B.O.I. N° 15 du 30 JANVIER 2007
INTRODUCTION
1.Le régime d'aide fiscale à l'investissement outre-mer précédemment codifié sous l'article 163 tervicies du code général des impôts permettait aux contribuables personnes physiques de déduire de leur revenu net global une somme égale au montant hors taxe des investissements productifs, diminué de la fraction de leur prix de revient financée par une subvention publique, qu'ils réalisaient dans les départements et territoires d'outre-mer et dans les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon dans le cadre d'une entreprise appartenant à certains secteurs d'activité limitativement énumérés par la loi.
2.L'article 19 de la loi de finances pour 2001 et la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer ont profondément modifié ce régime désormais codifié sous les articles 199 undecies B et 199 undecies C. Les principaux aménagements sont les suivants :
- une réduction d'impôt pratiquée sur l'impôt sur le revenu dû par les investisseurs personnes physiques se substitue à la déduction fiscale pratiquée au niveau de leur revenu net global ;
- le champ d'application de l'aide fiscale est élargi ;
- les travaux de rénovation et de réhabilitation hôtelière ainsi que les logiciels nécessaires à l'utilisation des investissements éligibles ouvrent droit à réduction d'impôt lorsqu'ils constituent des éléments de l'actif immobilisé ;
- l'entrepreneur individuel, les associés de la société de personnes ou les membres du groupement propriétaire de l'investissement éligible sont autorisés à bénéficier de l'aide fiscale lorsque celui-ci est mis à la disposition d'une entreprise utilisatrice dont l'activité est éligible à l'aide fiscale. Corrélativement, il est institué, au profit de cette dernière, une obligation de rétrocession de 50 ou 60 % de l'avantage fiscal obtenu par l'investisseur sous forme d'une diminution du montant des loyers et du prix de cession du bien à l'exploitant ;
- les conditions d'obtention et la procédure de l'agrément préalable sont aménagées ;
- des précisions sont apportées sur le régime applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises 1 .
Enfin, la loi de programme pour l'outre-mer met également en place une amende fiscale, une sanction pénale ainsi qu'une possibilité de contrôle matériel de la réalité des investissements.
3.Les décrets en Conseil d'Etat n° 2002- 582 du 24 avril 2002 et n° 2004-203 du 3 mars 2004, codifiés sous les articles 95 K à 95 V de l'annexe II au code déjà cité, en ont précisé les modalités d'application.
4.La présente instruction commente le régime d'aide fiscale à l'investissement outre-mer tel qu'il résulte de la loi de programme pour l'outre-mer. Les dispositions issues de l'article 19 de la loi de finances pour 2001 qui ne sont plus applicables dans le cadre de ce nouveau régime font l'objet d'un simple rappel.
Dans la présente instruction, le terme collectivités d'outre-mer désigne Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, les îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises.
Sauf mention contraire, les articles cités sont ceux du code général des impôts et de ses annexes.
CHAPITRE 1 :
REDUCTION D'IMPOT
Section 1 :
Contribuables bénéficiaires de la réduction d'impôt
5.Aux termes des premier et dix-neuvième alinéas du I de l'article 199 undecies B, la réduction d'impôt est réservée aux personnes physiques domiciliées en France au sens de l'article 4 B qui :
- réalisent, c'est-à-dire acquièrent, créent ou prennent en crédit-bail, des investissements productifs dans le cadre de leur entreprise ou de leur exploitation agricole individuelle ;
- ou qui sont associées d'une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 ou membres d'un groupement mentionné aux articles 239 quater ou 239 quater C, qui réalise de tels investissements.
En principe, l'entreprise individuelle, la société ou le groupement qui réalise l'investissement doit l'exploiter dans le cadre d'une activité éligible.
6.Toutefois, lorsque la personne qui réalise l'investissement en est propriétaire et le met à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location, le dernier alinéa du I de l'article 199 undecies B prévoit que l'entrepreneur individuel, les associés de la société ou les membres du groupement concerné peuvent néanmoins bénéficier, sous certaines conditions, de la réduction d'impôt (cf. n°s 13 et s. ).
A. EXPLOITANT INDIVIDUEL
7.Seuls les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier de la réduction d'impôt. Il s'agit des contribuables passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus, qu'ils soient de source française ou étrangère.
8.Les contribuables non-résidents qui, en application du second alinéa de l'article 4 A, sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de leurs seuls revenus de source française sont exclus du bénéfice de la réduction d'impôt. Il en est ainsi notamment :
- des contribuables qui ont leur domicile fiscal à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises ;
- des contribuables passibles de l'impôt sur le revenu en France à raison de leurs seuls revenus de source française au sens des dispositions de l'article 164 B ;
- des contribuables imposables en France selon le régime de la valeur locative prévu à l'article 164 C ;
- des contribuables disposant de revenus dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions, conformément aux dispositions de l'article 165 bis.
9.Le régime d'imposition de l'entreprise ou de l'exploitation individuelle dans laquelle est exploité l'investissement productif reste sans incidence sur le bénéfice de la réduction d'impôt.
Ainsi, les personnes physiques qui réalisent un investissement productif dans le cadre d'une entreprise industrielle, commerciale ou artisanale soumise au régime d'imposition des micro-entreprises prévu à l'article 50-0 ou d'une exploitation soumise au régime du bénéfice forfaitaire agricole prévu à l'article 64 peuvent bénéficier de la réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B.
B. ASSOCIES PERSONNES PHYSIQUES D'UNE SOCIETE SOUMISE AU RÉGIME D'IMPOSITION PRÉVU À L'ARTICLE 8 OU MEMBRES D'UN GROUPEMENT MENTIONNE AUX ARTICLES 239 QUATER OU 239 QUATER C
10.Lorsque l'investissement productif est réalisé par une société ou un groupement visé au dix-neuvième alinéa du I de l'article 199 undecies B, seuls les associés ou membres personnes physiques domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier de la réduction d'impôt dans une proportion correspondant à leurs droits aux résultats dans la société ou le groupement en cause.
Sont donc seuls susceptibles de bénéficier de la réduction d'impôt les associés ou membres présents à la date de clôture de l'exercice au titre duquel l'investissement a été réalisé.
11.Pour les investissements réalisés à compter de l'entrée en vigueur de la loi de programme pour l'outre-mer, les sociétés ou les groupements susvisés s'entendent des sociétés et des groupements dont les parts ou les droits sont détenus directement par les contribuables mentionnés au n° 7 .
Toutefois, les parts ou les droits de ces sociétés ou groupements peuvent être détenus, de manière indirecte, par les contribuables susvisés par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée soumise au régime de l'article 8. Aucune autre forme juridique d'interposition entre le contribuable et la société ou le groupement n'est admise.
12.Les associés ou les membres non-résidents visés au n° 8 qui, en application du second alinéa de l'article 4 A, sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de leurs seuls revenus de source française sont exclus du bénéfice de la réduction d'impôt.
C. EXPLOITANT INDIVIDUEL, ASSOCIES OU MEMBRES DE LA STRUCTURE QUI DONNE A BAIL L'INVESTISSEMENT
13.En principe, l'entreprise individuelle, la société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 ou le groupement mentionné aux articles 239 quater ou 239 quater C qui réalise l'investissement doit en être propriétaire et l'exploiter dans le cadre d'une activité éligible pour ouvrir droit à la réduction d'impôt.
14.Toutefois, le dernier alinéa du I de l'article 199 undecies B permet, à ces mêmes personnes, propriétaires de l'investissement, ou associés d'une société de personnes ou membres d'un groupement propriétaire de l'investissement, mais qui ne l'utilisent pas personnellement, de bénéficier, sous certaines conditions, de la réduction d'impôt lorsque le bien est donné en location à l'entreprise exploitante.
15.Corrélativement, l'investisseur bailleur est tenu de rétrocéder, au profit de l'entreprise exploitante, une fraction de l'avantage fiscal auquel l'investissement ouvre droit.
I. Conditions
16.La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B s'applique aux investissements productifs mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location si les conditions suivantes sont cumulativement remplies :
- l'investissement doit être mis à la disposition de l'entreprise exploitante dans le cadre d'un contrat de location ne prévoyant aucune prestation annexe, autre que celles strictement accessoires et nécessaires à la mise à disposition du bien, d'une durée au moins égale à cinq ans ou à la durée normale d'utilisation du bien si elle est inférieure ;
- le contrat de location doit revêtir un caractère commercial, les revenus tirés de cette location devant être imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;
- l'entrepreneur individuel locataire, les associés ou membres de la société ou du groupement locataire auraient pu bénéficier de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B si, imposable en France 2 , l'entreprise locataire avait acquis directement le bien. Si cette entreprise est soumise à l'impôt sur les sociétés, l'investissement ouvre droit à l'aide fiscale si l'entreprise avait pu, en cas d'acquisition directe du bien, bénéficier de la déduction prévue pour les entreprises soumises à cet impôt au titre du I de l'article 217 undecies ;
- l'entreprise bailleresse doit avoir son siège en France métropolitaine ou dans un département d'outre-mer 3 ;
- enfin, le bailleur doit rétrocéder à l'entreprise exploitante au moins, selon les cas (cf. n° 18 ), 50 ou 60 % du montant de la réduction d'impôt à laquelle son investissement a ouvert droit.
17.Ces dispositions ne peuvent s'appliquer que si l'entreprise bailleresse est propriétaire de l'investissement donné en location. Ne sont donc pas éligibles les biens qui sont détenus par celle-ci dans le cadre d'un contrat de crédit-bail et qui font l'objet d'une sous-location, ou d'une convention équivalente, à l'entreprise exploitante. Il en est de même lorsque le bien donné à bail par son propriétaire est sous-loué par le locataire à l'utilisateur final.
Si dans le délai de cinq ans de la mise à disposition du bien loué ou pendant sa durée normale d'utilisation si elle est inférieure, l'une des conditions visées au n° 16 cesse d'être respectée, la réduction d'impôt pratiquée fait l'objet d'une reprise au titre de l'année au cours de laquelle cet événement se réalise.
II. Montant et forme de la rétrocession
18.Le bailleur est tenu de rétrocéder à l'entreprise exploitante au moins 60 % du montant de la réduction d'impôt à laquelle son investissement a ouvert droit (dernier alinéa du I de l'article 199 undecies B).
Toutefois, pour les investissements réalisés à compter de l'entrée en vigueur de la loi de programme pour l'outre-mer, le taux de rétrocession est ramené à 50 % pour les investissements dont le montant par programme et par exercice est inférieur à 300 000 € par exploitant.
Pour déterminer le taux de rétrocession applicable, le seuil de 300 000 € s'apprécie au niveau de l'exploitant outre-mer en globalisant les investissements financés, en tout ou partie, dans le cadre des dispositions des I, II et II ter de l'article 217 undecies, de celles de l'article 199 undecies B et des f. et g. du 2. de l'article 199 undecies A, quel que soit le montant des investissements mis à sa disposition par le bailleur.
Exemple
La société A, entreprise industrielle établie en Guadeloupe, réalise un programme d'investissements en 2006 qui se décompose comme suit :
• 200 000 € en investissements directs ;
• 150 000 € pris en location auprès d'une SNC B, composée de personnes physiques.
Dès lors que le programme d'investissements excède 300 000 € au niveau de la société A, la SNC B est tenue de rétrocéder 60 % de la réduction d'impôt à laquelle son investissement a ouvert droit à l'entreprise exploitante.
19.En admettant au bénéfice de la réduction d'impôt les investissements productifs mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location, le législateur a entendu aider un mode de financement des investissements des entreprises exerçant une activité éligible en application du I de l'article 199 undecies B.
Dans ce type de schéma dit « schéma locatif », la rétrocession à l'exploitant de la fraction de l'avantage fiscal dont a bénéficié l'investisseur en application du I de l'article 199 undecies B doit être effectuée sous la forme d'une diminution de loyer et/ou d'une diminution du prix de cession du bien à l'exploitant.
Ainsi, la rétrocession doit porter en priorité sur le montant des loyers et, le cas échéant, sur le prix de cession de l'investissement, ce dernier étant pris en compte pour le calcul du taux de rétrocession. En d'autres termes, la rétrocession ne peut être considérée comme définitivement acquise à l'exploitant que par le rachat du bien loué au terme de la période de location et au plus tôt au terme de la cinquième année de location ou de la durée normale d'utilisation du bien si elle est inférieure. Dans ces conditions, ce type de schéma implique que l'exploitant devienne propriétaire de l'investissement à terme (soit par rachat du bien, soit par acquisition des parts de la société de personnes ou des droits du groupement mentionné aux articles 239 quater ou 239 quater C).
Les modalités de détermination de ce taux sont fixées à l'article 95 U de l'annexe II.
20.Le taux de rétrocession mentionné au dernier alinéa du I de l'article 199 undecies B est calculé par le rapport existant entre :
- au numérateur, la différence entre, d'une part, le montant hors taxes de l'investissement diminué de la fraction de son prix de revient financée par une subvention publique et, d'autre part, la valeur actualisée de l'ensemble des sommes mises à la charge du locataire lui permettant d'obtenir la disposition du bien et d'en acquérir la propriété au terme de la location ;
- au dénominateur, le montant de la réduction d'impôt.
La valeur actualisée des sommes mises à la charge du locataire est déterminée en retenant un taux d'actualisation égal à la moyenne pondérée, en fonction du montant des emprunts, des taux d'intérêts des emprunts souscrits pour le financement de l'investissement par le bailleur. Lorsque les emprunts sont rémunérés par un taux d'intérêt variable, seul le premier taux connu est retenu pour le calcul de la moyenne. Il n'est pas tenu compte, pour ce calcul, de l'avantage consenti en application de ces mêmes dispositions par les associés ou membres de cette entreprise.
La date d'actualisation à retenir est celle de la réalisation de l'investissement visée au point n° 148.
La réduction d'impôt est considérée comme effective au 31 décembre de l'année de réalisation de l'investissement.
21. Exemple
Hypothèses :
Département concerné : Guadeloupe
Nature des investissements : autobus
Coût des investissements : 1 530 000 €
Date de réalisation de l'investissement : 30/12/2004
Schéma juridique : une SNC X composée d'associés personnes physiques achète directement auprès du fournisseur les véhicules et les donne en location pendant cinq ans à la société Y, située en Guadeloupe, qui s'engage à racheter les biens au terme de la période de location ;
Financement :
- Apports des investisseurs affectés à l'acquisition du bien : 459 000 € au 30/12/2004
- TVA non payée récupérable : 130 050 €
- Dépôt de garantie du locataire : 153 000 €
- Emprunt linéaire sur 5 ans au taux annuel de 7 % : 787 950 €, avec échéance trimestrielle constante de 47 033,70, arrondi à 47 034 €
Le prix de rachat sur lequel la société Y s'est engagée au terme du contrat de location est égal au montant du dépôt de garantie, soit 153 000 €.
Les échéances d'emprunt et les loyers sont supposés égaux et payés à termes échus à des dates identiques, soit 47 034 € par trimestre. Les loyers sont les seuls débours que doit effectuer la société Y pour la mise à disposition des véhicules compte tenu du montage juridique et financier retenu.
Solution :
La valeur actualisée à 7 % (taux de l'emprunt) des sommes payées par le locataire sur la période des 5 ans s'établit à 940 950 €, prix de rachat actualisé, égal au dépôt de garantie additionné aux loyers actualisé, égaux dans l'exemple au montant de l'emprunt.
Le taux de rétrocession se détermine comme suit :
(base de la réduction d'impôt - valeur actualisée des sommes payées par le locataire) / réduction d'impôt = (1 399 950 (1) - 940 950) / 699 975 (2) = 65,57 %.
Le taux de rétrocession dépasse 60 %, taux de rétrocession minimal requis s'agissant d'un programme d'investissement de plus de 300 000 €.
(1) 1 530 000 € - 130 050 €
(2) 1 399 950 € x 50 %