Date de début de publication du BOI : 30/10/1996
Identifiant juridique : 4H2211
Références du document :  4H221
4H2211
Annotations :  Lié au BOI 4H-6-12
Lié au BOI 13D-2-02

SECTION 1 REPORT DÉFICITAIRE SUR LES EXERCICES SUIVANTS (REPORT EN AVANT)

SECTION 1  

Report déficitaire sur les exercices suivants

(report en avant)

La présente section est divisée en trois sous-sections concernant respectivement :

- les conditions d'admission du report déficitaire ;

- les modalités de report des déficits ;

- les déficits reportables des entreprises ou établissements en difficulté.

SOUS-SECTION 1  

Conditions d'admission du report déficitaire

1Les conditions d'admission du report déficitaire portent à la fois sur la situation de l'entreprise qui entend déduire le déficit et sur le déficit lui-même. En effet, d'une part, le déficit n'est susceptible d'être déduit qu'au sein de la même entreprise, d'autre part, pour être reportable, il doit correspondre à des charges elles-mêmes déductibles. Il appartient ainsi au contribuable d'en justifier non seulement la réalité mais encore la nature et le montant.

  A. UNITÉ DE L'ENTREPRISE

2Sous réserve des cas spéciaux prévus au II de l'article 209 -fusions de sociétés et opérations assimilées (cf. ci-dessous n°s 22 et suiv. )- le report déficitaire doit être effectué uniquement sur les bénéfices de l'entreprise qui a subi le déficit. Il résulte de la jurisprudence du Conseil d'État que l'unité d'entreprise à laquelle est nécessairement subordonné le report déficitaire suppose l'identité de nature de l'industrie ou du commerce exercé ainsi que l'identité de l'exploitant (cf., notamment, CE, arrêts des 15 mars 1937, req. n° 55159, RO, p. 167 ; 15 mai 1939, req. n° 62442, RO, p. 285 ; 19 juin 1956, req. n° 32884, RO, p. 117 ; 3 février 1971, req. n° 74352, RJ, n° II, p. 20 ; 26 novembre 1971, req. n° 79981, RJ, n° II, p. 196 ; 29 novembre 1972, req. n° 81954, RJ, n° II, p. 151 ; 28 mars 1973, req. n° 77456, RJ, n° II, p. 46 ; 4 juin 1975, req. n° 92483, RJ, n° II, p. 70).

  I. Identité d'activité

3Lorsqu'une société change d'activité ou d'objet social, elle ne peut, en principe, reporter sur les bénéfices réalisés dans sa nouvelle exploitation les déficits subis dans son ancienne entreprise.

Il est en effet rappelé que le changement total d'activité réelle d'une société ou la modification de son objet social emporte, en principe, cessation d'entreprise [sur cette notion, il convient de se reporter à la division A de la présente série ; cf. 4 A 6].

Cependant, une cession partielle d'activité ne prive pas l'entreprise du droit de reporter ses déficits constatés antérieurement à la cession, dans les conditions prévues à l'article 209-I du CGI, sous réserve du cas particulier des amortissements réputés différés en période déficitaire et restant à reporter à cette même date (cf. ci-après H 2212, n°s 11 et suiv. ).

4Les déficits éventuellement subis jusqu'à la date du changement ne peuvent pas être reportés sur les bénéfices réalisés ultérieurement dans le cadre de l'activité nouvelle.

Sur ce point, le Conseil d'État a d'ailleurs jugé qu'une société qui, après avoir déclaré mettre fin à son activité a, ultérieurement, changé de dénomination et modifié son objet en vue d'y comprendre une activité de nature différente, ne saurait prétendre reporter sur les bénéfices provenant de son exploitation nouvelle les déficits afférents à son ancienne activité, quand bien même le changement d'objet social n'aurait été accompagné d'aucune modification affectant la forme juridique de la société, le montant et la répartition du capital entre les associés (CE, arrêt du 26 novembre 1971, req. n° 79981, RJ, n° II, p. 196).

5Le Conseil d'État a également estimé que la condition d'identité d'entreprise n'est pas remplie lorsqu'une société a subi des transformations telles, dans sa composition et son activité, que tout en ayant conservé sa personnalité juridique, elle n'est plus, en réalité, la même. Jugé ainsi dans le cas d'une société qui, après avoir vendu l'une de ses deux usines et donné l'autre en location, abandonnant tout mode d'exploitation directe et renoncant dès lors à l'essentiel de son activité, a absorbé une autre société dans des conditions telles que son capital propre ne représentait plus que 5/10 000 du capital de la société résultant de la fusion. En conséquence, cette dernière société dont la personne et l'objet n'étaient plus les mêmes n'a pu être admise à déduire de ses résultats les déficits subis antérieurement par la société initiale (CE, arrêt du 29 novembre 1972, req. n° 81-954, RJ, n° II, p. 151).

6La Haute assemblée a de même jugé qu'une société à responsabilité limitée qui, après avoir cessé toute activité industrielle, s'est bornée à donner ses installations en location, puis s'est transformée en société anonyme sous une autre dénomination sociale et avec un conseil d'administration où ne siégeait aucun des anciens porteurs de parts, son capital ayant d'autre part entièrement changé de mains, ne peut bénéficier des dispositions de l'article 209-I du code général des impôts à défaut d'identité d'entreprise entre la société à responsabilité et la société anonyme. Par suite, cette dernière n'est pas autorisée à déduire de ses propres résultats le déficit provenant de l'exploitation de la société à responsabilité limitée (CE, arrêt du 28 mars 1973, req. n° 77456, RJ, n° II, p. 46).

7Le Conseil d'État a, en outre, jugé qu'une société qui, après avoir cessé son activité de fabrication, s'est livrée exclusivement à la vente des produits d'un groupe de fabricants, lequel a pris d'abord une participation de 23 % du capital de la société, puis a acquis la quasi-totalité des parts de celle-ci et lui a donné une nouvelle dénomination, ne peut plus être regardée comme exploitant en réalité la même entreprise, alors même qu'elle aurait conservé, en principe, sa personnalité juridique. Elle n'est pas dès lors admise à déduire de ses bénéfices les déficits réalisés par la société initiale antérieurement aux transformations intervenues (CE, arrêt du 4 juin 1975, req. n° 92483, RJ, n° II, p. 70).

8De même, ne peut être regardée comme ayant conservé son identité et par suite n'est pas en droit d'imputer sur les bénéfices procurés par l'activité nouvelle les déficits réalisés au cours de la période précédente, une société qui a cessé complètement son activité de fabrication de parquets, cédé son capital à concurrence de 70 % à de nouveaux actionnaires, modifié son objet social pour l'étendre à la fabrication, au négoce et à la pose de tous matériaux et qui, sans se livrer à aucune activité industrielle de la nature de celle qu'autorise son nouvel objet social, s'est bornée à des opérations de négoce de carrelage d'importation et à la location de locaux devenus disponibles (CE, arrêt du 17 mai 1982, n° 21759) [rapp. également CE, arrêt du 7 janvier 1985, n°s 34936 et 349371].

9En revanche, une société industrielle qui, ayant subi des pertes d'exploitation, décide de poursuivre son exploitation dans le cadre d'une mise en gérance libre portant à la fois sur les éléments incorporels de son fonds de commerce et sur l'ensemble de ses moyens de production, est admise, en principe, à bénéficier du report déficitaire, sous réserve, toutefois, que le contrat de gérance libre ne soit pas conclu, alors que les parties étaient d'accord pour la vente du fonds, à seule fin de permettre au bailleur de reporter fiscalement ses pertes antérieures avant la réalisation effective de la cession du fonds mis en gérance.

10Dans cette hypothèse, l'administration pourrait en effet s'opposer à ce report en invoquant les dispositions de l'article L. 64 du LPF aux termes duquel « ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses... qui déguisent soit une réalisation soit un transfert de bénéfices ou de revenus » (sur la procédure de répression des abus du droit, cf. 13 L 153 et 13 M 5).

11Il a de même été jugé qu'une entreprise qui :

- a suspendu durant une période de trente mois la majeure partie de son activité industrielle et, tout en poursuivant ses activités commerciales, a réalisé, durant cette période, une opération immobilière de constuction-vente ;

-a connu deux changements successifs de majorité dans la composition de son collège d'associés, ne laissant plus, lors du premier changement, qu'un quart du capital social aux associés initiaux ; ne doit pas, pour autant, être regardée comme ayant subi des transformations dans son activité et dans sa composition de nature à la priver du droit au report déficitaire (CE, arrêt du 7 mai 1980, req. 16700).

Cette décision a été motivée de la façon suivante :

« Considérant qu'en raison de difficultés d'exploitation et du décès survenu le 24 décembre 1969, de son président-directeur général, la société anonyme, dont les activités étaient, conformément à l'objet social, « la fabrication de matériaux de construction, la vente de ces produits fabriqués par elle ou achetés à des tiers et la représentation de produits céramiques », a décidé d'interrompre temporairement, à compter du 31 décembre 1969, les opérations de fabrication de ses produits et de leur vente afin de réorganiser l'entreprise ; qu'elle a réalisé en 1970, avec les disponibilités dégagées par la vente de certains éléments d'actif, une opération immobilière.

« Considérant... que la mise en oeuvre du droit au report déficitaire est subordonnée à la condition que la personne de l'exploitant et l'objet de l'entreprise soient restés les mêmes, et que ces conditions font défaut lorsqu'une société a subi des transformations telles, dans sa composition et son activité, que, tout en ayant conservé sa personnalité juridique, elle n'est plus, en réalité, la même ;

« Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société, à la suite de la décision susmentionnée du 31 décembre 1969, a suspendu la plus grande partie de ses activités de fabrication et les a confiées à une société du même groupe puis, au cours de l'année 1970, a loué à la société, pour une période limitée expirant le 31 mai 1972, celles de ses installations industrielles qui étaient encore en état ; que, pendant cette période, elle a assuré l'exécution de ses engagements antérieurs envers ses clients et a poursuivi son activité de négoce de matériaux et de représentation de plusieurs entreprises de briqueterie ; que, si elle a réalisé de 1970 à 1972 une opération de construction et de vente de logements, et complété à cet effet ses statuts, il s'agit d'une opération unique destinée, comme il a été dit ci-dessus, à utiliser certaines disponibilités dégagées en 1970 ; qu'enfin elle a repris le 1er juin 1972, à l'expiration du bail consenti à la société, ses activités antérieures de fabrication de matériaux et de leur vente ; que, contrairement à ce que soutient à titre principal le ministre, il ne ressort pas de cet ensemble de circonstances que la société a subi dans ses activités, après le 1er janvier 1970, des transformations telles qu'elle doive être regardée comme n'étant plus, en réalité, la même ;

« Considérant, en deuxième lieu, que le capital de la société anonyme, détenu à l'origine dans sa quasi-totalité par la famille A, a été cédé en juin 1970, dans une proportion de 73 % à la famille B et qu'en mars 1973, 64 % du capital a été acquis par le groupe C ; que ces changements de majorité ne suffisent pas, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la famille A ait abandonné toute participation significative au capital social, à établir que la société ait subi dans sa composition, après le 1er janvier 1970, des transformations telles qu'elle doive être regardée, à cet égard également, comme n'étant plus la même. »

12La condition d'identité d'entreprise est également remplie dans le cas d'une société qui, après avoir entrepris la fabrication de machines à laver, y a renoncé un an plus tard, cédant une partie de l'actif correspondant à une société du même groupe et réduisant son activité à la gestion du personnel et à la location de ses usines. En effet, la société n'a pas cessé ainsi de prendre part à la fabrication d'une même catégorie de matériels selon des modalités différentes dont elle explique les variations par des préoccupations touchant à sa politique de propriété industrielle et aux problèmes de gestion des personnels. Dès lors, elle ne peut être regardée comme ayant subi dans son activité des transformations telles qu'elle ne serait plus en réalité la même. Elle ne peut être davantage regardée comme ayant subi des transformations substantielles dans sa composition, même si, lors de sa transformation en société anonyme, des changements de majorité sont intervenus car la société requérante n'a pas abandonné toute participation significative au capital social (CE, arrêt du 22 décembre 1982, n° 24813).

  II. Identité d'exploitant

13Le déficit subi par un contribuable ne peut, en principe, être reporté sur les bénéfices réalisés par un autre contribuable. C'est ainsi qu'en cas de cession d'entreprise, le cessionnaire n'est pas autorisé à retrancher de ses bénéfices le déficit du précédent exploitant. Il convient toutefois de mentionner les dispositions dérogatoires de l'article 209-II du CGI concernant les fusions de sociétés et opérations assimilées, ainsi que celles de l'article 209 A bis du même code relatives à la reprise d'entreprises ou d'établissements en difficulté par des sociétés créées entre le 1er janvier 1984 et le 31 décembre 1988.

1. Transformations de sociétés.

14On entend par « transformation » d'une société l'opération par laquelle celle-ci adopte une forme juridique différente de celle sous laquelle elle avait été constituée (cf. 4 H 62).

Les conséquences, au regard du report déficitaire, d'une transformation de société sont différentes selon que la société transformée reste ou non passible de l'impôt sur les sociétés.

15 a. Lorsqu'une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés se transforme en une société elle-même soumise à cet impôt, les déficits subis au cours des exercices antérieurs à sa transformation peuvent être reportés sur les exercices postérieurs à celle-ci à la condition toutefois que la transformation n'ait pas entraîné cessation d'entreprise.

16En dehors du cas général de cession proprement dite de l'exploitation, il y a cessation d'entreprise, notamment lorsque la transformation aboutit à la création d'une personne morale nouvelle (sur la notion de création d'une personne morale nouvelle, cf. 4 H 621).

17Mais il est rappelé que la cessation d'entreprise peut également résulter -indépendamment du point de savoir s'il y a eu création d'une personne morale nouvelle- de modifications substantielles intervenues dans la nature ou les conditions d'exercice de l'activité, que ces modifications soient d'ailleurs accompagnées ou non de changements affectant la forme juridique de la société ou le montant et la répartition du capital entre les associés (cf. ci-dessus n°s 2 et suiv. , et, notamment, les arrêts du Conseil d'État précités des 26 novembre 1971, req. n° 79981, et 28 mars 1973, req. n° 77456).

18 b. Lorsqu'une société de capitaux passible de l'impôt sur les sociétés se transforme en une société de personnes, les déficits antérieurs à la transformation ne sont pas admis en déduction des bénéfices de la société transformée.

En effet, aux termes de l'article 221-2, 2e alinéa, du CGI, la transformation d'une société par actions, en commandite par actions ou à responsabilité limitée en société de personnes est considérée comme une cessation d'entreprise, sous réserve des dispositions de l'article 221 bis du même code qui en atténuent les conséquences, sous certaines conditions, en ce qui concerne les bénéfices en sursis d'imposition et les plus-values latentes de l'actif (cf. 4 H 6222, n°s 10 et suiv.). Mais, dès lors qu'ils ne sont pas visés par les mesures dérogatoires au droit commun de l'article 221 bis, les déficits antérieurs de la société transformée ne peuvent être reportés sur les bénéfices réalisés dans le cadre de la société issue de la transformation.

Ainsi, les déficits ordinaires et les amortissements réputés différés des sociétés visées à l'article 221-2, 2éme alinéa, du CGI qui subsistent à la clôture de l'exercice précédant celui de la cessation et qui ne pourraient être imputés sur les résultats de ce dernier exercice ou de l'arrêté des comptes intervenu à la date de cette cessation selon les modalités prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article 209-I, tombent donc en non valeur.

Remarque. - Dans le cas inverse de transformation en société de capitaux d'une société de personnes n'ayant pas opté pour le régime de l'impôt sur les sociétés, il va de soit qu'aucun report déficitaire ne peut être envisagé puisque le déficit des sociétés de personnes relevant de l'impôt sur le revenu doit être imputé sur le revenu global de chacun des associés conformément aux dispositions de l'article 156-I du CGI.

En effet, les déficits enregistrés par les sociétés mentionnées à l'article 202 ter du CGI qui sont affectés par un évènement qui est également mentionné à cet article ont dû être pris en compte par chaque membre de la société en proportion de ses droits au fur et à mesure des exercices au cours desquels ils ont été subis conformément aux dispositions des articles 8 à 8 ter du code déjà cité. Les déficits correspondant aux amortissements réputés différés constituent un élément du résultat fiscal de l'exercice au cours duquel est intervenu l'un des événements mentionnés à l'article 202 ter ; ils doivent être répartis globalement à la date de cessation, entre les membres de la société en proportion de leurs droits. Ces déficits ne peuvent en tout état de cause être reportés sur les bénéfices ultérieurement soumis à l'impôt sur les sociétés.

Cas particuliers.

19 1° Transformation d'une société de capitaux en groupement d'intérêt économique.

En assimilant la transformation d'une société de capitaux en groupement d'intérêt économique à une cessation d'entreprise pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés, l'article 221-2 ter du CGI fait obstacle au report des déficits de la société transformée.

Dans la situation inverse, lorsqu'un groupement d'intérêt économique se transforme en société anonyme, les déficits enregistrés pendant la période d'activité du groupement ne peuvent être reportés sur la société anonyme dès lors qu'ils ont dû être pris en compte par chaque membre du groupement en proportion de ses droits, au fur et à mesure des exercices au cours desquels ils ont été subis, conformément aux dispositions des articles 8 et 218 bis du CGI ; quant aux déficits correspondant aux amortissements pratiqués et réputés différés, ils constituent un élément du résultat fiscal de l'exercice de transformation dont le montant doit être réparti suivant les mêmes modalités.

20 2° Incidences de l'accession des sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés au régime de la transparence fiscale.

Conformément aux dispositions de l'article 221-2 bis du CGI, la modification des statuts tendant à assigner à une société quelconque un objet conforme aux prévisions de l'article 1655 ter du même code est assimilée, du point de vue fiscal, à une cessation d'entreprise, que cette modification s'accompagne ou non d'un changement de forme juridique (cf. série 8 FI, H 3111).

21Les déficits subis par une société passible de l'impôt sur les sociétés et non encore déduits lors de son accession à la transparence tombent donc en non-valeur et ne peuvent être admis en déduction des revenus ultérieurs des associés.