Date de début de publication du BOI : 01/07/2002
Identifiant juridique : 13L146
Références du document :  13L146

SECTION 6 CONTRÔLE DES PRIX DE TRANSFERT

SECTION 6

Contrôle des prix de transfert

1La fixation du prix de transfert des transactions conclues au sein d'entreprises multinationales ne résulte pas, nécessairement, comme pour les entreprises indépendantes, des règles du marché. En effet, d'autres considérations internes au groupe peuvent intervenir et influer sur la répartition des résultats entre les pays concernés par les transactions.

2Pour l'administration, il est donc nécessaire d'avoir les moyens, notamment juridiques, pour apprécier la normalité des prix de transfert.

À cet effet, l'article 39 de la loi n° 96-314 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier du 12 avril 1996, codifié à l'article L. 13 B du LPF, instaure, dans le cadre de la vérification de la comptabilité des entreprises, la possibilité, pour l'administration, de demander, selon une procédure spécifique écrite, des informations juridiques, économiques, fiscales, comptables, méthodologiques sur les modalités selon lesquelles a été défini le prix des transactions entre une entreprise et des entreprises situées à l'étranger.

Sous réserve du respect de ses conditions de mise en oeuvre, le recours à cette procédure n'intervient que si, au cours du débat oral et contradictoire, l'entreprise n'a pas fourni les informations demandées par l'administration et relatives aux opérations intra-groupes.

3L'article L. 13 B du LPF induit donc une obligation de coopération entre l'entreprise et l'administration en matière de documentation sur les prix de transfert.

Cette obligation se réfère aux principes directeurs du Chapitre V du rapport de l'OCDE de juillet 1995 (« Principes applicables en matière de prix de transfert à l'intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales ») et apporte, en fixant de manière limitative le domaine de la demande, une sécurité pour les entreprises.

En cas de défaut de réponse à la demande faite, l'administration peut évaluer dans le cadre de la procédure contradictoire, les bases d'imposition de l'entreprise à partir des éléments dont elle dispose (3ème alinéa de l'article 57 du CGI) et l'entreprise est soumise à une amende fiscale forfaitaire (article 1740 nonies du CGI).

4Les dispositions de l'article L. 13 B du LPF et les commentaires ci-dessous s'appliquent aux contrôles engagés à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 publiée au Journal Officiel de la République Française du 13 avril 1996.

  A. LE RECOURS À LA PROCÉDURE SPÉCIALE DE L'ARTICLE L. 13 B DU LPF

  I. Conditions de mise en oeuvre

1. Une vérification de comptabilité doit être engagée.

5Une interrogation d'une entreprise sous couvert de l'article L. 13 B du LPF ne peut intervenir que dans le cadre d'une vérification de comptabilité, générale, ponctuelle ou simple, commencée par l'envoi d'un avis de vérification (article L. 47 du LPF).

Elle concerne toutes les entreprises, quelle que soit leur forme juridique, imposables en France à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés, astreintes à tenir et à présenter des documents comptables en vertu des dispositions de l'article L. 13 du LPF.

6Il demeure toutefois possible au service d'adresser à tout moment une demande de renseignements ou de documents (exemples : demande de transmission d'un rapport annuel, demande d'organigramme d'un groupe) mais une démarche de ce type est non contraignante et ne saurait être confondue avec la précédente.

2. Le recours à la procédure n'est ni obligatoire, ni systématique.

Le recours aux dispositions de l'article L. 13 B du LPF n'est pas utilisé systématiquement comme instrument de contrôle des opérations internationales.

7Dans les faits, la formulation d'une demande visée à l'article L. 13 B du LPF, ne pourra intervenir, sauf circonstances exceptionnelles, dès la première intervention sur place.

La démarche de contrôle des prix de transfert nécessite en effet des investigations longues et approfondies. Ce n'est qu'en l'absence d'explications suffisantes de la part de l'entreprise que le recours à la procédure sera envisagé.

D'une manière générale, l'entreprise peut apporter, lors d'un contrôle, toute information, même non requise par l'administration ou non couverte par les dispositions de l'article L. 13 B du LPF, dès lors que ces informations sont utiles à l'examen et à la compréhension des situations.

8Dans la majorité des cas, plusieurs interventions seront nécessaires pour permettre au vérificateur d'apprécier les circonstances de dépendance au sens de l'article 57 du CGI et les éventuelles anomalies présentées par les opérations intra-groupes ou internationales. Les demandes invitent l'entreprise à « préciser » les points énumérés aux 1° à 4° de l'article L. 13 B du LPF, ce qui implique naturellement une première approche dans le cadre du débat oral et contradictoire habituel.

9Ce n'est qu'à l'issue d'un débat oral et contradictoire au cours duquel l'entreprise n'aura pas fourni les informations nécessaires au contrôle des prix de transfert et à la compréhension des structures, des activités et des choix économiques et fiscaux opérés en la matière, que les dispositions de l'article L. 13 B du LPF sont mises en oeuvre par le service vérificateur.

10Le fait pour une entreprise d'accorder sa coopération au service vérificateur et, le cas échéant, de répondre aux demandes qui lui sont faites en application de l'article L. 13 B du LPF, n'exclut bien entendu pas qu'elle se voie notifier un redressement en application de l'article 57 du CGI.

11Lors d'une vérification, l'administration peut mettre en oeuvre plusieurs fois, si nécessaire, la procédure prévue à l'article L. 13 B du LPF. Toutefois, il conviendra de privilégier, dans toute la mesure du possible, le recours à une seule demande.

3. L'administration doit avoir réuni des éléments faisant présumer qu'une entreprise a opéré un transfert de bénéfices au sens de l'article 57 du CGI.

12En raison de la référence aux dispositions de l'article 57 du CGI, la procédure ne peut être mise en oeuvre qu'à l'égard des entreprises susceptibles :

- soit d'être sous la dépendance ou de posséder le contrôle d'entreprises situées hors de France, soit d'être sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France et d'avoir transféré indirectement des bénéfices à ces entreprises situées hors de France ;

- soit d'avoir procédé à un transfert de bénéfice vers des entreprises établies dans un État étranger ou dans un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens du deuxième alinéa de l'article 238 A du CGI sans que le lien de dépendance ne doive être démontré.

13Le premier alinéa de l'article L. 13 B du LPF qui dispose notamment que l'administration doit avoir réuni des éléments faisant présumer qu'une entreprise a opéré un transfert de bénéfices a pour objet de « prévenir un emploi immédiat et systématique du dispositif. Ce n'est que si le dialogue avec l'entreprise ne permet pas d'accéder à l'information que le dispositif est mis en oeuvre » (JO Débats Sénat, séance du 21 mars 1996, p. 1609).

Mais « il ne s'agit pas de mettre une barrière à des demandes d'informations, ce qui résulterait d'une demande de motivation » (ibid.).

Le législateur a clairement écarté l'obligation pour l'administration de motiver sa demande lorsqu'elle l'adresse à l'entreprise en considérant qu'une telle exigence serait disproportionnée pour une demande de renseignements.

En effet, s'agissant d'une présomption, il ne pourra être exigé de l'administration qu'elle possède les informations objet de la demande et qu'elle se trouve obligée de démontrer au préalable le caractère anormal des opérations dont elle souhaite apprécier la normalité.

14La présomption d'un transfert de bénéfices au sens de l'article 57 du CGI n'oblige donc pas l'administration à être en possession, au moment de la demande, des éléments nécessaires à la mise en oeuvre de cet article.

15Les éléments qu'il convient de réunir pour présumer un transfert indirect de bénéfices résultent des circonstances de fait et de droit, propres à chaque vérification. Il s'agira pour le service vérificateur de réunir les renseignements et informations nécessaires à l'établissement de cette présomption dans le cadre de la période de vérification qui précède l'éventuelle mise en oeuvre de la procédure de l'article L. 13 B du LPF.

À cet égard, il conviendra notamment que des indices :

- sur les liens de dépendance juridique ou de fait (organigrammes, données publiques, éléments déclaratifs, contrats, actes de sociétés ou toutes autres informations de cette nature) ; ou, sur le caractère privilégié du régime fiscal de l'entreprise établie à l'étranger (informations générales et publiques sur le régime, etc.) ;

- et sur la normalité des transactions (différences de prix ou modifications significatives de prix, de taux de redevances ; avances non rémunérées ou faiblement rémunérées ; conditions de paiement différentes des normes habituelles ; rabais, remises, surcoûts, subventions, aides, abandons non expliqués ; charges indûment supportées, etc.) ; permettent de présumer, en l'absence d'explications claires et utiles à la compréhension de la formation des prix ou des opérations contrôlées, qu'un transfert indirect de bénéfices est susceptible d'exister.

16En revanche, l'administration devra, le moment venu, devant le juge de l'impôt, être en mesure de fournir les éléments qu'elle avait réunis, de nature à faire présumer un transfert de bénéfice.

17La nature même des demandes formulées en application de l'article L. 13 B du LPF, qui doivent, conformément à l'avant-dernier alinéa de cet article, être précises, éclaire les éléments à l'origine des présomptions de l'administration.

  II. Les modalités de mise en oeuvre

1. Forme et envoi des demandes.

18Les demandes écrites sont signées par l'agent des impôts ou, en cas de pluralité, par l'un des agents des impôts, chargé de la vérification de la comptabilité de l'entreprise.

Elles sont adressées au contribuable par lettre recommandée avec accusé de réception ou remises au contribuable en main propre ou à une personne mandatée contre un accusé de réception.

La demande mentionne les années concernées et fait référence au dispositif et aux conséquences liées à sa mise en oeuvre.

2. Les délais de réponse.

19Les demandes précisent à l'entreprise vérifiée le délai de réponse qui lui est ouvert. Ce délai a pour point de départ la date de réception ou la remise au contribuable de la demande d'informations. Il ne peut être inférieur à deux mois.

Le délai de réponse expire à la fin du jour du deuxième mois portant le même quantième que celui de son point de départ. Le décompte du délai sera effectué selon les mêmes règles que celles exposées dans la DB 5 B 8113, n° 25 visées à l'article L. 16 du LPF concernant les demandes d'éclaircissements ou de justifications.

20Durant cette période de deux mois, le contribuable peut, par une demande écrite et motivée solliciter, en précisant la durée, une prorogation de ce délai, qui dans tous les cas ne pourra excéder au total une durée de trois mois.

Dans cette hypothèse, il incombe au service d'apprécier s'il accorde un délai complémentaire et d'informer le contribuable, selon les modalités définies ci-dessus (cf. n° 18 ), de la décision retenue, en lui indiquant, dans l'affirmative, la date d'expiration du délai complémentaire accordé.

Dans la négative, le contribuable est informé, selon les modalités définies au n° 18, du refus du report de délai. Il lui appartient alors de répondre dans le délai initial imparti.

Le service appréciera avec réalisme la motivation de l'entreprise. Les demandes de nature dilatoire seront rejetées.

  III. Les modalités de réponse

1. Forme et contenu des réponses.

21Les réponses signées par le contribuable ou toute personne dûment habilitée sont remises directement contre un accusé de réception ou bien adressées par voie postale au service vérificateur. L'entreprise peut communiquer tous les éléments ou documents qu'elle estime être de nature à répondre à la demande.

Les documents rédigés dans une langue étrangère sont accompagnés d'une traduction en français, conformément aux dispositions de l'article L. 123-22 du code de commerce et de l'article 54 du CGI, ou de tout moyen destiné à permettre leur entière compréhension en français.

22Il va de soi que ces réponses ne prennent leur plein effet que lorsqu'elles interviennent dans le délai fixé selon les modalités décrites ci-dessus.

2. Défaut de réponse.

23Il y a défaut de réponse lorsque l'entreprise n'a pas répondu dans le délai précisé dans la demande ou dans le délai régulièrement prorogé.

Dans ce cas, il n'y a pas lieu d'adresser à l'entreprise une mise en demeure (voir n os25 et 26 ) et l'administration évalue les bases d'imposition concernées par la demande à partir des éléments dont elle dispose, en suivant la procédure contradictoire prévue aux articles L. 57 à L. 61 du LPF (troisième alinéa de l'article 57 du CGI).

Le fait que les éléments nécessaires à la réponse ne soient pas à la disposition de l'entreprise avant la réception de la demande ne la dispense pas de se procurer ceux-ci.