SOUS-SECTION 2 LIMITES À L'EXERCICE DU DROIT D'APPEL
SOUS-SECTION 2
Limites à l'exercice du droit d'appel
1Si l'article 543 du NCPC pose le principe de l'ouverture la plus large de la voie de l'appel, il ne s'agit pas pourtant d'un droit absolu et certaines restrictions peuvent affecter tantôt le droit de former appel, tantôt les modalités de son exercice ou encore sa portée.
A. RESTRICTION TENANT À LA NATURE DES DÉCISIONS SUSCEPTIBLES D'ÊTRE FRAPPÉES D'APPEL
2L'appel n'est possible qu'à l'égard du jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou qui, statuant sur une exception de procédure, une fin de non recevoir ou tout autre incident, met fin à l'instance (art. 544 du NCPC).
En revanche, l'article 545 du même code interdit d'interjeter immédiatement appel d'un jugement avant-dire droit, tel, par exemple, celui ordonnant une mesure d'instruction.
Ainsi, un jugement qui, statuant au fond sur un seul chef de redressement et ordonnant pour le surplus une expertise est susceptible d'appel, tandis que celui qui se borne à ordonner une telle mesure ne l'est pas.
Toutefois, les articles 272 et 380 du NCPC donnent la faculté au premier président d'autoriser, sur requête de l'une des parties, et s'il est justifié d'un motif grave et légitime, l'appel immédiat du jugement ordonnant une expertise ou un sursis à statuer.
3En revanche, l'article L 199 al. 2 du LPF, dans sa rédaction issue de l'article 112 de la loi de finances pour 1997, prévoit expressément que les tribunaux de grande instance « statuent en premier ressort ».
Il s'ensuit que les dispositions de l'article R* 311-2 du Code de l'organisation judiciaire (COJ), fixant le taux du ressort en dessous duquel le TGI statue en premier et dernier ressort, ne sont pas applicables en matière fiscale.
L'appel est en conséquence possible, si par ailleurs les conditions nécessaires à sa formation sont réunies, quel que soit le montant de la demande devant le tribunal de grande instance.
4En revanche, sauf circonstances exceptionnelles, l'exécution du jugement, y compris en ce qui concerne les frais et les dépens, ne constitue pas un obstacle à la formation d'un appel. Ne saurait en effet constituer une acceptation tacite, l'exécution d'une décision assortie de l'exécution de droit, fût-elle à titre provisoire (Civ. 2ème 6 mai 1987, Bull. II, n°s 93 et 94 ; 4 octobre 1995, Bull. II, n° 231).
Mais cette règle ne fait bien entendu pas obstacle à ce que la partie qui succombe acquiesce expressément aux chefs de la décision lui faisant grief, renonçant ainsi aux voies de recours (cf. art. 408 à 410 du NCPC).
B. LIMITES TENANT À L'OBJET DE LA PROCÉDURE D'APPEL
5L'appel étant essentiellement une voie de réformation, celui-ci ne saurait à peine d'irrecevabilité avoir pour seul objet la rectification d'une erreur ou d'une omission matérielle ou l'interprétation du jugement de première instance, puisque les articles 462 et 463 confient le pouvoir d'interprétation ou de rectification au juge ayant prononcé la décision.
En revanche, l'inscription de l'appel au rôle de la cour d'appel a pour effet de dessaisir les premiers juges de tout pouvoir en ce domaine. Les parties à l'instance d'appel sont alors recevables à demander à la cour de manière incidente, une telle rectification ou interprétation du jugement déféré.
Il n'en va autrement que lorsque l'erreur matérielle alléguée a pour conséquence d'entraver l'exécution provisoire de droit dont est assorti le jugement : en ce cas, nonobstant l'exercice effectif de l'appel, la juridiction de premier degré ayant statué conserve le pouvoir de rectifier sa décision sur ce point (TGI Evry 27 octobre 1994, Bull. inf. Cour de cass. 1995, n° 62).
6S'agissant d'une omission de statuer, le jugement peut être complété par la juridiction l'ayant prononcée selon la procédure prévue à l'article 463 du NCPC.
La doctrine retient généralement que l'appel ayant pour seul objet un tel complément serait irrecevable, mais que, saisie d'un recours recevable et portant sur d'autres chefs de la demande, la cour d'appel est compétente pour compléter, de manière incidente, le jugement déféré sur les points sur lesquels il aurait omis de statuer. Cette solution est transposable à l'ultra petita (NCPC, art. 464).
7Par ailleurs, lorsque le tribunal de grande instance s'est prononcé sur une exception d'incompétence, que ce soit pour l'accueillir ou la rejeter, la cour d'appel est compétente pour connaître du recours formé contre cette décision, soit par la voie du contredit, soit par celle de l'appel (cf. ci-après 13 O 4943 ).
C. LIMITES TENANT AU CADRE DU LITIGE PORTÉ EN APPEL
8En matière fiscale, le principe de l'interdiction des prétentions nouvelles en appel trouve sa source non seulement dans les dispositions du NCPC qui les prohibe de manière générale (art. 564), mais également dans celles du Livre des procédures fiscales qui posent la règle selon laquelle le contenu de la demande portée devant le juge de l'impôt est délimité par le contenu de la réclamation préalable (art. L 199, al. 2, L 199 C, R* 190-1, al. 1, et R* 199-1).
9À cet égard, on rappelle que l'instance juridictionnelle, en matière fiscale, constitue un recours dirigé contre la décision administrative de rejet tacite ou expresse de la réclamation du contribuable (Com., 6 décembre 1978, Bull. IV, n° 299).
Il ne saurait donc être demandé devant la cour d'appel plus qu'il n'a été demandé aux premiers juges et qu'il n'était sollicité dans la réclamation préalable.
Cette double limitation interdit par exemple d'étendre la demande portée devant la cour à une fraction de la créance fiscale qui n'aurait pas déjà été contestée devant le tribunal de grande instance et dans la réclamation.
Elle fait pareillement défense de solliciter par le biais d'une action indemnitaire incidente une réparation du dommage prétendument subi.
10La notion de prétention nouvelle ne doit pas être confondue avec celle de fondement juridique différent de la demande et de moyen nouveau.
L'article L 199 C dans sa nouvelle rédaction issue de l'article 112 de la loi de finances pour 1997, a, en effet, étendu l'admissibilité des moyens nouveaux à l'instance d'appel.
Il s'ensuit que les dispositions des articles 564, 565 et 567 du NCPC qui atténuent la portée de la règle de l'interdiction des prétentions nouvelles en appel ne sont applicables en matière fiscale que dans la mesure où leur mise en oeuvre n'est pas contraire aux dispositions précitées du LPF.
Aussi, la compensation ne peut être opposée que dans les conditions prévues aux articles L 203 et suivants du LPF (cf. 13 O 14 ).
Les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont admissibles que dans la limite du, dégrèvement sollicité et dans le respect de l'objet de l'instance fiscale (cf. 13 O 444 ).
D. LIMITES TENANT AUX CHEFS DU JUGEMENT DÉFÉRÉS À LA CONNAISSANCE DE LA COUR D'APPEL
11L'article 562 du NCPC pose dans son premier alinéa le principe selon lequel la cour d'appel n'est saisie que des chefs du jugement dont la connaissance lui est déférée par la déclaration d'appel.
Il découle de cette règle qu'une cour d'appel n'a pas à justifier les dispositions non critiquées du jugement qui lui est soumis (Civ. 1ère, 12 mai 1977, Bull. I, n° 237), qu'elle ne peut pas davantage aggraver le sort de l'appelant, ni réformer la décision déférée au bénéfice de l'intimé, lorsqu'aucun appel incident n'a été relevé (Com. 11 avril 1975, Bull. IV, n° 93 ; 23 octobre 1984, Bull. IV, n° 271).
Mais lorsque l'appel a été limité à certains chefs de la décision du jugement déféré, l'appelant n'est plus recevable, dans des conclusions ultérieures, à sortir des limites qu'il s'est lui-même fixé (Civ. 2ème, 15 mai 1972, Bull. II, n° 146).
Cette règle peut recevoir application en matière fiscale lorsque l'appel de l'administration ou du redevable se limite à certains chefs du jugement se prononçant sur des chefs de redressement distincts.
12En revanche, à défaut d'indication particulière dans la déclaration d'appel, il y a lieu de considérer que l'appel est général et que la cour peut, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, connaître de tous les chefs du jugement faisant grief à l'appelant.
Tel est également le cas, précise l'article 562, al. 2 du NCPC, lorsque l'objet du litige est indivisible.
Cet article énonce également que la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement.
Ce principe signifie que la cour d'appel ayant retenu un motif d'annulation du jugement déféré est saisie de l'entier litige et doit ainsi trancher au fond l'affaire.
13Toutefois, lorsque le jugement doit être annulé en raison de l'irrégularité qui affecte l'acte introductif d'instance, l'effet dévolutif n'opère point (Civ. 2ème, 27 février 1985, Bull. II, n° 46) à moins que le défendeur ait comparu devant les premiers juges (Civ. 2ème, 5 décembre 1979, Bull. II, n° 280) ou conclu au fond devant la cour (Civ. 2ème 9 juillet 1981, Bull. II n° 154), auquel cas l'effet dévolutif se produit, et ce, même lorsqu'il s'agit de conclusions à titre subsidiaire (Civ. 2ème, 27 février 1985 précité). La cour doit alors statuer au fond. À l'inverse, dans l'hypothèse d'une annulation du jugement pour nullité de l'assignation, si la dévolution de l'affaire ne s'opère pas pour le tout, l'arrêt d'annulation met un terme à l'instance.
Les juges d'appel n'ont, en effet, pas le pouvoir de renvoyer l'affaire devant les premiers juges, celui-ci n'appartenant qu'aux seuls plaideurs, à condition qu'ils soient toujours dans le délai pour agir, compte tenu de l'absence d'effet interruptif de l'assignation annulée (Civ. 2ème, 18 décembre 1996, Bull. II, n ° 282 ; procédure 3/97, n° 50).
Dans cette hypothèse toutefois, la cour dispose de la faculté d'évoquer le litige si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive (art. 568 du NCPC ; cf. ci-après 13 O 4944 ).
14À cet égard, il convient de ne pas confondre le régime des nullités de l'acte avec celui de la caducité de l'assignation qui entraîne l'extinction de l'instance.
Par suite, une telle caducité doit être constatée par la cour d'appel sans jamais pouvoir être couverte par les conclusions au fond prises par les parties devant les juges de premier degré ou d'appel (Civ. 1ère, 10 octobre 1995, Bull. I, n° 355). Bien entendu, en ce cas, il ne saurait y avoir d'effet dévolutif puisque c'est l'existence même de l'instance qui est compromise par la caducité.