Date de début de publication du BOI : 09/03/2001
Identifiant juridique : 4A212
Références du document :  4A212
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Lié au BOI 4A-4-06
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SECTION 2 CRÉANCES ACQUISES ET DETTES CERTAINES

SECTION 2  

Créances acquises et dettes certaines

1Jusqu'à l'intervention de l'article 84 de la loi de finances pour 1979, le bénéfice net imposable était déterminé, conformément aux dispositions de l'article 38-2 du CGI, en tenant compte non pas des seules opérations afférentes à la période d'imposition et qui avaient fait l'objet d'un règlement au cours de cette période, mais de l'ensemble des produits définitivement acquis et des dépenses engagées ou, en d'autres termes, des créances et des dettes devenues certaines dans leur principe et dans leur montant au cours de la période considérée.

L'article 84 de la loi de finances précitée, dont les dispositions, codifiées sous l'article 38-2 bis du CGI, sont applicables aux exercices clos à compter du 31 décembre 1978, a reporté le rattachement des créances sur la clientèle et des versements reçus à l'avance en paiement du prix à l'exercice au cours duquel intervient :

- la livraison des biens pour les ventesiou opérations assimilées ;

- l'achèvement des prestations pour les fournitures de services.

2Les créances et dettes libellées en francs doivent être retenues pour leur valeur nominale. Les créances, avoirs et dettes libellés en devises étrangères doivent être évalués à la clôture de chaque exercice d'après le dernier cours des changes connu à cette date. Toutefois, des modalités particulières d'évaluation sont prévues pour l'exercice clos le 31 décembre 1998 ou la période d'imposition arrêtée à la même période, pour les devises, créances, dettes et titres libellés en écus ou en unité monétaire des pays participant à la monnaie unique (cf. C).

3On examinera successivement :

- la notion de créances acquises et de dettes certaines ;

- le principe de rattachement de ces créances et dettes ;

- les règles d'évaluation des créances, avoirs et dettes libellés en devises étrangères.

  A. NOTION DE CRÉANCES ACQUISES ET DE DETTES CERTAINES

  I. Créances acquises

1. Définition.

4Une créance ne peut être considérée comme acquise que si elle est certaine dans son principe et déterminée dans son montant, c'est-à-dire que si l'accord a été réalisé entre les parties sur la chose et sur le prix, même si ce prix n'est payable qu'ultérieurement.

5 Ce principe a une portée générale et vise également :

- les créances correspondant à des « fruits civils », qui en droit s'acquièrent au jour le jour et doivent, en principe, être pris en compte pour l'assiette de l'impôt dès lors qu'ils sont courus à la date de clôture de l'exercice

- les créances de toute nature acquises à l'entreprise et qui ne sont pas nécessairement la contrepartie de ventes de marchandises ou de services (cf. ci-avant 4 A 211 n°s 8 et 9 )

6En définitive, une créance peut être considérée comme acquise indépendamment de la date de son exigibilité et de l'époque effective de son recouvrement.

7 Remarque  : Une créance acquise peut, sans pour autant être considérée comme définitivement perdue, être compromise à la clôture de l'exercice en raison :

- soit, de la mauvaise situation du débiteur (créances douteuses) ;

- soit, de l'existence d'un litige opposant le créancier et le débiteur (créances litigieuses).

L'entreprise créancière est alors autorisée, en contrepartie de l'inscription obligatoire de la créance à l'actif du bilan, à déduire de ses résultats une provision égale au montant ou à la fraction de cette créance dont le recouvrement est compromis (cf. 4 E 43).

2. Créances incertaines quant à leur principe ou Indéterminées quant à leur montant.

8Si à la clôture d'un exercice, une créance demeure incertaine quant à son principe ou indéterminée quant à son montant, elle ne peut être considérée comme une créance acquise et ne doit donc pas être prise en compte pour la détermination du résultat imposable de cet exercice.

9Le Conseil d'État a ainsi jugé :

- que dans le cas d'une société ayant pour objet le commerce de bois, et qui, au moment où sa dissolution avait été décidée, avait fait figurer à son compte d'exploitation les plus-values escomptées sur la vente des coupes de bois sur pied, ces plus-values ne devaient pas être retenues, pour l'établissement de l'impôt afférent à l'exercice pour lequel ce compte avait été dressé, dès lors que le liquidateur avait poursuivi l'exploitation pendant un certain nombre d'années (CE, arrêt du 20 juillet 1933, req. n° 19676, RO, 6022). Au cas particulier, les créances correspondant aux coupes de bois ne pouvaient être réputées acquises puisque les ventes devaient intervenir ultérieurement ;

- que, s'agissant d'un concessionnaire et d'un concédant, la créance est considérée comme acquise lorsque les droits et obligations réciproques ont été définitivement fixés par une transaction mettant fin à l'incertitude régnant à leur sujet (CE, arrêt du 9 juillet 1943, req. n° 70881, RO, p. 355) ;

- que les créances qui résultent, pour l'exploitant d'un établissement de santé privé, de l'application d'un nouveau tarif de responsabilité entraînant à son profit des remboursements complémentaires par diverses caisses primaires de Sécurité sociale en rémunération de soins dispensés à des assurés sociaux, ne doivent être regardées comme devenues certaines, dans leur principe et dans leur montant, qu'à la date de fixation dudit tarif (CE, arrêt du 22 mars 1967, req. n° 68986, RJCD, 1re partie, p. 90) ;

- qu'une société faisant partie d'un groupe international n'était pas tenue d'inclure dans le bénéfice d'un exercice la créance qu'elle détenait sur les autres sociétés du groupe, dès lors que, si cette créance était certaine dans son principe, son montant n'a pas été précisé, eu égard au délai que nécessite la réunion des éléments permettant de la calculer, que postérieurement à la clôture dudit exercice (CE, arrêt du 22 juin 1984, n°s 38108 et 37368).

La Haute Assemblée s'est également prononcée sur le cas d'une société qui loue des bouteilles de gaz moyennant le versement, par le client, d'un dépôt de garantie qui ne lui est restitué qu'à la résiliation du contrat en échange de la remise de la bouteille. À ce moment , le client doit verser une redevance dite d'entretien calculée d'après le tarif en vigueur au jour du paiement et proportionnelle au temps écoulé depuis la conclusion du contrat. Il a été jugé que si, dès la signature de la convention, les redevances dues par les clients ont le caractère de créances certaines dans leur principe, elles ne peuvent être regardées, à cette même date, comme des créances certaines dans leur montant dès lors qu'elles ne peuvent être exactement liquidées qu'à l'expiration du contrat. En conséquence, les redevances courues mais non encore encaissées n'ont pas à être prises en considération pour la détermination des résultats des exercices au cours desquels les clients sont devenus débiteurs en exécution du contrat d'abonnement et l'entreprise ne doit retenir pour la détermination de son bénéfice imposable que les seuls redevances encaissées au cours de l'exercice (CE, arrêt du 20 mars 1968, req. n° 62561, RJCD, 1re partie, p. 98).

En outre, dans un arrêt du 13 mai 1988 (req. n° 56468), le Conseil d'État a précisé qu'en cas de résiliation d'un bail commercial, la créance résultant, pour le locataire évincé, de l'engagement pris par le bailleur, de l'indemniser de tous impôts ou rappels d'impôts dus à raison de l'indemnité de résiliation, est certaine dans son principe dès la clôture de l'exercice au cours duquel a été souscrit l'engagement.

Mais, en cas de contestation du redressement, la créance ne devient certaine dans son montant qu'à la date à laquelle le juge de l'impôt statue sur l'évaluation de l'indemnité de résiliation.

10Enfin, lorsqu'au cours d'un exercice un bien ou un produit a été vendu ou un service rendu moyennant un prix de base contractuellement fixé mais susceptible d'être majoré ou minoré en fonction d'éléments ou d'événements qui ne surviendront ou ne seront connus qu'après la clôture de l'exercice, l'incertitude qui affecte cette modification éventuelle fait obstacle à ce qu'elle soit prise en compte dans le bilan de clôture de l'exercice autrement que par voie de provision dans le cas où, à cette date, une minoration pourrait être tenue pour probable.

En tout état de cause, une telle éventualité ne saurait retirer au prix de base tel qu'il est connu et arrêté à la date de clôture du bilan, le caractère d'une créance acquise qui doit donc être prise en compte à ce titre pour la détermination du bénéfice imposable (CE, arrêt du 29 novembre 1978, req. n° 8313).

Au cas particulier, il s'agissait d'une societé chargée de promouvoir et de coordonner les ventes de ses actionnaires qui avait perçu, en 1968, des redevances établies selon un barème provisoire et qui, après la clôture de cet exercice, avait ajusté ses recettes à ses dépenses en retenant un barème définitif inférieur.

A la clôture de l'exercice au cours duquel elle avait effectué ces prestations de services au profit de ses actionnaires, la société était donc détentrice d'une créance acquise d'un certain montant.

11En résumé, les créances non encore recouvrées à la date de clôture d'un exercice ne doivent pas être retenues pour la détermination du bénéfice de cet exercice lorsqu'à cette date elles demeurent incertaines, soit dans leur principe, soit dans leur montant et ne peuvent donc pas être regardées, dans la première hypothèse, comme définitivement acquises et, dans le second cas, comme susceptibles d'être exactement liquidées.

12 Remarque  : Une créance peut être incertaine quant à son principe ou indéterminée quant à son montant en raison d'un litige opposant l'entreprise créancière et son débiteur (ou celui qu'elle considère comme tel).

Lorsque, pour mettre un terme au litige qui les oppose, les parties décident de s'en remettre à un arbitre ou lorsque le litige est soumis à l'appréciation d'une juridiction, le montant de la créance dont le sort est subordonné au règlement du litige ne sera réputé certain que lors de l'intervention de la décision arbitrale ou du jugement.

  II. Dettes certaines

13Une dette peut être tenue :

- pour certaine dans son principe, lorsque la créance née corrélativement dans le patrimoine de l'autre contractant est acquise à ce dernier ; autrement dit, lorsque les parties au contrat sont d'accord sur la chose (bien ou service) et sur le prix et que cet accord n'est subordonné à aucune condition ;

- pour déterminée, quant à son montant, lorsqu'elle peut être liquidée, c'est-à-dire quand elle est susceptible d'être chiffrée avec précision, compte tenu de l'ensemble des données qui sont connues à la date de l'estimation.

  B. RATTACHEMENT DES CRÉANCES ACQUISES ET DES DETTES CERTAINES

  I. Créances sur la clientèle et acomptes (CGI, art. 38-2 bis)

14Conformément aux dispositions de l'article 38-2 bis du CGI, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix doivent être rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et, sauf exceptions, l'achèvement des prestations pour les fournitures de services.

1. Ventes de biens et opérations assimilées.

15S'agissant des ventes ou opérations assimilées c'est la date de la livraison qui détermine l'exercice de rattachement des créances sur la clientèle ou des acomptes.

Les opérations assimilées à des ventes de biens s'entendent :

- des apports en société (apports purs et simples ou apports à titre onéreux) ;

- des échanges ;

- des prêts de consommation (art 1892 du Code civil).

a. Notion de livraison.

16La livraison d'un bien doit s'entendre de la délivrance de ce bien au sens de l'article 1604 du Code civil, c'est-a-dire du « transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur ».

17La délivrance s'opère, pour les effets mobiliers « ou par la tradition réelle, ou par la remise des clefs des bâtiments qui les contiennent, ou même par le seul consentement des parties, si le transport ne peut pas s'en faire au moment de la vente, ou si l'acheteur les avait déjà en son pouvoir à un autre titre » (Code civ., art. 1606).

18Pour les biens immeubles, la délivrance s'entend de la remise des clefs, s'il s'agit de bâtiments, ou de la remise des titres de propriété dans les autres cas (Code civ., art. 1605).

b. Vente avec clause de réserve de propriété.

19Lorsqu'un contrat de vente comporte une clause de réserve de propriété, la livraison s'entend de la remise matérielle du bien.

2. Prestations de services.

20En ce qui concerne les fournitures de services, l'exercice de rattachement des créances et acomptes dépend de la date d'achèvement des prestations.

21Toutefois, l'article 38-2 bis du CGI prévoit des dérogations qui concernent des prestations dont les résultats sont connus avec certitude avant l'achèvement complet :

- les prestations continues rémunérées notamment par des intérêts ou des loyers, et les prestations discontinues mais à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices (contrats d'entretien, d'abonnements). Les produits correspondants doivent être pris en compte au fur et à mesure de l'exécution de ces prestations.

- les travaux d'entreprise donnant lieu à réception complète ou partielle (travaux du bâtiment, travaux publics, travaux de construction d'usines clefs en main). L'exercice de rattachement est celui au cours duquel intervient la réception, même si elle est provisoire ou faite avec réserves, ou celui de la mise à disposition du maître de l'ouvrage si elle est antérieure à la réception.

Ainsi, le Conseil d'État a jugé qu'une société qui, exerçant une activité de bureau d'études pour le secteur du bâtiment, exécute, dans le cadre de projets déterminés, des études subdivisées en phases successives donnant lieu à des facturations et des règlements distincts, doit être regardées comme réalisant des prestations discontinues, mais à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices.Les acomptes sur honoraires perçus à ce titre doivent, en conséquence, conformément aux dispositions de l'article 38-2 bis du CGI, être pris en compte au fur et à mesure de l'achèvement et de la facturation des prestations et être ainsi rattachés à chaque exercice y correspondant (CE, arrêt du 19 juin 1989 ; req. n° 58 246 et 59 828).

a. Honoraires perçus par les entreprises d'expertise comptable

1°. Règle de rattachement aux résultats des honoraires perçus par les entreprises d'expertise comptable

22Les opérations effectuées par ces entreprises s'analysent en des prestations de services discontinues à échéances successives échelonnées sur plusieurs exercices. Sont notamment visées, les opérations consistant en la tenue ou la surveillance de la comptabilité et en l'établissement des comptes annuels et des autres éléments de déclaration fiscale ou sociale.

Conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 38-2 bis déjà cité, les honoraires perçus par les entreprises d'expertise comptable doivent être pris en compte au fur et à mesure de l'exécution des prestations.

Les honoraires facturés pour un montant forfaitaire ou les acomptes versés ne sont pris en compte dans le résultat imposable d'un exercice que pour la part correspondant à des prestations déjà réalisées à la clôture de cet exercice. Cette part pourra être déterminée, pour chaque client, en fonction du temps passé par rapport au total du temps qui doit être théoriquement passé pour réaliser les prestations en cause.

L'entreprise devra justifier les éléments de ce rapport.

Il est précisé que la notion d'échéances successives a trait au seul fractionnement des prestations dans le temps et non aux modalités de paiement du prix convenu.