Date de début de publication du BOI : 01/09/1999
Identifiant juridique : 7H232
Références du document :  7H232

SECTION 2 CONDITIONS D'EXIGIBILITÉ DES DROITS


SECTION 2

Conditions d'exigibilité des droits


1Le droit de mutation est exigible sur les apports à titre onéreux, c'est-à-dire sur les apports qui sont rémunérés autrement que par la remise de droits sociaux.

À défaut d'acte, les mutations de biens immeubles, de fonds de commerce, de clientèles ou d'offices et les cessions de droit à un bail ou du bénéfice d'une promesse de bail portant sur tout ou partie d'un immeuble font l'objet, dans le mois de l'entrée en possession, de déclarations estimatives et détaillées sur des formules spéciales délivrées par l'administration (CGI, art. 638, cf. DB 7 A 4122 ). La contrepartie d'un apport à titre onéreux peut revêtir des formes diverses et peut consister notamment :

- en une remise d'espèces à verser par la société ;

- en une remise de biens en nature ;

- en des obligations émises par la société ;

- ou en la prise en charge d'un passif personnel à l'apporteur.


  A. RÉMUNÉRATION DE L'APPORT PAR UNE REMISE D'ESPÈCES


2Dans le cas le plus simple, il y a apport à titre onéreux lorsque l'associé stipule le paiement d'un prix en échange de son apport. Ce prix peut d'ailleurs être celui encore dû à l'apporteur pour un corps certain préalablement acquis par lui et apporté à la société.

Il importe peu que :

- le prix soit versé sur le champ ou fasse l'objet d'un versement ultérieur (Seine, 9 février 1867) ;

- la somme payée à l'apporteur provienne des fonds versés par les associés et spécialement par l'apporteur lui-même ou qu'elle soit prélevée sur les frais généraux et dans ce dernier cas que le prélèvement soit opéré en une seule fois ou par annuités (Seine, 26 août 1879 et 5 février 1867, Roanne, 19 mai 1931) ;

- le prix soit prélevé sur le produit des premiers versements des actions ou prenne la forme d'un crédit inscrit au compte ouvert à l'apporteur (Chambéry, 15 mars 1955).

Mais, en revanche, lorsque les sommes attribuées à l'apporteur sont stipulées remboursables par prélèvement sur les bénéfices nets de la société, l'apport ne pourrait être considéré comme effectué à titre onéreux, si le paiement restait aléatoire et soumis aux risques de l'entreprise (Seine, 1er juillet 1899).

3Constituent aussi des apports à titre onéreux :

- l'apport à une société du bénéfice de travaux effectués à charge de remboursement du montant des sommes déboursées pour l'exécution de ces travaux (Cass., req. du 28 février 1876) ;

- l'apport d'une concession lorsque la société doit rembourser à l'apporteur des avances faites pour frais d'études et de recherches ou payer en son acquit le prix de l'adjudication de ladite concession. C'est ainsi que l'apport fait à une société du bénéfice d'un traité de concession d'un téléphérique en exploitation avec le droit à la jouissance des installations, moyennant le règlement par la société bénéficiaire du coût des travaux exécutés pour le compte de l'apporteur, est un apport à titre onéreux (Cass. Com. arrêt du 6 mars 1973 ; affaire X... di/Y... RJ III, 1973, p 29) ;

- l'apport d'un droit de jouissance, autrement dit du bénéfice d'un bail, à charge par la société de payer soit à l'apporteur, soit au propriétaire des biens, les loyers dus à celui-ci, dès lors que cet apport emporte constitution ou transfert du droit au bail moyennant un équivalent soustrait aux aléas sociaux, à savoir la charge des loyers pour la société. Dans ce cas, l'apport de bail à titre onéreux est, en principe, assimilable à une cession de bail ;

- lorsque, par une clause d'égalisation des apports, il est convenu que l'associé dont l'apport est le plus élevé pourra retirer soit en une fois, soit à des époques fixées, des sommes déterminées, à titre de réduction de son apport, tandis que l'autre associé devra fournir des sommes équivalentes non exclusivement prélevées sur les bénéfices.

Dans ce cas, en effet, l'associé qui fait l'apport le plus important est assuré de recevoir un équivalent soustrait aux charges sociales puisque cet équivalent n'est pas subordonné à la réalisation des bénéfices.

Il en est ainsi lorsque l'associé dont l'apport est le plus élevé se réserve le droit de prélever une somme déterminée soit sur l'apport de son coassocié (Avesnes, 1er juin 1859), soit sur les premières disponibilités de la société provenant de la vente de marchandises ou de la réalisation d'une partie de l'actif social (Saint-Quentin, 21 juin 1848).

- la dissimulation d'un apport à titre onéreux en un apport pur et simple d'un immeuble. En l'espèce, le 1er juillet 1963, une société, la société civile du Parc de Livry, au capital de 1 500 000 F, divisé en 300 parts de 5 000 F, était constitué entre :

* Mme X... qui fit apport en nature du domaine de Livry et reçut 198 parts ;

* diverses personnes qui apportèrent une somme totale de 510 000 F et reçurent ensemble 102 parts.

Le 18 juillet 1963, en assemblée générale extraordinaire, les associés accordaient à Mme X... un prêt sans intérêt de 360 000 F remboursable en dix ans et s'engageaient à verser en son lieu et place une dette personnelle d'un montant de 120 000 F à 150 000 F, contre remise en garantie des parts immatriculées à son nom et qu'elle promettait de céder sur simple demande d'un associé.

Mme X... céda toutes ses parts à ses associés dès qu'elles devinrent négociables.

L'intéressée reconnut, dans une lettre au service, avoir reçu de ses coassociés une somme de 1 200 000 F, en plus de la prise en charge de la dette et du versement du prêt susvisé qui n'avait d'ailleurs pas été remboursé, (Cass. Com., arrêt n° 391 du 27 avril 1982 ; affaire M. X... , Mme Y... de la Boulaye et société civile foncière « Brie et Manche »).


  B. RÉMUNÉRATION DE L'APPORT PAR LA REMISE D'UN BIEN EN NATURE


4Cette opération s'analyse également en un apport à titre onéreux. Mais les règles d'imposition dépendent de la nature de la convention. C'est ainsi que l'apport d'un immeuble rémunéré par un autre immeuble constitue un échange et non pas une vente.

5Lorsque les apporteurs s'engagent à effectuer des travaux ou des fournitures à la société moyennant un prix ou des valeurs soustraites aux aléas sociaux, cette clause présente les caractères d'un marché de travaux et de fourniture qui ne rend pas exigible le droit d'apport.


  C. RÉMUNÉRATION DE L'APPORT PAR L'ATTRIBUTION D'OBLIGATIONS OU DE TITRES DE CRÉANCE


6Lorsqu'un apport est rémunéré non pas par des actions mais par des obligations, ces dernières constituent un véritable prix et l'apport est passible du droit de mutation (Cass. Civ., 28 avril 1913).

L'obligation, à la différence de l'action qui matérialise la propriété d'une quote-part du fonds social, ne constitue qu'un titre d'emprunt. En effet, tandis que l'action confère le droit de prétendre à une partie des bénéfices et de prendre part à l'administration de la société, l'obligation est un titre négociable représentatif d'une créance, habituellement productive d'intérêts fixes indépendants des bénéfices, qui laisse l'obligataire étranger à la gestion sociale.

À cet égard, aucune distinction ne paraît devoir être faite suivant que les obligations émises sont des obligations ordinaires ou des obligations convertibles ou échangeables contre des actions, la conversion étant en toute hypothèse éventuelle et laissée au gré du porteur.

7Constitue également un apport à titre onéreux :

- l'apport d'un corps certain contre des actions qui devraient être immédiatement cédées en totalité ou en partie à d'autres associés (Cass., req. du 19 avril 1932) ;

- l'apport fait moyennant la remise de parts présentant en réalité le caractère d'obligations, dès lors qu'il est stipulé qu'elles ne donnent droit qu'à un intérêt fixe, sans aucune attribution de dividende ni de portion dans le capital social (Cass. req. du 8 mai 1934).


  D. RÉMUNÉRATION DE L'APPORT PAR LA PRISE EN CHARGE D'UN PASSIF INCOMBANT À L'APPORTEUR


8Si la société bénéficiaire prend à sa charge expressément le paiement du passif grevant l'apport, le droit de mutation à titre onéreux est exigible à concurrence du montant du passif et l'apport est pur et simple pour le surplus. Il en est de même quand la prise en charge du passif résulte implicitement de l'acte lui-même, notamment lorsque l'apporteur de biens estimés pour leur valeur brute et grevés d'un passif déterminé est rémunéré par des droits sociaux correspondant à la valeur nette de son apport (Seine, 30 mai 1907, Cass., req. du 1er août 1927).

9En revanche, le droit de mutation n'est pas dû s'il est stipulé que le passif sera payé uniquement au moyen d'un prélèvement sur les bénéfices au profit de l'apporteur ; dans ce cas l'avantage reçu par celui-ci est soumis aux risques de l'entreprise et la société ne peut être considérée comme prenant effectivement à sa charge le passif.

10Toutefois, lorsque le prélèvement sur les bénéfices ne constitue qu'un mode de paiement et lorsque, nonobstant cette clause, la société reste tenue des dettes grevant l'apport, le droit de mutation est exigible. Ayant pris l'engagement ferme de payer le passif, la société devient immédiatement propriétaire de l'apport (Trib. civ. de la Seine, 13 juillet 1908).

11Ainsi, l'apport en société d'un fonds de commerce, moyennant l'engagement pris par la société de payer des dettes dont il était grevé au moyen d'un prélèvement à due concurrence sur la quote-part des bénéfices revenant à l'apporteur, donne ouverture au droit réel de mutation, dès lors que le fonds apporté est passé dans le patrimoine de la société, non seulement pour sa valeur nette, mais pour la totalité de sa valeur, que la société a pris en charge le passif de ce fonds et que, ce passif ayant été intégré dans le patrimoine social, le fonds apporté n'est pas soumis aux risques sociaux, mais donné en échange contre le paiement des dettes dont il était grevé (Cass. civ., req. du 26 octobre 1963).

De même, lorsqu'une société a :

- bénéficié de la clientèle d'un industriel en exerçant son activité sous la même enseigne et dans les mêmes locaux donnés à bail par le cédant ;

- comptabilisé des achats de matières premières facturés antérieurement à ce bail ;

- vendu des produits de sa propre fabrication sous une marque identique et repris le compte « clients » » du précédent exploitant en portant dans un compte ouvert au nom de celui-ci les sommes qu'elle a reçues à ce titre, il y a mutation secrète de fonds de commerce et apport à titre onéreux à cette société (Cass. com ; req. du 26 janvier 1976, société Usine du Parc, RJ, p. 13).

12Lorsqu'un associé fait apport de corps certains dont il s'est rendu acquéreur à charge pour la société d'en acquitter le prix encore dû, le droit de mutation est exigible sur la somme à payer, même si cet associé a fait des réserves de jouissance pendant la durée de la société ou a stipulé un droit de reprise à la dissolution de la société (Cass. civ., req. du 15 janvier 1896).

Exceptions :

1° Apport fait en numéraire, à charge pour la société d'acquitter les dettes incombant à l'apporteur.

13Cette opération s'analyse en un mandat donné par l'apporteur à la société en vue du paiement du passif, qui ne donne ouverture à aucun droit proportionnel.

2° Apports de biens indivis à une société en nom collectif.

14Il est admis que lorsque les propriétaires indivis de biens meubles et immeubles apportent ces mêmes biens à une société en nom collectif formée exclusivement entre eux, moyennant l'obligation de payer les charges dont ils sont grevés, l'apport qui ne change pas en fait les droits respectifs des associés, reste pur et simple. Seul doit donc être perçu le droit fixe de 1 500 F 1 . L'impôt de mutation à titre onéreux n'est pas exigible sur le montant du passif.

Cette exception à la règle selon laquelle le droit de mutation est exigible à concurrence du passif pris en charge par la société doit recevoir une interprétation stricte. Elle est subordonnée aux conditions suivantes :

- l'apport doit être fait à une société en nom collectif exclusivement ;

- la société ne doit pas comprendre d'autres membres que les propriétaires indivis ;

- l'apport de biens indivis ne doit pas être accompagné de l'apport d'autres biens réalisé dans les proportions inégales par les sociétés ;

- il ne peut être stipulé d'avantages particuliers au profit de l'un ou de quelques-uns seulement des associés.

3° Apports de biens indivis à une société de fait.

15Si les trois dernières conditions indiquées ci-dessus sont satisfaites, l'apport par les propriétaires indivis de biens meubles à une société de fait formée exclusivement entre eux, moyennant l'obligation de payer les charges dont ils sont grevés, est exempt du droit de mutation dès lors qu'il ne change pas, en fait, les droits respectifs des associés. L'inscription d'immeubles à l'actif d'une société de fait n'est soumise à aucun droit d'enregistrement.

 

1   Tarif applicable depuis le 1er janvier 1998. Il s'établissait à 500 F du 15 janvier 1992 au 31 décembre 1997 et à 430 F du 1er au 14 janvier 1992.