Date de début de publication du BOI : 01/03/1995
Identifiant juridique : 4H1412
Références du document :  4H1412
Annotations :  Lié au BOI 13G-1-99

SOUS-SECTION 2 NOTION D'EXPLOITATION

SOUS-SECTION 2  

Notion d'exploitation

PREMIÈRE PARTIE Généralités

1Il résulte des dispositions de l'article 209-I du CGI relatives aux règles de la territorialité que le lieu d'exploitation des entreprises détermine en principe -sous réserve des dérogations résultant notamment de l'application des conventions internationales- l'imposition des bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés.

Ainsi, les bénéfices réalisés dans des entreprises exploitées à l'étranger par des sociétés ayant leur siège en France se trouvent soustraits à l'application de l'impôt français, même si la comptabilité de ces exploitations est centralisée en France.

En revanche, les entreprises dont le siège est situé hors de France sont, quelle que soit leur nationalité, imposables dans notre pays à raison des profits tirés de leurs exploitations en France.

2La loi ne prévoyant que le principe général de territorialité de l'impôt sur les sociétés, le Conseil d'État a été amené à définir la notion d'« entreprise exploitée en France » ou à l'étranger.

3Conformément à la jurisprudence de la Haute Assemblée et aux précisions apportées également par la doctrine administrative, la notion d'exploitation, au sens de l'article 209-I du CGI, s'entend de l'exercice habituel d'une activité qui peut :

- soit s'effectuer dans le cadre d'un établissement autonome ;

- soit être réalisée, en l'absence d'un établissement, par l'intermédiaire de représentants sans personnalité professionnelle indépendante ;

- ou encore résulter de la réalisation d'opérations formant un cycle commercial complet. (RM à M. Jean Valleix, JO, AN du 22 septembre 1980, p. 4019).

4Il est rappelé que ces différents critères ne sont à retenir que dans l'hypothèse, bien entendu, où aucune convention internationale relative aux doubles impositions n'est applicable.

5Sous cette réserve, il y a lieu de considérer comme imposables en France les entreprises étrangères :

-qui, sans posséder en France d'établissement, y utilisent néanmoins le concours de représentants n'ayant pas de personnalité professionnelle distincte de la leur ; ces intermédiaires sont considérés comme de véritables préposés exerçant une activité dans notre pays pour le compte de l'entreprise étrangère ;

- ou qui, sans avoir en France d'établissement ou de représentant qualifié, y réalisent des opérations formant un cycle commercial complet.

Inversement, les entreprises françaises peuvent échapper à l'impôt sur les sociétés, non seulement à raison des profits tirés d'un établissement situé à l'étranger, mais aussi :

- lorsque les opérations qu'elles réalisent habituellement à l'étranger sont effectuées avec le concours d'intermédiaires n'ayant pas de personnalité professionnelle indépendante ;

- ou lorsque lesdites opérations forment un cycle commercial complet et se détachent des autres opérations de l'entreprise.

DEUXIÈME PARTIE

 Exercice habituel d'une activité

  A. NOTION D'ÉTABLISSEMENT

6La condition d'exercice habituel d'une activité est notamment remplie lorsque l'entreprise exploite un « établissement » qui se caractérise, en principe, par l'existence :

- d'un organisme professionnel ;

- dont l'installation présente un certain caractère de permanence ;

- et qui possède une autonomie propre.

7Il y a lieu de considérer comme tel toute unité de production ou d'échange formant un ensemble cohérent, apte à poursuivre certains buts économiques déterminés et siège d'opérations normalement génératrices de profits.

Cet organisme est généralement concrétisé par une installation matérielle possédant une certaine permanence.

8Enfin, l'établissement doit constituer une unité propre ayant une certaine autonomie au sein de l'entité juridique constituée par l'entreprise.

L'autonomie de l'établissement peut être caractérisée, notamment, par l'existence des éléments suivants ou de certains d'entre eux :

- d'un personnel distinct ou d'un préposé spécialement délégué ;

- de services commerciaux, financiers ou techniques propres ;

- d'une comptabilité séparée de celle du siège ;

- d'un centre de décision.

9D'une manière générale, sont considérés comme constituant des établissements :

- le siège de la direction d'une entreprise ;

- une usine ou un atelier de fabrication ;

- un bureau, un comptoir d'achat ou de vente (cf. toutefois, à ce sujet, H 1413, n°s 38 et suiv.) ;

- une succursale, un magasin, une agence ;

- une mine, carrière ou tout autre lieu d'extraction de ressources naturelles ;

- un chantier nécessitant des travaux importants, continus, de longue durée ainsi que la prise de décisions techniques par des responsables se trouvant sur ce chantier.

10En pratique, l'existence ou non d'un « établissement » devra être appréciée dans chaque cas particulier, selon les circonstances de fait.

11C'est ainsi que doit être regardée comme exploitant un établissement autonome hors de France une société française ayant dans un pays étranger un représentant, rémunéré à la commission, qui occupe un local loué à son nom mais portant l'enseigne de la société, qui a qualité pour traiter avec la clientèle et établir les factures au nom de la société et qui est assisté par un employé payé par la société. Celle-ci n'est dès lors pas imposable en France à raison des bénéfices réalisés par son établissement étranger (Rép. Bureau, JO, déb. cham., 17 février 1933, p. 814, n° 277).

12De même, en raison de la durée, de la continuité, de l'importance des travaux et de l'autonomie technique des opérations réalisées sur place, un chantier à l'étranger d'une entreprise française doit être considéré comme une entreprise exploitée hors de France (CE, arrêts des 29 mars 1978, req. n° 04883, RJ 1978, vol. II, p. 67 et 29 juin 1981, req. n° 16095, RJ 1981, vol. II, p. 91).

13La notion d'établissement telle qu'elle vient d'être définie rejoint dans une certaine mesure mais n'est pas exactement identique à celle d'« établissement stable », utilisée dans les conventions internationales (cf. Section 2 du présent chapitre).

  B. OPÉRATIONS EFFECTUÉES PAR L'INTERMÉDIAIRE DE REPRÉSENTANTS

14L'exercice habituel d'une activité peut également s'exercer -en l'absence de toute installation présentant le caractère d'un « établissement »- par l'intermédiaire de « représentants ». Mais il convient de distinguer à cet égard selon que les « représentants » possèdent ou non une personnalité professionnelle distincte de celle de l'entreprise qui a recours à leurs services.

15Lorsque les « représentants » ont une personnalité professionnelle indépendante (commissionnaires, courtiers et d'une manière générale, tous intermédiaires à statut indépendant), l'entreprise qui effectue des opérations par leur entremise dans un pays étranger doit être considérée comme n'exerçant personnellement aucune activité dans ce pays. Elle doit être regardée comme n'exploitant qu'une seule entreprise et elle est par suite imposable dans son propre pays à raison de l'ensemble des bénéfices afférents à cette entreprise.

16Bien entendu, les commissionnaires, courtiers et représentants indépendants demeurent personnellement imposables à raison des profits qu'ils réalisent dans le cadre de leur activité professionnelle.

17Lorsqu'au contraire, !es « représentants » n'ont pas de personnalité professionnelle indépendante de celle de l'entreprise qui les emploie, agissent pour son compte et apparaissent en fait comme ses préposés (représentants permanents par exemple), l'entreprise doit être considérée comme exerçant directement et personnellement dans le pays en cause une activité imposable.

  C. OPÉRATIONS FORMANT UN CYCLE COMMERCIAL COMPLET

18L'exercice habituel d'une activité peut enfin résulter de la réalisation d'un cycle commercial complet d'opérations, alors même que l'entreprise ne posséderait dans le pays concerné aucun établissement ou représentant permanent.

19Un cycle complet correspond généralement à une série d'opérations commerciales, industrielles ou artisanales dirigées vers un but déterminé et dont l'ensemble forme un tout cohérent.

20L'exemple le plus caractéristique du cycle complet est celui des opérations d'achat de marchandises suivies de leur revente.

Peuvent également constituer un cycle commercial complet les opérations d'extraction, de transformation, de lotissement de terrain, de prestations de services ou les opérations financières, dès lors qu'elles correspondent à l'exercice habituel d'une activité distincte.

21Lorsque des opérations sont effectuées sans le support d'un véritable établissement ou d'une représentation stable, la notion de « cycle complet » n'est cependant pas toujours déterminante pour apprécier si les résultats sont imposables là où les opérations sont réalisées.

Ainsi, les opérations réalisées à l'étranger par une société française dans le cadre d'un cycle complet demeurent soumises à l'impôt français si elles ne sont pas détachables, par leur nature ou par leur mode d'exécution, des opérations réalisées en France par l'entreprise (cf. H 1413, n°s 20 et suiv. ).

Inversement, une société étrangère est normalement passible de l'impôt sur les sociétés dès lors qu'elle effectue en France des opérations habituelles alors même que celles-ci ne comportent pas tous les éléments caractéristiques du « cycle complet » (cf. H 1413, n°s 50 et suiv. ).

  D. DISPOSITIONS RELATIVES AUX ENTREPRISES DE NAVIGATION MARITIME OU AÉRIENNE

  I. Règle générale

22Conformément au principe général de la territorialité en matière d'impôt sur les sociétés, les entreprises françaises de navigation maritime ou aérienne ne sont pas imposables en France à raison des bénéfices provenant des opérations qu'elles effectuent à l'étranger, lorsque lesdites opérations constituent l'exercice habituel d'une activité commerciale hors de France.

23Corrélativement, les entreprises étrangères doivent être imposées en France à raison des opérations qu'elles y réalisent, lorsque lesdites opérations constituent dans ce pays l'exercice habituel d'une activité commerciale.

1. Opérations réalisées sous le couvert d'un établissement.

24Il est rappelé que l'établissement se caractérise, en droit interne, par l'existence d'un organisme professionnel dont l'installation présente un certain caractère de permanence et qui possède une autonomie propre.

Entre notamment dans cette catégorie, l'agence ou la succursale que possède dans un port français une compagnie de navigation maritime étrangère lorsque cette agence, à la tête de laquelle est placé un directeur, se livre, pour le compte de la compagnie, à des opérations commerciales consistant principalement dans la délivrance de billets, la réception d'ordres de transmission et l'encaissement des sommes dues (CE, arrêt du 4 juillet 1924, req. n° 81282, RO 4918).

Dans le même sens, il a été indiqué qu'une compagnie étrangère devait être assujettie à l'impôt français à raison des résultats retirés des opérations réalisées en France par l'intermédiaire d'un courtier de fret patenté chargé de la représenter, encore qu'elle ne soit signalée au public que par un écriteau apposé à la porte des bureaux du courtier.

25En revanche, les navires d'une entreprise de navigation ne peuvent, en principe, être regardés comme un établissement mobile du pays dont ils battent pavillon (pays d'immatriculation) ; ils constituent les éléments matériels de transport de l'exploitation. Il n'en serait autrement que si une clientèle leur était rattachable en raison de leur affectation à une ligne exclusive.

Le Conseil d'État a jugé, à cet égard, qu'une compagnie étrangère de navigation maritime, qui n'a d'établissement qu'en France, y est imposable à raison de l'ensemble des résultats de son activité, y compris ceux des opérations de transport effectuées de port étranger à port étranger par des navires eux-mêmes immatriculés à l'étranger (CE, arrêt du 3 mars 1958, req. n° 41135, RO, p. 78).

26 Remarque. - Les diverses opérations réalisées dans un établissement installé en France peuvent ne pas dégager de « chiffre d'affaires » et correspondre à des prestations de services accessoires que les compagnies étrangères de navigation maritime ou aérienne se rendent à elles-mêmes en France (informations, recherche de clientèle...). Dans cette situation, les résultats imposables sont déterminés par comparaison avec les marges bénéficiaires qui seraient prélevées par des entreprises françaises fournissant les mêmes services.

2. Opérations réalisées en dehors de tout établissement.

27Les entreprises étrangères de navigation maritime ou aérienne sont également imposables en France, en dehors de tout établissement au sens du 1. ci-dessus, à raison des opérations qu'elles effectuent par l'intermédiaire de représentants n'ayant pas de personnalité distincte et apparaissant de ce fait comme de véritables préposés ou lorsque les opérations réalisées forment un cycle complet.

28Les mêmes règles sont applicables aux entreprises françaises de navigation qui effectuent des opérations à l'étranger en dehors d'un établissement. Mais les profits correspondants n'échappent à l'impôt français que si les opérations sont détachables de l'activité exercée en France.