Date de début de publication du BOI : 26/11/1996
Identifiant juridique : 4E1141
Références du document :  4E114
4E1141

SECTION 4 ORIGINE DE LA PERTE OU DE LA CHARGE


SECTION 4

Origine de la perte ou de la charge


D'une manière générale, les pertes et charges qui affectent la détermination du résultat fiscal des entreprises sont susceptibles d'être déduites sous forme de provisions, lorsqu'elles sont rendues probables par un événement survenu pendant l'exercice et toujours en cours à sa clôture.

La doctrine et la jurisprudence administratives (cf. 4 E 1142, n° 1 ) avaient déduit de ce principe que les entreprises ne sont pas autorisées à constituer des provisions à raison de leurs « charges annuelles et normales » incombant aux exercices suivants.

Après l'exposé du principe, la présente section traite de la notion de « charge annuelle et normale » de l'entreprise à la lumière de la jurisprudence du Conseil d'État.


SOUS-SECTION 1

La perte ou la charge doit trouver son origine dans l'exercice à la clôture
duquel la provision est constituée



  A. PRINCIPES


1 Les dispositions de l'article 39-1-5° du CGI n'ont pas pour effet d'autoriser les entreprises à anticiper la déduction de leurs charges ; elles leur permettent seulement de déduire des résultats d'un exercice une perte, une dépréciation ou une charge qui, apparaissant probable à la clôture de cet exercice, peut lui être rattachée sous forme de provision dès lors qu'elle trouve son origine dans des opérations réalisées ou des faits survenus au cours dudit exercice.

Ainsi, des dépenses importantes d'entretien décennal d'une chaufferie ne peuvent être déduites a priori sous forme de provision, sur la durée de la garantie de la précédente dépense, en l'absence d'événement en cours à la clôture de l'exercice rendant probable le charge considérée (RM Lorenzini, JO déb. AN du 9 février 1987 n° 12 049).

2Il a été jugé qu'une société qui a concédé la licence d'exploitation d'un procédé industriel moyennant un prix payable en plusieurs annuités et révisable dans l'hypothèse où d'autres concessions viendraient à être ultérieurement consenties à des tiers à des conditions plus favorables, ne peut déduire de ses bénéfices d'un exercice déterminé une provision destinée à faire face au risque d'irrécouvrabilité ou de réduction du prix de la concession si, à la clôture de l'exercice considéré, aucun événement en cours ne permet d'envisager l'irrécouvrabilité du reliquat de sa créance ou une réduction du prix de la concession (CE, arrêt du 12 janvier 1951, n° 81124, RO, p. 138).

De même, après avoir précisé que les bonis, provenant des opérations faites avec leurs associés et distribués à ces derniers au prorata de la commande de chacun d'entre eux par les sociétés coopératives de consommation régies par la loi du 10 septembre 1947 ou par les sociétés coopératives d'achat en commun de commerçants détaillants régies par la loi du 2 août 1949, présentent le caractère de charges déductibles des résultats de l'exercice au cours duquel ils sont effectivement distribués ou mis à la disposition des associés. Le Conseil d'État a estimé que leur déduction anticipée sous forme de provision au cours d'un exercice antérieur à leur distribution ne saurait être admise que si, notamment, cette charge résultait d'un engagement de la société intervenu avant la clôture dudit exercice et définitif, au moins quant à son principe et à son mode de calcul (CE, arrêt du 11 juillet 1973, n° 82432, RJ II, p. 86).

Il a été également jugé qu'une entreprise n'était pas en droit de constituer, en franchise d'impôt, à la clôture d'un exercice, une provision destinée à faire face au versement de l'indemnité de licenciement à laquelle pouvait prétendre une employée évincée et de divers dommages-intérêts réclamés par des concurrents, dès lors que cette entreprise n'établissait pas avoir été saisie, sous quelque forme que ce soit, au cours de cet exercice, de réclamations tendant à obtenir le versement d'indemnités ou de dommages-intérêts. Elle ne pouvait, en conséquence, être regardée, à la clôture dudit exercice, comme la débitrice d'indemnités suffisamment déterminées dans leur principe et leur montant pour justifier la constitution de provisions (CE, arrêt du 20 février 1974, n° 83452, 7e, 8e et 9e s.-s. réunies, RJ II, p. 41).

Dans le même sens : arrêt du Conseil d'État du 30 mai 1949, n° 97035, 8e s.-s., RO, p. 182 (cf. ci-après, 4 E 2222, n° 3 ).

L'origine de la perte ou de la charge envisagée doit donc pouvoir être trouvée dans l'exercice de constitution de la provision.

Ce principe a encore été confirmé dans les arrêts reproduits ci-après.

- Après avoir rappelé qu'une provision destinée à faire face au non-recouvrement d'une créance n'est susceptible d'être admise en déduction que si cette créance est valablement inscrite à l'actif du bilan de l'entreprise, la Haute Assemblée a jugé que pour remplir cette condition, la créance qu'un exploitant individuel a rachetée pour sa valeur d'origine aux créanciers d'une société en liquidation dont il était le principal associé et qu'il a apportée à son entreprise personnelle, doit être prise en compte dans les écritures de cette dernière pour sa valeur réelle à la date de l'apport.

S'agissant d'une créance dont le recouvrement était peu probable par suite de l'insolvabilité du débiteur, sa valeur réelle à la date de l'apport était minime et l'exploitant n'était en droit de l'inscrire à l'actif du bilan de son entreprise que pour cette valeur réduite et non pour sa valeur de rachat. Par suite, en l'absence d'événement survenu postérieurement à l'apport et ayant entraîné une nouvelle dépréciation de la créance avant la fin de l'exercice, le contribuable ne pouvait constituer à la clôture de son bilan une provision pour tenir compte du non-recouvrement probable de ladite créance (CE, arrêt du 17 mars 1976, n° 91621, RJ II, p. 33).

- Une société avait consentie à ses filiales des avances en n'exigeant pas le règlement total des factures concernant les ventes de produits qu'elle leur avait cédés. Elle avait constitué des provisions d'un montant égal aux dites avances. Le Conseil d'État a jugé qu'aucun événement précis survenu au cours des exercices de constitution des provisions ne permettait de considérer comme irrécouvrables les créances qu'elle détenait sur ses filiales (CE, arrêt du 29 juin 1981, n°s 15 950 à 15 953, 8e et 9e s.-s. ).

3Toutefois, dans un arrêt du 9 juillet 1982 (n° 33033) la Haute Assemblée a accepté la constitution d'une provision pour supplément de prix dans le cas d'une société qui, achetant pour les besoins de son exploitation du lait au cours d'une campagne chevauchant deux exercices, acquitte, compte tenu des pratiques commerciales en vigueur, au titre du premier exercice, un prix d'été au litre inférieur à celui qu'elle devra payer en fin de campagne et verse aux producteurs au cours de l'exercice suivant un complément de prix aboutissant au prix final moyen garanti pour l'ensemble de la campagne.


  B. PROVISIONS AFFÉRENTES À DES RISQUES SURVENUS APRÈS LA CLÔTURE DE L'EXERCICE


4Si elle trouve son origine dans un événement ayant pris naissance après la clôture de l'exercice, une provision n'est pas déductible des résultats de cet exercice et la charge doit être normalement supportée par un exercice ultérieur.

C'est ainsi qu'une entreprise ne saurait se prévaloir, pour justifier une provision pour créance douteuse, de la circonstance qu'une créance est devenue irrécouvrable avant la date prévue pour le dépôt de la déclaration des résultats d'un exercice donné, dès lors que ladite créance, bien que devenue irrécouvrable au cours de l'exercice suivant, n'était pas considérée comme douteuse à la clôture de l'exercice litigieux (CE, arrêt du 28 juin 1963, n° 56569, RO, p. 375).


  C. PROVISIONS AFFÉRENTES A DES RISQUES DISPARAISSANT APRÈS LA CLOTURE DE L'EXERCICE


5Dans la mesure où la perte ou la charge est apparue comme probable à la clôture d'un exercice donné, une provision valablement constituée ne doit pas être rapportée par le service au résultat fiscal de cet exercice dans l'hypothèse où le risque en vue duquel elle a été constituée viendrait à disparaître ultérieurement par suite de circonstances nouvelles. Dans cette situation la provision serait normalement rapportée au résultat de l'exercice au cours duquel elle est devenue sans objet (cf. ci-après, 4 E 4121 ).