Date de début de publication du BOI : 01/07/2002
Identifiant juridique : 13L1331
Références du document :  13L133
13L1331

SECTION 3 RELATIONS ENTRE L'ADMINISTRATION ET LES USAGERS

SECTION 3

Relations entre l'administration et les usagers

1Le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 vise à accorder des garanties aux administrés, à assurer plus de transparence et d'ouverture aux services administratifs. Il s'inscrit dans le cadre de la recherche de l'amélioration des relations avec le public dont les modalités doivent être recherchées même en l'absence d'obligations légales ou réglementaires.

Cependant, ce décret ne se substitue pas aux normes supérieures ou spécifiques en vigueur dans chaque matière, et en particulier, ne déroge pas aux dispositions législatives du livre des procédures fiscales.

2Aussi, lorsque le législateur avait expressément prévu des règles propres aux procédures fiscales, en écartant notamment certains principes contenus dans le décret, ce dernier ne saurait déroger aux textes spéciaux ni modifier leur champ d'application.

De même, lorsqu'une disposition législative est venue préciser une procédure fiscale après l'entrée en vigueur du décret, cette norme supérieure s'applique dès sa publication et rend caduque la procédure prévue par le décret du 28 novembre 1983 qui n'avait vocation à s'appliquer que dans l'attente d'une législation spécifique.

3La loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations poursuit les objectifs du décret du 28 novembre 1983, notamment en renforçant la transparence de l'action administrative.

4Les dispositions des textes précités ayant des incidences sur l'exercice du droit de contrôle et du pouvoir de redressement 1 , mis en oeuvre par l'administration fiscale, sont exposées dans trois sous-sections relatives :

- aux principes d'égalité devant la loi et de légalité (DB 13 L 1331 ) ;

- au fonctionnement des organismes consultatifs placés auprès des autorités de l'État et de ses établissements publics administratifs (DB 13 L 1332 ) ;

- à la levée de l'anonymat et à la détermination de la date d'accomplissement d'une formalité (DB 13 L 1333 ).

SOUS-SECTION 1

Application des principes d'égalité devant la loi et de légalité

  A. FACULTÉ DE SE PRÉVALOIR DES INSTRUCTIONS ADMINISTRATIVES

1L'article 1er du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 dispose que tout intéressé est fondé à se prévaloir, à l'encontre de l'administration, des instructions, directives et circulaires publiées dans les conditions prévues à l'article 9 de la loi du 17 juillet 1978, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux lois et règlements.

Au regard des règles applicables en matière fiscale, l'article 1er du décret peut donc faire double emploi avec'le 2e alinéa de l'article L. 80 A du LPF (cf. DB 13 L 1323, n os6 et suivants ) qui autorise déjà les contribuables à se prévaloir de l'interprétation d'un texte fiscal que l'administration a fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées.

Toutefois, le champ d'application du décret est à la fois plus large puisqu'il vise les procédures administratives et plus étroit puisque l'administré ne peut pas se prévaloir d'une interprétation contraire aux lois et règlements.

  I. L'instruction, la directive ou la circulaire doit avoir été publiée au « Bulletin officiel des impôts »

2L'article 1er vise les instructions, directives ou circulaires publiées dans les conditions prévues par l'article 9 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 c'est-à-dire, comportant une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives et émanant de la Direction générale des impôts et portant la dénomination « Bulletin officiel des impôts ».

Les circulaires ou instructions émanant d'autres administrations, qui comportent des commentaires de la législation fiscale ne sont donc pas visées par le décret.

De même, sont notamment exclues du champ d'application du décret :

- les notes et réponses ministérielles, lorsqu'elles ne sont pas publiées au « Bulletin officiel des impôts » (CAA Paris, 21 novembre 1991, n° 2836) 2  ;

- la Documentation de base laquelle ne correspond pas à la définition d'un « Bulletin officiel » 3 .

La circulaire ou l'instruction qui peut être invoquée est celle qui est en vigueur :

- à la date du fait générateur juridique de l'imposition lorsqu'elle contient une interprétation d'un texte fiscal (CE, 18 mars 1988, n° 73693, Plénière) ;

- à la date de la notification de la décision ou de l'acte auquel elle s'applique lorsqu'elle contient une description d'une procédure administrative.

Il est rappelé à cet égard que la doctrine administrative ne peut être invoquée pour une période antérieure à son entrée en vigueur et que la précision de son application aux litiges en cours constitue une recommandation (CE, 27 mai 1987, n° 60053).

  II. L'instruction ou la circulaire doit avoir fait l'objet d'une diffusion destinée aux contribuables

3Par un arrêt de section rendu en cassation le 5 juillet 1991 (req. n° 107258 ; DB 13 L 1323, n° 12 ), le Conseil d'État a jugé que les documents internes à l'administration qui n'ont pas fait l'objet d'une diffusion destinée aux contribuables, ne peuvent être regardés comme comportant une interprétation formelle d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 A du LPF.

Cette décision est fondée sur l'idée que seuls les documents que l'administration a eu l'intention de porter à la connaissance des contribuables peuvent être invoqués par ceux-ci.

Ce principe exclut donc du champ d'application de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 les publications destinées aux seuls agents du service, notamment les notes de diffusion administrative et celles commentant l'organisation ou la conduite et l'orientation pratique de l'action administrative.

  III. L'instruction ou la circulaire ne doit pas être « contraire aux lois et règlements »

4Aux termes mêmes du décret, la possibilité d'invoquer des instructions, directives et circulaires est limitée à celles qui « ne sont pas contraires aux lois et règlements ».

Cette formule englobe les principes généraux du droit ou ayant valeur constitutionnelle ainsi que les normes supérieures internationales résultant notamment du droit communautaire.

Selon la jurisprudence, sont « contraires à la loi », non seulement les instructions qui auraient pour effet de restreindre le champ d'application d'une disposition législative ou réglementaire, mais également celles qui, à titre d'interprétation d'une disposition ou par mesure de bienveillance, modifieraient ou étendraient le champ d'application strict de la norme législative ou réglementaire ou encore, feraient obstacle à l'application de cette norme.

5La notion d'instruction « contraire à la loi » est donc plus large et ne se confond pas avec l'illégalité.

Il a été ainsi jugé qu'étaient « contraires à la loi » :

- une instruction qui préconise de ne pas rejeter comme irrecevable une réclamation non signée et qui ferait ainsi obstacle à l'irrecevabilité prévue par la loi (irrecevabilité prévue par l'article R* 197-3 du LPF dans sa rédaction antérieure au décret n° 85-1049 du 26 septembre 1985) [CE, 16 juin 1986, n° 49301 et CE, 27 juillet 1988, n° 67168] ;

- une instruction par laquelle l'administration invite ses agents à limiter leur droit de compensation devant les juges et qui serait, en conséquence, contraire à l'article 1955 du CGI (actuellement article L. 203 du LPF) [C.E. 4 novembre 1988, n° 61185] ;

- une instruction qui admet qu'une demande de rattachement d'un enfant majeur puisse être faite après expiration du délai de déclaration, cette faculté étant contraire à l'article 6-2 bis 2° du CGI (CE, 18 novembre 1988, n° 74383 et CAA Lyon, 28 novembre 1990, n° 857) ;

- une instruction qui préconise la motivation de l'intérêt de retard, alors que celui-ci ne constitue pas une sanction (cf. DB 13 L 161, n° 2 et arrêts CAA Paris, 31 janvier 1991, n° 2797, 19 février 1991, n° 2537 et 18 juillet 1991, n° 2247) ;

- une instruction qui recommande d'adresser une mise en demeure avant taxation d'office en matière de TVA (CAA Bordeaux, 13 juin 1991, n° 364) ;

- la note n° 442 du 23 mars 1928 et l'instruction 13 L-12-75 du 3 novembre 1975 qui sont illégales dans la mesure où elles ont pour objet d'interdire des redressements en matière de TVA à l'encontre des contribuables qui entrent dans les cas de figure qu'elles décrivent (CAA Paris, 24 décembre 1991, n° 342) ;

- l'instruction du 18 juin 1976 (BODGI 13 L-9-76) concernant l'interlocuteur départemental dès lors qu'elle institue une procédure non prévue par le livre des procédures fiscales et qu'en outre, son auteur n'avait pas compétence pour l'instituer (CAA Paris, 9 avril 1992, n° 480 et CAA Paris, 16 juin 1992, n° 963) ;

- l'instruction du 4 mai 1987 (BOI 13 L-2-87) en ce qu'elle fixe l'entrée en vigueur du nouveau délai de reprise institué par la loi n° 86-824 du 11 juillet 1986 non pas, comme le prévoit la loi, en fonction de la date d'envoi ou de remise de l'avis de vérification mais en fonction de la date de la première intervention (CAA Bordeaux, 15 février 1991, n° 1464) ;

- l'instruction du 4 juin 1984 commentant le décret du 28 novembre 1983, dans la mesure où elle fait entrer dans le champ d'application de l'article 8 du décret les notifications d'imposition d'office, alors que les articles L. 76 et L. 76 A du Livre des Procédures Fiscales écartent expressément le droit de présenter des observations avant l'engagement de la procédure contentieuse (CAA Nantes, 15 novembre 1989, n° 002 et CE, CAPC 4 , 29 juin 1990, n° 112907 ; CAA Paris, 28 mars 1991, n° 2 414 et CAA Nantes, 22 janvier 1992, n° 636).

6 Il y a donc lieu de considérer comme contraires à la loi et donc exclues du champ d'application de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 :

- les instructions, directives ou circulaires qui édicteraient des dispositions restreignant le champ d'application d'une disposition législative ou réglementaire. Selon une jurisprudence constante, de telles instructions ont d'ailleurs un caractère réglementaire et sont illégales ;

- les instructions, directives ou circulaires qui édictent des mesures de bienveillance ou de tempérament ;

- les instructions, directives ou circulaires qui organisent ou commentent des procédures administratives qui ne trouvent leur origine dans aucun texte législatif ou réglementaire ;

- les recommandations de l'administration ;

- les directives d'ordre interne et les mesures d'exécution du service qui n'ont pas pour objet de régler les rapports entre l'administration et les contribuables.

7Ces instructions, directives ou circulaires ne peuvent être invoquées sur le fondement de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983.

En revanche, lorsqu'elles peuvent être considérées comme contenant une interprétation formelle d'un texte fiscal, même contraire à la loi, ces instructions peuvent être invoquées sur le fondement de l'article L. 80 A du LPF.

Il est rappelé que cet article ne permet pas d'invoquer les instructions commentant ou interprétant les règles de procédure ou la doctrine administrative elle-même (CE, 24 juin 1987, n° 48158, Plénière). Il ne concerne pas, non plus, les documents internes à l'administration qui n'ont pas fait l'objet d'une diffusion destinée aux contribuables (CE, 5 juillet 1991, n° 107258, Section).

Par ailleurs, une instruction contraire à la loi ne peut donner une base légale à l'impôt, même si dans certains cas, les contribuables peuvent l'invoquer sur le fondement de l'article L. 80 A du LPF (CE, 12 juin 1987, n° 41369 ; CE, 7 octobre 1987, n° 66210 ; CE, 30 novembre 1988, n° 54327).

  IV. L'instruction ou la circulaire ne peut être invoquée que par un contribuable « intéressé »

8Le contribuable doit être intéressé c'est-à-dire être directement concerné par les dispositions de l'instruction dont il se prévaut.

Ainsi, un contribuable n'est pas recevable à invoquer une instruction qui prévoit que la réponse à une demande de justifications effectuée sur le fondement de l'article L. 16 du LPF qui contient des éléments chiffrés vérifiables ne peut être assimilée à un défaut de réponse (BODGI 13 L-4-75), lorsque, pour sa part, il n'a fourni aucun élément chiffré vérifiable (CAA Paris, 20 avril 1991, n° 464).

Il ne peut non plus invoquer une instruction relative à la procédure contradictoire lorsqu'il se trouve en situation de taxation d'office (CAA Paris, 20 avril 1991, n° 1869) 5 .

Remarque importante.

9Lorsqu'une recommandation sur un texte fiscal ou une règle de procédure est prévue par l'administration, celle-ci vise à améliorer l'application des textes et les relations avec les contribuables. Elle doit donc être respectée par les agents chargés d'appliquer ces dispositions.

Mais en aucun cas, cette mesure, et c'est le sens de la jurisprudence citée ci-dessus, ne peut être invoquée sur le fondement du décret du 28 novembre 1983, pour faire échec au bon déroulement des procédures de contrôle telles qu'elles sont définies par le législateur ou pour obtenir, au contentieux, le dégrèvement d'impositions légalement établies.

1   La loi du 12 avril 2000 définit également, dans ses articles 18 à 24, le régime des décisions prises par les autorités administratives. Ces dispositions reprennent ou étendent celles prévues par le décret du 28 novembre 1983 en matière de procédure administrative non contentieuse.

Corrélativement, les articles 4 à 8 du décret du 28 novembre 1983 ont été abrogés par le décret n° 2001-492 du 6 juin 2001.

2   La réponse ministérielle Couste, publiée au Journal Officiel du 29 novembre 1978, selon laquelle l'emport irrégulier de documents vicie la procédure de vérification même en cas de taxation d'office est contraire à la loi car elle limite la liberté d'appréciation du juge de l'impôt sur les conséquences des irrégularités de procédure (CAA Paris, 28 février 1991, n° 1878).

3   Le principe d'équivalence posé par le Conseil d'État dans l'arrêt du 4 juillet 1986 (n° 47410, Plénière) en ce qui concerne la notion d'interprétation d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 A du LPF que ce soit dans un « Bulletin officiel des impôts » ou dans la Documentation de base ne s'applique pas pour l'article 1er du décret du 28 novembre 1983.

4   Commission d'admission des pourvois en cassation.

5   Une instruction qui recommande au service de saisir la commission départementale lorsque l'irrecevabilité de la demande de saisine de cette commission présentée par le contribuable tient exclusivement au fait que le désaccord porte sur une question de droit ne peut être invoquée lorsque le litige porte sur une matière qui ne relève pas de la compétence matérielle de la commission (CAA Lyon, 17 octobre 1990, n° 696).