SOUS-SECTION 3 OMISSION DE STATUER
SOUS-SECTION 3
Omission de statuer
1Le tribunal administratif doit statuer sur toutes les conclusions des parties, soit par un motif unique et d'ensemble, soit par des motifs spéciaux à chacune de ses conclusions. Sa décision peut d'ailleurs être implicite.
L'omission de statuer n'entraîne pas nécessairement l'annulation intégrale du jugement ; celui-ci subsiste si l'omission porte sur des chefs de demande qui n'ont avec les autres aucune connexité et, notamment, quand il s'agit d'impositions différentes. Dans le cas contraire, le jugement est susceptible d'être annulé dans son entier.
La jurisprudence, abondante sur ce sujet, s'est prononcée au regard de divers points.
A. EN TOUTE MATIÈRE FISCALE RESSORTISSANT À LA COMPÉTENCE DU TRIBUNAL
2Le Conseil d'État a décidé que doit être annulé :
- le jugement dans lequel le tribunal administratif a omis de viser un mémoire et de statuer sur les moyens qu'il contenait (CE, arrêt du 26 juin 1968, n° 58221 et 58269, RJ, 2e partie, p. 163) ;
- le jugement dans lequel le tribunal administratif, saisi d'un litige portant sur plusieurs impositions, a omis de se prononcer sur l'une d'elles (CE, arrêt du 5 juillet 1952, n° 14065, société Shell française, RO, p. 80) ;
- le jugement qui omet de statuer sur les conclusions subsidiaires du contribuable tendant à obtenir une réduction de l'imposition contestée pour le tout au principal (CE, arrêt du 19 février 1936, n° 22220, X... , Bull., n° 10, 1936, p. 156, TJCA, n° 195001, Leb. chron., p. 220).
D'autre part, en cas de désistement non valable du contribuable, le tribunal administratif est tenu de se prononcer sur le bien-fondé de l'imposition litigieuse (CE, arrêt du 2 mai 1973, demoiselle X... et sieur X... , n° 81587, RJ, n° IV, p. 50).
B. EN MATIÈRE DE PÉNALITÉS
3Il a été jugé que lorsque, saisi par le directeur de conclusions tendant à appliquer aux droits contestés la majoration pour ajournement abusif du versement de l'impôt prévue à l'article 1954 du CGI (act. art. L 280 du LPF), le tribunal administratif, tout en rejetant la demande du contribuable, ne statue pas sur ces conclusions, il y a lieu à annulation, sur ce point, de son jugement pour omission de statuer et à renvoi du contribuable devant les premiers juges (CE, arrêt du 23 décembre 1966, n° 69569, RO, p. 318).
De même, doit être annulé le jugement qui omet de statuer sur les conclusions relatives aux pénalités. Il appartient alors au juge d'appel, en vertu de son droit d'évocation, de fixer le montant desdites pénalités (CE, arrêt du 23 juillet 1938, X... , Bull., n° 23, 1938, p. 632, TJCA, n° 17023).
C. EN MATIÈRE DE RECOUVREMENT
I. Saisie
4Doit être annulé le jugement qui omet de statuer sur les conclusions d'un contribuable tendant à l'annulation d'un procès-verbal et à la mainlevée d'une saisie (CE, arrêt du 28 mars 1938, n° 28983, X... , Bull., n° 13, 1938, p. 414, TJCA, n° 17022, Leb. chron., p. 318, 2e esp.).
II. Validation de l'avis de mise en recouvrement
5Il y a omission de statuer dans la mesure où le tribunal administratif, saisi d'un litige dans lequel le contribuable n'a contesté qu'une partie des droits et pénalités réclamés par un avis de mise en recouvrement, s'est borné, tout en rejetant cette demande, à ne valider ledit avis qu'à concurrence des droits et pénalités contestés et non à concurrence des droits et pénalités sur lesquels portait l'avis (CE, arrêt du 26 avril 1968, n° 71074, SA Jean Valentin et fils, RJ 2e partie, p. 105).
Mais néanmoins, le rejet de la requête par laquelle un contribuable demande l'annulation d'un avis de mise en recouvrement fait, à lui seul, produire à cet avis son plein effet, sans qu'il soit besoin pour le tribunal de le valider (CE, arrêt du 21 juillet 1972, n° 85709, Sté nouvelle de raffinerie Lebaudy-Sommier, BODGI, 13 O 25-72).
III. Non-valeurs
6Pour décider qu'il n'y a lieu de statuer sur une réclamation, le tribunal administratif ne peut se fonder sur la circonstance que, par suite de l'insolvabilité du réclamant, la cotisation en litige a été admise en non-valeurs, car cette mesure n'éteint pas la dette de l'intéressé envers le Trésor (CE, arrêt du 11 juillet 1938, n° 59385, X... , RO, p. 373., Leb. chron., p. 658, 2e esp.).
D. EN MATIÈRE DE PRESCRIPTION
7Est irrégulier le jugement qui omet de statuer sur les conclusions d'un contribuable tendant à ce qu'il lui soit donné acte de ses offres de paiement et invoquant le bénéfice de la prescription en ce qui concerne les droits afférents à une période déterminée (CE, arrêt du 22 mai 1940, n° 40325, X... , Bull. n° 10, 1940, p. 194, TJCA, n° 195005).
Doit être annulé de ce chef le jugement qui omet de statuer sur l'exception de prescription invoquée par le contribuable (CE, arrêts des 22 mai 1940, n° 34196, X... , Bull. n° 9, 1940, p. 181, TJCA, n° 195003 et 20 mai 1944, n° 66484, X... , 1944, p. 158, TJCA, n° 195003).
En revanche, le demandeur qui se borne dans ses conclusions à affirmer que l'impôt n'est pas dû, ne saurait faire grief aux premiers juges d'avoir omis de statuer sur une question de prescription qui n'avait fait l'objet d'aucune conclusion spéciale (CE, arrêt du 5 mai 1933, n° 1058, X... , Bull., n° 16, 1933, p. 278, TJCA, n° 207003, Leb. chron., p. 487).
E. EN MATIÈRE DE DEMANDE D'EXPERTISE
8Si le tribunal administratif n'est pas tenu, lorsqu'il s'estime suffisamment informé pour trancher valablement le litige, d'ordonner une expertise régulièrement demandée par le contribuable, il n'en doit pas moins répondre aux conclusions dont il est saisi de ce chef. Aussi, un jugement qui ne contient aucune réponse à la demande d'expertise doit-il être annulé sur ce point (CE, arrêt du 21 juillet 1972, n° 81380, RJ, n° III, p. 147). En revanche, lorsqu'il résulte clairement de l'ensemble des motifs du jugement que le tribunal administratif a entendu écarter comme inutile en l'espèce pour la solution du litige la demande d'expertise présentée par le réclamant, le jugement qui ne se prononce pas explicitement sur cette demande n'est pas entaché d'une omission de statuer (CE, arrêts des 12 février 1965, n° 63407, RO, p. 280 et 16 juin 1971, n° 79272, RJ, n° IV, p. 105).
De même, un tribunal a régulièrement motivé sa décision en se référant aux conclusions d'une précédente expertise ordonnée par un tribunal correctionnel (CE, arrêt du 20 octobre 1982, n° 19211).
F. EN MÀTIÈRE DE DÉCISION IMPLICITE
9Il n'y a pas omission de statuer toutes les fois que le tribunal a implicitement pris position.
Il en est ainsi, par exemple, lorsque le tribunal a rejeté « en bloc » les prétentions du contribuable.
Jugé que manque en fait le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait omis de statuer sur une demande d'expertise si le jugement attaqué précise que « tous autres moyens et conclusions des parties sont rejetés » (CE, arrêt du 17 avril 1937, Société Béraud, Sudreau et Cie, Bull. n° 13, 1937, p. 319, TJCA, n° 119015).
Dans le même ordre d'idées, le Conseil d'État a décidé qu'un redevable ayant demandé que fût versée au dossier de l'instance concernant les taxes sur le chiffre d'affaires une décision de la commission départementale intervenue en matière d'impôt sur le revenu des personnes physiques, n'est pas fondé à contester la régularité en la forme du jugement en soutenant que le tribunal administratif a omis de se prononcer sur cette demande, dès lors que le tribunal a écarté comme inopérante l'argumentation à l'appui de laquelle cette production était demandée (CE, arrêt du 10 juillet 1972, n° 82537, sieur X... , RJ, n° IV, p. 45).
G. EN MATIÈRE D'IMPÔTS LOCAUX
10Un contribuable qui, dans sa demande au tribunal administratif, s'est borné à mettre en cause la contribution des patentes (act. taxe professionnelle) n'est pas fondé à soutenir qu'en ne se prononçant pas sur la taxe sur la valeur locative des locaux servant à l'exercice d'une profession, à laquelle il avait été également assujetti, les premiers juges auraient rendu une décision entachée d'une omission de statuer (CE, arrêt du 10 janvier 1966, SA Crédit coopératif pour la France et l'Union française, RO, p. 10).
H. EN MATIÈRE DE FRAIS D'EXPERTISE
11Est irrégulier le jugement qui omet de statuer sur la répartition des frais d'expertise (CE, arrêt du 24 février 1982, n° 18276).