Date de début de publication du BOI : 30/10/1999
Identifiant juridique : 12C2232
Références du document :  12C2232

SOUS-SECTION 2 VENTE AMIABLE ET APPORT D'UN FONDS DE COMMERCE

b. Opposition par voie d'avis à tiers détenteur.

27.Pour les impositions privilégiées authentifiées et exigibles, l'opposition au paiement du prix de vente du fonds de commerce peut être faite au moyen d'un avis à tiers détenteur.

Ce dernier devra être notifié dans le délai de dix jours suivant la dernière en date de la publication légale, conformément à la loi du 17 mars 1909 relative à la vente et au nantissement du fonds de commerce.

La Cour de cassation a jugé que l'avis à tiers détenteur pouvait être utilisé comme moyen d'opposition sur le prix de vente d'un fonds de commerce et qu'il est alors soumis aux règles prévues par la loi fiscale (Cass. com. 12 mai 1987, Bull. civ. IV n° 115 p. 88).

La Haute Juridiction a ainsi affirmé la spécificité et l'autonomie, par rapport à la procédure d'opposition extrajudiciaire prévue par l'article 3 de la loi du 17 mars 1909, des conditions d'utilisation de l'avis à tiers détenteur, de ses effets et de ses modalités de contestation.

Ce principe n'est nullement remis en cause par la loi du 9 juillet 1991 sur les procédures civiles d'exécution.

La mise en oeuvre de l'avis à tiers détenteur est, dans tous les cas, subordonnée à l'émission préalable d'un avis de mise en recouvrement et à la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet pendant un délai de vingt jours (Cass. com. 15 juin 1993, Bull. civ. IV n° 251 p. 178 ; 15 novembre 1994, ibid. IV n° 337 p. 276).

28.En l'absence de mise en demeure ou lorsque le délai de vingt jours n'est pas écoulé, les comptables des impôts doivent recourir à l'opposition au paiement du prix de vente prévue par le 4ème alinéa de l'article 3 de la loi du 17 mars 1909, c'est-à-dire par acte extrajudiciaire.

En pratique, lorsqu'il existe, d'une part, des créances authentifiées par un avis de mise en recouvrement et, d'autre part, des créances non encore établies, l'opposition sera pratiquée par un seul acte extrajudiciaire d'huissier pour l'ensemble des créances.

29.Lorsque l'avis à tiers détenteur est utilisé dans le cadre d'une opposition au prix de vente d'un fonds de commerce, il perd son caractère d'effet d'attribution immédiate et, comme l'opposition, n'a d'autre effet que de faire connaître au séquestre et aux autres créanciers l'existence de la créance et de rendre indisponible le prix de cession à concurrence du montant y figurant.

4. Effets de l'opposition.

30.Aux termes de l'article 3 de la loi du 17 mars 1909 alinéa 4 in fine, aucun transport amiable ou judiciaire n'est opposable aux créanciers qui se sont fait connaître par voie d'opposition au paiement du prix de vente, dans le délai légal de dix jours à compter de la publication qui est imposée à l'acheteur.

Par ailleurs, le dernier alinéa de l'article 3 précise que l'acquéreur qui aura payé son vendeur avant l'expiration du délai de dix jours ne sera pas libéré à l'égard des tiers.

L'opposition comporte deux effets. Elle empêche l'acquéreur de payer le prix et elle fixe la créance à l'égard des créanciers.

En revanche, elle ne donne aucun droit de priorité sur le prix.

a. indisponibilité du prix.

31.L'opposition est une mesure conservatoire qui a pour effet de maintenir l'indisponibilité du prix résultant de la vente entre les mains de l'acheteur ou du mandataire. Cette indisponibilité existe dès la réalisation de la vente.

L'indisponibilité du prix est absolue pendant le délai prévu pour faire opposition et, passé ce délai, l'opposition prolonge l'indisponibilité.

En conséquence, aucun paiement libératoire ne peut intervenir au préjudice des opposants. Il serait inopposable à ces derniers et l'acquéreur devrait verser à nouveau le prix.

Le paiement prématuré, qui est sanctionné par l'article 3, recouvre trois situations :

- le versement du prix effectué par l'acquéreur du fonds en l'absence de toute publicité régulière (cf. supra n°s 17 et 18 ) ;

- le paiement intervenu après accomplissement des formalités de publicité mais avant l'expiration du délai de dix jours imparti pour les oppositions ;

- le versement intervenu après des publications régulières et postérieurement au délai de dix jours mais au mépris des oppositions pratiquées sur ce prix.

32.S'agissant des créanciers qui peuvent se prévaloir de cette indisponibilité, il convient de considérer que dans les deux premières situations (paiement sans publicité ou fait avant l'expiration des délais), tous les créanciers, opposants ou non, peuvent l'invoquer (Cass. com. 1er juin 1981, D. 1981 p. 654 et RTD com. 1982 p. 91).

En revanche, dans la troisième hypothèse, seuls les créanciers ayant fait opposition dans le délai légal disposent d'une action contre l'acquéreur qui a payé son prix après le délai d'opposition (Cass. civ. 5 juillet 1932, Gaz. Pal. 1932.2.609).

33.La jurisprudence a également tiré les conséquences du caractère conservatoire de l'opposition en matière de prescription et décidé qu'elle ne constituait pas un acte interruptif de prescription. La Cour de cassation a en effet jugé que l'opposition n'étant qu'un acte conservatoire ayant pour seul effet de rendre indisponible le prix de vente et de permettre au créancier de faire valoir postérieurement ses droits dans une distribution de prix, elle ne peut être assimilée à une saisie et interrompre la prescription (Com. 16 juin 1998, Bull. civ. IV n° 194 p. 161).

b. Fixation de la créance du prix à l'égard des créanciers.

34.Aucun mode d'extinction de la créance, notamment par compensation, ne peut intervenir entre le vendeur et l'acheteur au détriment des créanciers opposants.

L'acquéreur ne peut opposer les dispositions particulières visées dans l'acte de cession pour faire échec à l'opposition régulièrement formée.

Aucune cession de créance du prix ne peut intervenir au profit d'un autre titulaire.

De plus, aucune remise de dette ou réduction amiable du prix n'est opposable aux créanciers opposants. Les parties à l'acte ne peuvent modifier le montant du prix au détriment des créanciers (GRENOBLE 28 janvier 1910, D. 1910.2.317).

c. Absence de droit de priorité sur le prix.

35.L'opposition n'engendre au profit des opposants ni un transfert du prix, ni le droit d'être payé par préférence (Cass. civ. 5 avril 1965, JCP 1965. II. 14316).

En revanche, le créancier qui a régulièrement fait opposition est assuré de voir ses droits respectés lors de la répartition du prix.

Ainsi, les oppositions n'ont pas pour effet de rendre exigible le montant du prix. Si tout ou partie du prix n'est payable qu'à terme, les créanciers opposants ne peuvent avoir un droit sur les sommes qu'au fur et à mesure des échéances.

La solution reste identique lorsque l'opposition a été pratiquée par voie d'avis à tiers détenteur.

A cet égard, un avis à tiers détenteur ou une saisie-attribution notifié pendant le délai d'opposition ne peut opérer transfert immédiat des sommes en cause en raison de l'indisponibilité du prix jusqu'au moment de sa répartition.

Ces actes valent comme opposition permettant de participer à la distribution du prix.

36. REMARQUE  : Les créanciers qui n'ont pas fait opposition ne perdent pas le droit de paiement de leur créance, notamment lors de la répartition du prix, s'ils se sont manifestés avant qu'elle n'intervienne par l'exercice de voies d'exécution.

Ainsi, un avis à tiers détenteur ou une saisie-attribution notifié après le délai d'opposition n'est pas dépourvu d'effet.

Cet acte n'emporte attribution immédiate que pour la partie du prix dépassant le montant des oppositions.

Il ne peut toutefois avoir d'effet que si les fonds excédant le montant des oppositions n'ont pas encore été remis au vendeur.

5. Responsabilité de l'acquéreur et du séquestre.

37.Le paiement prématuré ou fait au mépris des oppositions par l'acquéreur est inopposable aux créanciers opposants (cf. supra n°s 31 à 33 ).

Cela étant, les contrats portant sur la vente d'un fonds de commerce stipulent fréquemment que le prix sera versé entre les mains d'un intermédiaire. Celui-ci engage également sa responsabilité s'il se dessaisit irrégulièrement des fonds qui lui sont remis.

a. Action des créanciers opposants à l'encontre de l'acquéreur.

38.Le créancier opposant, dont les droits n'ont pas été respectés, peut assigner l'acquéreur pour faire déclarer inopposable le versement du prix irrégulier et obtenir sa condamnation au paiement de sa créance, à concurrence de la somme illicitement versée, sur le fondement de l'article 3 de la loi du 17 mars 1909 (Cass. com 15 mai 1973, Bull. civ. IV n° 174 p. 153).

Les créances ayant un caractère civil, les litiges consécutifs au paiement effectué malgré l'opposition du service relèvent de la compétence du tribunal de grande instance (Rappr. Cass. com. 21 octobre 1969, Bull. civ. IV n° 302 p. 286) ou du tribunal d'instance si le montant de la demande est inférieur ou égal à 50 000 F (art. R* 321-1 du Code de l'organisation judiciaire).

b. Action des créanciers opposants à l'encontre du séquestre.

39.Lorsque le prix est versé entre les mains d'un intermédiaire, l'article 19 de la loi du 29 juin 1935 lui fait obligation (plus généralement à « tout tiers détenteur ») de faire la répartition du prix dans les trois mois de la date de l'acte de vente. A l'expiration de ce délai, la partie la plus diligente peut se pourvoir en référé devant le président du tribunal de commerce dans le ressort duquel demeure le débiteur, qui désigne une personne chargée de la distribution (art. 1281-1 et 1281-12 du NCPC) (cf. pour la procédure de distribution infra n°s 61 et s. ).

En cas de paiement prématuré ou fait au mépris des oppositions, il est généralement admis par la doctrine et la jurisprudence que la remise des fonds à un intermédiaire ne peut libérer l'acquéreur envers les créanciers du vendeur, sauf si, par exception, ceux-ci ont ratifié expressément ou tacitement le choix de cet intermédiaire (T. com. ROUEN 18 novembre 1957, RTD Com. 1958 p. 317).

Par ailleurs, il a été jugé que le créancier ne peut agir contre le tiers détenteur des fonds si celui-ci n'est pas séquestre répartiteur des fonds dès lors qu'il ne peut être considéré comme personnellement débiteur (Cass. civ. 17 octobre 1956, JCP 1957.II.9814).

40.Il y a donc lieu de considérer, sous réserve de l'appréciation des tribunaux, que l'intermédiaire peut être directement poursuivi par le créancier opposant, notamment s'il a payé le vendeur au mépris des oppositions reçues ou omettait de désintéresser un créancier d'un rang préférable, dès lors qu'il a agi comme un séquestre répartiteur des fonds.

Il conviendra de l'assigner sur le fondement de l'article 1382 du Code civil devant le tribunal de grande instance où il demeure, ou le cas échéant, le tribunal d'instance (en fonction du montant du litige), pour obtenir un versement correspondant au préjudice subi par le Trésor.

En général, la responsabilité de l'intermédiaire est couverte par une assurance obligatoire et par une garantie financière strictement réglementée.

41.En revanche, l'intermédiaire ne pourra pas être poursuivi :

- lorsqu'il aura été désigné pour recevoir les oppositions sans qu'il soit désigné comme séquestre des fonds ;

- lorsqu'il aura été désigné pour recevoir les oppositions et les fonds mais sans avoir la qualité de répartiteur.

Il en sera ainsi notamment lorsque le séquestre n'ayant pas effectué la répartition dans un délai de trois mois, la procédure prévue à l'article 19 de la loi du 19 juin 1935 aura été mise en oeuvre.

Dans ces deux situations, seul l'acquéreur pourra être poursuivi dans les conditions précisées ci-dessus (cf. supra n° 38 ).

c. Conséquences de la condamnation.

42.L'acquéreur ou le séquestre ne saurait être assimilé au redevable légal et le receveur ne peut se prévaloir du privilège du Trésor à leur égard.

Dès lors, seules les voies d'exécution de droit commun peuvent être utilisées.

6. Mainlevée et cantonnement des oppositions.

43.Lorsque le délai de dix jours est expiré et s'il y a eu des oppositions, le vendeur peut se pourvoir en référé pour en obtenir la mainlevée si les oppositions ont été faites sans titre et sans cause ou si elles sont nulles en la forme et s'il n'y a pas d'instance en cours (art. 3, al. 7).

44.Le vendeur peut également demander au juge des référés l'autorisation de toucher le prix de la vente, à charge pour lui de consigner entre les mains d'un tiers, ou à la Caisse des dépôts et consignations, une somme suffisante pour répondre du paiement des oppositions.

Cette somme est fixée par le juge.

Le juge des référés n'accorde l'autorisation demandée que s'il est justifié, par une déclaration formelle de l'acquéreur mis en cause, qu'il n'existe pas d'autres créanciers opposants que ceux qui ont été assignés en référé par le vendeur.

Une telle demande est irrecevable dès lors que l'acquéreur du fonds cédé n'a pas été mis en cause et est en conséquence absent de l'instance (PARIS 17 novembre 1982, D. 1983, IR 130).

45.Lorsque le juge autorise le vendeur à toucher son prix moyennant consignation, l'acquéreur se trouve libéré et l'effet des oppositions se trouve reporté sur la personne qui a été désignée pour recevoir la consignation et que la loi appelle « tiers détenteur ».

Bien entendu l'acquéreur n'est déchargé que s'il n'a pas fait de déclaration inexacte (art. 3, al. 5 et 6).

46.L'acquéreur, en exécutant l'ordonnance de cantonnement, demeure responsable de l'existence d'autres créanciers opposants ou saisissants antérieurs à cette ordonnance. Il n'est pas libéré valablement à l'égard de ces autres créanciers, s'il en existe.

  III. Surenchère du sixième

1. Conditions et procédure de la surenchère.

47.Le propriétaire d'un fonds de commerce ayant des créanciers importants pourrait avoir la tentation de tourner les dispositions exposées ci-dessus en touchant directement une soulte occulte de l'acquéreur et en ne laissant apparaître qu'un prix insuffisant pour désintéresser les créanciers.

Afin de prévenir une manoeuvre de ce genre, la loi permet à ces derniers de déposséder l'acquéreur en remettant le fonds en vente à un prix supérieur de un sixième au prix des éléments incorporels du fonds tel qu'il est porté dans l'acte (art. 5).

48.L'article 5 alinéa 3 exclut de la procédure de surenchère la vente judiciaire d'un fonds de commerce et la vente poursuivie par un mandataire de justice dans le cadre d'une procédure collective.

Toutefois, dans le cadre de la loi du 13 juillet 1967, il a été jugé que la vente à forfait du fonds de commerce d'un débiteur en liquidation des biens ne s'assimilant pas à une vente judiciaire, ne fait pas obstacle à l'exercice par un créancier opposant de la surenchère du sixième prévue par l'article 5 de la loi du 17 mars 1909 (Cass. com. 30 mars 1981, Bull. civ. IV p. 130 n°164).

49.Les seuls créanciers admis à surenchérir sont les créanciers inscrits et ceux qui ont fait opposition dans les dix jours.

50.La surenchère doit être faite dans les vingt jours de la dernière en date des publications visées à l'article 3 de la loi et n'est possible que si le prix de cession est insuffisant pour désintéresser les créanciers inscrits ou opposants.

Aux fins d'être renseignés, ceux-ci ont, pendant ce même délai de vingt jours, le droit de prendre connaissance de l'acte de vente et des oppositions au domicile élu indiqué dans la publication.

51.La surenchère doit, aux termes de l'article 5, alinéa 2, être formée en se conformant aux prescriptions de l'article 23 de cette même loi.

Elle revêt la forme d'une réquisition de mise aux enchères publiques, signée du créancier et signifiée au vendeur et à l'acquéreur du fonds avec assignation devant le tribunal de commerce de la situation du fonds. C'est cette juridiction qui statue sur le bien-fondé de la surenchère et sur les contestations qu'elle soulève.

52.Le tribunal saisi de l'assignation de surenchère examine si la notification satisfait aux conditions de fond et de forme prescrites par la loi avant de valider la surenchère et d'ordonner la vente publique du fonds de commerce. Dans son jugement, il fixe la mise à prix, détermine les conditions principales de la vente, commet un officier ministériel pour y procéder et pour dresser un cahier des charges.

53.Les formalités de la procédure et de la vente publique sont accomplies à la diligence du surenchérisseur ou, à son défaut, par tout créancier ou par l'acquéreur.

Le poursuivant doit faire sommation au propriétaire du fonds et aux créanciers inscrits, au domicile élu par eux dans leur inscription, quinze jours au moins avant la vente, de prendre communication du cahier des charges, de fournir leurs dires et d'assister à l'adjudication si bon leur semble. A défaut de cette sommation, l'adjudication n'entraînerait pas purge (cf. infra n°s 59 et 60 ). Il doit, en outre, publier la vente publique par voie d'affiches et d'insertions dans un journal d'annonces légales.