Date de début de publication du BOI : 30/04/1996
Identifiant juridique : 13O162
Références du document :  13O162

SECTION 2 SURSIS À STATUER


SECTION 2

Sursis à statuer



  A. GÉNÉRALITÉS


1Le sursis à statuer est la décision par laquelle un tribunal remet à une date ultérieure l'examen et le jugement d'une affaire.

Le sursis à statuer est rangé parmi les causes de suspension de l'instance par le Nouveau Code de Procédure Civile qui prévoit :

« Art. 378. La décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine. »

« Art. 379. Le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge. À l'expiration du sursis, l'instance est poursuivie à l'initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d'ordonner, s'il y a lieu, un nouveau sursis ».

« Le juge peut, suivant les circonstances, révoquer le sursis ou en abréger le délai ».

2Dans le contentieux judiciaire de l'impôt, en l'absence de disposition fiscale particulière, il y a lieu de considérer que c'est le droit commun qui trouve à s'appliquer (cf. n° 1 ), exception faite toutefois des dispositions relatives à l'appel, dès lors que les jugements des tribunaux de grande instance ne peuvent être attaqués que par la voie de cassation (LPF, art. L 199) 1 .

3Au regard de la procédure à suivre devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, l'article R 188 du CTA et CAA consacré à la demande en inscription en faux contre une pièce produite, prévoit que le tribunal ou la cour peut surseoir à statuer sur l'instance principale jusqu'après le jugement du faux par le tribunal compétent si la partie qui a produit ladite pièce déclare qu'elle entend s'en servir (cf. 13 O 1611, n° 11 et titre 3).

La jurisprudence offre un registre varié des diverses circonstances qui peuvent amener le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel à prendre une décision de sursis à statuer. Toutefois, ce sursis dérogeant au principe d'après lequel le juge saisi du litige doit vider ce dernier, la règle générale est que le juge de l'impôt n'est jamais tenu de surseoir à statuer sauf question préjudicielle à trancher (cf. 13 O 161 ).


  B. CARACTÈRE FACULTATIF DU SURSIS À STATUER


Le juge de l'impôt - Tribunal de grande instance, Tribunal administratif ou Cour administrative d'appel 2 - est donc libre de décider de surseoir à statuer, sauf appel possible de cette décision s'il s'agit du tribunal administratif ; il n'est jamais tenu de le faire à moins qu'une question préjudicielle ne se pose (cf. section 1).

1. Le juge de l'impôt peut décider de surseoir à statuer.

4Diverses circonstances peuvent conduire le juge de l'impôt à prendre la décision de suspendre le cours de l'instance. Il en est ainsi notamment lorsque coexistent plusieurs litiges émanant d'un même contribuable qui sont relatifs à des impôts différents mais établis d'après les mêmes bases.

Ainsi le Conseil d'État appelé à se prononcer sur le montant de la taxe d'apprentissage due par une entreprise sur les mêmes bases que le versement forfaitaire sur les traitements et salaires de l'année envisagée a sursis à statuer dès lors que ces dernières bases faisaient l'objet d'un litige encore pendant devant le Tribunal administratif (CE, arrêt du 22 mai 1963, n° 46600).

Également, le Conseil d'État ordonnant une expertise au sujet des rémunérations servant de base à la taxe sur les salaires, a sursis à statuer sur les demandes du même contribuable relatives à la taxe d'apprentissage et à la participation des employeurs à l'effort de construction, dès lors que pour l'assiette de ces impositions il y avait lieu de se référer aux mêmes rémunérations (CE, arrêt du 21 février 1973, n° 77775).

De même, saisi d'un recours relatif à l'impôt de distribution dû à raison de la réintégration de sommes dans les bénéfices sociaux, le Conseil d'Etat a décidé de surseoir à statuer jusqu'à ce que le Tribunal administratif se soit prononcé sur le litige dont il était saisi concernant l'impôt sur les sociétés établi à raison des mêmes redressements (CE, arrêt du 3 juin 1964, n° 60290).

2. Le juge de l'impôt n'est pas tenu de surseoir à statuer.

5Quelles que soient les circonstances devant lesquelles il se trouve, le juge de l'impôt n'est jamais tenu de surseoir à statuer La seule exception à cette règle est constituée par l'existence d'une question préjudicielle.

a. Cas général.

Le juge de l'impôt n'est pas tenu de surseoir à statuer :

1° En cas de coexistence d'un litige devant la juridiction administrative et d'une action pénale engagée contre le contribuable

6Lorsqu'il est saisi par le contribuable d'une demande en décharge des impositions dont celui-ci a fait l'objet, le Tribunal administratif n'est pas tenu de surseoir à statuer jusqu'à ce que le juge pénal se soit prononcé sur le bien-fondé des poursuites correctionnelles que l'Administration a engagées contre l'intéressé à raison des mêmes faits. Aucun principe de droit, ni aucune disposition législative ou réglementaire ne fait, en effet, une telle obligation au juge administratif ; en particulier la règle selon laquelle l'exercice de l'action civile est suspendu tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique n'est pas applicable aux juridictions administratives (CE, arrêt du 16 janvier 1974, n° 89986, RJ, n° IV, p. 12 3 .

La solution est la même lorsque le Tribunal administratif est saisi d'une demande du directeur tendant à l'application de l'amende et de l'astreinte prévues par l'article 1740-1 du CGI à un contribuable également poursuivi devant les tribunaux judiciaires pour opposition à contrôle fiscal (CE, arrêt du 29 avril 1957, n° 39817, RO, p 327).

Dans de tels cas, le Tribunal administratif apprécie librement s'il y a lieu de surseoir à statuer en attendant la solution de l'instance pénale (CE, arrêt du 22 novembre 1972, n° 77490, Société Transacier, RJ, n° IV, p. 94).

2° En cas de coexistence de demandes formées par une société et un associé.

7Le Tribunal administratif, saisi en même temps, de demandes formées par une société et par un associé contestant l'un et l'autre la réintégration, dans les bénéfices sociaux, de sommes regardées comme des revenus distribués au profit de l'associé, n'est pas tenu d'attendre l'issue du litige soulevé par la société pour statuer sur la demande de l'associé (CE, arrêt du 2 juillet 1965, n° 64528, RO, p. 378).

De même le Tribunal administratif - saisi en même temps, de demandes formées par une société et par un associé contestant la réintégration, l'une dans les bénéfices sociaux, l'autre dans son revenu global, d'allocations forfaitaires pour frais servies à l'associé - peut statuer sur la demande concernant l'imposition personnelle de l'associé, au vu des justifications apportées par celui-ci, sans attendre l'issue du litige soulevé par la société (CE, arrêt du 20 mars 1968, n° 72754, RJ, 2° partie, p. 89) 4 .

3° En cas de coexistence de demandes formées par le même contribuable, l'une au contentieux, l'autre au gracieux.

8La circonstance qu'un contribuable a présenté à l'administration une demande en remise gracieuse n'est pas de nature à faire obstacle à ce que le juge de l'impôt statue immédiatement sur la requête dont il est saisi (CE, arrêt du 16 mars 1936, X... , BCI, n° 14, 1936, p. 222, TJCA n° 265001).

4° En cas de coexistence de demandes formées par le même contribuable, l'une relative aux taxes sur le chiffre d'affaires, l'autre relative aux impôts directs.

9Aucune disposition législative ou réglementaire n'oblige le Tribunal administratif à surseoir à statuer sur un litige dont il est saisi en matière d'impôt sur le revenu jusqu'à ce qu'il ait rendu son jugement dans une autre instance introduite par le même contribuable en matière de taxes sur le chiffre d'affaires alors même que le service aurait pour l'évaluation du chiffre d'affaires de l'intéressé, retenu des procédés identiques (CE, arrêt du 29 juin 1966, n° 64276, RO, p. 200).

5° En cas d'appel d'un jugement avant-dire droit.

10Le Tribunal administratif n'est pas tenu de surseoir à statuer sur le fond de l'affaire jusqu'à ce que le Conseil d'État se soit prononcé sur l'appel dont il est saisi contre le jugement avant-dire droit par lequel ledit tribunal avait rejeté les moyens du contribuable relatifs à la régularité de la procédure d'imposition et ordonné une expertise (CE, arrêt du 20 octobre 1967, n° 71847).

b. Dérogation : Question préjudicielle.

11Lorsque le juge, saisi au fond du litige, a reconnu l'existence d'une question préjudicielle, il est tenu de surseoir à statuer, et de renvoyer à l'autorité compétente la solution de cette question (cf. 13 O 1611 ).


  C. EFFETS DU SURSIS À STATUER


1. Suspension de l'instance.

12La décision de sursis à statuer suspend le cours de l'instance jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle mentionne comme terme, lequel est en général une décision d'une autre juridiction.

2. Non dessaisissement du juge.

13Lorsque l'événement en cause est intervenu, l'instance est poursuivie, devant la même juridiction, à l'initiative des parties ou à la diligence du juge.


  D. VOIES DE RECOURS


1. Juridictions administratives.

14Les jugements des Tribunaux administratifs ou les arrêts des cours administratives d'appel ordonnant ou refusant le sursis à statuer sont des décisions avant-dire droit qui, comme toutes les décisions de cette nature, lorsqu'elles sont susceptibles de faire grief, peuvent donner lieu à appel devant la Cour administrative d'appel (jugements des tribunaux administratifs) ou à un recours en cassation (arrêts des cours administratives d'appel).

2. Juridictions judiciaires.

15Les jugements des Tribunaux de grande instance se prononçant sur une question de sursis à statuer sont rendus en dernier ressort comme tous les jugements de ces tribunaux en matière fiscale 5 et ne peuvent être attaqués que par recours en cassation.

 

1   Il est rappelé qu'en procédure fiscale répressive, l'appel est possible (série 13 RC, division N).

2   Et Conseil d'État jusqu'au 31 décembre 1988. Actuellement le Conseil d'État est juge de cassation.

3   La réciproque est également vraie : en matière de fraude fiscale non seulement le juge pénal n'est pas obligé de surseoir à statuer tant que la décision du juge de l'impôt n'est pas intervenue, mais encore il est tenu de ne pas le faire (Cass. crim., 5 juillet 1976, Direction générale des Impôts C. X... , Bull. crim. 1976, n° 246, p. 645).

4   Le juge de l'impôt peut également dans des cas semblables, surseoir à statuer (cf n° 4 ).

5   En ce qui concerne le contentieux de l'assiette de l'impôt ; dans le contentieux fiscal répressif l'appel est, au contraire, possible.