CHAPITRE PREMIER PROCÉDURE DEVANT LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE GÉNÉRALITÉS - COMPÉTENCE
CHAPITRE PREMIER
PROCÉDURE DEVANT LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE
GÉNÉRALITÉS - COMPÉTENCE
1La procédure spéciale instituée en matière fiscale, est régie par les articles R* 202-1 à R* 202-6 du Livre des procédures fiscales.
2Ces textes sont issus par codification de la loi du 22 frimaire an VII (art. 65), de la loi du 27 ventôse an IX (art. 17), de la loi du 5 ventôse an XII (art. 88), de la loi du 30 avril 1921 (art. 7), de la loi n° 63-1316 du 27 décembre 1963 (art. 3-3, 10-1, 10-2, 10-3, 10-4, 14-1 à 3), de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (art. 76, dernier al.), de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983 (art. 93-II), de la loi n° 92-677 du 17 juillet 1992 (art. 108 et 121), du décret n° 71-290 du 15 avril 1971 (art. 2), du décret n° 81-860 du 15 septembre 1981 (art. 1 et 2), du décret n° 84-674 du 17 juillet 1984 (art. 1), du décret n° 84-686 du 17 juillet 1984 (art. 7), du décret n° 92-1431 du 30 décembre 1992 (art. 1 à 6), et enfin du décret n° 98-127 du 4 mars 1998.
3Pour l'essentiel, la procédure spéciale applicable devant les tribunaux de grande instance est une procédure simplifiée et peu coûteuse dont les caractéristiques principales sont d'être écrite, conduite par le juge, contradictoire et sans obligation de ministère d'avocat pour les parties.
4Enfin, et surtout, les jugements de ces tribunaux étaient, jusqu'au 1er mars 1998, rendus en premier et dernier ressort , quelle que soit l'importance du litige, contrairement à la règle du double degré de juridiction (LPF, art. L 199 modifié par l'art. 112 de la loi de finances pour 1997).
La procédure spéciale se rapproche plus de la procédure devant le tribunal administratif que de la procédure judiciaire de droit commun.
5Quant à la compétence des tribunaux de grande instance, elle se définit tant au regard de la matière en litige (cf. section 1 : compétence « ratione materiae ») qu'au point de vue territorial (cf. section 2 : compétence « ratione loci »).
SECTION 1
Compétence « ratione materiae »
1L'article 33 du Nouveau Code de Procédure civile pose en principe que « la compétence des juridictions en raison de la matière est déterminée par les règles relatives à l'organisation judiciaire et par des dispositions particulières ».
2En matière fiscale, par dérogation au principe suivant lequel le contentieux administratif relève de la juridiction administrative, la loi a attribué expressément compétence aux tribunaux de grande instance pour connaître des litiges relatifs aux droits d'enregistrement et de timbre, à la taxe de publicité foncière, à l'impôt de solidarité sur la fortune, aux contributions indirectes 1 et aux taxes assimilées à ces droits, taxes ou contributions (LPF, art. L 199 et CGI, art. 885 D ).
Ressortissent, en particulier, au tribunal de grande instance :
- les différends concernant la taxe sur les véhicules des sociétés en tant que taxe assimilée à un droit de timbre ;
- les litiges touchant à la récupération, au profit de la Caisse nationale de sécurité sociale, des arrérages sur l'actif successoral en tant que relevant du contentieux de l'enregistrement (Cass. soc., 3 juillet1969, BOED I-10670) ;
- les litiges relatifs à la taxe de stockage sur les céréales perçue au profit de l'Office National Interprofessionnel des Céréales (O.N.I.C.) [CE, arrêt du 8 août 1990, n° 97821 argumenté dans le titre 3 (13 O 3112, n° 25 )]. De même, les taxes céréalières étant assimilées aux contributions indirectes, le contentieux auquel elles donnent naissance relève de la compétence exclusive des tribunaux judiciaires (cf. en ce sens : Civ. cass., 15 mai 1950, 2 arrêts, RJCI 23 et 24, p. 68 et 69 ; Bull. civ. II, 172 - Cass., 13 octobre 1959, RJCI 74, p. 230) 1 .
En ces matières, le tribunal de grande instance peut être saisi de tous les litiges fiscaux quels qu'ils soient (cf. toutefois 13 O 4 pour ce qui concerne le contentieux du recouvrement).
Ainsi, les tribunaux de l'ordre judiciaire, compétents pour statuer sur les litiges relatifs à l'application des contributions et taxes indirectes, le sont également pour apprécier la légalité des dispositions réglementaires en vertu desquelles l'Administration fiscale se prétend fondée à imposer la charge de ces impôts à un contribuable (cf. par exemple Trib. conflits, 27 octobre 1931, aff. sté Pannier, Rec. arrêts Cons. d'État, p. 1173, et Civ. cass., 6 mai 1943, aff. X... , RJCI 1943, vol. 2, n° 31, p. 27).
C'est donc à tort qu'un tribunal de grande instance se déclare incompétent pour statuer sur l 'exception d'illégalité d'un décret fixant les conditions d'application d'une taxe indirecte 2 au motif que cette exception constituerait une question préjudicielle relevant de la compétence des juridictions de l'ordre administratif, et sursoit à statuer sur le point de savoir quel est le redevable légal de cette taxe.
3En revanche, les décisions du directeur des Services fiscaux en matière de prorogation du délai de quatre ans prévu à l'article 691-II du CGI, relèvent de la juridiction gracieuse et en cas de rejet, un recours devant le tribunal est irrecevable (Cass. com., 26 janvier 1983, résidence quai de la Rapée).
Toutefois, la règle de l'irrecevabilité doit être entendue en ce sens que si les décisions portant refus de prorogation du délai ne peuvent faire l'objet d'un recours contentieux particulier, les tribunaux judiciaires sont en droit d'apprécier leur motivation ; ils apprécient notamment l'éventualité du cas de force majeure dans le cadre d'un recours portant sur le bien fondé de l'imposition procédant de la déchéance du bénéfice de l'article 691 du CGI. Quant à la juridiction administrative, elle est incompétente pour se prononcer sur la légalité de ces mêmes décisions qui lui sont déférées par la voie du recours pour excès de pouvoir (tribunal des conflits, décision du 28 avril 1980, SCI du domaine de Ternay, cf. 8 A 1622, n°s 13 et suiv.).
Par ailleurs, préalablement à toute décision sur la déchéance du régime de faveur, le juge est tenu de se prononcer sur la demande de prorogation du délai imparti pour construire présentée à l'appui d'une contestation dirigée contre le titre de recouvrement. C'est donc à tort qu'un tribunal a considéré que le refus, par le directeur, d'une prorogation de délai est une mesure administrative dont il n'a pas à connaître (Cass. com., arrêt du 18 février 1986, affaire SCI de Serre-Chevalier).
En revanche, lorsque le recours contre le refus de prorogation intervient isolément, c'est-à-dire en dehors du cadre d'une instance contentieuse relative au recouvrement de droits d'enregistrement, les tribunaux judiciaires sont fondés à déclarer irrecevables les demandes de prorogation (Com. 25 mai 1976, aff. SMCI ; TC 28 avril 1980, SCI du domaine de Ternay).
4Une faute de service imputée à un agent en dehors de toute contestation relative à l'assiette ou à la perception de l'impôt relève de la juridiction administrative (CE, 27 décembre 1962, BOED I-8826).
5 La compétence du tribunal de grande instance est exclusive et d'ordre public (Cass. civ., 13 octobre 1959, RJCD, p. 230 ; Cass. com., 20 juillet 1965, RJCI, p. 71).
Par voie de conséquence, les juridictions autres que le tribunal de grande instance (tribunaux administratifs, tribunaux de commerce, tribunaux d'instance) qui seraient, le cas échéant saisies de questions relatives aux impôts visés à l'article L 199 , 2e al. du LPF, doivent se déclarer incompétentes (NCPC, art. 92).
6On notera, enfin, que dans le cas de tribunaux de grande instance importants composés de plusieurs chambres ou sections, les affaires de contributions indirectes, d'enregistrement et de taxes assimilées peuvent être portées à une chambre spécialement désignée pour les instruire. Il est même tenu un rôle particulier pour ces affaires. Cependant cette mesure est prescrite pour ordre et son inobservation n'entraîne aucune nullité (Cass., 26 novembre 1928, Instruction enregistrement n° 4056, § 27).
1 Les contributions indirectes relèvent, depuis 1993, de la compétence de la DGDDI (cf. 13 O 4, n° 2 ).
2 Il s'agissait d'apprécier la légalité du décret n° 68-448 du 15 mai 1968 qui a fixé les conditions d'application de l'article 16 de la loi du 21 décembre 1967 (loi de finances pour 1968) instituant une taxe spéciale sur certains véhicules routiers, dite « taxe à l'essieu ». Le contentieux de cette taxe, ainsi que l'assiette et le recouvrement, ont été transférés à la Direction générale des Douanes par l'article 6 de la loi n° 70-601 du 9 juillet 1970 (cf. également décret du 23 décembre 1970). Au cas particulier, les droits litigieux portaient sur une période pour partie antérieure à ce transfert.