Date de début de publication du BOI : 20/10/1999
Identifiant juridique : 3A1221
Références du document :  3A122
3A1221
Annotations :  Lié au Rescrit N°2007/42

SECTION 2 PRÉLÈVEMENTS, UTILISATIONS ET AFFECTATIONS DE CERTAINS BIENS ET SERVICES

SECTION 2

Prélèvements, utilisations et affectations de certains biens et services

SOUS-SECTION 1  

Livraisons à soi-même de biens et services

1La livraison à soi-même est l'opération par laquelle une personne obtient, avec ou sans le concours de tiers, un bien ou une prestation de services à partir de biens, d'éléments ou de moyens lui appartenant.

Ainsi, une personne se livre à elle-même un immeuble bâti lorsque, possédant un terrain, elle y fait élever une contruction à l'aide de matériaux qui deviennent sa propriété au fur et à mesure des travaux et ce, quelle que soit l'importance de la participation de tiers (architectes, entrepreneurs). Lorsque l'immeuble ainsi bâti est destiné à être utilisé pour la réalisation d'opérations soumises à la TVA, une telle livraison à soi-même doit faire l'objet d'une imposition à cette taxe en vertu des dispostions de l'article 257-7° du CGI.

2D'une manière plus générale, l'article 257-8° du CGI prévoit que sont imposables à la TVA les opérations suivantes assimilées, selon le cas, à des livraisons de biens ou à des prestations de services effectuées à titre onéreux.

Sont assimilés à des livraisons de biens effectuées à titre onéreux :

- le prélèvement par un assujetti d'un bien de son entreprise pour ses besoins privés ou ceux de son personnel ou qu'il transmet à titre gratuit ou, plus généralement, qu'il affecte à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien ou les éléments le composant ont ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la TVA. Toutefois, ne sont pas visés les prélèvements effectués pour les besoins de l'entreprise pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons. Le montant à retenir pour l'imposition de ces prélèvements est fixé par arrêté (Voir l'article 23 N de l'annexe IV). Cette limite s'applique par objet et par an pour un même bénéficiaire ;

- l'affectation par un assujetti aux besoins de son entreprise d'un bien produit, construit, extrait, transformé, acheté, importé ou ayant fait l'objet d'une acquisition intracommunautaire dans le cadre de son entreprise lorsque l'acquisition d'un tel bien auprès d'un autre assujetti, réputée faite au moment de l'affectation, ne lui ouvrirait pas droit à déduction complète parce que le droit à déduction de la taxe afférente au bien fait l'objet d'une exclusion ou d'une limitation ou peut faire l'objet d'une régularisation ; cette disposition s'applique notamment en cas d'affectation de biens à des opérations situées hors du champ d'application de la TVA ;

- l'affectation d'un bien par un assujetti à un secteur d'activité exonéré n'ouvrant pas droit à déduction, lorsque ce bien a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la TVA lors de son acquisition ou de son affectation conformément à l'alinéa ci-dessus ;

- la détention de biens par un assujetti ou par ses ayants droit en cas de cessation de son activité économique taxable, lorsque ces biens ont ouvert droit à déduction complète ou partielle lors de leur acquisition ou de leur affectation conformément au 2ème alinéa.

Sont assimilées à des prestations de services effectuées à titre onéreux :

- l'utilisation d'un bien affecté à l'entreprise pour les besoins privés de l'assujetti ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la TVA ;

- les prestations de services à titre gratuit effectuées par l'assujetti pour ses besoins privés ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise.

3Les articles 173 à 175 de l'annexe II au CGI complètent l'article 257-8° du même code en précisant les cas d'imposition des livraisons à soi-même ainsi que le moment où la taxe devient exigible.

Enfin, il est rappelé que la taxe afférente à une livraison à soi-même est déductible partiellement ou totalement de celle due au titre des opérations imposables (ou assimilées à des opérations imposables) de l'entreprise, sauf si le bien ainsi livré est exclu du droit à déduction en raison de sa nature ou s'il est affecté, à l'occasion de cette livraison, à d'autres besoins que ceux de l'entreprise (dans la mesure où l'affectation à des besoins autres que ceux de l'entreprise a eu lieu dès l'acquisition du bien) ou à une activité exonérée.

  A. DÉFINITIONS

  I. Personnes concernées

4L'imposition de la livraison à soi-même est exigible des personnes dont l'activité comporte, pour tout ou partie, la réalisation soit d'opérations imposables, soit d'opérations exonérées ou non imposables mais ouvrant droit à déduction de la TVA (opérations relevant du commerce extérieur).

En revanche, les personnes, qui réalisent exclusivement des opérations non imposables (opérations réalisées par des non-assujettis et donc placées en dehors du champ d'application de la TVA) ou des opérations exonérées autres que celles qui ouvrent droit à déduction, ne sont pas tenues de procéder à l'imposition des livraisons à soi-même, en dehors du cas prévu à l'article 257-9° du CGI (livraison à soi-même de viandes [cf. DB 3 A 1212]). De même, ne sont pas imposables les livraisons à soi-même effectuées exclusivement dans le cadre d'une activité totalement non imposable et constituant un secteur distinct des autres activités d'un assujetti, au sens des dispositions de l'article 213 de l'annexe II au CGI.

  II. Biens et services dont la livraison à soi-même est susceptible d'être imposée

1. Biens dont la livraison à soi-même est susceptible d'être imposée.

5Ces biens appartiennent à deux catégories :

- biens, achetés ou importés, utilisés en l'état pour des besoins autres que ceux de l'entreprise ;

- autres biens, c'est-à-dire les biens extraits, fabriqués ou transformés par l'assujetti. Un bien est réputé extrait ou fabriqué ou transformé par l'entreprise quelle que soit l'importance des biens et services acquis auprès de tiers en vue de l'extraction, de la fabrication ou transformation. Ainsi en matière immobilière il y a fabrication ou transformation même si l'assujetti fait exclusivement appel à des concours extérieurs en vue de réaliser ces opérations (façonniers ou entrepreneurs de travaux immobiliers).

En revanche, lorsque l'utilisation d'un bien acheté et destiné à être utilisé en l'état requiert certaines prestations accessoires faites par des tiers, telles que le transport, la manutention ou l'installation de matériels, ces opérations ne lui font pas perdre son caractère de bien acheté.

2. Services dont la prestation à soi-même est susceptible d'être imposée.

6La livraison à soi-même de services ou « prestation de services à soi-même » est l'opération par laquelle une personne obtient une prestation de services à partir de biens, d'éléments ou de moyens lui appartenant, que cette personne fasse appel ou non à des tiers pour tout ou partie de l'élaboration de la prestation.

L'imposition des prestations de services à soi-même prévue à l'article 257-8°-2-a et b du CGI n'est exigée que si :

- ces prestations sont faites pour des besoins autres que ceux de l'entreprise et notamment pour les besoins privés de ses dirigeants, de son personnel ou de tiers ;

- et la TVA afférente aux biens ou éléments utilisés pour rendre ces prestations était partiellement ou totalement déductible lors de leur acquisition.

  B. LIVRAISONS À SOI-MÊME DE BIENS AFFECTÉS À DES BESOINS AUTRES QUE CEUX DE L'ENTREPRISE

  I. Définition des besoins autres que ceux de l'entreprise

7L'article 257-8°-1-a du CGI définit ces besoins comme étant ceux des dirigeants ou du personnel de l'entreprise ou ceux de tiers.

En effet, l'utilisation ou l'acquisition à titre gratuit par ces personnes excluent l'affectation matérielle de ces biens à la réalisation de livraisons ou de prestations de service effectuées à titre onéreux. Elles ne sont donc pas effectuées pour les besoins de l'entreprise.

Cette définition découle des articles 230, 236, 238 et 240 de l'annexe II au CGI.

8La notion de besoins de l'entreprise est ici plus restreinte que celle retenue pour l'imposition des bénéfices et qui englobe toute dépense se rattachant à la gestion de l'entreprise ou exposée dans l'intérêt de l'exploitation.

La détermination du bénéfice net suppose, en effet, la prise en compte de toute dépense nécessaire à l'obtention de ce bénéfice, y compris notamment les avantages en nature et les dons. Par contre, le caractère d'impôt sur la consommation finale de la TVA conduit à n'admettre en déduction que la taxe afférente aux achats de biens et services utilisés au sein de l'entreprise en vue de la réalisation d'opérations imposables ou assimilées et à maintenir ou à appliquer l'impôt aux biens et services qui font l'objet, soit d'une utilisation extérieure, soit d'une consommation finale même effectuée au sein de l'entreprise.

  II. Cas d'imposition

9Les livraisons à soi-même de biens utilisés pour des besoins autres que ceux de l'entreprise sont imposables à la TVA, que l'entreprise les ait elle-même fabriqués ou construits (ou fait fabriquer ou construire) ou qu'elle les ait acquis et livrés à soi-même en l'état.

L'article 173 de l'annexe II au CGI limite l'imposition des livraisons à soi-même de biens effectués pour des besoins autres que ceux de l'entreprise au seul cas où la taxe qui a grevé l'acquisition ou l'importation de ces biens ou des biens et services utilisés pour leur fabrication était partiellement ou totalement déductible lors de cette acquisition ou importation.

Lorsqu'un bien ou service est, dès son acquisition ou importation, affecté à des besoins autres que ceux de l'entreprise, la taxe y afférente n'ouvre pas droit à déduction, conformément aux articles 230 ou 236, 238 et 240 déjà cités, de sorte qu'ultérieurement, il n'y a pas matière à imposition de la livraison à soi-même.

En revanche, la livraison à soi-même est imposable si les biens et services en cause, lors de leur acquisition ou importation, étaient destinés à la réalisation d'opérations ouvrant droit à déduction, que la déduction ait été totale ou partielle ou qu'elle ait été ou non effectivement exercée.

Tel serait le cas, par exemple, de l'opération consistant, pour un fabricant ou un revendeur d'appareils de télévision ou de machines-outils, à céder gratuitement à un client, un fournisseur ou un de ses salariés un appareil ou une machine prélevés dans ses stocks, ou même sans les céder ni les exclure du stock comptable, à leur en laisser gratuitement la jouissance (sauf pour une courte durée en vue de l'essai ou de la démonstration) et quand bien même l'acquéreur ou l'utilisateur de ces biens les affecterait à la réalisation d'opérations imposables (location, fabrication d'objets).

Tel serait encore le cas d'un constructeur d'immeubles qui se réserverait la jouissance d'un local ou bâtiment à des fins autres que la vente (habitation personnelle, logement gratuit de son personnel). Toutefois, il est souligné que s'il l'affectait en tant qu'immobilisation à la réalisation d'opérations imposables (location par exemple), une telle livraison à soi-même serait passible de la TVA immobilière (art. 257-7° du CGI).

En résumé, est imposable tout prélèvement, utilisation ou affectation à des fins autres que les besoins de l'entreprise, de biens compris dans les stocks et dont la taxe y afférente a fait l'objet d'une déduction totale ou partielle.

  III. Cas particuliers

1. Entreprises servant des repas gratuitement à leur personnel.

10Les entreprises qui servent gratuitement des repas à leur personnel doivent se conformer aux règles suivantes :

- les entreprises conservent, comme par le passé, la possibilité de réintégrer, pour son montant exact, la TVA comprise dans le coût de revient des repas servis gratuitement, à la condition de pouvoir en justifier à partir des données comptables propres à leur entreprise ;

- lorsque cette justification ne peut être apportée, la TVA qui n'ouvre pas droit à déduction peut être calculée de la manière suivante :

• le prix de revient hors taxe d'un repas servi gratuitement au personnel est réputé égal à une fois le minimum garanti lorsque la rémunération du salarié n'excède pas le plafond de la Sécurité sociale et à une fois et demie si elle est supérieure,

• ce prix de revient est réputé correspondre, à concurrence de 85 %, à des denrées taxées au taux réduit (5,5 %) et à concurrence de 15 %, à des produits taxés au taux normal (20,6 %).

2. Prélèvements effectués pour les besoins privés normaux du chef d'une entreprise individuelle.

11Les prélèvements de biens effectués pour les besoins privés normaux du chef d'une entreprise individuelle ne sont pas considérés comme des livraisons à soi-même imposables.

Les besoins privés normaux du chef d'entreprise s'entendent également des besoins des membres de la famille à la charge du redevable. Cependant, la dispense ne concerne ni les biens dont l'importance serait manifestement exagérée au regard du nombre de personnes vivant au foyer, ni les immeubles. S'agissant toutefois des immeubles, l'imposition n'est exigible que si la taxe afférente à l'acquisition de l'immeuble ou des biens et services acquis en vue de sa construction pouvait faire l'objet d'une déduction.

Par ailleurs, les prélèvements effectués au profit d'autres personnes, et notamment des dirigeants d'entreprises constituées en société, ne bénéficient pas de la dispense.

L'absence d'imposition des prélèvements bénéficiant de la dispense rend obligatoire la régularisation des déductions initialement opérées lors de l'acquisition des biens prélevés ou de celle des biens et services qui ont été nécessaires à leur fabrication.

3. Dons de marchandises et de matériels consentis à des organismes sans but lucratif, à vocation humanitaire, charitable et philanthropique.

12En application de l'article 257-8°-1-a du CGI, les entreprises assujetties à la TVA doivent procéder à la livraison à soi-même des biens qu'elles prélèvent dans leurs stocks pour les affecter à des fins autres que leurs besoins.

Cependant, certaines associations sans but lucratif, dont la gestion est désintéressée exportent des biens dans le cadre de leur activité humanitaire ou charitable. Outre le fait que ces associations peuvent acquérir ces biens en franchise de taxe (cf. DB 3 A 3251), il est admis de ne pas faire application des dispositions de l'article 257-8°-1-a du CGI et de l'article 221 de l'annexe II à ce code en cas de dons effectués aux mêmes fins.

Ainsi, les entreprises donatrices sont dispensées :

- d'imposer les dons consentis à des organismes sans but lucratif pour la réalisation d'une mission de caractère humanitaire, charitable et philanthropique à l'étranger ;

- de reverser la TVA effectivement déduite lors de l'acquisition des biens prélevés ou de biens et services qui ont été nécessaires à leur fabrication.

Le bénéfice de cette mesure est subordonné à la remise par les associations chargées de l'expédition des produits et matériels d'attestations visées par le service des Impôts, qui certifient que les biens sont destinés à être exportés et qui comportent l'engagement d'acquitter la TVA exigible au cas où l'exportation ne serait pas réalisée.

Ces dispositions sont applicables, quel que soit le pays étranger concerné.

Enfin, une décision du 4 janvier 1984 étend, sous certaines conditions, le régime prévu pour les dons à destination de l'étranger aux dons consentis en France à des fondations ou associations reconnues d'utilité publique présentant un intérêt général de caractère humanitaire, éducatif, social ou charitable.

Cette mesure est subordonnée à des conditions formelles identiques à celles retenues pour l'exportation des biens.

À cet effet, les organismes bénéficiaires des dons doivent délivrer aux entreprises des attestations dont ces dernières conservent un double. Ces attestations comportent les mentions suivantes :

- nom, adresse et objet de l'association ou fondation ;

- date du décret de reconnaissance d'utilité publique avec la référence au Journal officiel ;

- nom et adresse de l'entreprise donatrice ;

- inventaire détaillé des marchandises données.

Les entreprises donatrices conservent ces attestations à l'appui de leur comptabilité.