SOUS-SECTION 1 PREUVE APPORTÉE AU MOYEN DE DOCUMENTS
SOUS-SECTION 1
Preuve apportée au moyen de documents
1La preuve peut être administrée au moyen de documents divers : actes authentiques ou sous seing privés, actes judiciaires, pièces d'état civil, livres de commerce, procès-verbaux, registres portatifs, titres de mouvement ou certificats de décharge, documents privés (correspondance notamment), attestations écrites, avis de réception postaux 1 .
Mais elle ne peut être rapportée uniquement par référence à des monographies professionnelles.
Date des documents
2Ainsi, les parties peuvent s'appuyer sur tous documents à condition qu'ils aient été établis antérieurement à la vérification ou aux constatations, objets du litige (CE, arrêt du 13 juillet 1967, n° 44452, RJ, 2e partie, p 169).
Dans le même sens, la Haute Assemblée a jugé qu'aucune force probante ne saurait être reconnue à une attestation signée d'un certain nombre de clients du contribuable dès lors que cette dernière a été établie postérieurement au jugement rendu par le Tribunal administratif (CE, arrêt du 13 juillet 1961, n° 41540)
Par ailleurs, un contribuable ne peut utilement se prévaloir, pour contester le bien-fondé d'une taxation d'office établie en application des dispositions de l'article 179 du CGI (actuellement, LPF, art. L 69) d'attestations dépourvues de date certaine relatives à des prêts qui lui auraient été consentis (CE, arrêt du 21 avril 1967, n° 64679, RJCD, p. 109).
Conventions
3Sous la réserve ci-dessus énoncée, les contribuables peuvent invoquer tout acte ou convention dont les énonciations, en l'absence de fraude établie, ne sauraient être écartées par l'Administration (CE, arrêt du 13 juillet1966, n° 62823, RO, p. 226).
Livres de commerce et comptabilité
4La preuve peut être apportée au moyen des livres de commerce.
Selon l'article 17 du Code du commerce « la comptabilité, régulièrement tenue peut être admise en justice pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce ».
La jurisprudence considère que même irrégulièrement tenus, les livres d'un commerçant font preuve contre lui.
5En matière fiscale, la loi ne subordonnant à aucun formalisme l'administration par le contribuable de la preuve qui lui incombe, le juge s'attache davantage à la valeur d'ensemble de la comptabilité plutôt qu'à la tenue des seuls livres en fonction des exigences du Code du commerce.
Ainsi, l'absence d'un livre exigé par le Code de commerce tel le livre d'inventaire et la circonstance que le livre-journal ne reprend que les soldes mensuels des comptes, ne sont pas suffisantes pour faire regarder une comptabilité comme non probante dès lors que les inventaires ont été régulièrement établis et que cette comptabilité comporte des livres-journaux auxiliaires retraçant d'une façon complète et détaillée les opérations de l'entreprise (CE, arrêt du 7 novembre 1975, n° 90786).
Cependant, une comptabilité ne peut constituer preuve devant le juge de l'impôt si elle ne comporte que des documents incomplets et rédigés en code qui ne peuvent être interprétés qu'avec le concours du contribuable (CE, arrêt du 19 février 1958, n° 36330, RO, p. 67).
De même, un contribuable, dont la comptabilité a été à bon droit écartée comme non probante, ne s'acquitte pas de la preuve qui est à sa charge en se bornant à s'appuyer sur cette comptabilité (CE, arrêts du 22 janvier 1982, n°s 22397 et 22398).
D'une manière générale, pour avoir valeur probante, une comptabilité doit (cf. 4 G 3334) :
- être régulière, c'est-à-dire complète et correctement tenue ;
- enregistrer exactement toutes les opérations de l'entreprise ;
- être appuyée des justifications permettant de contrôler ses énonciations, lesdites justifications pouvant consister en pièces justificatives émanant de tiers, en pièces établies par le contribuable lui-même (copies de factures, de lettres ...) ou en inscriptions détaillées sur les livres ou documents comptables.
Procès-verbaux
6La preuve peut être également administrée au moyen de constatations contenues dans des procés-verbaux 2 (Cass. Crim., 29 avril 1976, RJ n° 1, p. 112), des registres portatifs ou des certificats de décharge.
Documents privés, attestations et copies d'actes
7Il en est de même en ce qui concerne les documents privés et la correspondance. À cet égard, l'Administration peut, par l'exercice notamment du droit de communication qu'elle tient des articles L 81 et suivants et R* 81-1 et suivants du Livre des procédures fiscales, recueillir des extraits ou des documents susceptibles de faire preuve.
À cet égard, les services ne sont pas en droit d'opposer, en cours d'instance, l'irrecevabilité d'attestations au motif qu'il s'agit d'une preuve testimoniale (cf. 13 O 1224 ).
De leur côté, les contribuables peuvent obtenir de l'Administration, sous certaines conditions, la délivrance d'extraits de rôles ou de registres, d'attestations ou de copies d'actes qu'ils jugent utiles de produire à l'appui de leur réclamation (LPF, art. L 104 et suiv.).
Avis de réception postaux
8Afin d'établir l'envoi et la réception d'une lettre de notification de redressement, de décision, de mise en demeure ... l'Administration doit produire, devant le juge de l'impôt, l'avis de réception postal qui fait foi non seulement de la remise de la lettre au contribuable, mais encore de la date de cette remise (cf. également 13 L 1513, n°s 19 et suiv.) 3 .
Ainsi, pour démontrer que la procédure de rectification de la déclaration d'un contribuable a été régulièrement suivie, l'Administration ne peut se borner à établir que la lettre notifiant les rehaussements envisagés a bien été déposée au guichet de la poste et ne lui a pas été renvoyée ; elle doit encore prouver, par la production de l'accusé de réception, que cette lettre a été effectivement remise au destinataire (CE, arrêt du 10 juillet 1963, n° 47051, RO, p. 393) 4 .
Monographies
9La loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 portant orientation du commerce et de l'artisanat prévoit dans son article 7 que les forfaits sont, sous réserve d'une adaptation à chaque entreprise, établis sur la base des monographies professionnelles nationales ou régionales, élaborées par l'Administration et que celles-ci sont communiquées aux organisations professionnelles qui peuvent présenter des observations à leur sujet (CGI, art. 302 ter-2-bis).
Les monographies professionnelles ont donc notamment pour objet de faciliter les débats de caractère général entre professionnels et Administration et d'assurer l'homogénéisation des conditions d'imposition des revenus commerciaux et artisanaux, tant au plan régional que national. Mais, lors de la conclusion des forfaits individuels, l'utilisation de cette documentation ne saurait entraîner une application systématique des données qui y sont consignées.
Par voie de conséquence, les monographies professionnelles, si elles peuvent donner des indications valables en cas de contentieux, ne sauraient être invoquées comme preuve, ni par l'Administration, ni par les contribuables. Ainsi, les taux de bénéfice brut figurant pour le commerce d'une entreprise dans les monographies professionnelles établies par l'Administration ne sauraient prévaloir sur les constatations opérées par celle-ci dans la société (CE, arrêt du 14 juin 1982, n° 16671).
10Enfin, il y a lieu de préciser que le juge de l'impôt doit pouvoir exercer son contrôle sur toutes les pièces justificatives, y compris celles que l'Administration a écartées comme non probantes ; s'il en est empêché par l'Administration, déclarant ne pas avoir conservé les documents, le juge accorde le dégrèvement demandé par le contribuable (CE, arrêt du 11 décembre 1974, n° 92758).
Par un arrêt du 29 novembre 1982, n° 22791, le Conseil d'État a jugé que l'Administration n'apportait pas la preuve que la réponse du contribuable était insuffisante - et que, par suite, il était taxable d'office en application des dispositions des articles L 16 et L 69 - dès lors qu'elle ne pouvait produire la demande de justification et la réponse de l'intéressé 5 .
1 À cet égard, on relève que dans les conclusions rendues au sujet d'un arrêt du 24 avril 1974, n° 84053, le commissaire du Gouvernement Mandelkern a apporté les précisions suivantes :
« Pour qu'une pièce soit justificative, il faut qu'elle revête, en quelque sorte, un caractère contradictoire, lequel suppose à son tour la réunion de deux conditions : la possibilité d'un recoupement avec les comptes ou la déclaration d'un tiers ; l'existence d'une opposition d'intérêts, ou tout au moins, l'absence d'une convergence d'intérêts entre le contribuable et ce tiers ».
2 En matière de contributions indirectes, les procès-verbaux font foi jusqu'à preuve contraire (article L 238 du Recueil des contributions indirectes et des réglementations assimilées).
3 L'Administration peut établir également l'envoi et la réception d'une lettre de notification de redressement par la production d'une attestation de l'administration postale (cf. 13 L 1513 n° 21).
4 Si la lettre est remise directement au contribuable, ce dernier doit accuser réception sur la copie conservée au dossier.
5 Le refus ou l'impossibilité invoqué par l'Administration de produire des documents réclamés par le juge établit l'exacttude des affirmations du requérant dès lors que ces affirmations sont suffisamment vraisemblables (conclusions de M. le commissaire du Gouvernement Léger sous l'arrêt du Conseil d'État du 29 novembre 1982, n° 22791).