SOUS-SECTION 1 LIVRAISONS DE BIENS
VI. Rétrocessions aux agriculteurs de produits transformés (CGI, art. 267 bis )
54(Cf. division I « Agriculture », DB 3 I 1324.)
E. IMPOSITION DES OPÉRATIONS NON SOUMISES À L'IMPÔT PAR LE REDEVABLE
(Principes issus de la jurisprudence du Conseil d'État du 14 décembre 1979 « Comité de propagande de la banane »)
55 Remarque : les commentaires qui suivent ont été modifiés sur certains points à la suite d'une jurisprudence du Conseil d'État (CE, 28 juillet 1993, n° 62865 « SA Mitsukoshi France »), commentée aux n°s 64 et suiv. ci-après.
I. Opérations non déclarées
56Il convient d'opérer une distinction selon que le montant du rappel est déterminé à partir d'une identification des opérations en question ou d'une reconstitution globale du chiffre d'affaires non déclaré.
1. Identification des opérations non déclarées.
Deux cas peuvent se présenter :
a. La facture mentionne la TVA.
57Les dispositions de l'article 267-I du CGI s'opposent à ce que le montant de la taxe facturée distinctement soit ajouté au prix hors taxe mentionné sur la facture pour calculer la base d'imposition. Un ajustement de cette base d'imposition ne pourrait être, éventuellement, opéré que dans l'hypothèse où il serait prouvé que la recette réalisée par le redevable est supérieure au prix facture.
Par ailleurs, dans l'hypothèse où l'assujetti a comptabilisé, comme recette définitive d'une opération facturée TVA comprise, le montant hors taxe de cette affaire, le montant de la taxe correspondante étant enregistré dans un compte d'attente ( " TVA à payer " par exemple) qu'il s'abstient de solder, la base d'imposition est constituée par le montant hors taxe comptabilisé en recette définitive.
b. La facture ne comporte pas mention de la TVA.
58Dans une décision du 14 décembre 1979 (requête n° 11798, Comité de propagande de la banane), le Conseil d'État a considéré que la TVA dont est redevable un vendeur ou un prestataire de services est un élément qui grève le prix convenu avec le client et non un accessoire de ce prix et que par ailleurs l'assiette de la TVA est égale au prix convenu entre les parties diminué notamment de la taxe exigible sur cette opération.
Il a jugé que cette règle d'assiette demeure applicable même lorsque le fournisseur n'a pas facturé de manière distincte la taxe dont il sera redevable à raison de l'opération, et le fait qu'il n'en ait pas spontanément acquitté le montant au Trésor ne modifie pas les règles de calcul de ces droits.
Par suite, lorsqu'un assujetti réalise une affaire moyennant un prix convenu qui ne mentionne aucune TVA dans des conditions qui ne font pas apparaître que les parties seraient convenues d'ajouter, au prix stipulé, un supplément de prix égal à la TVA applicable à l'opération, la taxe due au titre de cette affaire doit être assise sur une somme égale à ce prix diminué notamment du montant de cette même taxe.
Il résulte de la décision de la Haute assemblée que le prix convenu au titre d'une opération est présumé toutes taxes comprises dès lors qu'aucune considération de fait ou de droit ne permet d'établir que les parties ont entendu traiter sur la base d'un prix hors taxe.
Pour déterminer la base de l'imposition, il y a donc lieu, en pratique, de rétablir le prix hors taxe en appliquant au prix convenu les coefficients de conversion de 0,947 ou de 0,836 selon qu'il s'agit d'opérations passibles respectivement du taux de 5,5 %, ou de 19,60 %,
Lorsque le client est lui-même redevable de la TVA, le fournisseur ou le prestataire doit, en application des dispositions de l'article 289-I du CGI, délivrer à son client une facture (ou une facture rectificative si l'opération avait déjà fait l'objet d'une facturation) portant régularisation de la TVA rappelée.
Dans ce cas, le client est alors autorisé à déduire, dans les conditions de droit commun, la taxe ainsi mentionnée sur la facture délivrée par son fournisseur jusqu'au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de la facturation ou de la facturation rectificative.
59 Cas particulier : Dans le cas où, après l'intervention du service, les parties conviendraient entre elles de majorer le prix initial de l'opération d'un complément de prix équivalent au montant de la taxe rappelée, ce complément de prix devrait être soumis à la taxe au même titre que la partie principale du prix.
Par exemple, un prestataire de services, estimant être exonéré de la TVA, facture 100 F (sans aucune indication au sujet de la taxe), pour une opération qui s'avère, par la suite, devoir être soumise à la taxe.
En application de la jurisprudence du Conseil d'État, le montant brut de la taxe rappelée au titre de cette opération sera de 100 F x 0,836 x 19,60 % = 16,39 F.
Le prestataire doit délivrer à son client une facture rectificative mentionnant un prix hors taxe de 83,61 F et 16,39 F de TVA, dont ce dernier peut opérer la déduction, dans les conditions précisées ci-dessus.
Si, en accord avec celui-ci, le prestataire réclame par la suite à son client un complément de rémunération d'un montant équivalent à celui de la taxe rappelée, il devra, bien entendu, soumettre également ce complément à la taxe au taux applicable à l'opération.
La facture complémentaire (ou rectificative) qui sera alors adressée au client fera apparaître un complément de prix hors taxe de 16,39 F, auxquels s'ajouteront 3,21 F de TVA (16,39 x 19,60 %) qui pourra également être déduite par le client dans les mêmes conditions que la taxe figurant sur la facture rectificative.
2. Reconstitution globale du chiffre d'affaires non déclaré.
60Le montant des opérations non déclarées peut être déterminé des deux manières suivantes :
- soit en comparant le montant total des recettes effectives (taxe comprise) tel que le vérificateur a pu le reconstituer, et le montant (taxe comprise) des recettes effectivement soumises à la TVA. Il va de soi que dans ce cas, la différence obtenue représente une recette taxe comprise ;
- soit en comparant la base d'imposition qui aurait due être déclarée et celle qui l'a été effectivement, Dans ce cas, la différence obtenue représente la base d'imposition (c'est-à-dire le montant hors TVA du redressement).
II. Opérations déclarées mais non soumises à l'impôt
61Il s'agit d'opérations dont le montant est bien inclus dans la déclaration de chiffre d'affaires mais sur une ligne correspondant à des opérations non imposables.
1. Opérations réputées conclues TVA comprise.
62Dans tous les cas où il n'est pas possible de déterminer, avec suffisamment de certitude, que le prix de l'opération a été calculé hors taxe.
2. Opérations réputées conclues hors taxe.
63Dans certains cas, un examen attentif des livres comptables, marchés, contrats, lettres de commande, factures et tous autres documents se rapportant à l'opération réalisée, permet de conclure que les deux parties au contrat se sont entendues pour traiter sur la base d'un prix hors taxe. Il en est ainsi, notamment lorsqu'il apparaît que le client a obtenu de son fournisseur, mal informé de ses obligations, qu'il lui décompte hors taxe le montant des biens livrés ou des services rendus en prétendant abusivement qu'il bénéficie d'une possibilité d'acquisition en franchise. Dans de tels cas, la recette réalisée devait être considérée comme n'incorporant pas l'incidence de la TVA et constituait, de ce fait, la base d'imposition.
F. ASSIETTE DE LA TVA POUR LES OPÉRATIONS NON SOUMISES À LA TVA ( OU SOUMISES À LA TVA À UN TAUX ERRONÉ INFÉRIEUR AU TAUX LÉGAL) LORS DE LEUR RÉALISATION
(Principes issus de la jurisprudence du Conseil d'État du 28 juillet 1993 (« Mitsukoshi France »)
64Conformément à la jurisprudence du Conseil d'État, (cf. n°s 55 et suiv. ci-dessus), la base d'imposition à la TVA était constituée du prix convenu entre les parties diminué du montant de la taxe exigible (CE, 14 décembre 1979, n° 11798 « Comité de propagande de la banane »).
65Le commentaire de cette jurisprudence précisait que :
- le prix devait être réputé TTC s'il n'était pas possible de démontrer avec précision que le prix de l'opération avait été déterminé hors taxe ;
- le prix devait être réputé HT s'il apparaissait que les deux parties au contrat s'étaient entendues pour traiter sur la base d'un prix hors taxe.
66Le Conseil d'État a infirmé cette distinction en jugeant, dans le cas de ventes à des non-résidents, que même lorsque le prix est convenu hors taxe, la TVA due par le vendeur, en cas de non-retour des bordereaux, est assise sur le prix convenu diminué de la taxe (CE, 28 juillet 1993, n° 62865 « SA Mitsukoshi France »).
Cette décision appelle les précisions suivantes.
I. Les principes dégagés par la jurisprudence
67La base d'imposition à la TVA est déterminée à partir du prix convenu entre les parties. Le prix convenu entre les parties est le prix ferme et définitif.
Lorsque le redevable de la TVA est le vendeur du bien ou le prestataire de services, la base d'imposition est égale au prix convenu ferme et définitif diminué de la taxe exigible sur l'opération.
Lorsque le redevable de la TVA est l'acquéreur du bien ou le bénéficiaire du service, la base d'imposition est égale au prix convenu ferme et définitif.
68Le prix convenu ferme et définitif est le prix dont le vendeur ou le prestataire peut exiger le paiement de son client en application des règles de droit privé.
69Selon les règles de droit privé, lorsqu'un prix a été mentionné sans indication de la TVA, le redevable légal de la TVA ne peut pas exiger de l'autre partie qu'elle supporte la charge de la TVA.
70Il n'en va différemment que si les parties, par une stipulation expresse, ont convenu de faire supporter la charge de la TVA à la partie qui n'en est pas le redevable légal (bien entendu, cette stipulation est sans influence pour la détermination du redevable au sens de la loi fiscale).
À cet égard, l'indication dans le contrat (et a fortiori simplement sur la facture) que le prix est « hors taxe » ne constitue pas une telle stipulation.
II. La mise en oeuvre de ces principes en cas d'opérations imposables non soumises à la TVA lors de leur réalisation
71Lorsque des opérations imposables n'ont pas, à tort, été soumises à la TVA, cette situation peut être rectifiée soit par le service des impôts, soit par le redevable lui-même. Dans ces deux cas, les règles suivantes sont applicables.
1. Le redevable de la TVA est le vendeur ou le prestataire.
72Les règles exposées ci-dessous ne concernent que le cas où le prix est stipulé sans mentionner la TVA. Lorsque la TVA est réclamée au client, la base d'imposition est toujours constituée du prix déterminé hors TVA tel qu'il résulte de la volonté des parties (CGI, art. 267-I-1° ).
a. Principe.
73Lorsque le redevable d'une opération imposable qui n'a pas été soumise à la TVA est le vendeur ou le prestataire, le prix convenu, sans indication de TVA, doit toujours être considéré comme TTC même si le prix est expressément mentionné hors taxe (ex. : ventes en franchise, ventes à l'exportation, etc.). Il n'en va différemment que dans le seul cas mentionné aux n°s 76 à 78 (sous la réserve mentionnée au n° 79 ).
Dans cette situation :
74Le vendeur ou le prestataire ne peut pas, au regard du droit privé, exiger de son client le paiement d'une somme égale au montant de la TVA qu'il doit acquitter au Trésor.
Le vendeur ou le prestataire doit délivrer à son client une facture rectificative qui annule et remplace la précédente mentionnant la TVA dans les conditions prévues à l'article 289 du CGI 1 . Le client est autorisé à déduire, dans les conditions habituelles, la taxe ainsi mentionnée sur la facture délivrée par son fournisseur jusqu'au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de la facturation rectificative.
75Si le client accepte de payer un supplément de prix égal au montant de TVA, ce supplément, considéré comme TTC, est lui-même imposable à la TVA (pour le calcul, cf. exemple mentionné au n° 80 ) et doit donner lieu à la délivrance d'une facture dans les conditions prévues à l'article 289 du CGI 2 .
b. Exception.
76Lorsque les parties ont expressément convenu d'ajouter au prix mentionné, en cas d'assujettissement à la TVA de l'opération, un supplément de prix égal au montant de la TVA, la base d'imposition est égale au montant total du prix mentionné : ce prix est donc considéré comme hors taxe.
En effet, dans ce cas, le prix convenu ferme et définitif qui résulte du contrat est le prix stipulé majoré du supplément expressément prévu, et ceci même si la facture complémentaire n'a pas encore été délivrée.
Dans cette situation :
77Le vendeur ou le prestataire peut exiger de son client le paiement du supplément égal au montant de la TVA.
Le vendeur ou le prestataire délivre une facture rectificative pour le montant total de l'opération.
78 Exemple : Une entreprise a livré en exonération de TVA un bien avec une clause dans le contrat selon laquelle, en cas d'imposition à la TVA, le client acquittera un supplément de prix égal à la TVA.
L'assujettissement à la TVA de cette opération entraîne les conséquences suivantes :
Une facture rectificative doit être établie sur cette base conformément aux stipulations contractuelles 2 .
79Toutefois, lorsque l'exigibilité de la TVA n'est pas intervenue en ce qui concerne le supplément de prix lors de la constatation du caractère imposable de l'opération, il n'est pas possible de considérer à ce moment que la TVA est immédiatement exigible sur la totalité du prix convenu ( prix stipulé majoré du supplément).
Ainsi, les sommes perçues en contrepartie de prestations de services dont l'exigibilité intervient lors de l'encaissement en application de l'article 269-2-c du CGI doivent toujours être considérées comme TTC. Il n'est en effet pas possible dans cette situation de calculer la TVA lors de la constatation du caractère imposable de l'opération en tenant compte de sommes non perçues.
Il en est de même lorsque l'exigibilité de la TVA intervient lors du débit si le supplément du prix n'a pas été inscrit en compte client.
80Lorsque la TVA devient exigible sur le supplément de prix, celui-ci, considéré comme TTC, doit également être soumis à la TVA.
Exemple : une prestation de services a initialement été facturée 100 F « HT ». Cette opération n'a pas été soumise à la TVA par le prestataire. Le contrat prévoit qu'en cas d'imposition à la TVA, le client acquittera un supplément de prix égal à la TVA.
Lors de la constatation du caractère imposable de l'opération par le service des impôts, le redressement doit être déterminé comme suit :
Par ailleurs, lors de l'encaissement du supplément de prix prévu au contrat, celui-ci doit être soumis à la TVA dans les conditions suivantes :
81Pour l'imposition des bénéfices de l'assujetti (CGI, art. 38-2), le supplément de prix expressément stipulé est considéré comme une créance acquise au titre de l'exercice au cours duquel le caractère non imposable de l'opération concernée aura été remis en cause soit par les parties elles-mêmes, soit par l'adrhinistration.
Dans cette dernière hypothèse, en cas de contestation des rappels de taxe devant le tribunal, le supplément de prix est rattaché aux résultats de l'exercice au cours duquel le juge de l'impôt statue.
1 Si le vendeur ou le prestataire est soumis à une obligation de facturation en application de cet article.
2 Si le vendeur ou le propriétaire est soumis à une obligation de facturation en application de cet article.