Date de début de publication du BOI : 07/01/2005
Identifiant juridique : 13O-1-05 
Références du document :  13O-1-05 
Annotations :  Supprimé par le BOI 13N-1-07

B.O.I. N° 5 du 7 JANVIER 2005


BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS

13 O-1-05  

N° 5 du 7 JANVIER 2005

ARRÊT DU 12 JUILLET 2004 (N° 1266 FS-P+B+I) DE LA COUR DE CASSATION.
CHAMP D'APPLICATION DE L'ARTICLE 6-1 DE LA CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME.

(C.E.D.H., art. 6-1)

NOR : BUD L 05 00003 J

Bureaux J 2 et T 3



PRESENTATION


Sauf mise en oeuvre de sanctions fiscales assimilables à des accusations en matière pénale, l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme relatif aux règles du procès équitable n'est pas applicable au contentieux fiscal.


Selon les dispositions de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme (C.E.D.H.)

« toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligation à caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle [...] ».

Après la Cour européenne des droits de l'homme et le Conseil d'Etat, la Cour de cassation a précisé le champ d'application de ce texte en matière fiscale.

  1. Un litige fiscal relatif à des droits et des intérêts de retard ne relève pas de l'article 6-1 de la C.E.D.H.

Par un arrêt de principe du 12 juillet 2004 (reproduit en annexe), la Cour de cassation a intégré à sa jurisprudence l'arrêt rendu le 12 juillet 2001 par la cour européenne des droits de l'homme 1 qui a décidé que le contentieux fiscal échappe au champ des droits et obligations de caractère civil en dépit des effets patrimoniaux qu'il a nécessairement quant à la situation des contribuables, de sorte que l'article 6-1 de la C.E.D.H. ne s'y applique pas.

Visant cette décision de la Cour européenne et constatant que le litige en cause ne comportait aucune amende ou majoration, la Cour de cassation a décidé que l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme n'était pas applicable à l'espèce.

Elle en a déduit que l'article 25-II B de la loi de fin ances rectificative pour 1999 portant validation d'avis de mise en recouvrement devait s'appliquer sans restriction (autre que celle afférente aux décisions de justice passées en force de chose jugée) 2 .

Il découle de cette jurisprudence que, sauf mise en oeuvre d'amendes ou de majorations, les contestations formées en matière fiscale sont situées hors du champ d'application de l'article 6-1 précité de la C.E.D.H.

Dès lors, cet arrêt rend inopérant le moyen tiré d'une violation de ce texte dans tous les litiges où ne sont en cause que des droits et intérêts de retard.

Le Conseil d'Etat statue dans le même sens 3 .

  2. Les litiges relatifs à des amendes et majorations relèvent de l'article 6-1 de la C.E.D.H. pour ce qui concerne les procédures contentieuses suivies devant les juridictions.

Dès lors qu'elles s'analysent en des litiges visant des accusations en matière pénale, les contestations relatives aux amendes et majorations entrent dans le champ d'application de l'article 6-1 de la C.E.D.H.

Cela étant, le juge administratif a déjà décidé que ce texte n'édictait aucune règle ou aucun principe dont le champ d'application s'étendrait au-delà des procédures contentieuses suivies devant les juridictions et qui gouvernerait l'élaboration ou le prononcé de sanctions 4 .

Cette analyse rejoint celle de la Cour de Strasbourg qui admet qu'un Etat puisse confier à l'administration le soin de poursuivre et réprimer les infractions fiscales pour autant que l'usager puisse saisir de toute décision ainsi prise à son encontre un tribunal offrant les garanties de l'article 6-1 de la C.E.D.H. 5

L'article 6-1 de la C.E.D.H. n'est donc applicable qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions. Les stipulations de l'article 6-1 précité ne sont, en particulier, pas invocables à l'encontre de la procédure par laquelle l'administration fiscale établit des pénalités 6 .

Annoter : D.B. 13 O 113 n° 18 et 13 L 1612 n° 8

Le Sous-Directeur

Christian Comolet-Tirman

Cour de cassation, arrêt du 12 juillet 2004

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 février 2001), que M. X... est décédé le 7 mars 1989, en laissant pour recueillir sa succession, son épouse, bénéficiaire d'une donation entre époux, qui a opté pour l'usufruit de la totalité de la succession, et deux fils (MM. X... ) ; que la déclaration de succession déposée ayant fait l'objet d'un redressement, MM. X... ont saisi le tribunal en nullité de la procédure de redressement ; que leur demande n'ayant pas été accueillie, ils ont sollicité la décharge du rappel de droits d'enregistrement auprès de la cour d'appel en soutenant que la procédure d'imposition était irrégulière, ainsi que l'avis de mise en recouvrement du 18 décembre 1995 ;

Attendu que MM. X... font grief à l'arrêt d'avoir décidé que l'avis de mise en recouvrement devait être réputé régulier, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en se fondant sur les seules dispositions de l'article 25-II B de la loi de finances rectificative pour 1999 et en leur donnant une portée rétroactive, malgré l'absence d'intérêt général attaché audit texte, la cour a entaché sa décision d'une violation de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'Homme et de l'article 1er du premier protocole de la Convention européenne des droits de l'Homme ;

2°/ que l'avis de mise en recouvrement qui date du 18 décembre 1995 est antérieur à la loi de finances rectificative pour 1999 ; qu'en se fondant sur les dispositions de l'article 25-II B de ladite loi, les juges d'appel ont entaché leur décision d'un défaut de base légale au regard dudit texte ;

3°/ que l'avis de mise en recouvrement doit reprendre les éléments de calcul et le montant des droits qui constituent la créance ; qu'en ne répondant pas au moyen tiré de ce que la procédure de recouvrement doit être réputée irrégulière, les sommes indiquées dans la notification de redressement visée dans l'avis de mise en recouvrement étant différentes de celles mises en recouvrement, la cour d'appel a violé les articles L. 57 et R. 256-1 du Livre des procédures fiscales et 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'en fondant sa décision sur l'application de l'article 25-II B de la loi de finances rectificative pour 1999, la cour d'appel n'a pas méconnu les dispositions de l'article 1er du Protocole n°1 de la Convention européenne des droits de l'Homme relatives à la protection de la propriété, qui réservent le droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour assurer le paiement des impôts, ni l'article 6 § 1 de la même Convention, qui, en l'absence de toute accusation en matière pénale, n'est pas applicable au contentieux fiscal, lequel échappe au champ des droits et obligations de caractère civil, en dépit des effets patrimoniaux qu'il a nécessairement quant à la situation des contribuables (CEDH 12 juillet 2001, X... c/ Italie) ;

Attendu, en second lieu, qu'en faisant application de l'article 25-II B de la loi de finances rectificative pour 1999, qui, indépendamment de leur date d'émission, répute réguliers, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les avis de mise en recouvrement émis à la suite de notifications de redressement effectuées avant le 1er janvier 2000, en tant qu'ils seraient contestés par le moyen tiré de ce qu'ils se référeraient, pour ce qui concerne les informations mentionnées à l'article R. 256-1 du Livre des procédures fiscales, à la seule notification de redressement, la cour d'appel a répondu par là même aux conclusions invoquées par la troisième branche du moyen, et a légalement justifié sa décision ;

Qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

 

1   C.E.D.H. 12 juillet 2001, n° 44759/98, Grande ch. ; X... c./Italie.

2   Le moyen invoquait en outre une violation des dispositions de l'article 1 er du protocole n° 1 de la C.E.D.H. relatives à la protection des biens. La Cour a écarté ce grief en relevant que ce dernier texte réserve le droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour assurer le paiement des impôts.

3   S'agissant des droits : CE 26 novembre 1999, n° 184474, 9e et 8e s.-s., X...  ; CE 28 juillet 2000, n° 184510, 9e et 10e s.-s., X... . En ce qui concerne les intérêts de retard : avis CE 12 avril 2002, n° 239693, SA Financière Labeyrie (sur la convergence des analyses du Conseil d'État et de la Cour de cassation en matière d'intérêts de retard : cf. BOI 13 N-2-02 et 13 N-1-04 ).

4   Avis CE 31 mars 1995 n° 164008, Section, Méric.

5   CEDH 24 février 1994 n° 3/1993/398/476, X... c./ France.

6   CE 27 mars 2000 n° 187703, 8e et 3e s.-s., SARL Maurel et fils.