Date de début de publication du BOI : 01/03/1977
Identifiant juridique : 13N4312
Références du document :  13N4312

SOUS-SECTION 2 ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS DES INFRACTIONS

SOUS-SECTION 2

Éléments constitutifs des infractions

  A. OPPOSITION INDIVIDUELLE

1L'infraction définie par l'article 1737 du Code général des Impôts, bien que purement fiscale et uniquement sanctionnée par une amende de nature fiscale, est cependant commentée au présent chapitre en raison de sa nature correctionnelle. Cette infraction se caractérise par :

a. Un élément matériel constitué par tout obstacle apporté par toute personne, contribuable ou tiers, à l'exercice légal des fonctions des agents habilités à constater les infractions à la législation des impôts, et ayant pour effet de mettre ces agents dans l'impossibilité d'accomplir normalement leur mission ;

b. Un élément moral résultant de la circonstance que l'obstacle doit être apporté volontairement.

  B. OPPOSITION COLLECTIVE

2De même, le délit d'opposition collective à l'établissement de l'assiette de l'impôt, prévu par l'article 1746-2 du Code général des Impôts et uniquement assorti, quant à lui, de sanctions pénales, comporte :

a. Un élément matériel constitué, comme pour l'article 1737, par un obstacle, de quelque nature qu'il soit mais apporté par plusieurs personnes, à l'exercice légal des fonctions d'assiette et de contrôle des agents des impôts, dans des conditions telles que ces fonctions ne peuvent plus être exercées normalement ;

b. Un élément moral consistant dans le fait que l'obstacle doit être apporté volontairement, consciemment et de façon délibérée, l'appréciation de ce caractère devant toutefois être faite sur le plan collectif sans qu'il soit besoin d'imputer à chacun des participants un acte particulier d'opposition.

3Il en résulte que le délit d'opposition collective recouvre un champ d'application plus restreint que celui de l'infraction fiscale d'opposition individuelle, l'existence du délit ne se concevant juridiquement que dans le cadre de l'établissement de l'assiette de l'impôt, tandis que l'infraction fiscale vise l'ensemble des fonctions dévolues aux agents habilités à constater les infractions.

  C. JURISPRUDENCE

4Les arrêts rendus par la Chambre criminelle de la Cour de Cassation sur le fondement du paragraphe III B de l'article unique de la loi n° 55-349 du 2 avril 1955 permettent de dégager quelques principes généraux, ci-après analysés, étant entendu que dans l'exposé de cette jurisprudence les articles anciens du Code général des Impôts évoqués doivent être traduits comme suit :

- article 1769, alinéa premier : article 1737 nouveau ;

- article 1769, alinéa 4 : article 1746-2 nouveau ;

- article 297 : article 286 nouveau ;

- article 2005 : article 1740-1 nouveau.

Les articles nouveaux figurent entre parenthèses dans les développements qui suivent.

1. Les dispositions de l'alinéa premier de l'article 1769 (1737) du Code général des Impôts sont générales et absolues ; elles visent toute opposition sans qu'il soit nécessaire que celle-ci soit une manifestation active.

5Aux termes des articles 297 (286) et 1991 du Code général des Impôts, le commerçant est tenu de fournir aux agents des impôts toutes justifications nécessaires à la fixation des opérations imposables aux taxes sur le chiffre d'affaires et de donner communication de ses livres de commerce et autres documents comptables ; dès lors, le refus de communiquer ces livres et documents, soit qu'il résulte d'une déclaration formelle de l'assujetti, soit qu'il découle d'une attitude passive telle que le refus de répondre aux convocations des agents vérificateurs tombe sous la sanction de l'article 1769, alinéa premier (1737), [Cass. crim., arrêt du 19 janvier 1966, RJCI, 1966, n° 3, p. 13].

2. L'article 1769, alinéa premier, (1737) du Code général des Impôts vise l'opposition à toutes les opérations destinées à déterminer les contributions exigées des particuliers pour assurer le service des charges publiques.

En vertu de l'article 1991 du Code général des Impôts, les agents de l'Administration peuvent se faire communiquer les livres de commerce et les autres documents comptables tenus par les commerçants ; ce droit s'exerce en vue de déterminer si les impôts sont dus aussi bien par la personne dont la comptabilité est communiquée que par celles avec qui elle est en relation d'affaires.

Indépendamment des pénalités prévues par l'article 2005 (1740-1) du Code général des Impôts, encourt l'amende édictée par l'article 1769, alinéa premier (1737) le commerçant qui s'oppose à cette communication 1 .

7Dès lors, ne donne pas une base légale à sa décision, la Cour d'appel qui, au cas d'un commerçant auquel un inspecteur des contributions indirectes avait envoyé un « avis de passage » en vue d'obtenir sur place communication de sa comptabilité (avis précisant que l'opération projetée ne constituait pas une vérification de sa situation fiscale personnelle) relaxe les prévenus au motif que l'opération projetée par l'Administration ne constituait pas une vérification de la situation fiscale dudit commerçant et ne pouvait pas être considérée comme un contrôle fiscal prévu par l'article 1769 (1737) du Code général des Impôts ; qu'il était donc inutile de rechercher s'il y avait eu opposition et que d'ailleurs, le refus de présenter une comptabilité trouvait sa sanction dans l'article 2005 (1740-1) du même code ; alors qu'il résultait du procès-verbal, base de la poursuite, et de l'arrêt attaqué que le prévenu, commerçant, assisté d'un co-prévenu et d'un tiers, s'était rendu au bureau de l'inspecteur pour y affirmer son opposition à tout contrôle et que ledit commerçant, ayant obtenu un report de la date de passage confirmé par un nouvel avis, avait le jour dit baissé le rideau métallique de son magasin et apposé une pancarte mentionnant « Fermé pour cause de grève » (Cass. crim., arrêt du 1er février 1961, R.J.C.I., 1961, n° 7, p. 21).

3. Tout obstacle apporté volontairement à l'action des agents chargés du contrôle fiscal constitue l'opposition aux fonctions de ces agents au sens de l'article 1769, alinéa premier (1737) du Code général des Impôts. Les sanctions appliquées par ce texte s'appliquent même à ceux dont la simple présence lors d'un tel contrôle n'a pas d'autre but que de créer cet obstacle.

8Ainsi il a été jugé que constitue cet obstacle :

• le refus par un commerçant redevable des taxes sur le chiffre d'affaires, de représenter sa comptabilité en déclarant qu'il se conformait à l'attitude du délégué à la propagande de l'U.D.C.A. qu'il présentait comme son conseil ;

• la présence aux côtés de ce commerçant :

- du délégué précité qui exposait que l'U.D.C.A. réclamait une réforme fiscale et que, faute d'avoir obtenu satisfaction, les membres du groupement continuaient à s'opposer aux contrôles fiscaux ;

- du président départemental de l'U.D.C.A. qui assistait le délégué à la propagande au cours de la résistance opposée à l'agent chargé du contrôle en vue de faire impression sur celui-ci et de l'empêcher de procéder aux vérifications comptables (Cass. crim., arrêt du 18 juillet 1957, R.J.C.I., 1957, n° 47, p 139) ;

9• la présence au milieu d'une quarantaine de personnes groupées devant la porte de son magasin, du contribuable et de neuf autres prévenus, bien qu'ils n'aient prononcé aucune parole ni effectué aucun geste permettant de supposer qu'ils s'associaient à la déclaration d'un autre prévenu qui s'était détaché du groupe pour informer les inspecteurs qu'il s'agissait d'un rassemblement organisé par l'U.D.C.A. en vue de s'opposer à la vérification. (Cass. crim., arrêt du 22 mai 1959, R.J.C.I. 1959, n° 57, p. 179).

4. L'obstacle apporté volontairement à l'action des agents chargés du contrôle fiscal, qui constitue l'opposition aux fonctions de ces agents au sens de l'alinéa premier de l'article 1769 (1737) du Code général des Impôts, est caractérisé lorsque les moyens mis en oeuvre par les manifestants sont de nature à intimider lesdits agents, de telle sorte que ceux-ci ne peuvent remplir leur mission.

10Fait, dès lors, une exacte application des dispositions de l'article 1769, alinéa premier (1737), du Code général des Impôts, l'arrêt qui condamne un entrepreneur dont la comptabilité n'avait pu être vérifiée ainsi que deux individus se disant conseillers fiscaux, dès l'instant où il résulte des énonciations tant du jugement confirmé sur ce point par l'arrêt attaqué que du procès verbal, base de la poursuite :

a. Que les inspecteurs des contributions indirectes s'étaient présentés chez l'entrepreneur, à la date choisie par lui, pour procéder à un contrôle fiscal après qu'un précédent contrôle eût été tenté en vain, mais qu'ils ne purent effectuer la vérification des livres comptables mis à leur disposition ;

11b. Qu'en effet, les deux prétendus conseillers fiscaux étaient entrés dans la pièce où se tenaient les inspecteurs au moment où ceux ci commençaient leurs travaux, pendant qu'une cinquantaine de manifestants, qui répondaient aux ordres de l'un des prétendus conseillers fiscaux, cernaient les locaux, outrageaient les agents et installaient dans la cour un cercueil et une potence dans le but de les intimider ; que, les inspecteurs s'étant refusés à poursuivre leur mission dans de telles conditions, les deux prétendus conseillers fiscaux s'opposèrent à leur sortie jusqu'à ce qu'un huissier, invité dès la veille à venir y procéder, eut constaté ce refus ;

c. Qu'en conséquence la manifestation avait bien été organisée à l'avance par les prévenus dans le but de faire obstacle au contrôle fiscal envisagé et que, du reste, le second prétendu conseiller fiscal, dénué de toute compétence fiscale spécialisée, n'était venu d'une autre localité que dans ce but. (Cass crim., arrêt du 13 mai 1958, R.J.C.I. 1958, n° 51, p. 132).

5. Les sanctions édictées par les alinéas 1 et 4 de l'article 1769 (1737 et 1746-2) du Code général des Impôts s'appliquent aussi bien aux tiers qu'à l'assujetti et n'exigent pas qu'il y ait concert entre les tiers et l'assujetti ; la simple présence du tiers mettant obstacle à l'établissement de l'assiette de l'impôt suffit pour constituer le délit.

12Il suffit, en effet, dans le cas de l'alinéa premier (1737) que les contrevenants aient mis les agents de l'Administration dans l'impossibilité d'accomplir leurs fonctions et dans le cas de l'alinéa 4 (1746-2), que par leur opposition collective, ils aient empêché d'établir l'assiette d'une imposition.

Fait, dès lors, une exacte application des dispositions des alinéas 1 et 4 de l'article 1769 (1737 et 1746-2) du Code général des Impôts, l'arrêt qui, pour justifier la condamnation des chefs de l'infraction fiscale et du délit d'opposition collective tant à l'encontre du contribuable, et de son fils -qui, en son absence le représentait lors d'une seconde tentative de vérification- que de plusieurs membres de l'U.D.C.A. venus prêter leur concours :

a. Constate les faits ayant empêché les agents de l'Administration d'accomplir leur mission, faits consistant la première fois en la déclaration du contribuable de s'en référer à la décision de son conseil fiscal, lequel fit connaître qu'il s'opposait au contrôle, et la seconde fois en la déclaration du fils qui, informé ainsi que son père de la date du nouveau contrôle, prétendit ne pouvoir présenter la comptabilité au prétexte qu'elle ne se trouvait pas là, mais entres les mains du conseil choisi la première fois ;

b. Précise que la présence au domicile du contribuable sur les lieux du contrôle, des responsables régionaux de l'U.D.C.A., dont certains n'étaient même pas connus de l'intéressé, ne pouvait s'expliquer que par leur volonté bien arrêtée, d'accord avec le contribuable et avec son fils, d'empêcher la vérification des livres de comptabilité à laquelle devaient procéder les agents de l'Administration. (Cass. crim., arrêt du 18 juillet 1957, R.J.C.I., 1957, n° 46, p. 135).

6. L'article 1769, alinéa 4 (1746-2) du Code général des Impôts, n'exige ni violences, ni menaces, mais punit l'opposition collective sous toutes ses formes.

13C'est ainsi qu'il a été jugé qu'encourt la cassation l'arrêt qui relaxe les prévenus d'opposition collective à l'établissement de l'impôt, au motif qu'il n'est pas prouvé que ceux-ci aient eu l'intention de se réunir en vue de faire obstacle au contrôle et que la seule opposition positive a été présentée par un député n'ayant pas fait l'objet de poursuites, alors que ces motifs contredisent les constatations contenues dans le procès-verbal des agents de la Régie faisant foi, jusqu'à preuve contraire, et aux termes duquel ces derniers ont relevé qu'il leur était impossible de procéder au contrôle fiscal en raison de la présence de plusieurs personnes que le redevable tolérait dans son magasin et celle d'un groupe stationnant devant son établissement. ( Cass. crim., arrêt du 2 janvier 1959, R.J.C.I. 1959, n° 2, p. 7).

7. Les deux infractions prévues l'une par l'alinéa premier de l'article 1769 du Code général des Impôts, l'autre par l'alinéa 4 du même article (1737 et 1746-2), la première fiscale, la seconde pénale, ont des éléments matériels et juridiques différents. (Cass. crim., arrêt du 2 janvier 1959 précité).

14Il appartient en conséquence aux juges du fond, quelle que soit leur décision sur l'infraction pénale, de statuer sur l'infraction fiscale dont ils ont été régulièrement saisis. ( Cass. crim., arrêt du 20 février 1958, R.J.C.I. 1958, n° 20, p. 51).

8. La constatation qu'il y a éu opposition collective à l'établissement de l'assiette de l'impôt implique par elle-même l'existence d'un obstacle volontairement apporté à la mission des agents qualifiés de l'Administration ; ainsi l'amende fiscale prévue à l'alinéa premier de l'article 1769 (1737) du Code général des Impôts se trouve, en pareil cas, nécessairement encourue et elle doit être prononcée concurremment avec les peines de droit commun qui sanctionnent le délit défini par l'alinéa 4 du même article (1746-2). (Cass. crim., arrêts des 21 novembre 1957, R.J.C.I. 1957, n° 71, p. 202 ; 19 mai 1958, Bull. crim. 1958, n° 393, p. 693 ; 23 décembre 1958, R.J.C.I. 1958, n° 130, p. 345).

15Il doit encore en être ainsi dans le cas où un jugement sur l'action publique a déjà été rendu et est passé en force de chose jugée, la participation personnelle des prévenus à la manifestation d'opposition collective étant un obstacle volontairement apporte à l'exercice de la mission des agents de l'Administration, qu'il y ait eu, ou non, fraude préalablement commise. ( Cass. crim., arrêt du 17 décembre 1958, R.J.C.I. 1958, n° 127, p. 336).

16Bien d'autres arrêts ont été rendus par la Chambre criminelle de la Cour de Cassation dans le sens des principes qui viennent d'être dégagés, et si l'on entend rechercher des cas d'espèce, on pourra utilement se référer aux arrêts ci-dessous :

-14 mai 1958, R.J.C.I. 1958, n° 52, p. 135 ;

-12 juin 1958, R.J.C.I. 1958, n° 73, p. 202 ;

- 25 juin 1958, R.J.C.I. 1958, n° 79, p. 216 ;

- 22 octobre 1958, R.J.C.I. 1958, n° 101, p. 268 ;

-17 décembre 1958, R.J.C.I. 1958, n° 125, p. 329 ;

- 2 janvier 1959, R.J.C.I. 1959, n° 1, p. 5 ;

- 2 janvier 1959, R.J.C.I. 1959, n° 4, p. 13 ;

-10 avril 1959, R.J.C.I. 1959, n° 38, p. 107 ;

- 12 mai 1959, R.J.C.I. 1959, n° 55, p. 174 ;

- 22 mai 1959, Bull. crim. 1959, n° 263, p. 534 ;

- 18 novembre 1959, R.J.C.I. 1959, n° 88, p. 268 ;

- 9 décembre 1959, R.J.C.I. 1959, n° 97, p. 290 ;

- 20 janvier 1960, R.J.C.I. 1960, n° 10, p. 31 ;

- 6 décembre 1961, R.J.C.I. 1961, n° 36, p. 117 ;

- 26 octobre 1966, R.J.C.I. 1966, n° 22, p. 69.

1   Cf. Documentation de base 13 K-15 et suiv.