Date de début de publication du BOI : 20/06/1998
Identifiant juridique : 5F1312
Références du document :  5F1312
Annotations :  Lié au BOI 5B-15-06
Lié au Rescrit N°2010/60

SOUS-SECTION 2 SITUATION DES SALARIÉS

SOUS-SECTION 2  

Situation des salariés

Cette sous-section traite des règles relatives à la territorialité qui sont spécifiques aux salariés.

  A. SITUATION DES SALARIÉS DOMICILIÉS EN FRANCE

1Les contribuables domiciliés en France sont assujettis à l'impôt sur le revenu à raison de l'ensemble de leurs revenus, qu'ils soient de source française ou étrangère.

À cet égard, les revenus réalisés à l'étranger sont imposables même s'ils n'ont pas été transférés en France (CE, arrêt du 21 mars 1960, req. n° 43229, RO, p. 46).

Cette règle admet deux exceptions qui intéressent :

- les salariés envoyés l'étranger par un employeur établi en France ;

- les agents de l'État exerçant leurs fonctions ou chargés de mission dans un pays étranger lorsqu'ils ne sont pas soumis à l'étranger à un impôt personnel sur l'ensemble de leurs revenus.

Remarque. - Le tableau en annexe à la présente sous-section résume les conditions d'application de ces règles.

  I. Situation des salariés envoyés à l'étranger par un employeur établi en France

2Conformément aux dispositions de l'article 81 A du CGI, les traitements et salaires perçus par des personnes de nationalité française qui sont envoyées à l'étranger par un employeur établi en France, mais qui conservent leur domicile fiscal dans notre pays (par exemple, lorsque leur foyer familial est resté fixé en France) sont exonérés en totalité ou en partie.

Ces mesures d'exonération totale ou partielle sont toutes subordonnées à la condition que le salarié soit envoyé à l'étranger par un employeur établi en France. En d'autres termes, seule l'existence d'un lien contractuel ou statutaire avec un employeur installé en France permet au salarié travaillant à l'étranger d'en bénéficier.

Lorsque ce lien existe il n'y a pas lieu de se préoccuper de savoir si la rémunération est payée en totalité ou en partie en France ou à l'étranger. De même, le fait que le salaire soit supporté par l'entreprise installée en France ou par un de ses établissements ou même par une de ses filiales à l'étranger demeure sans incidence.

En revanche, ces mesures particulières ne sauraient bénéficier à des salariés embauchés directement par un employeur établi à l'étranger. Dans cette hypothèse, la rémunération est imposable dans les conditions de droit commun.

3Remarques.

1 Sur le plan territorial, il est précisé que sont seules concernées les missions effectuées en des lieux relevant de la « souveraineté fiscale » d'un État ou territoire autre que la France. En conséquence, les missions effectuées en des lieux ne répondant pas à cette définition (par exemple, en haute mer) n'ouvrent pas droit au bénéfice des dispositions de l'article 81 A du CGI.

En effet, le paragraphe I de l'article précité vise expressément les États étrangers et les trois paragraphes ont une portée identique au plan territorial. Toutefois, les territoires d'outre-mer et les autres collectivités de la République française dotés d'un régime autonome d'impôt sur le revenu (Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon) sont traités comme des États étrangers pour l'application de l'article 81 A du CGI.

2. Les allégements exposés ci-après et qui sont prévus en faveur des salariés de nationalité française bénéficient également aux salariés étrangers ressortissants d'un pays ayant conclu avec la France un traité de réciprocité.

La clause d'assimilation aux nationaux, selon le cas, soit dans une convention générale tendant à éviter les doubles impositions, soit dans une convention spéciale (de commerce, d'établissement, consulaire ou autre), soit dans un accord particulier conclu avec le pays étranger (cf. DB 5 B 314).

1. Salariés bénéficiant d'une exonération totale.

[Les modalités d'imposition des autres revenus perçus par un contribuable disposant de salaires totalement exonérés sont exposées à 5 B 3221].

4Les salaires se rapportant à une activité exercée à l'étranger par les membres d'une entreprise établie en France bénéficient d'une exonération totale dans deux cas :

- les rémunérations ont été effectivement soumises à l'étranger à un impôt sur le revenu au moins égal aux deux tiers de celui qu'elles auraient supporté en France ;

- les rémunérations se rapportent à une des activités limitativement énumérées par la loi qui est exercée à l'étranger pendant plus de cent quatre-vingt-trois jours au cours d'une période de douze mois consécutifs.

a. Salariés soumis à l'étranger à un impôt sur le revenu sensiblement comparable à l'impôt français.

5Les traitements et salaires perçus en rémunération de leur activité à l'étranger par des personnes de nationalité française (pour les salariés de nationalité étrangère, voir ci-dessus n° 3 ) qui ont leur domicile fiscal en France et qui sont envoyées à l'étranger par un employeur établi en France ne sont pas soumis à l'impôt en France lorsque le contribuable est en mesure de justifier que les rémunérations en cause ont été effectivement soumises dans l'État étranger à un impôt sur le revenu au moins égal aux deux tiers de celui qu'il aurait à supporter en France sur la même base d'imposition (CGI, art. 81 A-I).

Pour calculer la charge fiscale qui serait supportée en France, il convient de retenir les modalités de détermination de la base imposable et le quotient familial normalement applicables en cas d'imposition en France et de faire abstraction des autres revenus perçus par le contribuable ou les membres de sa famille. Le second terme de la comparaison est constitué par le montant de l'impôt acquitté à l'étranger.

Cette justification ne peut être apportée, en principe, que par voie de réclamation produite dans les délais de droit commun. Elle suppose la production de toutes les pièces justificatives nécessaires à l'examen de la situation et plus spécialement

- d'une attestation de l'employeur mentionnant d'une manière distincte le montant de la rémunération proprement dite, des indemnités complémentaires et des allocations pour frais professionnels ;

- d'un document fiscal faisant apparaître le montant des revenus imposés à l'étranger et le montant de l'impôt correspondant : avis d'imposition, extrait de rôle, quittance, etc., délivré par les autorités fiscales étrangères.

En fait, cette procédure contentieuse n'est à retenir que pour l'année d'installation à l'étranger. Lorsque le contribuable exerce son activité dans le même pays pendant plusieurs années consécutives, il y a lieu de surseoir à l'imposition de la rémunération correspondant à cette activité dans la mesure où l'intéressé a apporté la preuve que la condition tenant au montant de l'impôt acquitté à l'étranger était remplie pour l'année antérieure.

Le sursis d'imposition est accordé jusqu'au 31 décembre de l'année suivant l'année de perception des salaires. Passé ce délai, il convient d'inviter le contribuable à produire, pour l'année d'imposition en cause, les pièces justificatives mentionnées ci-dessus et de procéder à une notification de redressement si ces renseignements ne sont pas fournis.

b. Activité exercée à l'étranger pendant plus de cent quatre-vingt-trois jours au cours d'une période de douze mois consécutifs.

6Sont également exonérés d'impôt en France les salaires perçus par des personnes de nationalité française (pour les salariés de nationalité étrangère, voir ci-dessus n° 3 ) autres que les travailleurs frontaliers (en ce qui concerne les travailleurs frontaliers, voir 5 F 1321, n°s 15 et suiv. ) dont le domicile fiscal se situe en France et qui ont été envoyées à l'étranger par un employeur établi dans notre pays lorsqu'elles remplissent simultanément les deux conditions suivantes :

- se rapporter à une activité exercée à l'étranger pendant plus de cent quatre-vingt-trois jours au cours d'une période de douze mois consécutifs ;

- être versés en contrepartie de l'une des activités limitativement énumérées par la loi.

1° Durée de l'activité exercée à l'étranger.

7Les salariés concernés doivent justifier d'une activité exercée à l'étranger d'une durée supérieure à cent quatre-vingt-trois jours au cours d'une période de douze mois consécutifs.

D'une manière générale, il convient de retenir, pour apprécier si la condition tenant à la durée de l'activité exercée à l'étranger est remplie, la durée de la mission à l'étranger, c'est-à-dire la période écoulée entre le premier départ et le retour définitif en défalquant seulement les périodes pendant lesquelles le salarié est revenu en France pour y reprendre une activité.

Il y a lieu d'assimiler à l'activité exercée à l'étranger :

- les jours de repos hebdomadaire se rapportant normalement à cette activité ;

- la durée des congés de récupération et congés payés auxquels donne droit l'activité exercée à l'étranger, même lorsqu'ils sont pris en France ;

- les congés pour accident du travail ou pour maladie consécutifs à cette activité, même s'ils sont pris en France.

D'autre part, lorsque l'activité est exercée d'une manière discontinue, seuls sont exonérés les salaires versés en rémunération de l'activité exercée à l'étranger qui se rapportent à la période de douze mois consécutifs pour laquelle la condition indiquée ci-dessus est remplie

La mise en oeuvre de cette mesure d'exonération soulève une difficulté lorsque, à la date du 31 décembre de l'année d'imposition, la durée d'activité à l'étranger n'a pas encore atteint cent quatre- vingt trois jours. Dans ce cas, le contribuable ne peut, en effet, justifier qu'il est en droit de bénéficier de l'exonération.

Dans cette hypothèse, il y a lieu de surseoir à l'imposition de la rémunération perçue à l'étranger lorsque le salarié est en mesure de fournir une attestation de son employeur indiquant la durée probable de son activité à l'étranger ainsi que celle du chantier.

En pratique, le salarié devra déposer dans le délai de droit commun une déclaration provisoire indiquant le montant de ses autres revenus accompagnée de l'attestation de son employeur et produire au plus tard le 31 décembre suivant :

- soit les pièces justificatives prouvant que l'activité a été exercée à l'étranger pendant plus de cent quatre-vingt-trois jours au cours d'une période de douze mois consécutifs ;

- soit, lorsque l'activité a été exercée pendant moins de cent quatre-vingt-trois jours consécutifs, une déclaration rectificative faisant apparaître le montant global de ses revenus, y compris la rémunération perçue à raison de l'activité exercée à l'étranger (cf. toutefois ci-dessous n° 10 ).

Remarque. - Il est rappelé que la rémunération perçue à raison de l'activité exercée à l'étranger doit figurer sur la déclaration de l'employeur prévue à l'article 87 du CGI, dès lors qu'il s'agit de sommes passibles-de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires (cf. 5 A 112 ).

2° Nature de l'activité.

8Conformément aux dispositions législatives et aux débats parlementaires, l'exonération n'est accordée que dans la mesure ou les rémunérations considérées se rapportent aux activités suivantes à l'étranger :

- chantiers de construction ou de montage, installation, mise en route et exploitation d'ensembles industriels, prospection et ingénierie (études préliminaires notamment) y afférentes. L'expression « chantiers de construction » figurant au paragraphe a de l'article 81 A-II du CGI ne se rapporte pas à titre exclusif à des ensembles industriels. En réalité, cette expression désigne, au sens large, les chantiers de tous travaux publics, y compris par conséquent les chantiers de construction d'établissements scolaires. Ainsi, les salariés détachés à l'étranger pour y exercer une activité de cette nature peuvent bénéficier de l'exonération prévue à l'article 81 A-II dès lors qu'ils remplissent les autres conditions fixées par le texte (durée de l'activité, nature exacte des fonctions exercées) ;

- prospection, recherche ou extraction de ressources naturelles ;

- en outre, conformément aux engagements pris par le ministre au cours des débats parlementaires, la situation des salariés exerçant leur activité dans la prospection de certains marchés extérieurs doit être examinée avec compréhension. Ainsi, l'exonération prévue par la loi peut être accordée par le service, après examen du cas particulier, aux salariés dont les rémunérations se rapportent à la prospection de la clientèle de certains marchés commerciaux lorsqu'il est établi que cette prospection conditionne réellement l'implantation de sociétés françaises à l'étranger.

Les rémunérations ainsi exonérées s'entendent des salaires payés aussi bien aux personnels techniques qu'aux personnels administratifs qui les accompagnent.

Remarque. - Il y a lieu de noter que, pour l'application de cette exonération, les contribuables concernés, à la différence de la situation examinée au n° 5 ci-dessus, n'ont pas à justifier qu'ils ont été soumis à un impôt dans le pays étranger.

9Appelé à statuer sur l'application des dispositions de l'article 81 A-II du CGI, le Conseil d'État a notament jugé que :

- un salarié envoyé à l'étranger pour y assurer l'entretien d'hélicoptères vendus par la société qui l'emploie ne peut bénéficier de l'exonération prévue en faveur des salariés envoyés en mission à l'étranger dès lors que son activité ne figure pas au nombre de celles visées par l'article 81 A-II du CGI (CE, arrêt du 3 juin 1988, n° 57839) ;

- l'exonération prévue en faveur des salariés envoyés en mission à l'étranger s'applique aux rémunérations tirées des activités visées à l'article 81 A-II du CGI, sans qu'il soit nécessaire que l'employeur exploite lui-même les chantiers sur lesquels il intervient en qualité de fournisseur ou de loueur d'engins (CE, arrêt du 6 juillet 1988, n° 60058) ;

- la mission de formation de l'équipage d'un thonier, exercée à l'étranger par un marin-pêcheur, ne peut être regardée comme entrant dans les prévisions du paragraphe a de l'article 81 A-II du CGI, alors même que cette assistance technique s'inscrirait dans le cadre d'un projet de création d'une industrie de pêche et de réalisation, à cet effet, d'un complexe portuaire et industriel. Cette activité ne se rapporte pas davantage au secteur de la prospection, recherche ou extraction de ressources naturelles visé au paragraphe b du même article, dès lors que ses dispositions, d'interprétation stricte, ne concernent que les produits du sol et du sous-sol (CE, arrêt du 5 octobre 1988, n°s 74462-80185).

Nota. - Jugé dans le même sens en ce qui concerne le commandant d'un navire de pêche (CE, arrêt du 5 octobre 1988, n° 74458) et un marin-électricien (CE, arrêt du 5 octobre 1988, n°s 7445980184).

- les activités de construction et de travaux publics exercées à l'étranger ouvrent droit au bénéfice de l'exonération prévue au paragraphe a de l'article 81 A-II du CGI. Cette exonération est, par ailleurs, applicable à tout salarié, même dirigeant, dès lors qu'il intervient personnellement sur place (CE, arrêt du 14 juin 1989, n° 59428).

Remarque. - Le Conseil d'État a fait preuve d'une appréciation très large de la notion de montage. Ainsi, dans deux espèces du 11 janvier 1993 (arrêts X... et X... n° 89755 et 89748), la Haute juridiction a reconnu que deux techniciens envoyés à l'étranger pour assurer le montage et l'entretien d'hélicoptères exécutaient une mission se rapportant à des activités visées à l'article 81-A-II du CGI. À cette occasion, la notion de montage a été sortie de son contexte de chantier industriel.