Date de début de publication du BOI : 10/02/1999
Identifiant juridique : 5F1144
Références du document :  5F1144
Annotations :  Lié au BOI 5F-8-00

SOUS-SECTION 4 LICENCIEMENT

SOUS-SECTION 4  

Licenciement

  A. PRINCIPES GÉNÉRAUX

1Le licenciement ou résiliation du contrat à l'initiative de l'employeur (en ce qui concerne la distinction entre licenciement et mise à la retraite, cf. 5 F 1142, n°s 6 et 7 ) est soumis par le législateur à un certain nombre de conditions destinées à assurer la protection du salarié. Cette protection peut être renforcée par les conventions collectives ou des contrats particuliers (section II, chapitre II du titre II du livre 1er du code du travail).

Ce licenciement s'accompagne du paiement de diverses sommes ou indemnités (en ce qui concerne les indemnités de « mise à la retraite », cf. 5 F 1142, n° 10 ).

  I. Indemnité compensatrice de délai-congé (ou de préavis)

[article L. 122-8 du code du travail]

2Le salarié a droit à un délai-congé (ou préavis) lorsqu'il est licencié sans avoir commis de faute grave. La durée de ce délai est de :

- un mois, si le salarié justifie d'une ancienneté de services continus chez le même employeur comprise entre six mois et moins de deux ans ;

- deux mois, si le salarié justifie d'une ancienneté de services continus chez le même employeur d'au moins deux ans.

Remarque. - Les conventions ou accords collectifs de travail, les contrats individuels de travail ou les usages de la profession prévoient souvent une durée supérieure, notamment en ce qui concerne les cadres des entreprises. Si le salarié est occupé depuis moins de six mois dans l'entreprise, la durée du délai-congé résulte de la convention ou de l'accord collectif de travail ou des usages.

Le salarié continue, en principe, à exercer son activité durant l'exécution du délai-congé et il est payé en conséquence. Toutefois, l'employeur peut s'y opposer. Il est alors débiteur d'une indemnité compensatrice, en principe, égale à la rémunération que le salarié aurait touchée s'il avait travaillé durant le délai-congé.

L'indemnité compensatrice de délai-congé est distincte de l'indemnité de licenciement et de celle versée en réparation du préjudice subi.

  II. Indemnité compensatrice de congés payés

(article L. 223-14 du code du travail)

3Le salarié dont le contrat de travail est résilié avant qu'il n'ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit doit recevoir une indemnité compensatrice pour la fraction du congé dont il n'a pas bénéficié. L'indemnité est due en l'absence de faute lourde du salarié, sans qu'il y ait lieu de distinguer suivant que la résiliation du contrat incombe au salarié ou à son employeur.

  III. Indemnité de licenciement

4Elle ne peut être inférieure à l'indemnité de licenciement prévue à l'article 5 de l'accord interprofessionnel du 10 décembre 1977 sur la mensualisation, annexé à la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978 (cf. annexe I), si le salarié relève du champ d'application de cet accord ou à l'indemnité minimum de licenciement prévue aux articles L. 122-9 et R 122-2 du code du travail dans le cas contraire (cf. annexe II).

Remarque. - Sont exclus du champ d'application de l'accord : les salariés agricoles, les travailleurs à domicile, les travailleurs temporaires et les travailleurs saisonniers.

  IV. Dommages-intérêts pour rupture abusive

5La réparation du préjudice subi par le salarié en cas de rupture abusive du contrat de travail est prévue par les articles L. 122-14-4 et L. 122-14-5 du code du travail.

6Lorsque la procédure de licenciement n'est pas respectée à l'égard des salariés ayant au moins deux ans d'ancienneté et employés par une entreprise d'au moins onze salariés, l'article L. 122-14-4 du code du travail édicte deux sortes de sanctions. Si le licenciement, tout en étant irrégulier, a lieu pour une cause réelle et sérieuse, le tribunal saisi du litige impose à l'employeur de respecter la procédure en vigueur et accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire. Si le licenciement a lieu pour une cause autre que réelle et sérieuse (licenciement abusif), le tribunal peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise avec maintien de ses avantages acquis. En cas de refus par l'une ou l'autre des parties, le tribunal octroie au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement.

Lorsque le salarié est inclus dans un licenciement collectif pour motif économique et que la procédure requise à l'article L. 321-2 du code du travail n'a pas été respectée par l'employeur, le tribunal doit accorder au salarié une indemnité calculée en fonction du préjudice subi. En cas de non-respect de la priorité de réembauchage prévue à l'article L. 321-14, le tribunal octroie au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à deux mois de salaire (article L. 122-14-4 du code du travail).

7Les dispositions de l'article L. 122-14-4 du code du travail ne sont pas applicables aux licenciements des salariés qui ont moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et aux licenciements opérés par les employeurs qui occupent habituellement moins de onze salariés. Ces salariés peuvent prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi (article L. 122-14-5 du code du travail).

  B. RÉGIME FISCAL

  I. Indemnité compensatrice de délai-congé (ou de préavis)

1. Principe.

8L'indemnité compensatrice de délai-congé (ou de préavis) est soumise à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires.

9Lorsque le salarié perçoit une somme globale représentant à la fois l'indemnité compensatrice de préavis et une indemnité allouée au titre de dommages-intérêts, il y a lieu de ventiler la somme versée entre ces deux éléments en tenant compte de la durée du délai-congé auquel l'intéressé peut prétendre.

Cette ventilation a donné lieu à une très abondante jurisprudence dont certaines décisions figurent ci-après :

• L'indemnité versée à un contribuable à la suite de la rupture de son contrat de travail doit être considérée, eu égard aux circonstances de fait dans lesquelles elle a été allouée, comme constituant pour partie un salaire de congédiement calculé d'après le taux des émoluments que percevait l'intéressé et, pour le surplus, des dommages-intérêts non susceptibles d'entrer en compte pour l'établissement de l'impôt sur le revenu (CE, arrêts du 19 juillet 1924, req. n° 70366 et du 26 décembre 1924, req. n° 80093, RO, 4938 ; 6 novembre 1925, req. n° 85729 et req. n° 87683, RO, 5061).

• Lorsqu'une entreprise a été condamnée à payer à l'un de ses employés une indemnité qui a pour but non seulement de réparer le préjudice subi par ce dernier pour rupture brusque et injustifiée de son contrat de louage de services, mais encore de lui accorder une rémunération correspondant à un an de délai de préavis, la somme ainsi versée ne représente pas uniquement des dommages-intérêts, mais constitue pour partie un salaire de congédiement calculé d'après le taux des émoluments perçus par l'intéressé en vertu de son contrat. A ce titre et dans la mesure où elle présente ce caractère, elle doit, pour l'employé, être regardée comme un revenu passible de l'impôt sur le revenu (CE, arrêt du 10 mai 1937, req. n° 46662, RO, p. 288).

• L'indemnité de 800 000 anciens francs perçue par un directeur de journal pour prix d'abandon de son poste doit être considérée jusqu'à concurrence de 200 000 anciens francs comme correspondant à la perte de la rémunération attachée à sa fonction et comme passible, dès lors, de l'impôt sur le revenu, le surplus constituant un profit en capital non imposable (CE, arrêt du 14 juin 1937, req. n° 53990, RO, p. 378).

• L'indemnité de rupture de contrat perçue par un salarié lors de la cessation de ses fonctions doit être considérée comme constituant, pour partie, un salaire de congédiement, calculé d'après le taux des émoluments que percevait l'intéressé et, pour le surplus, des dommages-intérêts non imposables. Le salaire de congédiement a été fixé, au cas particulier, par le Conseil d'État, à une somme correspondant approximativement à six mois de traitement (CE, arrêt du 6 décembre 1937, req. n° 56947, RO, p. 708).

• Un salarié a dû résilier ses fonctions et a accepté que soit substitué à l'indemnité de licenciement prévue à son contrat le versement, assorti de l'attribution du titre d'ingénieur-conseil, de sommes mensuelles payables pendant un nombre d'années déterminé et réévaluable en cas de variation des conditions économiques. L'intéressé n'a apporté aucune collaboration effective à l'entreprise en sa nouvelle qualité d'ingénieur-conseil. Les sommes perçues par lui doivent donc, dans la mesure où elles excèdent le salaire de préavis, être regardées comme tendant à réparer un préjudice et, par voie de conséquence, échapper à l'impôt (CE, arrêt du 20 février 1957, req. n° 27866, RO, p. 292).

2. Modalités d'imposition.

10En application de l'article 12 du CGI qui dispose que l'impôt est dû chaque année à raison des revenus que le contribuable a effectivement perçus au cours de cette même année, l'indemnité compensatrice de délai-congé, qui est payée par l'employeur en une seule fois au moment du licenciement, devrait, en principe, être imposée dans son intégralité au titre de l'année au cours de laquelle elle a été touchée.

11Par exception à ce principe, l'article 163 quinquies du CGI autorise les contribuables congédiés et percevant une indemnité compensatrice de délai-congé se rapportant à la fois à l'année de congédiement et à l'année suivante à déclarer ladite indemnité en plusieurs fractions correspondant respectivement à chacune des années considérées.

12 Exemple. - Licencié le 1er décembre 1996 et percevant une indemnité compensatrice de délai-congé de six mois, le contribuable, s'il opte pour cette possibilité, peut rattacher :

- à ses revenus de 1996, la fraction de l'indemnité afférente au mois de décembre 1996 (soit un mois) ;

- à ses revenus de 1997, la fraction de l'indemnité afférente aux mois de janvier à mai 1997 (soit cinq mois).

  II. Indemnité compensatrice de congés payés

13Cette indemnité est imposable.

Il en est de même des primes ou gratifications (de fin d'année, par exemple) qui sont également servies aux salariés à raison du temps de service accompli durant l'année du licenciement.

  III. Indemnités de licenciement

1. Principes.

14La jurisprudence du Conseil d'État considère que toute somme perçue d'un employeur à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, à l'exception de la partie de l'indemnité versée pour réparer des préjudices autres que la perte de salaire. L'existence et l'importance de ces préjudices est une question de fait que le Conseil d'État apprécie au cas par cas.

Pour simplifier, il est admis en toute hypothèse que la partie de l'indemnité de licenciement correspondant au minimum fixé par la convention collective de branche ou par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi est représentative de dommages-intérêts et donc non imposable. Mais le salarié conserve toujours la possibilité de faire valoir ses droits par la voie contentieuse s'il estime que le préjudice subi est plus important que celui dont il a été tenu compte dans la détermination de la base imposée. La partie imposable de l'indemnité de licenciement peut bénéficier, sur demande du contribuable, du système du quotient prévu à l'article 163 0A du CGI, quel que soit son montant.

2. Applications.

a. Indemnité légale de licenciement.

15En l'absence de convention ou d'accord particulier, le salarié licencié a droit à l'indemnité légale de licenciement ou de congédiement (indemnité prévue à l'article L. 122-9 du code du travail ou à l'article 5 de l'accord de mensualisation déjà cité ; cf. ci-dessus n° 4 ).

Cette indemnité n'est pas à comprendre dans le revenu imposable.

b. Indemnités de licenciement prévues par les conventions collectives de branche ou par l'accord professionnel ou interprofessionnel.

16Les indemnités de licenciement versées en application d'une convention collective de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel sont, en général, d'un montant supérieur à l'indemnité légale, à laquelle elles se substituent. Elles échappent également à l'impôt.

Quant aux sommes versées en sus des obligations prévues par la convention collective de branche ou l'accord professionnel ou interprofessionnel, leur régime fiscal dépend des circonstances de fait (voir décisions jurisprudentielles, ci-après n°s 17 et suiv. ).

c. Indemnités versées en vertu d'accords particuliers.

17Dans certains cas, le versement d'indemnités résulte des clauses du contrat individuel de travail ou d'un accord particulier entre le salarié et l'employeur ou d'une décision de ce dernier. Ces indemnités constituent un revenu pour la fraction qui répare le préjudice pécuniaire subi par le salarié. Seules les sommes dont l'objet est de réparer un préjudice autre que le manque à gagner ont le caractère de dommages-intérêts.

Pour l'appréciation du caractère imposable ou non des sommes allouées en application de clauses spéciales stipulées au contrat de travail ou d'accords particuliers conclus entre le salarié et son employeur, il y a lieu de tenir compte des conditions dans lesquelles est intervenue la rupture du contrat de travail.

À cet égard et d'une manière générale, l'Administration n'est pas liée par les qualifications, très variables, attribuées par les parties aux sommes versées par l'employeur au salarié congédié.

18Des décisions du Conseil d'État illustrent ces principes.

• En raison de son licenciement consécutif à une réorganisation de l'entreprise, un salarié a reçu de l'entreprise dans laquelle il travaillait depuis quinze ans diverses indemnités classées sous des appellations différentes. L'indemnité dite de « non-concurrence » prévue par le contrat et représentant quatre mois de salaire plus un mois de salaire par année passée dans l'entreprise doit être regardée pour partie comme indemnisant l'intéressé d'une perte de salaires et pour le surplus comme la rémunération de services rendus ; elle constitue donc à ce double titre un revenu imposable dans son intégralité.

• En revanche, une somme qualifiée de « bonus exceptionnel », qui ne trouve aucun fondement dans le contrat de travail, doit être considérée comme des dommages-intérêts, compte tenu notamment des conditions de la rupture du contrat et des conséquences prévisibles que le licenciement impliquait à l'égard du salarié alors âgé de 46 ans (CE, arrêt du 29 octobre 1980, req. n° 18419, 7e et 9e sous-sections, RJ n° III, p. 154).

• L'indemnité de rupture du contrat de travail allouée à un salarié âgé de 65 ans, en vertu d'un accord amiable, dont l'objet n'est pas, notamment en l'absence de caractère abusif de la rupture, de réparer un préjudice autre que la perte de revenus salariaux, doit être regardée comme constituant un complément de rémunération (CE, arrêt du 17 décembre 1980, req. n° 18604, 7e et 8e sous-sections, RJ n° III, p. 184).

19La détermination de la fraction de l'indemnité correspondant à des dommages-intérêts ne peut être effectuée qu'en fonction des circonstances de fait propres à chaque situation particulière. En toute hypothèse, la fraction de l'indemnité qui correspond au minimum légal ou au minimum fixé par la convention collective de branche ou par l'accord professionnel ou interprofessionnel doit être placée en dehors du champ d'application de l'impôt.

Ces principes sont illustrés par les décisions du Conseil d'État figurant ci-après :

• un salarié, à l'occasion de son licenciement, a perçu une indemnité se décomposant en une indemnité de congédiement due en vertu de la convention collective en vigueur dans le département et correspondant à dix mois de salaire et une somme représentative de trois années de salaire qui lui a été versée en exécution d'une clause de son contrat de travail. Il a été jugé :

- que l'indemnité de congédiement distincte du préavis étant destinée à compenser, pour l'intéressé, la perte de sa situation, est assimilable à des dommages-intérêts et ne peut, par suite, être comprise dans son revenu imposable ;

- que la somme qui a été perçue en vertu de la clause du contrat de travail ayant pour objet de garantir au contribuable, dans le cas où, « pour quelque cause que ce soit », son employeur serait amené à le licencier, un droit à rémunération pendant une période de trois ans, présente le caractère d'un salaire et, par suite, constitue un revenu imposable (CE, arrêt du 13 octobre 1971, req. n° 79252, RJ n° III, p. 169) ;

• une décision identique concerne un directeur de société âgé de 71 ans, dont le contrat de travail, à durée indéterminée, a été résilié moyennant le versement à l'intéressé, d'une part, de dix mois de traitement à titre d'indemnité de délai-congé et, d'autre part, d'une somme importante. Il a été jugé que ce licenciement assorti d'un délai-congé n'a pas présenté, en l'espèce, un caractère abusif justifiant l'attribution de dommages-intérêts et que la somme susvisée constitue, en conséquence, pour le contribuable, une gratification exceptionnelle pour services rendus entrant dans la catégorie des traitements et salaires et passible, comme telle, de l'impôt sur le revenu (CE, arrêt du 26 mai 1967, req. n° 70798, RJCD, p. 146) ;

• l'indemnité de licenciement versée à un salarié ne peut être regardée, pour la fraction qui excède le montant correspondant à l'application de la convention collective de travail, comme constitutive de dommages-intérêts non imposables que si son versement tend à réparer un préjudice distinct de la perte de revenus. Dès lors que l'existence d'un tel préjudice n'est pas établie, l'indemnité reste imposable, même si l'intéressé a, dès l'expiration de son préavis, retrouvé un emploi et une rémunération comparables et n'a ainsi subi aucune perte effective de salaire (arrêt du 28 mars 1984, n° 35 960) ;

• l'indemnité de licenciement versée par une société à son directeur adjoint constitue un revenu imposable dès lors que son montant correspond au total des salaires qu'aurait perçus l'intéressé jusqu'à l'expiration de son contrat à durée déterminée et que le requérant n'établit pas qu'en raison de sa situation personnelle ou de son ancienneté dans l'entreprise, cette indemnité avait pour objet, pour un montant supérieur à celui admis par l'Administration, de couvrir un préjudice autre qu'une perte de rémunération (CE, arrêt du 19 janvier 1983, n° 35399) ;

• la fraction de l'indemnité perçue, en sus de l'indemnité de licenciement due en application de la convention collective, par un salarié, licencié à l'âge de 43 ans, qui a retrouvé rapidement un emploi équivalent, même si celui-ci n'est qu'à durée déterminée, doit être regardée comme imposable à l'impôt sur le revenu, dès lors qu'il n'apparaît pas que ledit salarié ait subi du fait de son licenciement, un préjudice autre qu'une perte de revenus (CE, arrêt du 11 mai 1984, n°s 40043 et 45278) ;

• l'indemnité perçue par un salarié à la suite de la résiliation « à l'amiable » de son contrat de travail ne peut être regardée comme ayant le caractère de dommages-intérêts non imposables que si elle a pour objet exclusif de compenser un préjudice autre que celui résultant de la perte de salaires. À cet égard, le fait que la rupture soit la conséquence d'un différend entre le salarié et son employeur ne confère pas ce caractère à l'indemnité perçue (CE, arrêt du 6 janvier 1984, n° 32528) ;

• en revanche, à l'égard d'une employée ayant, à la suite du renvoi dont elle a été l'objet, perçu de son employeur, en sus de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de la profession, une somme égale aux deux tiers de ladite indemnité, il a été jugé que la somme en cause doit, dans les conditions où elle a été allouée, être regardée comme ayant le caractère non d'une gratification destinée à récompenser les nombreuses années de services de l'intéressée au sein de l'entreprise, mais d'un complément de l'indemnité de licenciement, versé à titre de dommages-intérêts et qui ne saurait, par suite, être retenu dans les bases de l'impôt sur le revenu (CE, arrêt du 22 décembre 1969, req. n° 75632, RJCD, p. 349). Il est précisé que l'intéressée, qui n'était pas mariée et occupait l'emploi de secrétaire dans l'entreprise depuis vingt-six ans, avait été licenciée à l'âge de 50 ans et n'avait ensuite trouvé, dans la même ville, qu'un emploi de sténodactylographe. La convention collective prévoyait une indemnité de licenciement égale à 30% du salaire mensuel par année de service.

20Ce dernier arrêt confirme une jurisprudence constante illustrée par les décisions suivantes (toutes ces décisions sont antérieures à la mise en oeuvre du régime de la préretraite pour les salariés âgés au moins de 60 ans) :

• la somme allouée à un employé lors de la mise en liquidation de la société au service de laquelle il se trouvait depuis quarante-sept ans, ne doit pas être considérée comme un salaire de congédiement ou une gratification accessoire au salaire, mais comme une indemnité bénévole motivée par le préjudice à lui causé par la suppression de son emploi et non imposable (CE, arrêt du 3 mai 1937, req. n° 55986, RO, p. 274) ;

• est non imposable la somme payable par tiers en trois ans allouée lors de la suppression de son emploi au comptable d'une société au service de laquelle il se trouvait depuis plus de trente ans, cette somme devant être considérée comme présentant le caractère de dommages-intérêts destinés à réparer le préjudice à lui causé (CE, arrêt du 24 juillet 1939, req. n° 66144, RO, p. 444) ;

• l'indemnité versée à un employé lors de la suppression du poste qu'il occupait depuis trente ans doit être considérée pour sa totalité comme destinée à réparer le préjudice causé et, par suite, comme non imposable, dans une espèce où un préavis de huit mois avait été donné par ailleurs à l'intéressé (CE, arrêt du 14 octobre 1957, req. n° 32792, RO, p. 417).

21De même, les sommes allouées par une entreprise à certains de ses salariés qu'elle a licenciés doivent être regardées, pour la partie excédant le montant dû en application de la convention collective, non comme des salaires mais comme des dommages-intérêts lorsque, compte tenu soit de l'ancienneté et de l'âge des intéressés, soit de la modicité des primes allouées aux autres, elles ne revêtent aucun caractère exagéré eu égard au préjudice subi (CE, arrêt du 21 janvier 1973, req. n° 77755, RJ n° III, p. 21).

22L'exonération a aussi été accordée à un salarié qui, à la suite d'une mesure de licenciement collectif intervenue soudainement et sans accord amiable, a perçu de son employeur, en dehors de l'indemnité de préavis, une indemnité dite de « mise à la retraite » d'un montant de 57 011 F. Il a été jugé que l'intéressé ayant perdu, à l'âge de 61 ans, un emploi qu'il occupait depuis quarante-deux ans et dans lequel il donnait toute satisfaction a, eu égard au caractère brutal du licenciement et à la circonstance qu'il n'a pu retrouver, par la suite, un nouvel emploi, subi un préjudice matériel et moral important que cette indemnité a pour objet de réparer. Dans ces conditions, ladite indemnité doit être regardée comme ayant le caractère de dommages-intérêts et n'est, par suite, pas imposable à l'impôt sur le revenu (CE, arrêt du 20 mars 1974, req. n° 92010, RJ n° III, p. 86).

23La non-imposition a également été reconnue à la somme perçue par un ancien salarié en sus de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective, et en contre-partie de l'abandon d'une action judiciaire contre son employeur, qui présente le caractère de dommages-intérêts non imposables, dès lors que l'intéressé, qui avait assumé, pendant plusieurs années, des responsabilités importantes au sein de la société n'a retrouvé, après son licenciement à l'âge de 55 ans, qu'un emploi de direction dans une entreprise de taille moyenne et s'est trouvé dans l'obligation de déménager dans des conditions familiales difficiles (CE, arrêt du 9 novembre 1988, req. n° 63349).

24Il a été jugé que la perte des droits à pension particulière constituée en faveur du salarié dans le cadre de l'entreprise, ainsi que la perte du droit de son épouse à percevoir une pension importante de la part de cette entreprise en cas de décès de son mari à l'occasion de l'exercice de ses fonctions au sein de cette dernière, constituent des dommages distincts de celui résultant de la perte de salaires (CE, arrêt du 6 novembre 1991, n° 106 386).