SOUS-SECTION 1 CONTINUATION DE L'EXPLOITATION DANS LE CADRE FAMILIAL (RÉGIME APPLICABLE JUSQU'AU 31 MARS 1981)
B. AVANTAGES FISCAUX ATTACHÉS À L'ARTICLE 41-I
75Ces avantages consistent d'une part en un sursis d'imposition :
- des plus-values constatées à l'occasion du décès de l'exploitant ou de la cession ou cessation par ce dernier de son exploitation ainsi que des plus-values dont l'imposition avait été différée ;
- de certaines provisions dans la mesure où elles sont inscrites au passif du bilan des nouveaux exploitants.
76D'autre part, les nouveaux exploitants ont pu, sous certaines conditions, bénéficier du transfert de l'aide fiscale à l'investissement à laquelle l'ancien exploitant aurait pu prétendre.
77 Remarque. - Les dispositions de l'article 41-I intéressent essentiellement les contribuables soumis à l'impôt d'après leur bénéfice réel mais rien ne permet d'en refuser le bénéfice aux exploitants admis au régime forfaitaire.
78Par ailleurs, aucune disposition législative ne subordonne le bénéfice de ce régime particulier à la condition que la ou les personnes qui continuent l'exploitation du fonds de commerce présentent une demande à cette fin (CE, arrêt du 24 octobre 1969, req. n° 75105, RJCD, 1ère partie, p. 230). Mais, bien entendu, les intéressés peuvent, s'ils y ont avantage, renoncer à l'exonération temporaire prévue à l'article 41-I et se placer sous le régime normal. Les plus-values dégagées lors du changement d'exploitant sont alors imposables dans les conditions de droit commun.
I. Plus-values et provisions en sursis d'imposition
1. Plus-values.
a. Plus-values constatées au changement d'exploitant.
79En vertu des dispositions de l'article 201 du CGI, les plus-values constatées au décès de l'exploitant ou résultant de la cession ou cessation par ce dernier de son exploitation devraient être immédiatement imposées. Mais l'article 41-I du code apporte une exception à ce principe.
80En effet, lorsqu'il est satisfait aux conditions résultant de l'article 41-I les plus-values de cette nature ne sont pas comprises dans le bénéfice imposable de l'exercice clos par le décès de l'exploitant ou par la cession ou cessation d'entreprise.
81Cette exonération s'applique à toutes les plus-values constatées au jour du décès, de la cession ou de la cessation, qu'elles soient afférentes à des éléments de l'actif immobilisé, aux titres en portefeuille, ou aux stocks.
82Ces plus-values sont imposées, selon le régime qui leur est propre, en cas de cession ultérieure des éléments correspondants ou lorsque les nouveaux exploitants encourent la déchéance du bénéfice de l'article 41-I dès lors qu'ils ne satisfont plus aux conditions prévues par cet article (cf. n°s 104 et suiv. ).
b. Plus-values dont l'imposition était différée.
83Les plus-values nettes à court terme ou à long terme dont l'imposition était différée en vertu respectivement des articles 39 quaterdecies-I et 39 quindecies-I-1, 4e alinéa, doivent du fait même de la cession ou cessation totale d'entreprise, être rapportées au bénéfice clos par la cession ou cessation.
84Cette disposition n'est toutefois pas appliquée, en ce qui concerne les plus-values à court terme, lorsque l'exploitation est continuée dans les conditions prévues à l'article 41-I (CGI, art 39 quaterdecies-2).
85En contrepartie, les nouveaux exploitants doivent se substituer purement et simplement à l'ancien exploitant et satisfaire à l'obligation de réintégrer les plus-values nettes à court terme ou à long terme dont'l'imposition était différée chez ce dernier.
86Bien entendu, les nouveaux exploitants perdent le bénéfice du différé d'imposition des plus-values susvisées lorsqu'ils ne satisfont plus aux conditions de l'article 41-I (cf. n°s 104 et suiv. ).
2. Provisions.
En cas de cession ou cessation d'entreprise, les provisions autorisées pour certaines professions (ou autorisées en vertu de textes particuliers) et figurant au dernier bilan devraient également être considérée comme un élément du bénéfice immédiatement imposable.
87Toutefois, ces provisions ne sont pas rapportées aux bénéfices imposables lorsque l'exploitation est continuée dans les conditions prévues à l'article 41-I 1 .
88En contrepartie, les nouveaux exploitants doivent :
- inscrire immédiatement au passif de leur bilan les provisions en sursis d'imposition figurant dans les écritures du précédent exploitant et qui sont afférentes aux éléments transférés ;
- satisfaire aux obligations régissant ces provisions dans les mêmes conditions qu'aurait dû le faire le précédent exploitant.
89Le bénéfice de la disposition précitée est applicable aux provisions suivante :
- provision pour fluctuation des cours (CGI, ann. III, art. 10 sexies (cf. DB 4 E ) ;
- provision pour hausse des prix (CGI, ann. III, art. 10 duodecies-2) ;
- provision pour risques afférents aux opérations de crédit à moyen et à long terme réalisées par les banques et les établissements de crédit ;
- provision pour risques afférents aux crédits à moyen terme résultant de ventes ou de travaux effectués à l'étranger ;
- provisions constituées par les entreprises de presse en vue de l'acquisition de leurs éléments d'actif ;
- provision pour reconstitution des gisements d'hydrocarbures (CGI, ann. III, art. 10 F) ;
- provision pour reconstitution des gisements de substances minérales solides (CGI, ann. III, art. 10 F) ;
- provisions constituées en vue de l'implantation d'entreprises à l'étranger.
II. Transfert du bénéfice de l'aide à l'investissement au profit d'un nouvel exploitant
90L'aide fiscale à l'investissement non encore imputée ou remboursée a pu, en vertu de l'article 11-III du décret n° 75-422 du 30 mai 1975, être utilisée par le nouvel exploitant lorsque l'exploitation était continuée dans les conditions prévues à l'article 41-I.
C. IMPOSITION ULTÉRIEURE DES PLUS-VALUES ET PROVISIONS PROVISOIREMENT EXONÉRÉES
91Les plus-values et provisions provisoirement exonérées lorsque l'exploitation est continuée dans les conditions prévues à l'article 41-I sont ultérieurement imposées par application des dispositions de droit commun.
92Par ailleurs, les nouveaux exploitants encourent la déchéance des avantages résultant de l'article 41-I dès lors qu'ils ne satisfont plus aux conditions prévues par l'article précité.
93L'imposition ultérieure de ces plus-values et provisions -qu'elle résulte de l'application des dispositions de droit commun ou de la déchéance du régime de faveur- doit être alors liquidée suivant les règles découlant du régime fiscal applicable aux nouveaux exploitants pour l'imposition des bénéfices de l'exercice en cours à la date du fait générateur de l'imposition précitée.
I. Application des règles de droit commun
94On distinguera selon qu'il s'agit de provisions ou de plus-values provisoirement exonérées sous le bénéfice de l'article 41-I.
1. Imposition des provisions.
95Ces provisions sont imposées du chef des nouveaux exploitants par application des dispositions de droit commun :
- soit que les provisions provisoirement exonérées deviennent en tout ou partie sans objet ;
- soit qu'elles doivent être rapportées aux bénéfices imposables en vertu des dispositions qui leur sont propres.
On se reportera à cet égard aux précisions données à la division 4 E .
2. Imposition des plus-values.
a. Imposition des plus-values latentes en sursis d'imposition.
1 ° Fait générateur.
96En cas de vente ou d'apport en société, par les nouveaux exploitants, d'éléments de l'actif immobilisé provenant de l'ancien exploitant, l'imposition immédiate ne doit être établie, dans les conditions indiquées ci-dessous, qu'à concurrence des plus-values globales réalisées sur les biens cédés.
97Par suite, si ces cessions interviennent en cours d'exploitation, l'entreprise continue à bénéficier de l'exonération temporaire pour les éléments qu'elle conserve.
98Il en est de même lorsque certains éléments font l'objet d'un transfert dans le patrimoine privé du conjoint survivant ou de l'un des héritiers ou successibles en ligne directe qui continue l'exploitation. Le retrait d'éléments de l'actif, en effet, n'est pas de nature à faire perdre aux nouveaux
exploitants le bénéfice de l'article 41-I mais, conformément à la jurisprudence du Conseil d'État, les plus-values correspondantes, déterminées en déduisant de la valeur desdits éléments, au moment de leur appropriation, leur valeur résiduelle comptable, doivent être comprises dans les bénéfices imposables de l'exercice au cours duquel est effectué ce retrait.
2° Détermination et imposition des plus-values latentes.
99Lorsqu'il a été fait application des dispositions de l'article 41-I du CGI, les plus-values ultérieurement réalisées par les nouveaux exploitants sur des immobilisations qui figuraient dans l'actif du précédent exploitant doivent être calculées par rapport à la valeur nette comptable que ces biens comportaient dans la comptabilité de ce dernier, éventuellement diminuée des amortissements pratiqués en franchise d'impôt depuis le changement d'exploitant.
100Lorsque les nouveaux exploitants cèdent la totalité de l'entreprise ou cessent l'exploitation, la plus-value afférente à l'ensemble des éléments composant l'actif immobilisé de ladite entreprise doit être calculée en comparant la valeur réelle de l'actif au jour de cette cession ou de cette cessation et la valeur portée en comptabilité dans le dernier bilan établi par l'ancien exploitant, sans que les évaluations portées, soit dans l'acte d'apport soit dans la déclaration de succession, puissent être utilisées comme second terme de comparaison (CE, arrêt du 11 mai 1962, req. n° 55041, RO, p. 82).
101La plus-value globale ainsi déterminée est imposée selon les règles générales résultant, suivant le cas, du régime des plus-values à court terme ou du régime des plus-values à long terme, compte tenu de la date d'entrée dans l'actif de l'ancien exploitant du ou des éléments cédés.
102Il est fait observer que si la plus-value provient d'un élément amortissable, elle doit être considérée, en tout état de cause, comme constituant une plus-value à court terme, à concurrence :
- des amortissements pratiqués en franchise d'impôt, tant par l'ancien que par les nouveaux exploitants ;
- des amortissements afférents à cet élément et expressément exclus des charges déductibles des bénéfices imposables, tant de l'ancien que des nouveaux exploitants ;
- des amortissements différés, en contravention avec les dispositions de l'article 39 B du CGI, tant par l'ancien exploitant que par ses successeurs.
b. Imposition des plus-values dont l'imposition était différée.
103Les plus-values nettes à court terme ou à long terme dont l'imposition était différée chez l'ancien exploitant doivent être imposées au nom des nouveaux exploitants dans les conditions qui auraient présidé à leur réintégration en l'absence de changement d'exploitant.
II. Déchéance du bénéfice des exonérations liée au non-respect des conditions prévues à l'article 41-I
104Le bénéfice des exonérations prévues par l'article 41-I du CGI ne peut être maintenu que pour autant que les nouveaux exploitants satisfont aux conditions posées par ledit article.
105Corrélativement il y a déchéance des avantages attachés à l'article 41-I lorsque :
- l'exploitation n'est pas poursuivie dans les mêmes conditions que celles observées par l'ancien exploitant ;
- les nouveaux exploitants ne se conforment plus aux obligations comptables auxquelles ils sont expressément tenus ;
- par suite de l'entrée de nouveaux membres dans l'entreprise, celle-ci perd le caractère familial auquel l'article 41-I subordonne l'octroi de l'exonération.
106En conséquence, il doit être procédé à l'imposition des éléments en sursis d'imposition depuis le décès du précédent exploitant ou depuis la cession ou la cessation par ce dernier de son entreprise, à savoir :
- les plus-values latentes qui avaient provisoirement été exonérées sous le bénéfice des dispositions de l'article 41-I (sur la détermination de ces plus-values, cf. ci-dessus n°s 99 à 102 ).
Dans la mesure où elles n'ont pas déjà été rapportées aux bénéfices imposables :
- les plus-values nettes à court terme ou à long terme dont l'imposition avait été différée chez le précédent exploitant (cf. ci-dessus n°s 83 à 86 ) ;
- les provisions reprises au passif du bilan des nouveaux exploitants (cf. ci-dessus n°s 87 et suiv. ).
107L'imposition est établie au nom des nouveaux exploitants conformément aux règles en vigueur au moment où est encourue la déchéance.
108On examinera ci-après les principaux cas de déchéance du bénéfice de l'article 41-I.
1. Modifications dans les conditions d'exploitation.
109Pour conserver le bénéfice des dispositions de l'article 41-I les nouveaux exploitants doivent poursuivre l'entreprise dans les mêmes conditions que le précédent exploitant.
Ainsi, un contribuable qui a cédé à un tiers l'entreprise lui appartenant et qu'il exploitait en société de fait avec son fils (la cession était destinée à aider le fils grâce au produit de cette vente, à régler le prix d'acquisition d'une autre entreprise, d'une valeur d'ailleurs supérieure, et que celui-ci avait du reste commencé à exploiter avant la cession dont il s'agit), ne peut prétendre que l'exploitation a été continuée dans les conditions prévues à l'article 41-I précité, ni par suite, bénéficier de l'exonération de la plus-value constatée à l'occasion de ladite cession (CE, arrêt du 2 décembre 1970, req. n° 79393, RJ, n° II, p. 227).
a. Mise en gérance libre du fonds.
Il convient de distinguer suivant que l'ancien exploitant gérait directement son entreprise ou l'avait mise en location ou en gérance libre.
1101°) Dans le premier cas, les nouveaux exploitants sont, en principe, déchus du bénéfice des exonérations antérieurement accordées s'ils donnent l'entreprise en location ou en gérance libre. Dans cette hypothèse, l'exploitation du fonds ne saurait être considérée comme « continuée dans le cadre familial » au sens de l'article 41-I car, si la location d'un fonds de commerce constitue bien un mode particulier d'exploitation de ce fonds, ce mode n'en est pas moins essentiellement différent de l'exploitation directe seule visée par l'article précité.
111Toutefois, si l'entreprise compte plusieurs établissements et si l'exploitation directe de certains d'entre eux est maintenue le droit à l'exonération est conservé en ce qui concerne ces derniers établissements.
112D'autre part, le bénéfice de l'exonération n'est pas remis en cause lorsque la location du fonds de commerce est consentie au profit du conjoint survivant du précédent exploitant ou d'un ou plusieurs successibles ou héritiers en ligne directe, ou encore d'une société de famille constituée dans le cadre de l'article 41-I.
113En revanche, le bénéfice des exonérations antérieurement accordées est retiré lorsque la location ou la mise en gérance libre est consentie au profit d'un tiers ou d'un successible ou héritier n'ayant avec l'ancien exploitant aucun des liens de parenté requis par l'article 41-I.
Le Conseil d'État a ainsi jugé qu'une société en nom collectif constituée à la suite du décès d'un exploitant, entre sa veuve et ses enfants, et qui a donné le fonds du de cujus en gérance libre à une société anonyme avec effet du jour du décès ne peut être considérée comme ayant continué directement l'exploitation au sens de l'article 41-I. Les héritiers ne sauraient, dès lors, bénéficier du report de la taxation des plus-values constatées à l'occasion du décès (CE, arrêt du 31 juillet 1953, req. n° 14200, RO, p. 34).
1142°) Lorsque le décès de l'exploitant (ou la cession par ce dernier de son exploitation) intervient à un moment où l'entreprise est donnée en location ou en gérance libre, le conjoint survivant ainsi que les héritiers (ou successibles) en ligne directe peuvent, bien entendu, continuer d'exécuter le bail consenti par leur auteur sans perdre le bénéfice de l'article 41-I.
1 Bien entendu, les provisions qui deviennent sans objet du fait de la cession ou de la cessation d'entreprise doivent, même lorsque la cession ou la cessation est réalisée sous le bénéfice des dispositions de l'article 41-I du CGI, être rapportées aux bénéfices immédiatement imposables.