SOUS-SECTION 1 TEXTE APPLICABLE DANS LE TEMPS
2. Impôts directs locaux.
26En ce qui concerne les impositions perçues au profit des collectivités locales, il convient de prendre en considération pour l'établissement de l'impôt, la législation applicable au 1er janvier de l'année d'imposition et non celle en vigueur à la date de mise en recouvrement du rôle (CE, arrêts des 25 janvier 1954, X... , RO, p. 15 et 2 juillet 1962, SARL « Ets Charles Fusilier et Darras-Bilhaut », RO, p. 139 - arrêts rendus en matière de patente -).
C. LE PRINCIPE DE NON-RÉTROACTIVITÉ DES LOIS EN MATIÈRE FISCALE. LIMITES
27Lorsque, à l'égard d'une situation juridique déterminée survient un changement de législation, il peut y avoir conflit entre la loi ancienne et la loi nouvelle si des mesures transitoires ne sont pas prévues.
28En doctrine, trois solutions sont possibles :
- la loi nouvelle s'applique à la situation juridique préexistante dès le moment où celle-ci a pris naissance de telle sorte que tous les effets produits sous le régime de la loi ancienne sont effacés ; la loi nouvelle est alors rétroactive ;
- on peut décider, à l'inverse que, s'effaçant devant la loi ancienne, la loi nouvelle ne s'appliquera pas à la situation juridique préexistante ; il y a alors maintien des effets de la loi ancienne ;
- enfin, on peut admettre une application distributive des deux lois : les effets produits par la loi ancienne sont maintenus mais dès le moment de son entrée en vigueur, la loi nouvelle s'applique à la situation juridique préexistante pour en tirer des effets nouveaux ; la loi nouvelle a alors un effet dit immédiat.
29Mais le principe établi par l'article 2 du Code civil est que « la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet rétroactif ».
30D'une manière générale, cette règle s'applique en matière fiscale.
Par conséquent, un impôt nouveau ne peut être perçu que tout autant que le fait générateur de cet impôt s'est produit sous le régime de la loi nouvelle (cf. ci-dessus n°s 9 et suiv. ). Inversement, lorsqu'un impôt se trouve réduit ou supprimé, les droits qui étaient devenus légalement exigibles sous le régime de la loi ancienne restent acquis au Trésor.
Ainsi, l'article 35-I de la loi du 30 décembre 1986, entré en vigueur le 1er janvier 1987, qui abroge les articles 564 septies et 564 octies du Code général des impôts visant la taxe sur les appareils automatiques n'a d'effet que pour l'avenir.
En conséquence, les juges civils ne peuvent considérer que les créances de taxe d'État afférentes aux années antérieures à son abrogation sont éteintes (voir Cour de Cassation, chambre commerciale, économique et financière, arrêt du 2 mai 1990) [Affaire, société D].
En l'espèce, la redevable sollicitait la décharge de la taxe sur les appareils automatiques due depuis l'entrée en vigueur de la taxe sur la valeur ajoutée sur les recettes des appareils.
À la suite du rejet de ses réclamations par le Directeur des Services fiscaux, elle avait assigné celui-ci devant le Tribunal de grande instance.
Les premiers juges avaient accordé satisfaction à la demanderesse au motif que la taxe sur les appareils automatiques avait été abrogée.
Cette décision a été cassée sur le pourvoi de l'Administration.
L'article 35-I de la loi du 30 décembre 1986, entré en vigueur le 1er janvier 1987 et qui abroge les articles 564 septies et 564 octies du CGI ne comporte pas de dispositions rétroactives. Aussi son application dans le temps est-elle déterminée par les principes posés à l'article 2 du code civil qui prévoit que la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a pas d'effet rétroactif.
Dans ces conditions, l'abrogation de la taxe d'État ne peut avoir pour effet d'effacer les créances que possède l'Administration sur les redevables qui ne s'en sont pas acquittés au titre des années antérieures à 1987.
31On observera que le principe de non-rétroactivité trouve particulièrement à s'appliquer en matière de contributions indirectes - à moins de dispositions contraires formellement exprimées :
- aux textes fiscaux et économiques pénalement sanctionnés même s'ils comportent des dispositions bienveillantes (Cass. crim., 18 mars 1965, RJCI n° 12, p. 42, 10 novembre 1970, D 1971, 509) ;
- aux règlements communautaires pris par le Conseil et la Commission de la communauté économique européenne (CEE) [Cass. crim., 9 janvier 1974, RJCI, p. 19 ; rapprocher également 22 novembre 1973, RJCI, p. 120).
32Cependant, le principe de non-rétroactivité n'étant pas d'origine constitutionnelle, le législateur peut, dans le cadre de sa souveraineté et par une disposition expresse, y déroger 1 .
Par exemple, l'article 2 de la loi n° 86-966 du 18 août 1986 avait institué au profit de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, une contribution égale à 0,4 % des revenus imposables des personnes physiques de 1985 et 1986.
L'article 24 de la loi n° 89-18 du 13 janvier 1989 portant diverses mesures d'ordre social avait reconduit ce dispositif pour un an. La contribution, sous réserve de quelques modifications, s'appliquait ainsi aux revenus de l'année 1987.
1 Toutefois le Conseil constitutionnel a jugé que le principe de non rétroactivité avait valeur constitutionnelle en matière de sanctions.