Date de début de publication du BOI : 15/06/2000
Identifiant juridique : 7D421
Références du document :  7D42
7D421
Annotations :  Supprimé par le BOI 7D-2-05

CHAPITRE 2 CONVENTIONS AYANT POUR EFFET LE TRANSFERT DU DROIT À LA JOUISSANCE DE LOCAUX INDUSTRIELS OU COMMERCIAUX


CHAPITRE 2

CONVENTIONS AYANT POUR EFFET LE TRANSFERT DU DROIT
À LA JOUISSANCE DE LOCAUX INDUSTRIELS OU COMMERCIAUX



SECTION 1

Champ d'application


1  En vertu des dispositions du troisième alinéa de l'article 725 du CGI, le régime fiscal des cessions de droit à un bail ou du bénéfice d'une promesse de bail portant sur tout ou partie d'un immeuble est applicable à tous actes ou conventions, quelles qu'en soient la nature, les modalités, la forme ou la qualification ayant pour effet, direct ou indirect, de transférer le droit à la jouissance d'immeubles ou de locaux entrant dans les prévisions du décret n° 53-960 du 30 septembre 1953.

Dans un arrêt du 15 mai 1990 (Affaire Sté Comptoirs des produits laitiers ; Bull. IV, n° 150, p.100) reproduit en annexe, la Cour de Cassation a précisé que le champ d'application de l'article 725, al. 3 du CGI est expressément limité aux baux des immeubles ou locaux entrant dans le champ d'application du décret précité, ce qui exclut toute autre convention qui, bien qu'attribuant un droit de jouissance à l'occupant des lieux, ne peut recevoir une telle qualification.

Précisions :

1. Il convient de faire application de cette jurisprudence qui infirme la doctrine administrative exprimée dans la réponse ministérielle POHER du 8 octobre 1964 (R.M. n° 3843, J.O. Sénat, p. 1040 ; B.O.E.D., 9302) (Aux termes de cette réponse ministérielle il était soutenu que la référence au titre 1er du décret du 30 septembre 1953 contenue dans l'article 725 n'a d'autre objet que de déterminer les locaux susceptibles d'être concernés et que cette référence ne subordonne nullement la mise en oeuvre du régime des alinéas 1 et 2 de l'article 725 à la condition que le nouvel occupant du local puisse se prévaloir de la législation sur les baux commerciaux).

2. En l'espèce, le service avait soumis aux dispositions de l'article 725, al. 3 une convention par laquelle une société s'était engagée, contre rémunération, à en présenter une autre à l'organisme de gestion d'un marché d'intérêt national afin que lui soit transféré le droit de jouissance d'un emplacement commercial. Or, une concession administrative d'un emplacement du domaine public ne peut être assimilée à un bail commercial. Pour les motifs énoncés ci-dessus, la Cour Suprême a donc confirmé la décision des premiers juges qui avaient écarté l'application de l'article 725 du CGI.

2Ces dispositions visées au n° 1 concernent essentiellement les locaux à usage commercial, industriel ou artisanal :

- immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne à un commerçant, un industriel ou un artisan ;

- immeubles ou locaux accessoires à l'exploitation d'un fonds de commerce, quand leur utilisation est nécessaire à cette exploitation et qu'ils appartiennent au propriétaire du local où est situé l'établissement principal ;

- terrains nus sur lesquels ont été édifiées, avec l'accord du propriétaire, des constructions à usage industriel, commercial ou artisanal ;

- locaux ou immeubles abritant des établissements d'enseignement ;

- locaux ou immeubles loués à des communes en vue de leur affectation à des services exploités en régie ;

- locaux ou immeubles nécessaires à la poursuite de l'activité des entreprises publiques et établissements publics à caractère industriel ou commercial ;

- locaux ou immeubles dans lesquels un fonds est exploité, et ceux loués à des communes en vue de leur exploitation en régie, lorsqu'ils appartiennent à l'état, aux départements, aux communes et aux établissements publics.

C'est l'activité réellement exercée dans les lieux loués qui détermine la nature de la location ; en effet, seul peut prétendre au bénéfice de la propriété commerciale le preneur qui justifie de l'exploitation effective d'un fonds de commerce, ou d'une entreprise artisanale, conformément aux clauses du bail ou avec l'autorisation du bailleur, Ainsi a-t-il été jugé que, malgré la généralité de ses termes, le décret du 30 septembre 1953 n'imposait pas que le propriétaire du fonds de commerce ait personnellement la qualité de commerçant (TGI Lyon, 1er mars 1972).

À l'inverse, le fait que le preneur soit une société de forme commerciale ne suffit pas à conférer un caractère commercial au bail (Cass. civ., 5 mars 1971). De même, le caractère commercial de la location ne résulte pas nécessairement de l'existence d'une clause du bail déclarant les lieux « loués commercialement » (Cass, 7 novembre 1973 [Rép. de Maigret, JO déb. AN du 28 juillet 1979, p. 6414].

3Le droit prévu au dernier alinéa de l'article 725 du CGI ne s'applique pas aux locaux qui ne sont pas expressément visés par le décret précité tels que les locaux affectés principalement à l'habitation, les biens ruraux ou les locaux affectés à une profession autre que l'enseignement.

4De même, il est rappelé que les cessions de droit à un bail ne doivent pas se rattacher à une mutation de fonds de commerce. En effet, le droit au bail constitue, dans l'hypothèse de la cession simultanée du fonds de commerce exploité dans les locaux loués, l'un des éléments du fonds et, à ce titre, il entre en ligne de compte pour la perception du droit d'enregistrement applicable à la cession du fonds.

5Enfin, le droit de mutation prévu au troisième alinéa de l'article 725 du CGI et les taxes additionnelles ne sont pas exigibles lorsqu'un bail commercial est remplacé par un bail d'habitation soumis aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948. Il en est de même en cas de nouvelle location de locaux auxquels le statut de la propriété commerciale n'était pas susceptible de s'appliquer antérieurement (locaux loués précédemment à usage d'habitation, locaux loués par des collectivités ou établissements publics à des entreprises publiques) ou lorsqu'un bail commercial prend fin pour être remplacé par un nouveau bail dont le preneur exerce une profession libérale.

6Il est précisé au surplus que les dispositions du dernier alinéa de l'article 725 du CGI n'instituent qu'une présomption relative 1 de cession qui doit être corroborée par des présomptions simples tirées des circonstances de fait, telles que :

- la brièveté du délai écoulé entre le départ de l'ancien occupant et l'installation du nouveau locataire (ou entre la résiliation de l'ancien bail et la conclusion du nouveau) ;

- la valeur vénale du droit au bail, compte tenu de l'état du marché local ;

- le prix normal du nouveau loyer excluant la prise en compte du droit au bail ;

- les liens d'intérêts ou autre unissant éventuellement les parties entre elles qu'il s'agisse de personnes physiques ou morales (voir, en particulier, le cas d'une simple concession d'occupation précaire entre sociétés ayant des liens très étroits, dissimulant une véritable location : Cass. com., 13 novembre 1972, société Maison des 100 000 chemises SA ; RJ III, p. 183) ;

- l'intention manifestée par les occupants successifs des locaux de céder ou d'acquérir le droit au bail (correspondance, documents sociaux, publicité, etc.).

De même, les circonstances de fait ont été considérées comme établissant la preuve du transfert du droit à la jouissance des locaux commerciaux dans le cas où une ordonnance de référé constatant la résiliation d'un bail de locaux consenti à une société en liquidation était frappée d'appel lorsque le juge commissaire a autorisé le syndic à transiger avec la société bailleresse sur le point de savoir si ce bail devait ou non être résilié : cette transaction, exécutée ultérieurement, comportait notamment l'abandon par la masse de toute prétention quant au droit au bail en cause ; la résiliation a été jugée amiable et non pas judiciaire, et les droits prévus à l'article 725, alinéa 3, du CGI sont dus sur la somme versée au bailleur par le nouveau preneur (Cass. com., 28 novembre 1977, A...  ; RJ III, p. 199).

En définitive, la substitution de locataires dans l'occupation de locaux entrant dans les prévisions du titre premier du décret n° 53 960 du 30 septembre 1953 ne doit faire l'objet d'une action de la part de l'administration que dans la mesure où celle-ci peut invoquer des éléments de fait de nature à rendre probable la transmission par l'ancien locataire au nouvel occupant d'une valeur patrimoniale constituée par le droit au bail des locaux.

7Par contre, les dispositions légales ne sont pas applicables dans le cas où il n'est pas établi par le service que la restitution des locaux par le locataire au propriétaire, puis la concession par ces derniers à un nouveau locataire, tend à dissimuler une cession de droit à un bail.

C'est ainsi que la restitution amiable de locaux commerciaux par la société locataire aux propriétaires, puis la concession par ces derniers d'un bail à une autre société ne peuvent constituer le « transfert » au sens de l'article 725 du CGI à cette dernière société du bail de la société précédente, s'il n'est pas établi par l'administration que cette double opération tendait à dissimuler une cession de bail (Cass. com., 16 novembre 1970, SA Formodan France).

Dans le même sens, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 4 mai 1993 (affaire X... [Bull. IV, n° 168, p. 117] cf. ci-avant DB 7 D 411, n° 3 ) que la cession d'un droit au bail ne peut intervenir qu'entre un preneur sortant et un preneur entrant. Dès lors, l'octroi d'un bail sur un immeuble à un tiers par le propriétaire des locaux, après la libération de ceux-ci par un précédent occupant à titre gratuit, ne peut être assimilé à la cession d'un droit au bail entrant dans le champ d'application de l'article 725 du CGI.

8Les dispositions de l'article 725 du CGI ne sont pas non plus applicables :

- en cas de location d'un local neuf ou d'un local précédemment occupé par le propriétaire ;

- en cas de résiliation ou de non-renouvellement du bail d'un local dont le propriétaire veut se réserver la jouissance personnelle ou qu'il veut vendre libre de location, sans qu'il y ait lieu de distinguer le bailleur, propriétaire du local loué, du bailleur, porteur de parts dans une société civile dotée de la transparence fiscale. En effet, aux termes de l'article 30-I de la loi du 15 mars 1963, ces sociétés n'ont pas de personnalité distincte de leurs membres et chacun d'entre eux est réputé propriétaire des locaux que ces sociétés mettent à sa disposition.

9Mais il peut en être autrement s'il apparaît qu'en raison de sa courte durée l'occupation des lieux par le propriétaire a eu pour but de dissimuler un véritable transfert du droit à la jouissance entre l'ancien et le nouveau locataire, ou si l'occupation par le propriétaire n'a pas été effective (les locaux étant vacants ou en travaux entre les deux locations).

Par ailleurs, il convient de préciser que les transferts du droit à la jouissance d'un local effectués à titre gratuit avec intention manifeste de consentir une libéralité sont passibles des seuls droits de mutation à titre gratuit à l'exclusion de tous autres.

De même, l'indemnité versée à l'occasion d'une cession de droit au bail, par le cessionnaire au propriétaire, en vue d'obtenir de celui-ci l'autorisation d'exercer un commerce différent de celui du cédant ne donne pas ouverture au droit de cession de droit au bail, mais est considérée comme un supplément de loyer. Il en est cependant autrement si l'indemnité peut être considérée comme constituant, en fait, un élément du prix de la cession du droit au bail.


ANNEXE

 Com. 15 mai 1990 (Affaire Sté Comptoirs des produits laitiers ; Bull. IV, n° 150, p. 100)


« Sur le moyen unique :

Attendu, selon les énonciations du jugement déféré (tribunal de grande instance de Nantes, 6 septembre 1988), que la Société nantaise des primeurs a conclu avec la société Comptoir des produits laitiers (la société) une convention en vertu de laquelle la première s'engageait, contre rémunération, à « présenter » la seconde à l'organisme chargé de la gestion du marché d'intérêt national de Nantes pour que lui soit transféré le droit de jouissance d'un emplacement commercial ;

Attendu que l'administration des impôts fait grief au jugement d'avoir déchargé la société des droits d'enregistrement afférents à cet acte, comme n'entrant pas dans le champ d'application du décret du 30 septembre 1953 relatif aux baux commerciaux et, en conséquence exclu des dispositions de l'article 725 du Code général des impôts, alors, selon le pourvoi, que l'emplacement dont il s'agit entre dans les prévisions des articles 1er et 2-4° du décret de 1953 ; que la référence à ce décret, opérée par l'article 725, alinéa 3 du Code général des impôts, n'a d'autre objet que de déterminer les locaux dont le transfert du droit de jouissance est soumis au régime fiscal des cessions de droit à un bail ; que les dispositions du décret relatives aux baux et à leur renouvellement sont sans effet au regard de l'article 725 précité ; qu'ainsi, le tribunal s'est rendu coupable de violation de cet article ;

Mais attendu que le champ d'application des dispositions invoquées, issues de la loi du 15 mars 1963, est expressément limité aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels est exploité un fonds de commerce, ce qui exclut tout autre convention qui, bien qu'attribuant un droit de jouissance à l'occupant des lieux, ne peut recevoir une telle qualification ; que l'article 2, 4° du décret du 30 septembre 1953, relatif aux immeubles et locaux appartenant à des personnes de droit public, n'institue aucune exception aux dispositions précédentes ; qu'il s'ensuit qu'après avoir relevé que la convention litigieuse ne pouvait aucunement être assimilée à un bail commercial, les juges du fond ont à bon droit décidé que les dispositions de l'article 725 du Code général des impôts ne pouvaient s'y appliquer ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi »

 

1   À cet égard, la Cour de cassation a jugé qu'un tribunal, en énonçant à bon droit que l'article 725, alinéa 3, du CGI vise le transfert du droit à la jouissance de locaux et non de tous les droits que l'ancien locataire tient de son bail et que dès lors le texte peut recevoir application même si les conditions du nouveau bail sont différentes de celles de l'ancien, ne considère pas que le texte susvisé a institué une présomption irréfragable (Cass. com., 2 février 1981, Drugstore Odéon « Sedo », RJ III, p. 19)