B.O.I. N° 34 du 23 FÉVRIER 2006
GENERALITES
1.La procédure amiable instituée dans le cadre d'une convention fiscale bilatérale, inspirée de l'article 25 du modèle de convention fiscale de l'OCDE, prévoit une d'obligation de moyens. Les Etats ne sont pas tenus d'aboutir à une solution assurant une élimination totale de la double imposition mais doivent seulement s'efforcer de l'éliminer.
2.Pour sa part, la convention européenne d'arbitrage du 23 juillet 1990, étendue à l'Autriche, la Finlande et la Suède et prorogée depuis le 1 er novembre 2004 entre les 15 Etats de l'Union européenne, prévoit une obligation de résultat. Cette convention ne vise en revanche que les prix de transfert. En effet, la convention européenne d'arbitrage n'est applicable qu'aux situations de double imposition juridique ou économique entre entreprises associées dans lesquelles un même contribuable est imposé dans les deux Etats en raison d'un même revenu et aux situations dans les lesquelles deux contribuables établis respectivement dans deux Etats sont imposés à raison du même revenu. Elle instaure une procédure en deux phases : une procédure amiable entre autorités compétentes et une procédure d'arbitrage, qui sont deux voies de recours spécifiques, en vue d'éliminer les doubles impositions.
3.La procédure amiable prévue par la convention européenne d'arbitrage est indépendante des procédures amiables prévues par les conventions fiscales bilatérales.
4.Les procédures amiables ouvertes tant dans un cadre bilatéral que dans le cadre de la convention européenne d'arbitrage, ainsi que la procédure d'arbitrage ne sont pas de nature juridictionnelle. En outre, elles restent indépendantes des voies de recours de droit interne.
5.Dans le cadre du traitement de l'ensemble de ces procédures, la France entend mettre en oeuvre le code de conduite adopté par le Conseil de l'Union européenne le 7 décembre 2004.
6.Parallèlement, l'examen des procédures amiables doit être fait de manière transparente. Cette transparence doit exister tant dans les relations administration - contribuables que contribuables - administration. L'objectif recherché doit être de trouver aussi rapidement que possible une solution qui assure une élimination de la double imposition. A cet égard, la France accomplira tous les efforts utiles pour parvenir à une solution éliminant la double imposition, même s'il n'existe qu'une obligation de moyen.
7.De même, le traitement des procédures amiables sera mené en recherchant un objectif de rapidité et de transparence.
CHAPITRE PREMIER :
LA PROCEDURE AMIABLE
Section 1 :
Champ d'application de la procédure amiable
A. La procédure amiable bilatérale
1. Champ d'application territorial
8.Le champ d'application territorial est régi par les dispositions de la convention fiscale bilatérale applicable entre la France et l'autre Etat concerné, étant rappelé que la France est liée par environ 110 conventions fiscales contenant un dispositif de procédure amiable. Il est précisé qu'il peut s'agir également d'une convention entre la France et un territoire ou une collectivité d'outre-mer de la République française dans la mesure où elle prévoirait un mécanisme de procédure amiable 2 .
2. Contribuables concernés
9.L'ouverture d'une procédure amiable dans le cadre d'une convention déterminée peut être demandée en principe par toute personne physique ou morale résidente de l'un ou l'autre Etat partie à la convention. Cette personne peut se faire représenter par un mandataire dûment habilité.
10.Ainsi, toute personne qui, en vertu de la législation d'un Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout critère de nature analogue peut demander l'ouverture de la procédure amiable. A cet égard, une personne morale considérée comme telle aux fins d'imposition peut demander l'ouverture de la procédure amiable même si l'imposition effective est établie au niveau de ses membres ou associés. Lorsque cet Etat est la France, une société de personnes, un groupement de personnes ou un groupement d'intérêts économiques sont habilités à demander l'ouverture d'une procédure amiable s'ils font l'objet d'une double imposition effective.
11.Toutefois, les membres ou associés de telles personnes ou groupements ont également la possibilité de demander l'ouverture d'une procédure amiable dans la mesure où leur participation dans celles-ci est concernée.
12.De même, une entreprise française qui est membre d'un groupe de sociétés, au sens des articles 223 A à U du code général des impôts, peut demander l'ouverture d'une procédure amiable alors même que l'impôt sur les sociétés est acquitté pour son compte par la société mère. Parallèlement, la société mère peut également demander pour le compte de sa filiale membre du groupe l'ouverture de la procédure amiable.
13.Conformément au paragraphe 1 de l'article 25 du modèle OCDE, la procédure amiable mise en place par une convention fiscale n'est en principe ouverte qu'aux résidents de l'un ou l'autre Etat partie à la convention quelle que soit leur nationalité. De nombreuses conventions prévoient cependant que, pour l'application des dispositions relatives à la non-discrimination, la procédure amiable est ouverte aux nationaux des deux Etats membres quelle que soit leur résidence.
14.De plus, la convention fiscale peut prévoir que les États contractants sont amenés à se concerter en vue d'éliminer la double imposition dans les cas non prévus par la convention. Dans ce cadre, un établissement stable en France d'une société résidente de l'autre État, peut demander l'ouverture d'une procédure amiable s'il existe une double imposition effective entre cette société et son établissement français.
15.Enfin, la procédure amiable trouve également à s'appliquer même lorsque l'une des entreprises concernées a subi des pertes.
3. Nature des impositions concernées
16.La procédure amiable ne peut être engagée que s'il y a imposition ou risque d'imposition non conforme à la convention. Elle ne peut concerner que les impôts visés par la convention : impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, contributions sur l'impôt sur les sociétés, contributions sociales généralisées (CSG), contributions pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), impôt sur la fortune, droits de mutation par décès, selon les cas. Il convient au cas particulier de se reporter à la liste des impôts en cause énumérée par l'article « impôts visés » de la convention.
17.Cela étant, en présence d'une clause relative à la non-discrimination dans la convention fiscale, la procédure amiable peut être étendue aux impôts de toute nature ou dénomination.
18.Les stipulations conventionnelles concernant les procédures amiables ne donnent pas d'indications sur les types de litiges pouvant être soumis aux autorités compétentes. La vocation de cette procédure est en effet très large. Les sujets les plus souvent soumis aux autorités compétentes concernent :
- l'appréciation de la résidence d'un contribuable ;
- la qualification d'un type de revenu ;
- l'interprétation des termes ou principes conventionnels ;
- la détermination des résultats d'un établissement stable et les problèmes d'allocations des profits et des charges ;
- les relations entre les entreprises associées, notamment au regard des prix de transfert.
19.Les intérêts de retard, les pénalités et les majorations ne sont pas susceptibles de donner lieu à l'ouverture d'une procédure amiable.
4. Mesures permettant l'engagement de la procédure amiable
20.La procédure amiable peut normalement être demandée lorsque le contribuable « estime que les mesures prises par un Etat ou par les deux Etats contractants entraînent ou entraîneront pour lui une imposition non conforme aux dispositions de la convention » (article 25, paragraphe 1 du modèle de convention fiscale de l'OCDE en annexe 1).
21.L'ouverture de la procédure amiable est donc subordonnée à l'intervention préalable d'une mesure administrative qui peut entraîner soit une imposition immédiate, soit une imposition future suffisamment précise dans son principe (contribuable et impôt concernés, années en cause, motivations de l'imposition) pour permettre aux autorités compétentes d'apprécier le risque d'imposition non conforme à la convention.
22.S'agissant de la France, la mesure administrative concernée s'entend de :
- la proposition de rectification en cas de procédure de redressement contradictoire (auparavant, la réception de la notification de redressements) ;
- la notification des bases ou éléments d'imposition en cas de procédure d'office ;
- Le prélèvement d'une retenue à la source.
23.S'agissant d'un Etat étranger, la mesure prise par cet Etat et permettant l'engagement de la procédure amiable est généralement constituée par l'établissement de l'imposition (la mise en recouvrement des droits) ainsi que la notification des bases ou éléments d'imposition. A titre indicatif, une liste de ces mesures afférentes aux Etats membres de l'Union européenne a été établie dans le cadre du Code de conduite sur la convention européenne d'arbitrage du 23 juillet 1990. Egalement applicable en matière de procédure amiable bilatérale, elle permet de connaître quels sont les différents actes de procédure qui, pour les différents Etats, constituent l'événement permettant de recourir à la procédure amiable, notamment en matière de prix de transfert (cf. annexe 2).
24.Enfin, que la mesure entraînant la demande d'ouverture de la procédure amiable ait été prise en France ou dans un autre Etat, l'acceptation expresse ou tacite d'un redressement par un contribuable, même suite à une transaction, ne prive pas ce dernier du droit de demander l'ouverture de la procédure amiable.
5. Situations excluant le recours à la procédure amiable
25.Lorsqu'un contribuable faisant état d'une double imposition pour revendiquer le bénéfice d'une procédure amiable, n'apporte pas les éléments de preuve de la réalité de la double imposition, l'administration peut rejeter sa demande. Il s'agit, en effet, d'éviter de créer des cas de double exonération.
26.L'objectif d'une convention fiscale est d'éviter les situations de double imposition mais aussi de prévenir l'évasion et la fraude fiscales. Dès lors, l'administration ne sera pas tenue de donner suite aux demandes d'ouverture de procédures amiables lorsque les mesures générant la double imposition auront été assorties de pénalités graves (cf. annexe 3 de la présente instruction) devenues définitives.
27.L'autorité compétente ne sera pas tenue de donner suite à une demande d'ouverture de procédure amiable lorsqu'il y aura eu de la part du contribuable une volonté manifeste de s'affranchir des principes posés par la convention fiscale bilatérale, ce contribuable ayant procédé par lui-même à une correction de ses revenus ou bénéfices déclarés dans un Etat au motif que l'autre Etat a procédé à un rehaussement touchant les mêmes revenus ou bénéfices.
Exemple : une entreprise A fait l'objet dans un Etat d'un redressement sur ses bénéfices pour un montant de 10.000 euros au titre des prix de transfert pratiqués avec une société liée B située en France. Afin d'éliminer la double imposition économique, la société A facture le montant du redressement à l'entreprise B qui va le déduire de ses charges. Suite à une vérification de comptabilité, les services fiscaux français rejettent cette facturation en effectuant un redressement d'égal montant au motif de l'absence de justification.
B. La procédure amiable dans le cadre de la convention européenne d'arbitrage
28.La procédure amiable prévue par la convention européenne d'arbitrage est comparable à la procédure amiable, prévue par les conventions fiscales bilatérales. Il convient donc de se reporter également en tant que de besoin aux commentaires de l'article 25 du modèle de convention fiscale de l'OCDE.
29.Toutefois, la procédure amiable prévue par la convention européenne d'arbitrage présente certaines caractéristiques propres.
1. Champ d'application territorial
30.Le champ d'application territorial de la convention européenne d'arbitrage s'étend actuellement à 15 Etats membres de l'Union européenne : Autriche, Belgique, Danemark, Allemagne, Finlande, Espagne, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni et Suède.
31.Elle ne s'applique toutefois pas, aux termes du paragraphe 2 de l'article 16, aux territoires et collectivités d'outre-mer français, aux Iles Féroé et au Groenland.
32.La convention signée le 21 décembre 1995, amendant la convention du 23 juillet 1990 pour tenir compte de l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, est entrée en vigueur en France le 1 er février 2003, suite à sa ratification par la France et l'ensemble de ces nouveaux Etats. Elle est également entrée en vigueur entre l'Autriche, la Finlande et la Suède et les autres onze Etats membres de l'Union européenne. Le tableau suivant détaille les dates d'entrée en vigueur de cette convention pour les 15 Etats membres :