Date de début de publication du BOI : 15/12/1988
Identifiant juridique : 6B1212
Références du document :  6B1212

SOUS-SECTION 2 DOMAINE PUBLIC DE L'ÉTAT, DES RÉGIONS, DES DÉPARTEMENTS ET DES COMMUNES

SOUS-SECTION 2

Domaine public de l'État, des régions,
des départements et des communes

1La condition juridique du domaine public est d'être imprescriptible et inaliénable. Il est, en principe, affranchi de la taxe foncière et, le plus souvent, ne donne pas lieu à constitution de parcelles.

Ceci est vrai d'une manière absolue du domaine public non concédé. Mais les portions du domaine public concédé ne peuvent bénéficier de l'exonération permanente d'impôt foncier que sous certaines conditions seulement (CGI, art. 1394-2° ) [cf. ci-avant B 1211 ].

2La domanialité publique des immeubles appartenant à l'État, aux régions, aux départements, aux communes ou aux établissements publics est définie soit par la loi. soit par la doctrine ou la jurisprudence.

3La loi intervient parfois pour qualifier certaines catégories de biens mais il n'existe pas de définition générale, législative ou réglementaire des deux domaines public et privé qui se partagent l'ensemble des biens appartenant aux collectivités publiques.

4De son côté, la doctrine présente, au début du XX e siècle, une conception du domaine public restrictive : la domanialité publique est limitée aux biens non susceptibles par nature de propriété privée (hors du commerce) et affectés à l'usage public. Cette conception a fait l'objet de nombreuses critiques et, de nos jours, la définition suivante est plus souvent adoptée : « Sauf disposition contraire de la loi, les biens des collectivités administratives et des établissements publics ne sont compris dans le domaine public qu'à la condition d'être ou bien mis ou laissés à la disposition directe du public usager. ou bien affectés à un service, pourvu qu'en ce cas ils soient par nature ou par des aménagements particuliers, adaptés exclusivement ou essentiellement au but particulier de ce service. »

5Enfin, la jurisprudence, dont l'évolution est très marquée depuis les années cinquante. pose en principe qu'appartiennent au domaine public les biens qui sont l'objet soit d'une affectation actuelle à l'usage du public. soit d'un aménagement pour l'exploitation d'un service public.

6En tout état de cause. pour qu'un bien fasse partie du domaine public, deux conditions doivent en principe être réunies :

- il doit tout d'abord, appartenir à l'État, aux régions, aux départements, aux communes ou à un établissement public ;

- il doit, en second lieu, être affecté soit par la loi, soit du fait des aménagements qui lui ont été apportés à l'usage direct du public ou au fonctionnement d'un service public.

7Jusqu'ici. les biens dépendant du domaine public étaient rangés soit dans le domaine public naturel, soit dans le domaine public artificiel. Étaient rattachés au domaine public naturel les biens compris dans le domaine public à raison de leur nature et pour lesquels la domanialité publique n'était subordonnée qu'à de simples phénomènes physiques indépendants de la volonté humaine. Les autres biens du domaine public formaient le domaine public artificiel.

Bien qu'ambiguë, cette distinction conserve un intérêt pratique, notamment au regard des modalités de constitution, de formation et de déclassement du domaine public.

8Toutefois, pour la clarté de l'analyse, il paraît préférable de se référer à une distinction faisant appel à des critères plus matériels, physiques ou géographiques :

- le domaine public maritime ;

- le domaine public fluvial ;

- le domaine public aéronautique ;

- le domaine public terrestre.

Les parties du domaine public dont les produits sont amodiés ou qui donnent lieu à des permissions temporaires d'occupation feront par ailleurs. l'objet d'une étude particulière.

1. Le domaine public maritime.

9La composition du domaine public maritime qui comprenait primitivement le rivage de la mer, les havres et les rades. les ports maritimes et les eaux maritimes intérieures a été modifiée par la loi n° 63-1178 du 28 novembre 1963.

10 a. Le domaine public maritime naturel.

Le domaine public maritime naturel comprend désormais les rivages de la mer, les eaux maritimes intérieures, le sol et le sous-sol de la mer territoriale, les lais et relais de la mer et certains terrains réservés à la satisfaction de besoins d'intérêt public. maritime, balnéaire ou touristique.

1° Les rivages de la mer.

11Les rivages de la mer s'entendent des parties du littoral que le flot couvre et découvre suivant le jeu périodique et naturel des marées.

12Pendant longtemps la limite de la haute mer 1 a été déterminée :

- dans l'océan, la Manche et la mer du Nord, par le plus grand flot de mars (ordonnance sur la marine d'août 1681) 2  :

- dans la Méditerranée, par le plus grand flot d'hiver (tradition ancienne tirée des Institutes de Justinien).

13Or, à la suite d'une jurisprudence du Conseil d'État (arrêt X... du 12 octobre 1973) qui a reconnu à l'ordonnance d'août 1681 une portée générale, cette définition doit être désormais abandonnée.

En conséquence, sur toutes les côtes qu'il s'agisse de l'océan, de la Manche, de la mer du Nord ou de la Méditerranée, le rivage de la mer doit s'entendre de la zone littorale comprise entre la limite atteinte par les plus hautes eaux et celle des plus basses eaux étant observé que pour l'appréciation de la première limite il convient, comme par le passé, d'écarter les marées qui auraient été influencées par des circonstances météorologiques exceptionnelles, autrement dit le flot de tempête.

Cette définition ne s'applique qu'aux terrains situés en bordure de la mer, à l'exclusion de la partie du cours des fleuves et rivières sur laquelle s'exerce l'influence de la marée.

14Le rivage de la mer n'est en aucun cas passible de la taxe foncière. C'est ainsi que restent exonérées les portions de rivage pour lesquelles des autorisations d'occupation temporaire (à titre onéreux ou à titre gratuit) ont été accordées 3 .

2° Les eaux maritimes intérieures : havres, rades, étangs salés.

15Les eaux maritimes intérieures, c'est-à-dire les portions de mer enclavées dans les terres, font partie du domaine public maritime lorsqu'elles communiquent avec la haute mer par un chenal naturel.

Si cette communication est l'oeuvre de l'homme, le plan d'eau peut faire partie du domaine public mais à un autre titre (affectation à l'usage du public, fonctionnement d'un service public...) et il relève alors du domaine public artificiel. Dans d'autres cas, il peut dépendre du domaine privé de l'État, ou même appartenir à des personnes de droit privé.

16En revanche, le caractère de domanialité publique naturelle doit être refusé :

- aux étangs salés qui ne sont plus en communication directe avec la mer. Ces étangs font partie du domaine privé de l'État et peuvent, par suite, faire l'objet de concession ou d'aliénation au profit de particuliers ;

- aux étangs salés qui ont été mis ou remis en communication avec la mer, d'une manière artificielle, c'est-à-dire au moyen de travaux réalisés par la main de l'homme. Suivant leur statut antérieur, ces étangs continuent à faire partie du domaine privé de l'État, ou intègrent le domaine public artificiel en raison de leur destination, ou demeurent la propriété des particuliers auxquels ils appartiennent.

3° Le sol et le sous-sol de la mer territoriale.

17L'article premier de la loi du 28 novembre 1963 dispose que : « Sont incorporés, sous réserve des droits des tiers, au domaine public maritime : le sol et le sous-sol de la mer territoriale ».

Aux termes de l'article premier du décret n° 66-413 du 17 juin 1966 portant application de la loi, modifié par l'article premier du décret n° 72-612 du 27 juin 1972, le sol et le sous-sol de la mer territoriale incorporés au domaine public s'étendent à 12 milles marins comptés à partir des lignes de base (laisse de basse mer, lignes de base droite et lignes de fermeture des baies déterminées par décret) définies par l'article premier de la loi du 24 décembre 1971 relative à la définition des eaux territoriales françaises.

De même que le rivage de la mer, le sol et le sous-sol de la mer territoriale ne sont jamais imposables à la taxe foncière.

4° Les lais et relais de la mer.

18 Les lais de mer sont des atterrissements formés par des alluvions apportées par la mer en bordure du rivage et élevés peu à peu au-dessus du niveau atteint par le flot.

19 Les relais sont des anciennes fractions de rivages que la mer a abandonnées avec le temps en se retirant et laissées définitivement à découvert.

20Les lais et relais n'étant plus soumis à l'action périodique des marées étaient considérés, jusqu'à la publication de la loi du 28 novembre 1963, comme faisant partie du domaine privé de l'État.

21Cette situation a été modifiée par la loi précitée, laquelle dispose dans son article premier- b que « sont incorporés, sous réserve des droits tiers, au domaine public maritime : les lais et relais futurs », c'est-à-dire ceux qui se formeront à compter de la promulgation de la loi.

Par ailleurs, les lais et relais de la mer faisant partie du domaine privé de l'État à la date de cette promulgation peuvent, en application de la loi susvisée (art. 2), être incorporés au domaine public maritime, Cette incorporation qui, aux termes de l'article 2 du décret du 19 septembre 1972, doit être prononcée par arrêté préfectoral, après avis du directeur des Services fiscaux et du directeur départemental de l'Équipement ou de l'ingénieur en chef du Service maritime, a lieu « sous réserve des droits des tiers ».

22Les parcelles de lais et relais peuvent quelles que soient les conditions de leur incorporation au domaine public, être déclassées lorsqu'elles ne s'avèrent plus utiles à la satisfaction des besoins d'intérêt public.

5° Les terrains réservés.

23L'article 4 de la loi du 28 novembre 1963 prévoit que des terrains privés pourront être réservés, en vue de la satisfaction des besoins d'intérêt public d'ordre maritime, balnéaire ou touristique, après enquête publique faite dans les formes prévues à l'article premier de l'ordonnance n° 58-997 du 23 octobre 1958, par arrêtés conjoints du ministre des Travaux publics et des Transports. du ministre des Finances et des Affaires économiques. du ministre de la Construction, du ministre de l'Intérieur et du ministre chargé du Tourisme 4 .

La profondeur de la réserve ne peut dépasser, perpendiculairement à la limite côté terre du domaine public maritime 5  :

- 20 mètres en ce qui concerne les terrains clos de murs ou de toute clôture équivalente selon les usages du pays et les terrains bâtis totalement ou partiellement ;

- 50 mètres dans les autres cas.

Cette réserve fait obstacle à toute construction ou addition de construction sur le terrain réservé, sauf autorisation spéciale qui sera délivrée dans les conditions fixées par les décrets prévus à l'article 6 de la loi précitée, éventuellement en vertu de dérogations générales. Elle est notifiée au propriétaire et à l'occupant du terrain : le propriétaire peut demander, dans les conditions prévues à l'article 28 du décret n° 58-1463 du 31 décembre 1958, l'acquisition par l'État du terrain réservé.

Les terrains acquis par l'État, sur demande du propriétaire, sont incorporés au domaine public maritime. Ils cessent. alors, d'être assujettis à la taxe foncière sur les propriétés non bâties après être restés imposés à ladite taxe au nom du vendeur jusqu'au 1 er janvier de l'année suivant celle de leur acquisition effective par l'État.

b. Le domaine public maritime artificiel.

24Le domaine public maritime artificiel comprend les terrains artificiellement soustraits à l'action du flot et les ouvrages et installations établis dans l'intérêt de la navigation maritime.

1° Les terrains artificiellement soustraits à l'action du flot. Les plages artificielles.

• concessions d'endigage ou de créments futurs.

25En vertu de l'article premier b de la loi du 28 novembre 1963, les terrains qui seront artificiellement soustraits à l'action du flot. doivent être incorporés au domaine public maritime, sous réserve de dispositions contraires d'actes de concession.

Cette disposition modifie la conception de l'ancienne « concession d'endigage » qui entraînait automatiquement :

- transfert de propriété au profit du concessionnaire des terrains exondés au fur et à mesure de leur mise hors d'eau :

- et imposition à la taxe foncière au nom du concessionnaire à compter de l'année suivant celle de la formation définitive desdits terrains.

Sous le régime de la loi du 28 novembre 1963, les terrains exondés incorporés au domaine public ne sont exonérés de la taxe foncière que s'ils remplissent par ailleurs, les deux conditions prévues par l'article 1394-2° du Code général des Impôts (affectation à un service public ou d'utilité générale et improductivité de revenus).

• plages artificielles.

26Le décret n° 66-413 du 17 juin 1966 relatif aux concessions de plages artificielles. modifié par le décret n° 71-119 du 5 février 1971, prévoit expressément, en son article 3, que les concessions portant création et usage des plages artificielles en bordure de mer ne pourront jamais octroyer au concessionnaire la propriété des terrains à soustraire à l'action de la mer. Il en résulte que les plages artificielles font toujours partie du domaine public maritime et qu'elles sont exemptées de la taxe foncière sur les propriétés non bâties lorsqu'elles remplissent par ailleurs, les conditions prévues par l'article 1394-2° du CGI 6 .

1   Recueil méthodique de 1811, art. 156 « ... les laisses de basse mer ou les terrains que la mer ne découvre que momentanément par l'abaissement périodique de ses eaux, sont censés appartenir à cet élément et ne sont pas dans le cas d'être compris dans le territoire de la commune dont la limite doit s'arrêter à la ligne de la haute mer ».

2   Aux termes de l'article premier de l'ordonnance d'août 1681 : « Sera réputé bord et rivage de la mer tout ce qu'elle couvre et découvre pendant les nouvelles et pleines lunes et jusqu'où le grand flot de mars se peut étendre sur les gréves ».

3   S'agissant des plages. cf. ci-avant B 1211. n° 6 .

4   Ces arrêtés, qui peuvent être renouvelés dans les mêmes formes. portent effet pendant cinq ans et valent déclaration d'utilité publique.

5   Tel que ce domaine se trouve étendu par les articles premier et deuxième de la loi du 28 novembre 1963.

6   Pour ce qui est des plages faisant l'objet d'une autorisation d'occupation, temporaire. cf. ci-après n os97 à 100 .