SOUS-SECTION 5 PROCÉDURE D'ACCORD PRÉALABLE EN MATIÈRE DE PRIX DE TRANSFERT
SOUS-SECTION 5
Procédure d'accord préalable en matière de prix de transfert
1Les transactions internationales entre entreprises liées constituent un enjeu fiscal très important et croissant. Ces entreprises doivent déterminer le prix de leurs transactions internes selon le principe de pleine concurrence, c'est à dire au prix auquel auraient traité des entreprises indépendantes pour des transactions identiques.
La pratique traditionnelle des contrôles en matière de prix de transfert peut être une source d'incertitude juridique pour les entreprises et se caractérise par des investigations qui s'avèrent souvent longues, difficiles et donc coûteuses tant pour les entreprises que pour l'administration. De même, cette procédure de vérification, qui intervient nécessairement a posteriori, rend difficile la production d'informations suffisantes pour étayer les prix pratiqués par l'entreprise.
Afin de prendre en compte les besoins exprimés par les professionnels, l'administration propose un dispositif d'accord préalable en matière de prix de transfert destiné à réduire ces difficultés. Ce dispositif a pour vocation à s'appliquer en particulier lorsque l'application des principes de pleine concurrence pose d'importants problèmes de fiabilité et d'exactitude ou que les conditions spécifiques dans lesquelles sont réalisées les transactions sont d'une complexité inhabituelle.
L'accord est conclu entre deux États par les autorités compétentes, dans le cadre juridique de la procédure amiable prévue par les conventions fiscales.
Objectif de la procédure d'accord préalable.
2Instrument de sécurité juridique, l'accord préalable en matière de prix de transfert stabilise l'environnement fiscal des sociétés multinationales. Il donne aux entreprises françaises ou étrangères qui le souhaitent la possibilité d'obtenir de l'administration fiscale un accord sur la méthode de détermination des prix de transfert qui s'appliquera à ses transactions intra-groupe futures. Il permet de résoudre préventivement les difficultés rencontrées par les entreprises multinationales tout en garantissant que la méthode retenue dans le respect de la législation fiscale est conforme aux principes applicables en matière de prix de transfert à l'intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales publiés par l'OCDE en 1995. L'accord préalable ne crée aucune règle d'assiette nouvelle et les précisions données dans la DB 4 A 1211 conservent toute leur valeur.
Compte tenu de son caractère bilatéral (cf. II ci-dessous), l'accord préalable supprime les risques de double imposition tout en préservant l'assiette fiscale des États parties à l'accord.
Définition d'un accord préalable.
3L'accord préalable entre autorités compétentes permet à une entreprise multinationale, par la détermination concertée d'une méthode de prix de transfert, de s'assurer auprès de l'administration fiscale française que les prix pratiqués dans ses relations industrielles, commerciales et financières intra-groupe n'entrent pas dans les prévisions de transfert de bénéfices au sens de l'article 57 du CGI.
L'accord préalable conduit à déterminer une méthode applicable pendant une période donnée en retenant un ensemble de critères, considérés comme les plus appropriés par les autorités compétentes et par l'entreprise, définissant les conditions dans lesquelles l'accord est donné. Elle permettra à l'entreprise de calculer les prix de transfert qui devront être pratiqués lors des transactions ultérieures entre les entreprises liées 1 .
Il revêt la forme d'un accord entre deux administrations fiscales dont les effets sont subordonnés à l'adhésion des entreprises concernées.
A. CHAMP D'APPLICATION DE L'ACCORD PRÉALABLE EN MATIÈRE DE PRIX DE TRANSFERT
I. Fondement de la procédure d'accord préalable
4La procédure d'accord préalable a pour vocation d'éliminer les risques de double imposition par le biais d'un accord entre deux États cocontractants. En effet, portant sur des opérations qui affectent le budget de deux États, les prix de transfert revêtent par nature un caractère bilatéral.
Les accords entre autorités fiscales définissant les règles de répartition de l'assiette taxable sont conclus, dans le but premier d'éviter les doubles impositions, sur le fondement de l'article 25-3 du modèle de convention OCDE.
En conséquence, les accords ne peuvent être conclus qu'avec des États avec lesquels la France a signé une convention fiscale comportant une disposition du type de l'article 25.3 de la Convention Modèle OCDE.
II. Transactions couvertes par l'accord préalable
5L'accord porte sur la méthode à retenir et non sur la fixation en tant que telle des prix de transfert au sein du groupe multinational.
La demande d'accord préalable peut porter sur l'ensemble des transactions entre des entreprises liées 2 telles qu'elles sont visées à l'article 57 du CGI (transactions concernant des biens corporels, incorporels ou des prestations de services) ou, au sein d'une même entreprise multinationale, sur les opérations entre le siège et un ou plusieurs de ses établissements stables.
En fonction de la demande du contribuable, l'accord peut concerner un segment d'activité, une fonction, un seul produit, voire un seul type de transaction. Le champ de l'accord peut être étendu ou restreint en fonction des éléments présentés par l'entreprise et de son incidence sur l'assiette taxable d'un autre État.
B. DÉROULEMENT DE LA PROCÉDURE D'ACCORD PRÉALABLE
6Préalablement à la formulation même de la demande, les entreprises sont invitées à se rapprocher de l'administration pour examiner les conditions dans lesquelles un accord pourrait être sollicité et instruit. Cette réunion préliminaire avant la formulation d'une demande officielle permettra d'évoquer l'opportunité d'un accord, le type et la portée des informations nécessaires à l'analyse de la politique de prix de transfert de l'entreprise, le calendrier prévisionnel des travaux ainsi que toutes questions relatives aux modalités d'instruction de la demande.
I. Ouverture de la procédure
7Elle résulte d'une initiative du contribuable auprès du bureau chargé de la négociation des accords (cf. chapitre V). La demande doit être présentée six mois au moins avant l'ouverture du premier exercice visé par la demande d'accord (sous réserve de l'exception prévue au paragraphe « rétroactivité de l'accord »).
Le contribuable propose une méthode de détermination de ses prix de transfert et fournit l'ensemble des données commerciales, industrielles, financières, juridiques... visant à démontrer que, selon lui, cette méthode conduit à déterminer des prix de manière conforme au principe de pleine concurrence.
Le fait qu'un contribuable fasse l'objet d'une procédure de contrôle ne fait pas obstacle à la présentation d'une demande d'accord au titre de transactions futures.
8Une demande d'accord préalable ne peut avoir pour effet de suspendre un contrôle en cours ou toute autre procédure d'examen ou d'établissement de l'impôt. Toutefois, rien ne s'oppose à ce qu'une opération de contrôle fiscal puisse être prolongée par l'examen d'une demande d'accord préalable pour les exercices non couverts par la vérification de comptabilité.
La demande du contribuable doit être formulée dans un cadre bilatéral et doit être présentée à la direction générale des impôts.
Parallèlement à la présentation de la demande en France, les entreprises doivent formuler leur demande d'accord dans l'autre État concerné. Le contribuable doit adresser une copie de cette demande dans le délai de deux mois à compter de la date de la demande d'ouverture de la procédure en France.
9Le contribuable transmet à l'appui de sa demande, l'ensemble des informations nécessaires à l'examen de la méthode qu'il entend retenir pour la détermination de ses prix de transfert (cf. en annexe, une liste indicative des pièces à produire).
Ces documents seront déposés sous une forme convenue préalablement.
À la demande de l'administration, certains documents transmis en langue étrangère devront être traduits en français.
L'ouverture d'une procédure d'accord préalable demeure sans incidence sur les délais de prescription de l'action administrative et l'instruction de celle-ci ne fait pas obstacle à l'engagement d'une procédure de contrôle fiscal.
II. Instruction de la demande d'accord préalable
1. Modalités d'instruction de la demande.
10L'accord préalable en matière de prix de transfert suppose une coopération entre l'entreprise et l'administration.
L'étude de la méthode de prix de transfert et des transactions soumises à l'examen de l'administration fait l'objet de discussions entre les parties. Des réunions techniques sont organisées afin de permettre au contribuable de présenter les documents nécessaires à l'expertise des transactions concernées et de justifier la méthode qu'il entend retenir.
L'instruction de cette demande conduit à étudier la méthode présentée par le contribuable dans le cadre d'un examen conjoint mené par l'administration fiscale française dans le cadre d'une négociation parallèle entre l'administration française et l'autorité compétente de l'État concerné.
11Avec l'accord de l'entreprise, les agents de l'administration fiscale chargés de l'instruction de la demande peuvent se rendre sur place. L'entreprise ou ses conseils mettent à la disposition de l'administration les éléments permettant d'analyser la méthode présentée par tous moyens appropriés (documentation, visite de sites, exposés des techniques industrielles et commerciales, etc.).
Pendant la durée de l'instruction de la demande, l'entreprise tient l'administration française informée de l'avancement des procédures engagées avec les autres autorités compétentes et lui fournit les mêmes documents que ceux qu'elle remet à ces dernières.
2. Production documentaire.
12L'administration doit avoir accès à l'ensemble de la documentation permettant d'éclairer la politique de prix de transfert de l'entreprise.
Outre la communication des documents nécessaires à l'expertise de sa méthode, le contribuable peut être amené à produire tout document comptable ou extra-comptable susceptible d'éclairer les agents chargés de l'instruction de la demande (cf. en annexe, la liste indicative des documents qui peuvent être demandés).
Pour justifier la méthode qu'il retient pour la détermination de ses prix de transfert, le contribuable doit dans toute la mesure du possible :
- rassembler les données pertinentes sur les prix pratiqués lors de transactions comparables sur le marché libre ;
- faute de pouvoir disposer de ces informations, identifier toutes les transactions susceptibles d'être comparables mais pour lesquelles des données fiables ne sont pas disponibles ;
- dans l'impossibilité d'identifier de telles transactions, rassembler des données pertinentes sur les prix appliqués lors de transactions similaires, même si celles-ci ne sont pas étroitement comparables, effectuées sur le marché libre et proposer les ajustements nécessaires à leur application à ses propres opérations.
13En l'absence de données comparables, le contribuable devra démontrer que la méthode qu'il retient permet d'approcher des prix de pleine concurrence.
La méthode de détermination des prix de transfert présentée par le contribuable, portant par hypothèse sur des transactions futures, peut être affectée par l'évolution des conditions économiques ou opérationnelles dont les effets peuvent modifier les paramètres de l'accord au moment où se réaliseront les transactions en cause.
L'entreprise doit, par conséquent, proposer les hypothèses de base, c'est à dire les seuils ou les paramètres qui, selon elle, sont de nature à remettre en cause la validité de cette méthode et conduisent :
- à sa révision (la société doit alors définir les conditions dans lesquelles la méthode doit être modifiée) ;
- ou à sa suspension sur la période restant à courir.
14Ces hypothèses de base font l'objet d'une étude circonstanciée dans le cadre de la négociation de l'accord. Le contribuable doit présenter à l'appui de sa demande d'accord les principaux paramètres dont l'existence conditionne de manière déterminante la méthode de fixation de ses prix de transfert. En outre, il doit expliquer la façon dont la méthode retenue peut s'adapter à certaines modifications des conditions d'exercice présentées lors du dépôt de la demande. Ces hypothèses sont alors soumises à l'accord de l'Administration.
15Dans la mesure où il l'estime utile, le contribuable peut présenter une étude technique réalisée par un expert (en matière économique, financière ou autre...) destinée à valider la méthode qu'il souhaite retenir, préciser davantage les conditions d'exercice de son activité, ou encore apporter des détails supplémentaires sur la nature des transactions à l'origine de sa demande.
L'administration conserve la possibilité de demander la production de documents complémentaires, études ou rapports qui lui paraîtront utiles à l'examen de la méthode présentée.
Toute information qui pourrait être demandée par écrit par l'administration fiscale devra lui être transmise dans les meilleurs délais.
3. Confidentialité des informations transmises.
16Le caractère confidentiel de l'information ne peut être opposé à l'administration pour faire obstacle à la communication d'un document. L'Administration s'engage à ne pas divulguer à des tiers autres que l'autorité compétente partie à l'accord l'information transmise et à respecter les règles de confidentialité qui se rapportent directement à l'existence et au montant de l'impôt dû par le contribuable. Les règles relatives au secret fiscal s'appliquent aux informations transmises dans le cadre de l'accord.
III. Négociation avec l'autre autorité compétente
17Dès lors que l'administration aura établi sa position sur la méthode de détermination des prix de transfert proposée par le contribuable - position dont elle l'informera -, elle poursuit l'examen conjoint de celle-ci avec l'autre autorité compétente partie à la négociation.
Pendant la durée de ces échanges, l'administration tient le contribuable informé des progrès réalisés et peut être conduite à lui demander des informations complémentaires en fonction de l'évolution des discussions.
Si, au terme de ces échanges, l'autre autorité compétente parvient à la conclusion qu'elle ne souhaite pas donner son accord, la procédure est close et le contribuable en est informé.
1 Selon la définition donnée par l'OCDE au §4-124 des principes directeurs applicables en matière de prix de transfert, « l'accord préalable permet de déterminer, préalablement à des transactions entre entreprises associées, un ensemble de critères appropriées (notamment la méthode à utiliser, les éléments de comparaison et les ajustements à y apporter, les hypothèses principales quant à l'évolution future) en vue de déterminer le prix de transfert applicable à ces transactions pendant une période donnée ».
2 Il s'agit des entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises hors de France ou bien qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle des entreprises concernées situées hors de France.