SOUS-SECTION 2 LA SAISIE-VENTE
b. Les opérations de saisie entre les mains du débiteur.
65.Les opérations de saisie-vente débutent par la réitération verbale de la demande de paiement qui précède l'acte de saisie. L'accomplissement de ces formalités confère un statut et un sort juridiques particuliers aux biens saisis.
1° Réitération verbale de la demande de paiement.
66.La réitération verbale de la demande de paiement (qui rappelle « l'itératif commandement » de l'ancien code de procédure civile, art. 586), ne se conçoit que si le débiteur est présent. L'huissier de justice y procède alors avant toute opération de saisie (art. D. 93), quel que soit le lieu de la saisie. Il mentionne dans le procès-verbal de saisie qu'une réitération verbale a été effectuée.
67.Cette réitération verbale doit s'accompagner de la demande faite au débiteur de déclarer les biens qui auraient fait l'objet d'une saisie antérieure (art. D 93), ceci afin d'assurer la garantie des droits du créancier qui entend procéder à une seconde saisie (art. D 118 et s.).
Le déclaration du débiteur doit être mentionnée dans l'acte de saisie, à peine de nullité de l'acte (art. D 94, al. 1er). Toutefois, son omission ne constitue qu'un vice de forme de sorte que la nullité n'est acquise que si le saisi établit avoir subi un grief (TGI LYON 7 décembre 1993, Revue des Huissiers 1994, p. 1164).
68.Si le débiteur n'est pas présent sur le lieu de la saisie, l'information du créancier relative à une précédente saisie pourra se faire après l'acte de saisie. Une copie de cet acte est en effet signifiée au débiteur lui impartissant un délai de huit jours pour informer l'huissier de l'existence d'une saisie antérieure et pour qu'il lui en communique le procès-verbal (art. D 96).
2° Formalités de la saisie.
69.La saisie proprement dite donne lieu à un inventaire des biens et à l'établissement d'un procès-verbal.
* Modalités de l'inventaire des biens.
70.L'huissier de justice procède à l'inventaire des biens qu'il place sous saisie au fur et à mesure qu'il les trouve en les décrivant sommairement selon les dispositions du Code de procédure civile.
71.Les dispositions de l'article D 90 autorise à l'huissier « le cas échéant » à photographier les objets saisis.
Avec le procédé de la photographie, il est plus aisé de comparer les meubles saisis aux meubles existants lors du procès-verbal de vérification (art. D 113) ; c'est pourquoi l'huissier de justice conserve ces photographies en vue de la vérification des biens saisis (art. D 90 précité).
Ces photographies font partie du dossier de la saisie et seront donc obligatoirement remises avec celui-ci à l'officier ministériel chargé de la vente.
La présentation des photographies par l'huissier ayant effectué la saisie à l'officier ministériel effectuant la vérification, et au gardien entre les mains duquel la vérification est effectuée, devrait normalement mettre fin à la contestation sur l'état ou sur l'existence d'un meuble compris dans la saisie et dont la représentation est contestée, sans qu'il soit nécessaire de saisir le juge de l'exécution.
* Le procès-verbal de saisie.
72.L'acte de saisie matérialise les opérations de l'huissier de justice qui a dressé l'inventaire des biens (art. D 94, al. 1 er ).
73.Il doit contenir, à peine de nullité (art. D 94) :
- la référence au titre en vertu duquel la saisie est pratiquée (art. D. 94-1°), ce qui implique les mentions relatives à la date et à la nature du titre ;
- la désignation détaillée des biens saisis (art. D. 94-2) ;
- la déclaration du débiteur au sujet d'une éventuelle saisie antérieure. Dans cette hypothèse, le créancier peut utiliser la procédure d'opposition (cf. infra n°s 185 et s. ).
- la mention que les biens saisis sont indisponibles, qu'ils sont placés sous la garde du débiteur et ne peuvent être ni aliénés, ni déplacés hormis dans le cas prévu à l'article D. 91 sous peine des sanctions prévues à l'article 314-6 du nouveau code pénal qui a remplacé les articles 400 et 406 du Code pénal, et que le débiteur est tenu de faire connaître la présente saisie à tout créancier qui procéderait à une nouvelle saisie des mêmes biens ;
- l'indication que le débiteur dispose d'un délai d'un mois pour procéder à la vente amiable des biens saisis dans les conditions prescrites aux articles D. 107 à D. 109 ;
- la désignation de la juridiction devant laquelle seront portées les contestations relatives à la saisie-vente afin que le débiteur soit en mesure d'assurer la défense de ses intérêts. A cet égard, il y a lieu de mentionner obligatoirement les dispositions spéciales qui régissent les contestations en matière de recouvrement forcé des créances fiscales (cf. infra n°s 18 et s. ).
- l'absence de telles mentions pourrait constituer un grief dès lors qu'une irrecevabilité serait invoquée contre le débiteur qui aurait, par exemple, saisi directement le juge de l'exécution ;
- l'indication de l'identité des personnes qui ont assisté aux opérations de saisie ainsi que leurs signatures ou la mention de leur refus de signer le procès-verbal et ses copies (art. L 21) ;
- la reproduction des dispositions du nouveau code pénal relatives au délit de détournement des objets saisis et des sanctions encourues (articles 314-6) et des dispositions relatives à la vente amiable des objets saisis (articles D. 107 à D. 109).
L'absence de certaines mentions prévues par la loi dans le procès-verbal de saisie est de nature à entraîner la nullité de la saisie, certaines des mentions faisant en effet grief aux débiteurs (TGI AMIENS, JEX 18 février 1993 ; Juris-Data n° 042441).
74. Important :
Les contestations qui peuvent s'élever à l'occasion des poursuites exercées par les comptables des impôts sont soumises à la procédure d'opposition à poursuite, régie par les articles L. 281 et R* 281-1 et suivants du Livre des procédures fiscales qui prévoient le dépôt d'un mémoire préalable, appuyé de toutes justifications utiles, devant le Directeur des Services fiscaux du département dans lequel est opérée la saisie.
75.Il est précisé que la procédure fiscale d'opposition à poursuite n'est pas applicable dans les cas suivants :
- lorsque la contestation porte sur le caractère saisissable ou non des biens appréhendés (cf. infra n°s 198 et s. ) ;
- lorsque le débiteur conteste être propriétaire des biens saisis (cf. infra n°s 204 et s. ) ;
- lorsque le juge des référés est saisi par le débiteur afin d'obtenir la suspension des poursuites (cf. doc. de base...).
76.Les receveurs doivent inviter les huissiers de justice auxquels ils ont habituellement recours à adapter la rédaction de leurs procès-verbaux à la législation fiscale.
* Situation particulière : le procès-verbal de carence.
77.L'article D 92 énonce que si aucun bien n'est susceptible d'être saisi, l'huissier de justice dresse un procès-verbal de carence.
Il en est de même si, manifestement, aucun bien n'a de valeur marchande suffisante.
D'une manière générale, l'huissier de justice ne peut, s'il ne trouve aucun objet mobilier qui soit saisissable, se retirer sans le constater. L'établissement d'un procès-verbal est nécessaire pour l'exécution de sa mission. Il prouve qu'il a tenté de pratiquer la saisie, et dégage sa responsabilité, tout en lui assurant l'émolument que mérite son déplacement.
78.En principe, l'huissier de justice qui saisirait des meubles ou objets mobiliers sans valeur au lieu de dresser un procès-verbal de carence pourrait engager sa responsabilité personnelle si les frais exposés pour la vente n'étaient pas couverts par le produit de celle-ci.
79.Le procès-verbal de carence est en tout point identique au procès-verbal de saisie en ce qui concerne les mentions précédant la désignation des meubles et objets mobiliers saisis. Cette dernière est remplacée par la mention que l'huissier n'a trouvé dans les lieux aucun meuble saisissable appartenant au débiteur, ou qu'il n'a trouvé que des meubles sans aucune valeur marchande ou de peu de valeur, dont la vente ne produirait pas un prix suffisant pour couvrir les frais. Le procès-verbal de saisie est alors converti en procès-verbal de carence, dressé en original et copie comme un procès-verbal de saisie.
* La signification de la saisie au débiteur.
80.Si le débiteur est présent aux opérations de saisie, une copie de l'acte de saisie portant les mêmes signatures que l'original lui est immédiatement remise (art. D 95, al. 2).
Cette remise vaut signification : il s'agit même d'une signification à personne (art. 654 NCPC), puisque l'huissier de justice remet l'acte au destinataire.
81.Si le débiteur n'est pas présent lors des opérations de saisie, une copie de l'acte lui est signifiée (art. D 96), selon les formes du droit commun des significations (art. 653 et s. NCPC).
La date de cette signification constituera le point de départ du délai de huit jours octroyé au débiteur saisi pour informer l'huissier de justice de l'existence d'une saisie antérieure et pour lui en communiquer le procès-verbal (art. D 96).
Le non-respect de cette obligation constitue un vice de forme qui n'entraîne la nullité de l'acte de saisie que si le saisi établit avoir subi un grief (TGI LYON, 7 décembre 1993 Revue des Huissiers 1994, p. 1164).
3° Garde et mise sous séquestre des biens.
* La garde entre les mains du débiteur.
82.Le débiteur est nommé gardien des objets saisis et indisponibles (art. L 29, al. 2) dont il conserve, en principe, l'usage (cf. art. D 94-4 et D 97).
83.Lorsque le débiteur est une personne morale, son représentant légal est désigné gardien. Les biens ne peuvent être ni aliénés, ni déplacés, sauf cause légitime qui rend leur déplacement nécessaire (incendie, inondation,...).
Sous cette réserve, le débiteur qui aura détruit, détourné les biens saisis ou tenté de le faire sera passible d'une peine d'emprisonnement de 2 mois à 2 ans et d'une amende de 3 600 F à 2 500 000 F.
* Désignation d'un séquestre.
84.En principe, les biens consomptibles (marchandises par exemple) peuvent rester sous la garde du débiteur saisi mais sans qu'il en ait l'usage (art. D 97 al. 1er). Si la situation présente le risque de provoquer leur disparition totale ou partielle, le créancier saisissant pourra faire usage des dispositions du second alinéa de l'article D. 97, et solliciter par requête auprès du juge de l'exécution une ordonnance obligeant le saisi à remettre ces biens à un séquestre désigné par le juge.
La requête peut être présentée au juge de l'exécution d'après l'alinéa susvisé aussi bien avant le début des opérations de saisie, qu'au cours de ces opérations, ou après leur achèvement.
* Conséquences de la dégradation ou de la disparition des objets saisis.
85.Lorsqu'à l'occasion de l'établissement d'un procès-verbal de vérification des biens saisis établi soit par l'officier ministériel chargé de la vente dans les conditions prévues à l'article D. 113, soit par un créancier du débiteur lors de son opposition à la première saisie diligentée par le créancier saisissant, la disparition, la détérioration ou le détournement d'un des objets saisis confiés à la garde du débiteur, est constaté, les poursuites pénales résultant de l'application des dispositions de l'article 314-6 du nouveau code pénal (qui a remplacé à compter du 1er septembre 1993 les articles 400 et 406 du Code pénal aux termes de la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992) ne pourront être engagés contre le saisi-gardien que s'il a agi avec une intention frauduleuse.
86.Aux termes du texte pénal, le conjoint du débiteur, ses descendants et ascendants qui l'ont aidé dans le détournement sont punissables en tant que complices, comme tout tiers complice.
87.Le délit de « détournement d'objets saisis » peut résulter soit d'une destruction totale du bien saisi, soit d'un détournement, qui se manifeste par divers actes comme l'aliénation (même sans déplacement, Crim. 1er avril 1954, D. 1954. 439, J.C.P. 1954.II.8178), l'enlèvement ou le déplacement des objets (Crim. 20 juin 1963, Bull. crim., n° 218) ou même la simple résistance non motivée et persévérante à la mise en demeure du créancier qui fait suite à la saisie (Cass. crim. 6 novembre 1956, Bull. crim. n° 711).
88.Le créancier victime du détournement sollicitera du juge pénal la condamnation du saisi à réparer le préjudice qu'il a subi. Selon la jurisprudence, ce préjudice ne saurait être confondu avec la créance préexistante que garantissait la saisie (Crim. 13 novembre 1969, Bull. crim., n° 296 ; 11 octobre 1972, ibid., n° 278 ; 9 juin 1980, ibid., n° 179 ; 7 juin 1982, ibid., n° 150). Il est uniquement constitué par la perte de la valeur de réalisation des biens saisis.
89.L'infraction pénale est constituée, même si la procédure suivie pour la saisie comporte des irrégularités susceptibles d'en faire prononcer la nullité (Cass. crim. 8 novembre 1894 et 18 juillet 1895 : DP 96, 1, 55. - 18 avril 1961, Bull. crim. n° 209).
90.Le tiers acquéreur des meubles saisis qui ignorait la saisie et qui a donc acheté de bonne foi est protégé par les dispositions de l'article 2279 du Code civil. Les créanciers saisissants et opposants ne pourront pas agir contre le tiers acquéreur, mais seulement poursuivre le débiteur saisi en dommages et intérêts lors de sa citation devant la juridiction pénale en détournement d'objets saisis.
91.En revanche, le tiers acquéreur qui connaissait l'existence de la saisie est réputé de mauvaise foi, et peut être obligé à restituer les meubles acquis, sans pourvoir exiger la restitution par les créanciers saisissants et opposants du prix qu'il a payé au saisi, restitution qu'il ne pourrait même pas poursuivre contre le saisi en raison de l'irrecevabilité de son action en application de l'adage « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ».
92.Enfin et quelque soit la décision qui serait ultérieurement prise par l'Administration d'engager la procédure pénale de détournement d'objets saisis, l'officier ministériel, qui constate, au moyen d'un procès-verbal, ce délit, a l'obligation aux termes de l'article 40 du Code de procédure pénale d'en informer sans délai le procureur de la République en lui transmettant ledit procès-verbal.