SECTION 2 INTÉRÊTS MORATOIRES À LA CHARGE DES CONTRIBUABLES
SECTION 2
Intérêts moratoires à la charge des contribuables
1L'article 73 de la loi de finances pour 1980, n° 80-30 du 18 janvier 1980, codifié sous l'article L. 209 du Livre des procédures fiscales a prescrit, dans certaines conditions, un versement d'intérêts moratoires par les contribuables.
Son premier alinéa était ainsi rédige :
« Lorsqu'une juridiction rejette totalement ou partiellement la demande d'un contribuable tendant à obtenir l'annulation ou la réduction d'une imposition établie en matière d'impôts directs à la suite d'un redressement ou d'une taxation d'office, les cotisations ou fractions de cotisations maintenues à la charge du contribuable et pour lesquelles celui-ci avait obtenu un sursis de paiement donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires au taux de l'intérêt légal ».
2Aux termes de l'article 35 de la loi de finances rectificative pour 1994 (n° 94-1163 du 29 décembre 1994), le premier alinéa de l'article L. 209 du LPF est désormais ainsi rédigé :
« Lorsque le tribunal administratif rejette totalement ou partiellement la demande d'un contribuable tendant à obtenir l'annulation ou la réduction d'une imposition établie en matière d'impôts directs à la suite d'un redressement ou d'une taxation d'office, les cotisations ou fractions de cotisations maintenues à la charge du contribuable et pour lesquelles celui-ci avait présenté une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires au taux de l'intérêt légal. Ces intérêts moratoires ne sont pas dus sur les cotisations ou fractions de cotisations d'impôts soumises à l'intérêt de retard visé à l'article 1731 du CGI ».
En fait, ce texte légalise la doctrine administrative en ce qu'il vise « le tribunal administratif » et non plus « une juridiction administrative » et en tant qu'il exclut expressement du champ d'application des intérêts moratoires, les cotisations ou fractions de cotisations soumises à l'intérêt de retard en vertu de l'article 1731 du CGI.
Il modifie ensuite substantiellement le dispositif antérieur dans la mesure où il prévoit que la présentation d'une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement suffit à entraîner l'application d'intérêts moratoires.
A. CONDITIONS DE MISE EN OEUVRE
1. Juridiction concernée.
a. L'article L. 209 du LPF, dans sa rédaction issue de l'article 73 de la loi de finances pour 1980, visait « une juridiction ».
3Toutefois, il est apparu conforme à la volonté du législateur de ne faire application des dispositions de cet article que dans l'hypothèse où un contribuable, qui a obtenu le sursis de paiement, voit sa demande rejetée par le tribunal administratif.
b. L'article L. 209 du LPF, dans sa rédaction issue de l'article 35 de la loi de finances rectificative du 29 décembre 1994, vise « le tribunal administratif ».
4Ainsi, la demande du contribuable doit avoir été rejetée totalement ou partiellement par le tribunal administratif.
Se trouve ainsi confirmée la doctrine administrative selon laquelle les dispositions de l'article L. 209 du LPF ne sont applicables que lorsque le contribuable voit sa requête rejetée par le tribunal administratif (cf. ci-dessus a. ).
Les intérêts moratoires ne sont pas dus lorsque la demande est accueillie en première instance, alors même que cette décision serait ultérieurement réformée par la juridiction d'appel 1 à l'initiative de l'administration, la procédure contentieuse aboutissant, en définitive, au rétablissement des impositions contestées.
Dans la situation inverse, lorsque la juridiction d'appel prononce le dégrèvement des impositions ayant précédemment fait l'objet d'un jugement défavorable au contribuable, les intérêts moratoires réclamés à l'issue de la procédure de première instance se trouvent dépourvus de base légale et doivent être annulés ou remboursés.
c. Remarques.
1° Réclamations ne faisant pas l'objet d'une instance devant le tribunal administratif
5Dans le cas où la contestation assortie du sursis de paiement ne dépasse pas le stade de la réclamation et ne fait pas l'objet d'une instance devant le tribunal administratif, le redevable ne peut être tenu au paiement d'intérêts moratoires quel que soit le délai dans lequel intervient la décision de l'Administration.
2° Réclamations soumises d'office au tribunal administratif par l'Administration.
6Les décisions de rejet total ou partiel intervenues dans ce cas ouvrent droit à intérêts moratoires au profit du Trésor dans les mêmes conditions que lorsque le tribunal est saisi par le contribuable.
d. Cas particuliers.
7Les intérêts moratoires sont dus lorsque le contribuable, qui a obtenu le sursis de paiement, se désiste de l'instance qu'il avait précédemment engagée devant le tribunal administratif.
La conclusion d'une transaction emporte désistement de toute instance concernant l'imposition en cause.
2. Sursis de paiement.
a. En ce qui concerne l'article L. 209 du LPF dans sa rédaction issue de l'article 73 de la loi de finances pour 1980.
8Les cotisations ou fractions de cotisations maintenues à la charge du contribuable qui ouvrent droit à versement d'intérêts moratoires au profit de l'Etat sont celles qui ne sont pas payées et pour lesquelles le contribuable en cause a obtenu un sursis de paiement et ceci même si des garanties suffisantes ont été déposées ou, qu'à défaut, des poursuites conservatoires ont été diligentées.
b. En ce qui concerne l'article L. 209 du LPF dans sa rédaction issue de l'article 35 de la loi de finances rectificative du 29 décembre 1994.
9Les intérêts moratoires sont applicables dès lors que le contribuable a demandé à bénéficier du sursis de paiement, même s'il ne l'a pas effectivement obtenu.
Sous l'empire du dispositif précédemment en vigueur, les contribuables ayant, à la suite de leur demande de sursis de paiement, constitué des garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor étaient redevables d'intérêts moratoires si le juge de l'impôt ne leur donnait pas satisfaction.
En revanche, les réclamants qui ne présentaient pas de garantie et auxquels le sursis légal de paiement n'était pas accordé, n'étaient pas soumis au versement de ces intérêts. Pourtant leur demande de sursis n'était pas dépourvue d'effets bénéfiques puisque elle interdisait par elle même au comptable d'engager des mesures d'exécution jusqu'à ce que le tribunal administratif ait statué (LPF, art. L. 277, 3° alinéa).
L'article 35 de la loi de finances rectificative pour 1994 a supprimé cette inégalité de traitement.
Désormais, le contribuable qui a présenté une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement et dont les conclusions ont été rejetées totalement ou partiellement par le tribunal administratif, est redevable d'intérêts moratoires, quand bien même le sursis de paiement ne lui a pas été effectivement accordé, notamment pour défaut de constitution de garanties suffisantes.
3. Procédure d'imposition.
10Les dispositions prévues par l'article L. 209 du Livre des procédures fiscales ne visent pas toutes les décisions de rejet total ou partiel prises par le tribunal (ou tous les désistements des contribuables 2 ) mais seulement celles prises en matière d'impôts directs établis à la suite d'un redressement ou d'une taxation d'office.
B. IMPÔTS CONCERNÉS
11L'article L. 209 du Livre des procédures fiscales ne vise que les impositions établies en matière d'impôts directs à la suite d'un redressement ou d'une taxation d'office. Certains impôts directs sont recouvrés par les comptables du Trésor, d'autres par les comptables de la Direction générale des Impôts.
1. Impôts directs recouvrés par les comptables du Trésor.
12Il s'agit de la plupart des impôts directs et taxes assimilées, à savoir : l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés, l'imposition forfaitaire annuelle des sociétés, les impôts directs locaux, la taxe sur les salaires, la participation des employeurs à l'effort de construction.
Pour ces impôts, les dispositions de l'article L. 209 précité prévoyant le versement d'intérêts moratoires, ont pour objet de renforcer la sanction déjà applicable sous forme d'une majoration de 10 % en cas de paiement tardif.
2. Impôts directs recouvrés par les comptables de la Direction générale des Impôts.
13Il s'agit essentiellement des impôts frappant les revenus de capitaux mobiliers sous forme de retenue à la source ou de prélèvements, du précompte mobilier, des prélèvements sur les profits immobiliers et les plus-values, de la taxe d'apprentissage, et de la participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue 3 .
En ce qui concerne ces impôts, l'article 1731 du CGI prévoit que tout retard dans leur paiement est sanctionné par l'application de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 du CGI et d'une majoration de 5% du montant des sommes dont le versement a été différé.
14Les intérêts moratoires ne sont pas dus à raison de ces cotisations ou fractions de cotisations.
L'administration a d'ailleurs considéré dès l'origine que, compte tenu des intentions du législateur, les dispositions de l'article L. 209 du LPF ne concernaient, en pratique, que les impôts recouvrés par les comptables du Trésor et donnant lieu, le cas échéant, à la majoration forfaitaire de 10 % pour paiement tardif.
En effet, tout retard dans le paiement des impôts directs recouvrés par les comptables de la Direction générale des impôts est, en vertu de l'article 1731 du CGI, sanctionné notamment par l'application de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 du même code. Le préjudice subi par le Trésor se trouve ainsi réparé proportionnellement au retard apporté au recouvrement des impositions litigieuses.
Le cumul des intérêts moratoires prévus à l'article L. 209 du LPF avec cette dernière pénalité est désormais prohibé par la loi de finances rectificative du 29 décembre 1994.
C. MODALITÉS DE CALCUL DES INTÉRÊTS MORATOIRES
15Les règles énoncées ci-après ne concernent que les comptables du Trésor, les impôts directs recouvrés par les comptables de la Direction générale des Impôts ne donnant pas lieu au paiement d'intérêts moratoires (cf. n° 13 , ci-dessus).
1. Base de calcul des intérêts.
16Les intérêts moratoires sont calculés sur les cotisations ou fractions de cotisations maintenues à la charge du contribuable par la juridiction saisie.
Les intérêts moratoires ainsi calculés se cumulent :
- d'une part, avec la majoration de 10 % pour paiement tardif (cf. ci-dessus n° 12 ) ;
- d'autre part, le cas échéant, avec :
• la majoration prévue à l'article L. 280 du Livre des procédures fiscales, lorsque le juge de l'impôt estime que la demande de sursis de paiement a entraîné un ajournement abusif du paiement de l'impôt ;
• les frais de poursuite encourus à l'occasion de la mise en oeuvre des mesures conservatoires exercées à défaut de la constitution de garanties suffisantes.
2. Quotité des intérêts moratoires.
a. Point de départ des intérêts.
17Le mode de calcul des intérêts prévu à l'article L. 209 , 4e alinéa, du Livre des procédures fiscales tient compte de la majoration de 10 % qui couvre la première année de retard.
En effet, afin d'éviter un cumul trop rigoureux, les intérêts moratoires ne courent qu'à compter du 1er jour du 13e mois suivant celui de la date limite de paiement.
À titre d'exemple, s'agissant d'une imposition majorable le 15 septembre 1994, les intérêts courent à compter du 16 septembre 1995.
b. Point d'arrêt des intérêts.
18Pour les litiges faisant l'objet d'une réclamation déposée après le 1er janvier 1982 (date de publication au JO de la loi du 31 décembre 1981), les intérêts moratoires courent, dans tous les cas, jusqu'au jour du paiement effectif de l'imposition laissée à la charge du contribuable.
19 c. Taux des intérêts (cf. 13 O 1512, n°s 8 et suiv. ).
d. Frais de constitution de garanties. Imputation.
20Le montant des intérêts moratoires calculé selon les principes exposés aux paragraphes précédents peut, sur demande justifiée du contribuable, être réduit du montant des frais éventuellement engagés pour constituer des garanties propres à assurer le recouvrement des impôts contestés.
Ces frais sont évalués dans les conditions prévues aux articles R* 208-3 à R* 208-5 du Livre des procédures fiscales.
1 Le cas échéant, après introduction d'un recours en cassation devant le Conseil d'État.
2 Les intérêts moratoires sont également dus lorsque le contribuable concerné s'est désisté de son instance juridictionnelle (LPF, art. L. 209 , 2e alinéa).
3 Le service des impôts ne connaît, en ce qui concerne le contentieux de l'assiette de l'impôt, que les seules réclamations relatives à la base sur laquelle est liquidé le montant de la participation au développement de la formation professionnelle continue.