Date de début de publication du BOI : 09/03/2001
Identifiant juridique : 4A242
Références du document :  4A242

SECTION 2 INDEMNITÉS DIVERSES

SECTION 2

Indemnités diverses

1Des indemnités très diverses peuvent être versées aux entreprises notamment en contrepartie d'avantages consentis à des tiers, de la cession ou de la perte d'éléments de l'actif ou en réparation de préjudices variés.

2Les indemnités acquises à l'entreprise sont :

- soit soumises au régime d'imposition de droit commun, c'est-à-dire comprises dans les bénéfices d'exploitation taxables à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés ;

- soit, lorsqu'elles ont pour objet de compenser la perte d'un élément de l'actif immobilisé, admises à bénéficier du régime des plus-values (ou moins-values) ;

- soit exonérées d'impôt dans des cas limitativement énumérés.

3On examinera successivement :

- les indemnités liées à la gestion des immeubles possédés par l'entreprise ;

- les indemnités de dommages de guerre ;

- les indemnités reçues pour cause d'expropriation, de nationalisation, de réquisition ou d'éviction ;

- les indemnités d'assurances ;

- les indemnités allouées à titre de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice matériel ou moral.

  A. INDEMNITÉS LIÉES À LA GESTION DES IMMEUBLES POSSÉDÉS PAR L'ENTREPRISE

  I. Indemnités de « pas de porte » (ou droit d'entrée) perçues par les entreprises donnant à bail des locaux commerciaux

4On désigne par le terme « indemnité de pas de porte », ou « droit d'entrée », ou encore « denier d'entrée », la somme d'argent que le propriétaire -ou, le cas échéant, le principal locataire- d'un local à usage commercial, industriel ou artisanal exige d'un preneur, en sus du prix annuel du loyer. Par « principal locataire » il faut entendre ici le locataire qui a reçu du bailleur l'autorisation de sous-louer les locaux pris à bail et qui, dès lors, peut à son tour exiger de son sous-locataire un droit d'entrée, si du moins les conditions du marché le lui permettent.

5Lorsqu'une entreprise paie un droit d'entrée à l'occasion de la prise en location d'un immeuble, le régime fiscal de cette dépense diffère selon que celle-ci a ou n'a pas, pour contrepartie, une augmentation de l'actif de ladite entreprise. Dans le premier cas, le montant du droit d'entrée doit être inscrit à l'actif du bilan de l'entreprise locataire ; dans le second cas, ce montant peut être compris parmi les charges déductibles à titre de supplément de loyer (cf. DB 4 C ).

6Lorsqu'un droit d'entrée est stipulé au profit d'une entreprise, propriétaire des locaux donnés en location, il ne peut dans la généralité des cas, (même si, le locataire étant également une entreprise, celle-ci est tenue d'inscrire à son actif tout ou partie du droit d'entrée stipulé), être considéré comme constituant la contrepartie pour l'entreprise bailleresse, d'une cession d'éléments de son actif immobilisé ou d'une diminution de valeur vénale d'un tel élément.

7Par suite, les sommes correspondantes doivent être regardées comme présentant, pour le bailleur, le caractère d'un supplément de loyer, dès lors que ces sommes sont la contrepartie des avantages que le locataire tire de l'occupation de l'immeuble loué ; il en est ainsi même lorsque la conclusion du contrat de location a pour effet de faire naître au profit du nouvel occupant un droit au bail de nature commerciale.

Le Conseil d'État a été appelé à se prononcer sur le cas d'une société anonyme qui, ayant donné à bail des locaux commerciaux et perçu, à cette occasion, des indemnités de « pas de porte », a constitué une provision d'un montant égal à celui de ces indemnités et destinée à faire face à la dépréciation desdits locaux consécutive, selon elle, à la passation des baux.

La Haute Assemblée a jugé que -l'existence du droit des preneurs au renouvellement de leur bail n'entraînant pas, à l'égard de la société bailleresse, une dépréciation de la valeur des locaux fixée lors de leur acquisition en tenant compte de leur destination normale, c'est-à-dire, en l'espèce, leur cession à bail à des tiers- les « pas de porte » ne sauraient être regardés comme correspondant à la diminution d'éléments d'actif mais constituent des suppléments de loyers à comprendre dans le bénéfice imposable de l'entreprise (CE, arrêt du 7 février 1966, req. n° 64182, RO, p. 55).

Le Conseil d'État a également jugé que les droits d'entrée perçus par un propriétaire de locaux à usage commercial destinés à bail à des tiers constituaient des revenus assimilables à des loyers dès lors que le bailleur n'a apporté aucun élément de nature à établir la dépréciation qu'aurait supi la valeur desdits locaux du fait de leur location, alors même que cette location aurait créé, au profit des preneurs, un élément d'actif nouveau représenté par le droit au renouvellement du bail (CE, arrêt du 24 février 1978, req. n° 97347).

Dans le cas d'une entreprise qui, ayant conclu avec la SNCF une convention l'autorisant à utiliser un emplacement compris dans le domaine public ferroviaire (embranchement particulier) avait décidé d'abandonner cet emplacement et présenté à l'agrément de la SNCF une autre société laquelle avait autorisé, par une nouvelle convention, à occuper l'emplacement devenu vacant, il a été jugé que l'indemnité versée à cette occasion par cette dernière société à l'ancien occupant doit, eu égard au régime même de la domanialité publique, être regardée pour le bénéficiaire non comme le prix de cession d'un élément incorporel de son actif immobilisé, susceptible de bénéficier du régime des plus-values prévu aux articles 39 duodecies et quindecies du CGI, mais, comme un profit commercial passible de l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun (CE, arrêt du 21 décembre 1977, req. n° 3997).

Les règles de la domanialité publique interdisaient au bénéficiaire de l'autorisation d'occupation accordée par la SNCF de céder cette autorisation à un tiers.

C'est cette circonstance qui semble avoir conduit le Conseil d'État à prendre une position différente de celle retenue lors de précédentes décisions.

Le Conseil d'État avait en effet considéré que la cession de droits issus d'autorisations administratives devait être regardée non pas comme une recette d'exploitation taxable au taux de droit commun mais comme une plus-value d'actif soumise, comme telle, aux règles particulières d'imposition des plus-values de cession de l'actif immobilisé.

Dans le même esprit, la Haute Assemblée avait jugé (25 octobre 1972, req. n° 78 181, RJ, II, p. 115) que la somme qu'une banque a dû verser, lors de la radiation d'une entreprise concurrente, pour obtenir son inscription sur la liste des banques représentait, pour l'entreprise versante, non une charge déductible de ses résultats mais l'acquisition d'un élément incorporel dont la valeur s'incorpore à celle du fonds de commerce.

Exercice de rattachement.

8Il résulte de ce qui précède que les droits d'entrée, qui sont considérés entre les mains du bailleur comme des suppléments de loyers ou, d'une façon plus générale, comme des profits directement liés à la location de locaux commerciaux, doivent être compris en totalité dans les résultats de l'exercice au cours duquel ils sont réputés acquis en vertu des stipulations du contrat.

9Dans le cas où ces droits sont payables sous forme d'annuités indexées, les annuités sont définitivement acquises à l'entreprise bailleresse dès la date de leur échéance, telle qu'elle est stipulée par les parties dans l'acte, et doivent par suite être retenues pour la détermination du bénéfice imposable de l'exercice en cours à cette date.

10Lorsque le droit d'entrée consiste dans une obligation d'exécuter certains travaux, dont la réalisation est échelonnée sur plusieurs exercices, les profits de cette nature réalisés par l'entreprise bailleresse correspondent, pour chaque exercice, au montant des frais exposés par le locataire, pendant la même période, en vue de satisfaire à l'obligation qui lui incombe et, dès lors, entrent en ligne de compte pour la détermination des bénéfices imposables de l'entreprise créancière au fur et à mesure de l'avancement des travaux.

  II. Indemnité de déspécialisation

11La loi n° 71-585 du 16 juillet 1971 (art. 4) permet au locataire d'un local à usage commercial, industriel ou artisanal de demander au propriétaire ou, à défaut d'accord de celui-ci, au tribunal de grande instance, l'autorisation d'exercer dans les lieux loués une ou plusieurs activités différentes de celles prévues au bail.

Le changement d'activité peut donner lieu au paiement, par le locataire, d'une indemnité -dite indemnité de déspécialisation- égale, en principe, au montant du préjudice dont le bailleur établit l'existence (perte de recettes provenant, par exemple, d'une diminution du loyer des autres locataires en compensation des troubles de jouissance qu'ils supportent du fait de la nouvelle activité exercée par le commerçant dont le bail a été modifié ; accroissement des charges).

Dans la mesure où elle garantit un manque à gagner ou est destinée à faire face à un supplément de charges, l'indemnité de déspécialisation doit être prise en compte pour la détermination du bénéfice d'exploitation imposable conformément aux dispositions de l'article 38 du CGI.

  B. INDEMNITÉS DE DOMMAGES DE GUERRE

12Des indemnités dites « de dommages de guerre » ont été versées aux entreprises qui avaient subi des dommages par suite de faits de guerre au cours du second conflit mondial (1939-1945).

Le principe de ces indemnités procède des lois du 28 octobre 1946 et n° 53-79 du 7 février 1953. Bien que le dispositif en résultant ait perdu pratiquement toute actualité -sauf en cas de cession des éléments reconstitués - on rappellera brièvement, pour mémoire, les principales règles régissant les diverses indemnités de dommages de guerre.

  I. Indemnités de reconstruction ou de reconstitution d'immobilisations détruites par faits de guerre

13Une décision ministérielle du 15 octobre 1947 a prévu que les indemnités versées par l'État pour la reconstitution des immobilisations détruites par faits de guerre (y compris la valeur des réparations en nature) n'étaient pas à comprendre dans les bases de l'impôt.

Il conviendra de se référer, en ce qui concerne :

- l'amortissement des immobilisations reconstituées en remploi d'indemnités de dommages de guerre, à la division 4 D  ;

- le calcul des plus ou moins-values en cas de cession des mêmes biens, à la division 4 B .

  II. Indemnités de réparation d'immobilisations endommagées

14Les indemnités allouées pour la réparation d'immobilisations n'étaient pas exonérées d'impôt. Mais elles pouvaient être considérées comme des revenus exceptionnels.

En conséquence, elles ne devaient pas être prises en considération lorsqu'elles étaient perçues par un contribuable imposé selon le régime du forfait.

Par ailleurs, elles pouvaient, lorsqu'elles étaient soumises à l'impôt sur le revenu, être réparties sur l'année de leur perception et les années antérieures non couvertes par la prescription, dans les conditions prévues par l'ancien article 163 du CGI.

  III. Indemnités de remplacement des stocks détruits

15Le montant des indemnités perçues par les entreprises sinistrées en remplacement des stocks détruits pouvait, sur la demande des entreprises intéressées, être réparti par parts égales sur l'année de la perception et sur les quatre années suivantes pour l'établissement de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés (ainsi que de la taxe proportionnelle ou de la taxe complémentaire, lorsque l'indemnité était perçue au cours d'une période au titre de laquelle l'une ou l'autre de ces taxes était applicable : ancien art. 42 ter, 1er al., du CGI).

  IV. Dispositions communes

16 1. Les indemnités perçues en titres pour la réparation des éléments d'actif immobilisé ou en remplacement de stocks détruits pouvaient, sur la demande expresse des entreprises intéressées, n'être soumises à l'impôt qu'au moment où ces titres arrivaient à la date d'échéance de leur mobilisation ou étaient remis en nantissement (ancien art. 42 quater du CGI).

Mais le bénéfice de cette mesure était exclusif :

- d'une part, de l'étalement des indemnités de réparation (cf. ci-dessus, n° 14 ) ;

- d'autre part, de la répartition sur cinq années de l'imposition des indemnités de remplacement des stocks détruits (cf. ci-dessus n° 15 ).

En revanche, cette disposition pouvait se cumuler avec la mesure de tempérament suivante concernant les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés (cf. ci-dessous, n° 17 ).

17 2. Les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés pouvaient, d'autre part, à condition d'en faire la demande dans la déclaration des résultats de l'exercice au cours duquel étaient versées les indemnités perçues au titre de la réparation des éléments d'actif immobilisé ou en remplacement de stocks détruits, faire l'objet d'une imposition distincte, à raison desdites indemnités, calculée d'après le taux de l'impôt en vigueur lors de l'exercice au cours duquel le montant, soit des dépenses de réparation, soit de la perte comptable des stocks, avait été admis en déduction pour la détermination du bénéfice imposable.

Nota. - Cette disposition générale pouvait se cumuler avec la possibilité de répartir sur cinq années l'imposition des indemnités de remplacement des stocks détruits (cf. ci-dessus n° 15 ).

  C. INDEMNITÉS REÇUES POUR CAUSE D'EXPROPRIATION, DE NATIONALISATION, DE RÉQUISITION OU D'ÉVICTION

  I. Indemnités d'expropriation

18L'expropriation est une opération administrative par laquelle le propriétaire d'un immeuble ou d'un fonds de commerce est obligé d'abandonner à la puissance publique la propriété de son bien moyennant indemnités, lorsque l'utilité publique l'exige.

19Les indemnités versées comprennent généralement, en sus d'une indemnité principale représentant le prix de l'élément exproprié, une ou plusieurs indemnités accessoires de caractères divers. Ces indemnités complémentaires peuvent notamment être attribuées pour « remploi », « transfert et remontage des installations transportables », « frais généraux déboursés sans contrepartie », « perte temporaire de bénéfices », etc.

20Le régime fiscal de ces indemnités varie suivant qu'elles sont versées en contrepartie de la valeur d'un élément de l'actif immobilisé ou qu'elles sont destinées à compenser une charge ou un manque à gagner.

1. Indemnités d'expropriation proprement dites.

21Les indemnités qui ont pour objet de compenser le transfert de propriété ou la perte d'éléments de l'actif immobilisé sont assimilées à un prix de cession.

En conséquence, le profit ou la perte résultant de la différence entre le montant de ces indemnités et la valeur nette comptable du bien exproprié est soumis au régime fiscal des plus-values ou moins-values à court ou à long terme, prévu par les articles 39 duodecies et suivants du CGI (ou, le cas échéant, au régime résultant des articles 150 A à 150 T du CGI : cf. art. 151 septies du même code).

22On précise à ce sujet que, par dérogation aux dispositions générales, les plus-values d'expropriation se rapportant à des immeubles bénéficient d'un traitement privilégié prévu par les articles 39 quaterdecies-1 ter et 39 quindecies I-1, dernier alinéa, du code précité (cf. DB 4 B ).

23Pour le calcul des plus-values imposables (ou des moins-values), il y a lieu d'ajouter à l'indemnité d'expropriation proprement dite certaines indemnités accessoires (généralement accordées par les tribunaux), qui se rattachent à la valeur des éléments expropriés.

24C'est ainsi que le Conseil d'État a jugé que l'indemnité dite de « dépossession » accordée, en sus de l'indemnité d'expropriation proprement dite, par le Tribunal de grande instance en réparation du préjudice subi par un contribuable du fait des conditions défavorables dans lesquelles il a été exproprié des immeubles affectés à l'exercice de son activité doit être regardée comme se rattachant au prix de cession desdits immeubles. Présente le même caractère l'indemnité accordée, d'autre part, par le même tribunal en compensation de la dépréciation du fonds résultant de l'éviction du contribuable d'un centre commercial en expansion et des difficultés que ce dernier risquait de rencontrer pour trouver un emplacement équivalent (CE, arrêt du 10 juin 1970, req. n° 75161. RJ, II, p. 152).

25Le Conseil d'État a également jugé que l'indemnité pour « troubles d'exploitation définitifs », qui a pour objet de compenser la dépréciation que la valeur d'actif immobilisé, constituée par le fonds de commerce, a subie du fait de l'expropriation, doit être assimilée à une plus-value provenant de la cession d'un élément de l'actif immobilisé et soumise, à ce titre, au régime d'imposition des plus-values (CE, arrêt du 18 juillet 1973, req. n° 86950. RJ, II, p. 95).

Le même caractère doit enfin être reconnu à une indemnité « pour préjudice commercial » allouée pour tenir compte de la circonstance que l'expropriation a compromis gravement le marché de l'entreprise et a forcé cette dernière, soit à déménager complètement dans des conditions aléatoires, soit à réduire considérablement son activité professionnelle (CE, arrêt du 11 juin 1975, req. n° 93269, RJ, II, p. 77).