SOUS-SECTION 1 DOMAINE DE LA PROCÉDURE D'ÉVALUATION D'OFFICE
SOUS-SECTION 1
Domaine de la procédure d'évaluation d'office
1Les dispositions de l'article L. 74 du LPF sont susceptibles de s'appliquer à l'égard de tous les contribuables soumis à l'obligation de représenter certains documents à l'appui de leurs déclarations et lorsque la vérification de leur situation ne peut avoir lieu par suite d'opposition à contrôle fiscal.
Elles s'appliquent également en cas d'opposition à la mise en oeuvre du contrôle des comptabilités tenues au moyen de systèmes informatisés prévu à l'article L. 47 A du LPF (cf. DB 13 L 144 ).
A. CONTRIBUABLES CONCERNÉS
2Les dispositions de l'article L. 74 susvisé sont de portée générale : elles visent tous les contribuables auxquels la loi fait obligation de représenter des documents à l'appui de leurs déclarations.
Sont notamment visés à ce titre :
31. Les entreprises industrielles, commerciales et artisanales imposables, d'après leur bénéfice réel, normal ou simplifié, et qui, en vertu de l'article 54 du CGI, sont tenues de communiquer tous documents comptables de nature à justifier les résultats déclarés.
42. Les exploitants agricoles imposés d'après leur bénéfice réel, normal ou simplifié, soumis en vertu des articles 72 et 74 du CGI, aux mêmes obligations comptables que les entreprises industrielles ou commerciales.
53. Les contribuables exerçant une profession non commerciale et qui, placés sous le régime de la déclaration contrôlée, doivent communiquer les documents dont la tenue est prévue par les articles 99 et 100 du CGI (livre journal, comptabilité des titulaires de charges et offices).
64. Les contribuables exerçant une profession industrielle, commerciale ou artisanale et qui, soumis au régime des micro entreprises, en matière d'impôt sur le revenu ou de taxes sur le chiffre d'affaires, doivent tenir et présenter les documents, énumérés à l'article 50-0 du CGI (registre des achats et livre journal des recettes professionnelles appuyés des factures correspondantes) ainsi que les contribuables exerçant une profession non commerciale et placés sous le régime déclaratif spécial qui doivent tenir et présenter un document donnant le détail journalier de leurs recettes professionnelles (CGI, art. 102 ter).
75. Les personnes morales qui, soumises à l'impôt sur les sociétés, sont tenues aux obligations prévues à l'article 223 du CGI.
86. Les personnes assujetties aux taxes sur le chiffre d'affaires selon le régime du chiffre d'affaires réel, dont les obligations sont édictées, notamment, par les dispositions des articles 286 et suivants dudit code.
B. FORMES DE L'OPPOSITION À CONTRÔLE FISCAL
I. Principes
9Pour que la procédure de l'évaluation d'offiçe soit applicable, il faut que l'agent vérificateur s'étant présenté pour exercer son contrôle, ait été empêché d'accomplir sa mission soit du fait du contribuable, soit du fait de tiers.
10II n'est pas nécessaire que l'agent ait épuisé tous les moyens dont il dispose, notamment le recours à l'assistance de la force publique, pour mener à bien sa tâche. Il suffit, même si les documents comptables ont été mis à sa disposition, que les circonstances dans lesquelles se déroule la vérification ne permettent pas de procéder au contrôle dans des conditions normales.
11C'est ainsi que la procédure d'évaluation d'office est applicable, par exemple, lorsque la présence, même silencieuse, de nombreuses personnes crée, à l'endroit où s'effectue la vérification, ou dans les lieux voisins, un climat de tension nuisible à l'accomplissement normal de travaux d'expertise comptable.
12En outre, dès lors que les éléments, constitutifs des infractions dont il s'agit sont réunis, l'application de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du LPF n'est pas subordonnée à la constatation desdites infractions par le juge pénal ; ainsi la circonstance qu'une ordonnance de non-lieu aurait été rendue par ce dernier en faveur d'un contribuable poursuivi pour opposition à contrôle fiscal ne fait pas obstacle à ce que lé juge de l'impôt recherche si l'intéressé avait, ou non, empêché par son fait, le contrôle fiscal de s'exercer et, dans l'affirmative, prononce la validité de l'évaluation d'office opérée par le service (CE, arrêt du 6 mars 1961, req. n° 45970, RO, p. 310).
13Il est à noter, au surplus, que l'opposition au contrôle fiscal est, en principe, sanctionnée par les tribunaux correctionnels dans les conditions prévues aux articles 1737 du CGI, en ce qui concerne l'opposition à fonctions et 1746 au regard de l'opposition collective.
14Les circonstances dans lesquelles le service peut être amené à mettre en oeuvre ces procédures particulières sont précisées à la DB 13 N 431 .
Il est rappelé, à cet égard que, chaque fois qu'un agent de l'administration se heurte à une opposition à l'exercice de ses fonctions, il dresse, en principe, un procès-verbal d'infraction aux dispositions susvisées. Aucune règle spéciale n'est édictée pour l'établissement de cet acte. Celui-ci doit en conséquence être considéré comme ayant valeur légale dès l'instant qu'il a été dressé par un agent ayant compétence pour exercer le droit de vérification, qu'il relate de façon claire et précise les faits caractérisant l'infraction et qu'il est tant daté que signé par son rédacteur.
II. Applications
15Les décisions jurisprudentielles relatives à la définition des formes que peut revêtir l'opposition à contrôle fiscal sont rapportées, de manière détaillée à la DB 13 N 431 .
À titre d'exemples, on peut indiquer celles qui suivent.
1. Opposition du fait du contribuable.
16L'opposition individuelle à contrôle fiscal peut aller de la simple passivité à l'hostilité déclarée.
Ainsi a-t-il été jugé que le contrôle fiscal n'avait pu avoir lieu du fait du contribuable dès lors que ce dernier s'était borné :
- à être absent à la date où devait débuter la vérification, bien que régulièrement avisé du contrôle auquel il allait être soumis et à rester d'ailleurs absent plusieurs mois sans qu'il soit possible de le joindre (CE, arrêt du 7 décembre 1977, req. n° 3071, RJ n° IV, p. 53) ;
- à refuser de communiquer sa comptabilité (CE, arrêt du 18 avril 1966, req. n° 64964) ;
- à refuser de répondre aux convocations des agents vérificateurs (Cass. crim., arrêt du 19 janvier 1966, affaire X... , RJCI n° 3, p. 13) ;
- à retarder, par des manoeuvres dilatoires, la reprise d'une vérification de comptabilité précédemment interrompue et dont il avait été dûment averti que la durée ne pouvait excéder trois mois, alors qu'il était le seul à pouvoir communiquer au vérificateur la comptabilité de son activité professionnelle (CE, arrêt du 19 mars 2001, n° 196880).
De même, sont constitutifs de l'infraction d'opposition individuelle à fonctions des agents prévue à l'article 1737 du CGI et par suite, peuvent donner lieu à évaluation d'office des bases d'imposition :
- la fermeture, par un contribuable, de son établissement le jour prévu pour la vérification de sa comptabilité, sous le couvert d'une grève de commerçants alors que cette grève était organisée à seule fin de permettre à l'intéressé de se soustraire au contrôle envisagé (tribunal de Sarlat, arrêt du 20 décembre 1956, RO, p. 256) ;
- le fait, par un redevable régulièrement avisé du contrôle projeté, de fermer-la porte de son domicile, sans avoir donné de motif de son absence ni avoir pris de mesure pour permettre aux agents de procéder audit contrôle (Cass. crim., arrêt du 9 décembre 1959, RJCI n° 97, p. 290) ;
- l'attitude d'un contribuable qui, en réponse à un avis de vérification de comptabilité, se borne à indiquer qu'il a cessé son activité, puis, après plusieurs mises en demeure de produire sa comptabilité, se contente de signaler le nom de son ancien comptable dont il ne précise pas l'adresse (CE, arrêt du 15 juin 1987, n° 48864).
2. Opposition du fait de tiers.
17L'opposition collective à contrôle fiscal est caractérisée dès lors qu'une ou plusieurs personnes étrangères à l'entreprise vérifiée s'opposent au déroulement normal du contrôle ou font en sorte de l'empêcher. Il n'est pas nécessaire qu'elle se traduise par des actes hostiles.
C'est ainsi que les dispositions de l'article L. 74 du LPF ont été jugées applicables en cas de manifestation devant l'établissement d'un contribuable, en l'absence de tous actes de violence ou de voies de fait, et malgré l'attitude calme, mais ferme, des manifestants (Cour d'appel de Paris, arrêt du 23 mai 1956, RO, p. 247).
18A fortiori, l'opposition à contrôle fiscal du fait de tiers est suffisamment caractérisée :
- par la présence sur les lieux de tiers hostiles (CE, arrêt du 11 mai 1964, req. n° 60372) ;
- ou encore lorsque les agents de l'administration n'ont pas été en mesure de poursuivre l'examen des documents comptables en raison du trouble occasionné par des manifestations extérieures du bruit fait intentionnellement à l'intérieur du magasin par de prétendus clients, et des actes hostiles dont lesdits agents ont été l'objet (CE, arrêt du 31 janvier 1962, req. n° 5267, RO, p. 25).
3. Portée de la distinction entre opposition individuelle et opposition collective au contrôle fiscal.
19Aux termes de l'article L. 74 du LPF, l'évaluation d'office des bases d'imposition est encourue, que l'empêchement à contrôle soit, indifféremment, le fait du contribuable ou celui de tiers. Cette disposition, qui peut paraître a priori sévère pour le contribuable vérifié, se justifie aisément si on observe qu'en la matière l'intéressé est pratiquement responsable de l'intervention des tiers. Il est bien évident, en effet, que, dès l'instant où seul le contribuable a été personnellement avisé du jour et de l'heure auxquels l'agent de l'administration se proposait de procéder au contrôle, toute manifestation ou opposition de la part de tiers ne peut avoir lieu que sur l'initiative ou l'indiscrétion volontaire de l'intéressé lui-même, ainsi que l'observe incidemment le Conseil d'État dans les deux décisions précitées en date des 31 janvier 1962, req. n° 52367 et 11 mai 1964, req. n° 60372.
20En revanche, au plan des sanctions applicables, cette distinction est essentielle.
C'est ainsi que l'opposition individuelle à fonction des agents est punie, aux termes de l'article 1737 du CGI, d'une amende fiscale de 75 € à 7 500 €, prononcée par le tribunal correctionnel, cette amende étant indépendante de l'application des autres pénalités prévues par les textes en vigueur, toutes les fois que l'importance de la fraude peut être évaluée (cf. DB 13 L 1543 ).
L'opposition collective à l'établissement de l'assiette de l'impôt est punie de six mois d'emprisonnement et de 7 500 € d'amende (CGI, art. 1746-2).
4. Opposition à la mise en oeuvre du contrôle des comptabilités tenues au moyen de systèmes informatisés (LPF, art. L. 47 A ; cf. DB 13 L 144 ).
21Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements.
22Ce contrôle des comptabilités tenues au moyen de systèmes informatisés est mis en oeuvre à l'initiative des agents de l'administration selon trois modalités :
- par les agents de l'administration fiscale sur le matériel de l'entreprise ;
- par le contribuable sur le matériel de l'entreprise, sous le contrôle de l'administration ;
- par des agents de l'administration fiscale sur du matériel n'appartenant pas au contribuable vérifié.
23La non-présentation des informations, données et traitements informatiques, ainsi que de la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements constitue une opposition à contrôle fiscal au sens de l'article L. 74 du LPF lorsque l'attitude du contribuable s'analyse comme un refus de contrôle. Dans ce cas, les bases d'imposition sont évaluées d'office.
Cette procédure trouve également à s'appliquer lorsque le contribuable refuse d'opter pour l'une des trois modalités de contrôle prévues à l'article L. 47 A du même livre (cf. ci-dessus n° 22 ).