Date de début de publication du BOI : 20/12/1996
Identifiant juridique : 7G2154
Références du document :  7G2154
Annotations :  Lié au BOI 7G-12-99
Lié au BOI 7G-2-98
Lié au BOI 7G-5-01
Lié au BOI 7G-7-00

SOUS-SECTION 4 PRÉSOMPTIONS LÉGALES DE PROPRIÉTÉ

a. Cas général.

28La présomption édictée par l'article 752 du CGI n'est pas irréfragable et les héritiers sont fondés à apporter la preuve contraire par tous les moyens compatibles avec la procédure écrite.

La preuve contraire ne résulte pas cependant du fait que les scellés aient été apposés et un inventaire dressé qui ne mentionne pas les valeurs dont le de cujus a perçu les revenus dans l'année du décès.

29Par ailleurs, aux termes du deuxième alinéa de l'article 752 du CGI, la preuve contraire ne peut résulter de la cession à titre onéreux consentie à l'un des héritiers présomptifs ou descendants d'eux, même exclu par testament, ou à des donataires ou légataires institués, même par testament postérieur, ou à des personnes interposées, telles qu'elles sont désignées par les articles 911, 2e alinéa, et 1100 du Code civil, à moins que cette cession ait acquis date certaine avant l'ouverture de la succession.

Les personnes énumérées par le deuxième alinéa de l'article 752 du CGI sont les mêmes que celles visées par l'article 751 du même code (cf. ci-avant n° 6 ).

En conséquence, dans le cas où la cession invoquée a été consentie à l'une des personnes visées ci-dessus, la preuve contraire ne peut être considérée comme rapportée que si la cession est établie par acte authentique ou par acte sous-seing privé dûment enregistré avant le décès ou ayant acquis date certaine par le décès du cessionnaire.

À ce sujet, il a été jugé que l'acte de cession à titre onéreux, doit avoir acquis une date certaine avant l'ouverture de la succession par l'un des moyens énumérés par l'article 1328 du Code civil 1 . En l'espèce, la cession litigieuse avait eu lieu sous forme verbale et il était allégué par la partie adverse que différentes pièces (relevés bancaires notamment) étaient de nature à conférer à cette cession une date certaine : la Cour de cassation a confirmé que la preuve contraire à la présomption prévue à l'article 752 du CGI n'avait pas été rapportée (Cass. com., arrêt du 22 janvier 1985, affaire Durrenberger, épouse Crépin-Leblond).

De même, il a été jugé que la preuve contraire ne pouvait être considérée comme rapportée lorsque l'acte -par lequel la défunte a cédé à son héritière et légataire universelle des valeurs mobilières dont elle avait encaissé les revenus dans l'année ayant précédé sa mort- a acquis date certaine non pas avant l'ouverture de la succession mais seulement du jour du décès (Cass. com., 30 janvier 1979, affaire Vernet, épouse Garrel).

Enfin un simple bordereau de société de bourse ne répond pas aux conditions posées par l'article 752, 2e alinéa, du CGI.

30Si un acte sous seing privé portant cession, à un héritier présomptif, de parts sociales ayant appartenu au défunt n'est enregistré qu'après le décès, il n'est pas susceptible de faire échec à la présomption légale, mais, la cession étant réputée inexistante en droit fiscal, il a été admis que les droits de mutation à titre onéreux soient imputés sur les droits de mutation par décès exigibles en application de l'article 752 du CGI.

b. Cas particulier des prélèvements opérés sur les comptes bancaires ou assimilés.

1° Non application de la présomption légale visée à l'article 752 du CGI.

31  Les héritiers, qui établissent que des sommes déposées par le défunt sur un compte courant lui ont été remboursées moins d'un an avant le décès, apportent la preuve contraire à la présomption de propriété de la créance correspondante instituée par l'article 752 du CGI. Il appartient alors à l'administration d'apporter, par des présomptions de fait, la preuve de la conservation par le défunt des espèces retirées jusqu'au jour du décès (Cass. com., arrêt du 30 octobre 1989, affaire Consorts BRAQUE).

Par cet arrêt de principe, la Cour de Cassation a condamné la doctrine administrative selon laquelle, pour les retraits effectués sur des comptes bancaires, la preuve contraire admise pour faire échec à la présomption légale de propriété ne pouvait résulter que de la justification de la destination ou du remploi des sommes retirées. La Cour Suprême a jugé que le retrait constituait par lui-même la preuve contraire prévue par l'article 752 du CGI.

En conséquence, la présomption de propriété de l'article 752 du Code susvisé n'est plus applicable en cas de prélèvements opérés sur des comptes bancaires ou assimilés (C.C.P., livrets d'épargne, ...).

2° Application des dispositions de l'article 750 ter du CGI.

* Dispositif

32  Les dispositions de l'article 752 du CGI n'étant pas applicables, lorsque le défunt -ou un mandataire agissant pour son compte- a retiré des espèces d'un de ses comptes, il appartient, le cas échéant, au service de démontrer l'omission, dans la déclaration de succession, de ces deniers comptants. Cette preuve doit être rapportée au moyen d'un faisceau de présomptions de fait, graves, précises et concordantes. Les présomptions telles que l'importance des sommes retirées par rapport au train de vie habituel du défunt ou la proximité des dates des retraits et du décès devront, dans toute la mesure du possible, être confortées par d'autres éléments de fait, comme par exemple, le paiement, autrement qu'au moyen des retraits opérés, des dépenses de train de vie du défunt, l'absence d'emploi connu des sommes retirées ou l'impossibilité pour le de cujus de dépenser celles-ci ou les acquisitions ou placements effectués peu de temps après le décès par les héritiers pour des sommes équivalentes aux retraits en cause.

Par ailleurs, en présence de débits suspects correspondant soit à des chèques émis par le défunt ou son mandataire, soit à des virements exécutés sur leur ordre au profit d'un ayant droit, il peut être soutenu, selon les circonstances de l'espèce, qu'il s'agit soit d'un don manuel à ajouter à l'actif de la succession 2 pour être soumis à l'impôt en vertu des articles 757 et 784 du C.G.I., soit d'un prêt consenti par le défunt, donc d'une créance de la succession à l'encontre de l'héritier ou du légataire, créance taxable alors même qu'elle serait éteinte par confusion (C. civ., art. 1300).

* Applications jurisprudentielles

33  Les dispositions qui suivent présentent une analyse et des observations relatives à divers arrêts rendus par la Cour de Cassation, arrêts dont le texte est reproduit en annexe II à la présente sous-section et qui concernent les omissions d'espèces retirées par le défunt sur ses comptes bancaires et conservés par lui.

- Analyse des arrêts

34  Le juge peut, par une appréciation souveraine du sens et de la portée des présomptions de fait, décider que le service rapporte la preuve de l'existence des fonds dans le patrimoine du défunt après avoir relevé que les retraits :

-avaient eu lieu dix-neuf jours avant le décès ;

- et que leur montant excédait manifestement ce qui était nécessaire aux dépenses usuelles d'une personne retraitée (Com. 13 décembre 1994, n° 2291 D).

35  Il appartient à l'administration d'apporter la preuve de la conservation par le défunt des espèces retirées avant son décès (Com. 7 mars 1995, n° 489 D).

36  Justifie légalement sa décision le tribunal qui réintègre à l'actif de la succession des retraits effectués par le défunt sur son compte bancaire, dès lors qu'il constate :

- qu'à l'époque où le défunt avait effectué les retraits, il n'avait aucune charge ni besoin particulier, ayant vendu à sa légataire universelle un immeuble à charge pour elle de le loger, le chauffer, l'éclairer, le blanchir et entretenir, lui faire donner tous les soins médicaux et d'assumer également ses frais de transport ;

- et que le défunt n'avait pas d'héritiers qui auraient pu bénéficier de ses largesses (Com. 4 juillet 1995, n° 1495 D).

37  Le tribunal a pu décider, par une appréciation souveraine des présomptions de fait réunies par le service que celui-ci avait rapporté la preuve de l'existence des fonds dans le patrimoine du défunt au jour de son décès dès lors qu'il a relevé :

- que les retraits ont été d'une importance sans rapport avec le train de vie de l'intéressé ;

- et qu'ils ont été effectués à une date proche du décès de ce dernier, plusieurs fois hospitalisé au cours de la même année (Com. 12 décembre 1995, n° 2145D).

38  Le juge peut rattacher au patrimoine du défunt des espèces retirées de son compte dès lors qu'il relève qu'à la suite de ce retrait, effectué en qualité de mandataire par la mère des légataires universels et précédé de la vente volontaire de valeurs mobilières qui ne venaient pas à échéance ou ne faisaient pas l'objet d'un tirage, le défunt avait continué à effectuer sur son compte des paiements dont l'importance démontre qu'ils étaient liés aux dépenses de la vie courante (Com. 12 décembre 1995, n° 2163 D).

39  Justifie sa décision le tribunal qui énonce que la preuve de la conservation par le défunt de la somme retirée sur son compte bancaire résulte d'un faisceau d'indices concordants, notamment :

- du très bref délai entre le retrait et le décès ;

- de l'importance du retrait eu égard au besoins du défunt, veuf sans enfants, âgé de 91 ans, dont les dépenses de train de vie étaient effectuées sur un compte courant postal ;

- de l'absence d'emploi connu des sommes retirées par le défunt, dont l'actif successoral déclaré ne comporte aucune contrepartie au retrait effectué, qui n'a été porté au crédit d'aucun autre compte (Com. 6 mai 1995, n° 810 D).

OBSERVATIONS :

40  La Cour de Cassation rappelle qu'il appartient à l'administration d'apporter par des présomptions de fait la preuve de la conservation par le défunt des espèces retirées avant son décès (Com. 13 décembre 1994, n° 2291 D ; 7 mars 1995, n° 489 D ; 12 décembre 1995, n° 2145 D ; rapproch. Com. 30 octobre 1989 et ci-dessus n° 32 ).

S'agissant de présomptions de fait, le service doit donc, sans se borner à une motivation d'ordre général (Com. 1er mars 1994, Bull. IV, n° 85, p. 65 ; v. également : Com. 7 mars 1995, n° 489 D), établir l'omission au moyen d'éléments précis et concrets.

Ainsi, par exemple, la seule affirmation selon laquelle l'emploi des espèces retirées demeure inconnu du service peut ne pas être suffisante pour emporter la conviction du juge (cf. Com. 7 mars 1995, n° 489 D ; à l'inverse, voir ci-après n° 45 , les cas où les éléments de fait, appuyant cette allégation, ont achevé de convaincre le tribunal).

41  La Cour Suprême réaffirme le caractère probant d'un certain nombre de présomptions, déjà signalées par la doctrine administrative (cf. ci-avant n° 32 ) propres à établir la conservation des sommes retirées 3  :

42  * Proximité des dates des retraits et du décès (Com. 13 décembre 1994, n° 2291 D : 19 jours ; Com. 12 décembre 1995, n° 2145 D : 2 mois ; Com. 6 mai 1996, n° 810 D : 16 jours) ;

43  * Importance des sommes retirées par rapport au train de vie habituel du défunt (Com. 13 décembre 1994, n° 2291 D : 3 retraits, d'un montant total de 233 353 F ; Com. 12 décembre 1995, n° 2145 D : 1 245 000 F ; Com. 6 mai 1996, n° 810 D : 192 000 F ;

44  * Paiement, autrement qu'au moyen des retraits opérés, des dépenses habituelles de train de vie du défunt (Com. 4 juillet 1995, n° 1495 D : obligation d'entretien assurée par l'acquéreur d'un immeuble appartenant au défunt ; Com. 12 décembre 1995, n° 2163 D et Com. 6 mai 1996, n° 810 D : dépenses de la vie courante effectuées sur le compte du défunt ; rapproch. Com. 1er juin 1993, n° 986 D  : existence de revenus mensuels importants permettant au défunt de mener un large train de vie qu'il n'avait pas) ;

45  * Absence d'emploi des sommes retirées (Com. 4 juillet 1995, n° 1495 D : absence d'héritiers pouvant bénéficier des largesses du défunt ; Com. 6 mai 1996, n° 810 D : somme non retrouvée à l'actif de la succession ou au crédit d'un autre compte ; v. également Com. 1er juin 1993, n° 986 D : somme retirée non replacée auprès de sa banque où le défunt avait tous ses avoirs).

46  Il convient de noter que l'age ou l'état de santé du défunt peut, le cas échéant, être de nature à conforter l'une ou l'autre de ces présomptions (rapproch. Com. 12 décembre 1995, n° 2145 D : personne hospitalisée plusieurs fois au cours de la même année ; Com. 6 mai 1996, n° 810 D : personne âgée de 91 ans).

Sont également susceptibles d'être prises en considération :

- les circonstances particulières ayant entouré l'alimentation du compte avant que soit opéré le retrait (Com. 12 décembre 1995, n° 2163 D : retrait précédé de la vente volontaire de valeurs mobilières ne venant pas à échéance ou ne faisant pas l'objet d'un tirage) ;

- les acquisitions ou placements effectués peu de temps après le décès par les héritiers pour des sommes équivalentes aux retraits (cf. ci-avant n° 32 ).

47  Bien entendu, des renseignements complémentaires recueillis en cours de procédure sur l'emploi des sommes retirées peuvent, éventuellement, amener le service à réorienter son action vers d'autres chefs de redressement : taxation d'un don manuel, en application des articles 757 ou 784 du CGI ; réintégration d'une créance de la succession ... (rapproch. ci-avant n° 32 ).

4. Procédure spéciale prévue aux articles L. 19 et R* 19-1 du LPF.

1   L'article 1328 du Code civil dispose que les actes sous seing privé n'ont de date contre les tiers que du jour où ils ont été enregistrés, du jour de la mort de celui ou de l'un de ceux qui les ont souscrits, ou du jour où leur substance est constatée dans les actes dressés par des officiers publics, tels que procès-verbaux de scellé ou d'inventaire.

2   Ou à rémolument recueilli par le bénéficiare lorsque celui-ci est un légataire ou donataire du défunt.

3   Peu importe à cet égard, que les sommes aient été retirées par le défunt lui-même ou par une personne agissant en qualité de mandataire de ce dernier (grâce à une procuration sur le compte du défunt) : cf. Com. 12 décembre 1995, n° 2163 D.