Date de début de publication du BOI : 30/04/1996
Identifiant juridique : 13O113
Références du document :  13O113
Annotations :  Lié au BOI 13O-1-05

SECTION 3 LES SOURCES INTERNATIONALES DU DROIT FISCAL


SECTION 3

Les sources internationales du droit fiscal


1Les législations fiscales sont déterminées en principe souverainement par les États. Elles peuvent, par conséquent, s'exercer concurremment à l'égard d'un même contribuable, sur une même matière imposable et pour une même période.

Il en est ainsi, par exemple, lorsqu'un revenu est imposable à la fois dans l'État où il a sa source, dans l'État du domicile du bénéficiaire et dans l'État où a lieu le paiement.

2C'est pourquoi les États ont été conduits à conclure des conventions, qui sont des traités internationaux bilatéraux, destinées à éviter les doubles impositions.

Actuellement, ces conventions sont souvent préparées à partir de modèles mis au point par les organisations internationales, ainsi celui publié en 1963 par l'OCDE.

3Outre, l'élimination des doubles impositions, la plupart des conventions fiscales ont également pour objet de prévoir :

- des procédures de consultation ;

- des mesures d'assistance réciproque pour le recouvrement de l'impôt ;

- des échanges de renseignements tendant à lutter contre la fraude fiscale.

4L'article 55 de la Constitution place, dans la hiérarchie des normes, le droit issu de ces conventions internationales, dûment ratifiées, au-dessus des normes nationales.

5Il y a toutefois lieu de distinguer, en la matière, les conventions fiscales internationales traditionnelles, bilatérales, du droit européen, issu de traités dont la portée n'était pas exclusivement fiscale.

Les premières comportent une clause de réciprocité. Un État contractant peut donc suspendre l'application d'une convention à l'égard des ressortissants de l'Etat contractant qui ne l'appliquerait pas.

Le droit communautaire, au contraire, s'intègre au droit national et doit être appliqué quelle que soit l'attitude des autres États membres. Il comprend par ailleurs une propre hiérarchie des normes.


  A. LE DROIT COMMUNAUTAIRE


6Le droit communautaire est constitué par un ensemble de traités et par les normes de droit qui ont éte édictées pour leur application. Un nouvel ordre juridique a ainsi été créé, qui s'intègre au droit national.


  I. Les sources du droit communautaire


71. Les traités institutionnels sont au nombre de trois : le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), signé le 18 avril 1951 à Paris et les deux traités de Rome du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne (CEE) et la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom).

8Cet ensemble a été complété des traités d'adhésion, portant le nombre d'États membres de 6 à 15 actuellement, par l' « Acte unique européen » des 17-28 février 1986 et par le traité d'Union Européenne du 7 février 1992.

9Le droit fiscal « communautaire » trouve essentiellement son fondement dans le traité de Rome instituant la CEE :

- les articles 95 à 98 de ce texte concernent la suppression des obstacles à la libre circulation des marchandises. Ils interdisent un traitement fiscal discriminatoire ;

- l'article 99 prévoit l'harmonisation des taxes indirectes dans l'intérêt du marché commun. Il est à la base du système communautaire de la TVA ;

- enfin l'article 100, de portée très large, constitue la base juridique pour les mesures d'harmonisation en matière de fiscalité directe.

102. Pour la mise en oeuvre des principes dégagés par cet ensemble, les institutions communautaires (Conseil des Ministres et Commission des Communautés européennes) peuvent prendre des actes unilatéraux.

11L'article 189 du traité instituant la CEE distingue ainsi entre :

- les règlements, mesures générales directement applicables dans le droit interne des États membres ;

- les directives, qui fixent un objectif à atteindre dans un délai déterminé en laissant les États membres, maîtres des mesures de mise en oeuvre ;

- les décisions, impératives, mais adressées à un ou plusieurs États ou particuliers ;

- les recommandations et avis, sans portée juridique contraignante.


  II. L'intégration du droit communautaire au droit national


1. Les principes de primauté et d'intégration du droit communautaire.

12Dans ses arrêts de principe Van Gend en Loos (5 février 1963, aff. 26/62) et X... (15 juillet 1964, aff. 6/64), la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) a affirmé l'existence d'un ordre juridique communautaire à la fois indépendant de la législation des États membres et intégré à leur système juridique ; elle en a déduit que le droit communautaire créait, à l'égard des particuliers, des droits et des obligations susceptibles d'une sanction juridictionnelle nationale.

13Par suite, tout juge national, saisi dans le cadre de sa compétence, a l'obligation d'appliquer intégralement le droit communautaire et de protéger les droits que celui-ci confère aux particuliers, en laissant inappliquée toute disposition éventuellement contraire de la loi nationale, que celle-ci soit antérieure ou postérieure à la règle communautaire (CJCE, 9 mars 1978, aff. 106/77, X... ).

14La Cour de Cassation (Ch. mixtes, 24 mai 1975, Sté « Cafés Jacques Vabre ») puis le Conseil d'État (Ass. 20 octobre 1989, X... ) ont consacré cette primauté du droit communautaire, y compris par rapport aux lois nationales postérieures.

2. La mise en oeuvre des principes : l'effet direct.

15La primauté de la règle communautaire n'a de valeur qu'autant que le particulier peut l'invoquer devant le juge national. On désigne communément les règles d'invocabilité sous l'expression d'effet direct du droit communautaire.

Celui-ci varie en fonction de la nature de la norme considérée (traité, règlement ou directive). Par ailleurs, la jurisprudence du Conseil d'État n'est pas définitivement fixée en la matière : aussi la saisine des Services centraux s'impose-t-elle en cas de difficultés.


  B. LES CONVENTIONS INTERNATIONALES


16Outre l'élimination des doubles impositions, les conventions fiscales ont également pour objet d'assurer une protection des contribuables (possibilité particulière de recours en cas de difficultés d'application, protection contre les discriminations fiscales du fait de la nationalité).

17Elles peuvent enfin constituer une incitation au développement des échanges et des activités entre les pays qui les concluent.


  I. Conventions internationales et législation interne


18  En vertu de la règle posée par l'article 55 de la constitution du 4 octobre 1958, les traités ou accords internationaux ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois.

En application de ce principe, l'article 4 bis-2° du Code général des Impôts prévoit que « sont également passibles de l'impôt sur le revenu les personnes de nationalité française ou étrangère, ayant ou non leur domicile fiscal en France, qui recueillent des bénéfices ou revenus dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions ».

De même, l'article 165 bis du CGI dispose que « nonobstant toute disposition contraire du présent code sont passibles en France de l'impôt sur le revenu tous revenus dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions ».

C'est ainsi, par exemple, que la loi du 27 décembre 1963, prévoyant la recevabilité des réclamations jusqu'au 31 décembre de l'année 1 suivant, notamment, celle de la réalisation de l'événement qui motive la réclamation, doit demeurer sans incidence sur les conditions particulières de délais édictées par certaines conventions en matière de restitution de droit de mutation par décès 2 [cf. 13 O 2125 ].

19Cependant, les traités diplomatiques n'ont force de loi que s'ils ont été régulièrement ratifiés et publiés au Journal officiel (CE, arrêt du 24 février 1967, n° 68405, RJ, 2e partie, p. 53).

Par suite, les conventions non ratifiées, ni publiées ne peuvent s'appliquer aux redevables. Ces derniers ne peuvent davantage s'en prévaloir.


  II. Interprétation des conventions internationales


1. Tribunaux administratifs.

20Par un arrêt du 29 juin 1990 (n° 78519, GISTI), Le Conseil d'État a considéré que le juge était compétent pour interpréter une disposition conventionnelle sans renvoi au ministre des affaires étrangères.

Cette décision rompt avec la règle jurisprudentielle antérieure selon laquelle le juge administratif devait demander au ministre des affaires étrangères de lui préciser le sens qu'il convenait d'attribuer aux dispositions litigieuses de la convention (CE, arrêts des 25 octobre 1937, Sté United States Lines, RO, p. 562 ; 16 janvier 1939, mêmes parties, RO, p. 20 ; 30 septembre 1957, n°s 36088 et 40332, RO, p. 410 et 19 mai 1972, n° 76534) à moins que le sens de la convention fût clair et certain (CE, arrêt du 21 février 1966, n° 63013). Avant de consulter le ministre des affaires étrangères sur l'interprétation à donner à une convention internationale, le tribunal administratif devait examiner si, compte tenu de la situation du contribuable au regard de la loi interne, celui-ci était fondé à obtenir le dégrèvement qu'il sollicitait. C'est seulement dans la négative que le ministre des affaires étrangères devait être saisi (CE, arrêt du 19 décembre 1975, n°s 84774 et 91895).

2. Tribunaux judiciaires.

21Les tribunaux judiciaires sont compétents pour interpréter les traités diplomatiques, sauf lorsque les dispositions soumises à leur interprétation mettent en jeu des questions de droit public international (Cass. civ., 16 decembre 1968, affaire X... , RJ, 2e partie, p. 252).

 

1   Ou actuellement de la deuxième année pour les impôts autres que les impôts directs locaux (cf. 13 O 212 ).

2   Convention franco-américaine du 24 novembre 1978, convention franco-canadienne du 16 mars 1951 et convention franco-britannique du 21 juin 1963.