cause, l'inscription définitive faisant suite à une inscription provisoire doit être prise dans les deux mois du jour où la décision judiciaire a acquis autorité de la chose jugée (cf. supra 5213 n° 21 et infra 524 n° 14).

Mais dès lors que l'inscription est attributive de rang (cf. infra25 ), le créancier a toujours intérêt à la requérir dans le plus bref délai (après constitution de la garantie éventuellement), même si la créance est à terme, conditionnelle ou éventuelle.

En agissant ainsi il peut éviter le danger constitué par certains événements qui empêchent la prise d'inscription utile de sûretés.

  C. ÉVÉNEMENTS QUI ARRÊTENT LE COURS DES INSCRIPTIONS

17Si l'inscription peut être prise aussi longtemps que subsiste l'hypothèque, certains événements placent toutefois les créanciers dans l'impossibilité de faire inscrire leur sûreté avec toute l'efficacité souhaitée.

  I. Nature des événements

Ces événements sont énoncés par l'article 2147 du Code civil.

181. Publication de la mutation opérée au profit d'un tiers.

A partir de la publication de la mutation d'un immeuble, les créanciers hypothécaires ne peuvent prendre utilement inscription sur le précédent propriétaire. Cette disposition de l'article 2147 précité a pour conséquence de faire perdre aux créanciers du précédent propriétaire leur droit de préférence et leur droit de suite (cf. infra 5216 n os 8 à 24).

192. Acceptation bénéficiaire ou déclaration vacante d'une succession.

L'inscription ne produit aucun effet entre les créanciers d'une succession :

- si elle n'a été faite par l'un d'eux que depuis le décès du débiteur ;

- si la succession n'est acceptée que sous bénéfice d'inventaire ou est déclarée vacante (Code civ., art. 2147, al. 2).

En effet, dans ces deux cas, un règlement collectif du passif successoral est organisé et les créanciers hypothécaires non inscrits avant le décès du débiteur, devront subir la loi du concours pour le règlement de leur créance.

203. Saisie immobilière.

Aux termes de l'article 686 du Code de Procédure civile, la saisie immobilière fait obstacle à la vente de l'immeuble ou à la constitution de droits réels immobiliers.

Dès lors qu'elles ont été inscrites après le dépôt du commandement de payer à fin de saisie immobilière, les hypothèques (légales, judiciaires ou conventionnelles) ne peuvent être opposées aux créanciers saisissants même non inscrits (voir toutefois C 2213 « effets de la publication du commandement à fin de saisie immobilière »).

4. Règlement judiciaire et liquidation des biens.

21Selon l'article 33 de la loi du 13 juillet 1967 portant réforme du droit de la faillite, les hypothèques inscrites postérieurement au jugement prononçant le règlement judiciaire ou la liquidation des biens sont inopposables à la masse des créanciers.

Par ailleurs les articles 29 et 34 de la même loi permettent de faire déclarer inopposables à la masse certains actes accomplis par le débiteur pendant la période suspecte c'est-à-dire celle comprise entre la date de cessation de paiement et la date de jugement déclaratif. L'article 29-6° notamment ne déclare inopposables à la masse, que les hypothèques conventionnelles ou judiciaires ainsi que l'hypothèque légale des époux, constituées sur les biens du débiteur pour des dettes contractées antérieurement

On notera que l'article 29 précité, dont l'interprétation doit être restrictive, ne peut être étendu, par analogie, à l'hypothèque légale du Trésor visée à l'article 1929 ter du CGI.

1   Indication de la nature de la sûreté.