Date de début de publication du BOI : 01/03/1995
Identifiant juridique : 4H1413
Références du document :  4H1413

SOUS-SECTION 3 APPLICATION DES PRINCIPES

DEUXIÈME PARTIE

 Entreprises dont le siège est situé hors de France

31Les bénéfices réalisés par une entreprise ayant son siège hors de France sont imposables dans notre pays, notamment lorsqu'ils résultent d'opérations constituant l'exercice habituel en France d'une activité.

32Cette condition est réputée remplie lorsque l'entreprise dont le siège est situé hors de France :

- exploite en France un « établissement » ;

-y réalise des opérations par l'intermédiaire de représentants n'ayant pas de personnalité professionnelle indépendante ;

- ou encore lorsque les opérations effectuées en France y forment un cycle commercial complet.

33Sont également imposables en France :

1° Les produits visés à l'article 182 B du CGI, lorsque le débiteur exerce en France une activité ; 2° Les revenus de valeurs mobilières françaises et des autres capitaux mobiliers placés en France ;

3° Les revenus des immeubles situés en France ;

4° Les plus-values réalisées sur des biens immobiliers, sur des droits immobiliers ou sur des actions ou parts de sociétés à prépondérance immobilière en France (cf. art. 244 bis A du CGI et DB 8 M) ;

5° Les produits des cessions de droits sociaux mentionnées à l'article 160 du CGI (cf. art. 244 bis B du CGI et DB 5 B 621).

34Toutefois, dans les cas visés aux 1°, 2° et 5° ci-dessus, l'impôt exigible n'est pas l'impôt sur les sociétés mais une retenue ou un prélèvement à la source, lorsque la personne morale étrangère bénéficiaire n'a pas en France un établissement incorporant les revenus en cause.

  A. EXISTENCE D'UN « ÉTABLISSEMENT » EN FRANCE

35En ce qui concerne la notion « d'établissement », cf. H 1412, n°s 6 et suivants.

36Il est rappelé que l'existence d'un « établissement » se caractérise, notamment, par l'exercice d'une activité en France. Par suite, sont imposables en France les bénéfices provenant d'opérations effectuées par les entreprises étrangères dans les « établissements » qu'elles possèdent dans ce pays.

37Si tel n'est pas le cas, les bénéfices réalisés par l'entreprise dont le siège est situé hors de France échappent à l'impôt français pour autant que l'imposition en France ne puisse être motivée que par l'existence d'un établissement.

Ainsi, il a été jugé qu'une société monégasque qui, en exécution d'un marché de travaux maritimes, a construit une digue située pour sa majeure partie dans les eaux territoriales monégasques et pour le reste dans les eaux territoriales françaises, n'a pas retiré de l'opération des bénéfices imposables, même pour partie, en France, dès lors que, notamment, le chantier que la société a été conduite à installer en France pendant plusieurs années a été organisé et a fonctionné dans des conditions qui ne lui conféraient pas le caractère d'un établissement stable (CE, arrêt du 30 avril 1980, req. n° 05761, RJ 1980, vol. II, p. 46).

Cas particuliers des bureaux ou comptoirs d'achats.

38Les bureaux d'achats ou comptoirs d'achats sont des organismes chargés uniquement d'acquérir des matières premières, produits semi-ouvrés ou finis, marchandises, matériels, outillage ou tout autre approvisionnement. Leur seule activité se limite donc à l'achat de marchandises ou de produits qu'ils expédient directement, sans transformation, à l'entreprise dont ils font partie, hors du territoire national où, eux-mêmes sont situés, et sans qu'aucune vente directe soit effectuée par leurs soins dans ledit territoire.

39Dès l'instant où elles possèdent en France un bureau d'achat installé en vue de leurs opérations commerciales, les sociétés étrangères se trouvent, comme les autres entreprises ayant en France des installations commerciales, dans le cas d'être soumises à l'impôt français à raison des bénéfices que réaliserait ledit bureau s'il effectuait, pour le compte de tiers, les opérations que lui confie sa société.

Le Conseil d'État a estimé, à cet égard, dans un arrêt en date du 14 février 1930 (req. n° 12546, RO 5419) et confirmé depuis lors à de nombreuses reprises, que l'exploitation en France par une société étrangère d'un comptoir où, sous la direction d'un préposé spécial, il était procédé pour le compte de cette société à l'achat de marchandises en vue de la revente constituait, par elle-même, une entreprise commerciale ; que si la revente des marchandises ainsi acquises sur le territoire français n'avait lieu qu'à l'étranger, le bénéfice en résultant était dû, pour partie, aux conditions d'achat ; que dès lors, dans la mesure où il provenait des opérations effectuées par ledit comptoir, le gain de la société étrangère devait être regardé, bien que l'encaissement des fonds n'eût lieu qu'à l'étranger, comme réalisé et imposable en France.

40Bien entendu, il est nécessaire, pour que l'impôt soit applicable, que l'entreprise étrangère ait en France un véritable « établissement » chargé de ses achats et non pas un simple organe de transmission des ordres d'achats et des livraisons consécutives à ces achats. Il s'ensuit que le bureau d'achat doit posséder les caractères d'un véritable « établissement » autonome et distinct.

Tel est notamment le cas d'un bureau en France d'une société étrangère dont l'autonomie se traduit par l'emploi d'un personnel et l'utilisation de locaux particuliers et qui est chargé de commander et de contrôler des matériels à fournir par des entreprises françaises en vue de leur installation dans une usine construite pour le compte de cette société dans son pays d'origine.

De même, il a été jugé qu'en l'absence d'une convention internationale applicable, une société étrangère ayant un bureau à Paris qui procède à l'achat en France de marchandises, dont il négocie le prix réglé sur des disponibilités procurées par le siège social, puis les livre dans le pays où est situé le siège, doit être regardée comme exerçant habituellement une activité commerciale en France passible de l'impôt sur les sociétés, dès lors que l'activité de ce bureau d'achat excède celle d'un simple bureau transmetteur d'ordres et se caractérise par l'existence d'un centre de décision pour le traitement des affaires commerciales de la société (CE, arrêt du 22 décembre 1982, req. n° 26338).

Cas particulier des entreprises étrangères exploitant exclusivement des établissements situés en France et n'ayant à l'étranger que leur siège social.

41Les entreprises étrangères qui exploitent exclusivement des établissements situés en France et ne possèdent à l'étranger que leur siège social sont passibles de l'impôt en France à raison de l'ensemble de leurs opérations.

Il convient à cet égard de rattacher aux résultats du ou des établissements français d'une entreprise étrangère dont toute l'activité commerciale se déroule en France, les produits du portefeuille géré au lieu du siège social, dès lors que ce portefeuille peut être regardé comme faisant partie de l'actif de l'entreprise exploitée en France (CE, arrêt du 1er février 1937, req. n° 46710, RO, p. 63). Cette même règle de rattachement est applicable aux revenus des opérations diverses évoquées ci-avant n°s 25 , 26 et 28 .

  B. OPÉRATIONS RÉALISÉES EN FRANCE PAR L'INTERMÉDIAIRE DE REPRÉSENTANTS

42Une entreprise dont le siège est situé hors de France qui, sans posséder d'« établissement », réalise des opérations dans ce pays par l'intermédiaire de représentants n'ayant pas de personnalité indépendante est réputée exercer directement et personnellement une activité habituelle en France. Elle est dès lors passible de l'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant de cette activité.

C'est ainsi que doit être imposée l'entreprise étrangère dont le représentant est installé dans des locaux situés sur le territoire français, portant l'enseigne de l'entreprise et où il dispose d'un stock de marchandises pour satisfaire aux commandes reçues par lui, dès lors qu'il est muni d'une procuration lui donnant le pouvoir de traiter directement avec la clientèle.

Il en est de même d'une société étrangère qui fait fabriquer et livre en France les commandes reçues par elle à l'étranger, à la suite d'une publicité faite en France où elle a un représentant auquel elle transmet journellement les commandes reçues par elle et qui surveille la fabrication, fait des envois et enregistre les recouvrements.

D'une manière générale, d'ailleurs, les opérations effectuées par les soins du représentant permanent en France d'une société étrangère doivent être regardées comme des opérations réalisées et imposables en France, sans qu'il y ait lieu de rechercher :

- si cette représentation permanente peut être assimilée à un « établissement » ;

- ou si ladite société a effectué en France des opérations formant un « cycle commercial complet » (CE, arrêt du 17 juin 1966, req. n° 66590).

43En revanche, des entreprises étrangères qui effectuent en France des opérations par l'entremise de représentants ayant une personnalité distincte de la leur (commissionnaires, courtiers ou tous intermédiaires à statut indépendant) échappent à l'impôt en France dès lors qu'elles ne peuvent être réputées exercer personnellement une activité dans ce pays.

Bien entendu, lesdits représentants sont dans ce cas personnellement imposables en France à raison des profits réalisés dans le cadre de leur activité professionnelle.

  C. LA NOTION DE « CYCLE COMMERCIAL COMPLET »

  I. Opérations formant en France un cycle commercial complet

44Alors même qu'elle ne posséderait en France ni « établissement » ni représentant qualifié, une entreprise dont le siège est situé à l'étranger doit être regardée comme exerçant habituellement une activité en France lorsque les opérations qu'elle y effectue forment un « cycle commercial complet ».

45Il est rappelé que l'exemple type d'un cycle complet d'opérations est celui de l'achat suivi de la revente des marchandises. Ces opérations répétées forment un tout qui caractérise l'exercice habituel en France d'une activité imposable.

Ainsi, une entreprise étrangère qui revend en France les marchandises qu'elle y a achetées directement (ou par l'intermédiaire de représentants n'ayant pas de personnalité distincte de la sienne) est passible de l'impôt en France, même si elle n'y possède pas d'établissement (cf. CE, arrêt du 22 mai 1963, req. n° 46870, RO p. 340).

46D'autres opérations peuvent également constituer un cycle commercial complet réalisé sur le territoire français, telles les opérations d'extraction, de transformation, de lotissements, des prestations de services, ou des opérations financières.

Ainsi une société étrangère qui se livre en France, moyennant une commission sur le montant des ventes réalisées, à des opérations de représentation pour le compte d'une entreprise industrielle française doit être assujettie à l'impôt sur les sociétés à raison des profits retirés par elle de cette activité encore qu'elle ne possède aucun établissement ni magasin en France et que la facturation ne soit pas établie par ses soins (CE, arrêt du 26 septembre 1960, req. n° 45001, RO, p. 149).

Dans le même ordre d'idées, il a été jugé qu'une compagnie. d'assurances étrangère qui, sans avoir d'établissement en France, se livre habituellement dans ce pays à des opérations de réassurances, et qui a d'ailleurs un représentant accrédité auprès du ministre du Travail, doit être considérée comme exerçant habituellement en France une activité commerciale en raison de laquelle elle doit être soumise à l'impôt français (CE, arrêt du 15 juin 1942, req. n° 72013, RO, p. 148).

Jugé de même qu'exerce en France une activité commerciale une entreprise étrangère qui recueille des ordres d'annonces publicitaires émanant de clients français et destinés à être diffusés en France par radio à destination des auditeurs français (CE, arrêt du 13 juillet 1968, req. n° 66503).

Il en va de même des opérations financières (prêts, cautionnements, etc.) effectuées en France par une société étrangère. Est ainsi imposable en France une société étrangère qui n'y possède pas d'établissement mais qui y exerce une activité consistant :

- à financer des entreprises travaillant pour des collectivités, soit en faisant racheter par une caisse de capitalisation les annuités données par ces collectivités aux entreprises en paiement de travaux ou de fournitures, soit en faisant accorder des prêts à ces mêmes collectivités ;

- à racheter aux commerçants ou industriels certains titres émis par l'État en vue de les affecter à la souscription d'emprunts communaux ;

- à faire racheter et placer des titres de dommages de guerre (CE, arrêt du 11 juillet 1960, req. n° 37007, RO, p. 126).

Le Conseil d'État a également jugé qu'une société qui, ayant son siège à l'étranger et se livrant habituellement, par l'intermédiaire de personnes physiques ou morales établies en France et rémunérées par elle à cet effet, à des opérations de prêts sur gages en vue de l'achat à crédit, par des personnes résidant sur le territoire français, de véhicules automobiles immatriculés en France doit être regardée comme exerçant en France une activité commerciale imposable (CE, arrêt du 19 mai 1965, req. n° 58784, RO, p. 352).

47Il convient cependant d'observer que la jurisprudence du Conseil d'État retient une notion assez large du « cycle complet d'opérations » réalisé en France par une entreprise dont le siège est situé à l'étranger.

48Notamment, le fait que certaines opérations intermédiaires dans un cycle d'achat-revente se soient déroulées à l'étranger (par exemple, la facturation, l'assurance des marchandises, le conditionnement, etc.) ou que le centre de décision soit lui-même situé à l'étranger, reste sans influence sur le caractère « complet » du cycle commercial réalisé sur le territoire français.

Il a été ainsi jugé qu'une société monégasque qui fait fabriquer des spécialités pharmaceutiques en France par une tierce entreprise et les vend sur le territoire français par l'intermédiaire d'un représentant doit -encore que le conditionnement donnant aux produits leur présentation connue de la clientèle soit effectué à Monaco- être regardée comme accomplissant en France un cycle complet d'opérations d'achat et de fabrication, d'une part, et de vente, d'autre part. Elle doit, dès lors, et en l'absence d'une disposition spéciale aux produits pharmaceutiques dérogeant aux règles de droit commun, être assujettie à l'impôt sur les sociétés à raison des profits retirés de cette activité (CE, arrêt du 13 novembre 1964, req. n°s 50944 et 60449, RO, p. 185).

De même, doit être regardée comme exploitant en France une entreprise dont les profits sont passibles de l'impôt sur les sociétés une société étrangère qui ne possède pas d'établissement en France mais qui se livre habituellement à des opérations de fourniture de tabacs et cigarettes à la Régie française (CE, arrêt du 29 novembre 1946, req. n° 71468, RO, p. 95).

49En revanche, des opérations d'achats effectuées en France par une entreprise étrangère ne suffisent pas à caractériser l'exercice habituel dans ce pays d'une activité commerciale, dès lors que cette entreprise ne procède à aucune autre opération et qu'elle ne possède pas sur le territoire français un bureau ou un comptoir d'achats.

50La Haute Assemblée a également pris en considération, pour l'application de l'impôt en France, des opérations effectuées à titre habituel qui ne constituent pas à proprement parler un cycle complet en France.

Dans cette optique, des opérations de ventes en gros, résultant de contrats conclus sur le territoire métropolitain et réalisées sur ce même territoire, caractérisent à elles seules l'exercice habituel en France d'une activité commerciale imposable, bien que les marchandises vendues en France aient été achetées à l'étranger (CE, arrêt du 5 décembre 1962, req. n° 49586, RO, p. 215).

Le Conseil d'État a également estimé qu'une société étrangère doit être regardée comme ayant exploité en France une entreprise dont les bénéfices sont passibles de l'impôt sur les sociétés dès lors qu'elle a passé -d'une manière habituelle- avec un client français des marchés de fournitures pour la conclusion desquels elle a élu domicile en France (CE, arrêt du 28 juillet 1941, req. n°s 65014 et 65015, RO, p. 230).

51Cas particuliers.

- Propriétaires de navires de commerce maritimes battant pavillons de pays dits de « libre immatriculation », avec lesquels la France n'a pas conclu de convention fiscale générale ou d'accord particulier :

Conformément aux dispositions de l'article 209-I du CGI, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France.

En vertu de ce principe et de la jurisprudence du Conseil d'État, les armateurs propriétaires de navires de commerce battant pavillon de ces pays sont, dès lors qu'ils n'ont pas d'installation professionnelle permanente en France, passibles de l'impôt sur les sociétés à raison des profits tirés des ordres recueillis auprès des chargeurs français, dans la mesure où ces armements peuvent être considérés comme accomplissant en France un cycle complet d'opérations commerciales, c'est-à-dire, en particulier, lorsque le transport est effectué entre deux points du territoire national (métropole et départements d'outre-mer) [RM à M. Darinot, JO AN du 7 décembre 1978, p. 9026].

- Artistes et sportifs :

Lorsque les artistes ou sportifs qui ont leur domicile fiscal hors de France organisent eux-mêmes des manifestations artistiques ou sportives en France, il faut considérer qu'ils exploitent en France une entreprise au sens de l'article 209-I du CGI (existence d'un cycle commercial complet). Ils doivent déclarer en France les bénéfices correspondants qui sont imposables par voie de rôle.

La situation serait identique dans les cas où un artiste fiscalement domicilié hors de France se livrerait personnellement en France à l'exploitation commerciale d'une oeuvre enregistrée hors de France (cf. 5 B 7244).