SOUS-SECTION 2 PROCÉDURE DE MISE EN OEUVRE
SOUS-SECTION 2
Procédure de mise en oeuvre
A. LA DEMANDE
I. Nécessité d'une demande
1L'attribution de frais irrépétibles ne peut résulter que d'une demande expresse -dûment motivée et chiffrée- introduite devant le juge [sans que le contribuable ait, en tout état de cause, à présenter une réclamation préalable].
Ainsi, le juge ne peut prononcer d'office une condamnation qui n'est pas demandée (CE, 20 janvier 1992, n° 86956).
La Haute Assemblée a également précisé que les dispositions de l'article L 8-1 du C. TA-CAA laissent au juge le soin d'apprécier s'il y a lieu ou non de condamner la partie perdante à payer à l'autre le remboursement de frais irrépétibles et qu'elles ne confèrent ainsi à la partie qui le demande, aucun droit à l'obtenir. En conséquence, une demande de ce type ne constitue pas un « droit » au sens de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CE, 21 août 1996. n°s 133816-133878)
II. Délai d'introduction de la demande
2La demande ne peut être effectuée que jusqu'à la clôture de l'instruction de l'affaire au fond 1 , la condamnation -lorsqu'elle est prononcée- constituant l'accessoire de la décision rendue.
Une demande de remboursement de frais irrépétibles ne peut faire l'objet d'une instance distincte et engagée à cette seule fin après jugement de l'instance principale (CE, 13 mars 1991, 120260 ; CAA Nantes 16 mai 1991, n° 1521).
III. Forme de la demande
3La demande n'obéit pas à un formalisme particulier ; elle peut notamment être exprimée à l'appui du mémoire d'instance ou d'une réplique ou même distinctement.
Bien entendu, elle doit être motivée et chiffrée. Mais, le demandeur n'est pas tenu de se référer expressément au texte de l'article L 8-1 du C. TA-CAA : il peut ainsi se borner à solliciter une indemnisation des frais de procédure.
Constituant l'accessoire de l'affaire au fond, la demande ne requiert pas le ministère d'un avocat.
B. NECESSITÉ D'UNE PROCÉDURE CONTRADICTOIRE
4S'agissant des conclusions tendant au remboursement des frais irrépétibles, la procédure contradictoire doit être respectée.
Ainsi, jugé que, lorsque contrairement aux dispositions de l'article R* 200-4 du LPF, les pièces justificatives jointes à un mémoire contenant une demande de frais irrépétibles n'avaient pas été communiquées à l'Administration, le caractère contradictoire de la procédure n'était pas respecté (CAA Paris, 10 décembre 1991, n° 380).
C. LA CONDAMNATION
I. Partie susceptible d'être condamnée
5Conformément à l'article L 8-1 du C. TA-CAA, la partie qui peut être condamnée est celle qui supporte les dépens (essentiellement les frais d'expertise, en matière fiscale) ou, à défaut, la partie perdante (CE, 20 janvier 1992, n° 86956).
En fait, le juge recherche quelle est la partie qui est « pour l'essentiel la partie perdante afin de déterminer si elle peut être condamnée à verser des frais irrépétibles à l'autre partie (CE, 28 juillet 1993, n° 75560). Et, dans un arrêt du 1er février 1994 (n°s 92-1168 et 1409), la CAA de Paris a considéré que l'État peut être condamné au paiement des frais irrépétibles, à raison des frais engagés devant le tribunal administratif par le contribuable, si l'administration perd pour l'essentiel, même si, au stade de l'appel, elle n'est pas la partie perdante.
En cas de pluralité de perdants (le contribuable pour une part et l'administration pour une autre part), le juge aura tendance à rechercher la partie dont le comportement aura été principalement à l'origine du litige.
Le bénéfice des dispositions de l'article L 8-1 du C. TA-CAA n'est pas limité aux contribuables.
En conséquence, l'Administration peut être fondée à demander le remboursement de frais particuliers occasionnés par l'instance (frais de déplacement pour assister à l'audience, frais de photocopies ). Si le montant des frais réclamés n'a pas nécessairement à être justifié, leur existence doit ressortir du dossier sans que l'État soit fondé à invoquer le surcroît de travail pour ses services (en ce sens, CE 22 juillet 1994, n° 145606).
II. Nécessité de la condamnation pour qu'il y ait versement
6Aucun remboursement ne saurait intervenir sans condamnation du juge, quelle qu'ait été l'issue du litige fiscal. L'Administration n'a donc aucune possibilité de rembourser des frais justifiés, même si elle a reconnu d'elle-même, en cours d'instance, le bien-fondé de la demande contentieuse et a procédé au dégrèvement des impositions contestées.
La condamnation n'est qu'une faculté pour les juges 2 , qui sont souverains pour apprécier :
- le caractère inéquitable de la charge représentée par les frais ou la situation économique de la partie condamnée ;
- l'opportunité de la condamnation ;
- et son montant : il peut s'agir du montant réel des frais exposés ou d'une évaluation forfaitaire.
En tout état de cause, la condamnation ne peut excéder le montant des frais réellement exposés.
III. Motivation de la décision
7Le juge détermine la somme à allouer en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
La référence à l'équité ou à la situation économique et le caractère souverain de l'appréciation des juges ne leur confèrent pas un pouvoir discrétionnaire. Ils ne sont donc pas dispensés de motiver leur décision, ni de constater que les frais invoqués ont été réellement exposés par la partie à laquelle ils entendent en accorder le remboursement.
La motivation constitue un élément essentiel de la décision juridictionnelle et elle doit permettre à la partie condamnée d'apprécier si les conditions d'application sont bien remplies et, corrélativement, l'opportunité de former appel.
IV. Prononcé de la condamnation
8La condamnation est prononcée par la juridiction saisie du litige au fond. Elle ne peut être fondée que sur les faits matériels et juridiques du litige, à l'exclusion d'une autre forme de contentieux (par exemple, d'un recours hiérarchique parallèle à une instance).
Elle peut également être prononcée par ordonnance prise par les présidents de tribunal administratif, les présidents de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel lorqu'ils statuent sur des requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l'article L 8-1 du C. TA-CAA (art. L 9 du même code).
V. Annulation du jugement condamnant l'État à verser des frais irrépétibles au contribuable
9Lorsqu'une Cour administrative d'appel a annulé un jugement qui avait prononcé la réduction ou la décharge d'une imposition et la condamnation de l'État au paiement des frais irrépétibles, il appartient à l'administration d'obtenir le remboursement des frais irrépétibles qu'elle avait versés. En effet, en pareille circonstance, la détermination de la partie perdante a été inversée par le juge d'appel et la décision de ce dernier emporte l'annulation de la condamnation de l'État prononcée par le tribunal au titre de l'article L 8-1 du C. TA-CAA (en ce sens, arrêt de la CAA Nantes du 24 mars 1998, n° 95NT00922).
Les sommes en cause doivent donc faire l'objet d'un titre de perception dès lors que le Ministre tient du décret du 29 décembre 1962 le pouvoir d'émettre un titre exécutoire à l'effet d'obtenir le reversement de deniers publics détenus par un particulier (Arrêt de la CAA Nantes précité).
1 À cet égard, il convient de préciser qu'une demande de remboursement des frais exposés en première instance ne peut être présentée pour la première fois devant le juge d'appel.
2 Le juge peut. même d'office, pour des raisons tirées de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation (cf. art. L 8-1 du C. TA-CAA).